Rouge baltic - Pat Cartier - E-Book

Rouge baltic E-Book

Pat Cartier

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Beschreibung

Gunilla Lundberg, la très influente dirigeante de son imposant groupe suédois de médias, défraie la chronique : elle n'est pas réapparue depuis son escapade en bateau, accompagnée de son amant du moment, dans l'Archipel au large de Stockholm. Son mari, Björn, séparé d'elle depuis peu, est l'objet de soupçons dans toute la ville.Il s'adjoint d'urgence les services du sympathique détective français Tom Randal, dont il avait déjà entendu parler. Dès le premiers jours de son enquête sur place, Tom, assisté de Lotta, la (trop) ravissante collaboratrice de Gunilla, est confronté à un déchainement de violences, tant dans la capitale que dans les îles proches de l'Archipel, d'habitude si paisibles. Comment sortir indemne de ce combat mortel ?

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Veröffentlichungsjahr: 2021

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« Tirez sans sommation ! »

A Tom et Maggan

Sommaire

CHAPITRE 1

CHAPITRE 2

CHAPITRE 3

CHAPITRE 4

CHAPITRE 5

CHAPITRE 6

CHAPITRE 7

CHAPITRE 8

CHAPITRE 9

CHAPITRE 10

CHAPITRE 11

CHAPITRE 12

CHAPITRE 13

CHAPITRE 14

CHAPITRE 15

CHAPITRE 16

CHAPITRE 17

CHAPITRE 18

CHAPITRE 19

CHAPITRE 20

CHAPITRE 21

CHAPITRE 22

CHAPITRE 23

CHAPITRE 24

CHAPITRE 25

CHAPITRE 26

CHAPITRE 27

CHAPITRE 28

CHAPITRE 29

CHAPITRE 30

CHAPITRE 31

CHAPITRE 1

— Je vous écoute, monsieur Stenson.

— Tout d’abord, monsieur Randal, merci de me recevoir ainsi, sans rendez-vous, dans vos bureaux de la rue de l’Odéon. Mon nom est Björn Stenson, je suis suédois, mon épouse a disparu depuis deux jours.

— Diable ! … murmure Tom Randal, légèrement surpris par l’entame de la discussion. Au fait, excusez-moi, dit-il tout en se tournant vers sa secrétaire dans la pièce d’à côté : « Twiggy, tu voudrais bien venir, je crois qu’il va falloir prendre des notes ».

Twiggy, l’impétueuse secrétaire de Tom, entre dans son bureau, vêtue d’une jupe plutôt minimaliste et d’un chemisier blanc trop sage boutonné jusque sous le menton. Tom la complimente pour sa coiffure , tandis qu’elle s’installe sur une chaise à côté de lui, en tirant pour la forme sur sa jupe qui s’était un peu retroussée.

Tom Randal a l’air reposé après les quelques semaines de congés qu’il s’est octroyées pour récupérer de la fin éprouvante de sa dernière enquête.

A trente-trois ans, avec ses cheveux bouclés, ses lunettes rondes et son allure sportive, il a ce côté juvénile qui déroute parfois les clients cherchant à être rassurés par une expérience professionnelle qui se lirait directement sur les rides ou cicatrices du visage d’un détective.

N’attendant pas de client ce matin, il est plutôt habillé en tenue de weekend , pull en laine et pantalon de velours. La météo est à la pluie en ce lundi de début avril.

Une fois Twiggy installée, Tom se retourne vers Björn :

— Vous disiez à propos de votre épouse ?

— Elle est très connue en Suède, reprend Björn sans relever, elle s’appelle Gunilla Lundberg, nous vivons séparés depuis un bon moment. Si la situation doit s’aggraver je serai forcément le premier suspect, je n’aurai personne pour m’aider ou me défendre, c’est pourquoi je voudrais vous engager comme détective dans le but de retrouver mon épouse au plus vite et, si elle a été enlevée, de débusquer les malfaiteurs.

— D’où me connaissez-vous ?

— J’ai côtoyé Ingmar Lundqvist pendant mes études et dans mon travail ensuite, il était très introduit dans les milieux d’affaires. Son assassinat précisément ici dans vos locaux, a fait à l’époque l’objet de nombreux articles de presse chez nous, votre nom a été cité, votre enquête aussi, vous êtes connu en Suède !

— Qu’est-ce qui vous fait croire que la disparition de votre femme n’est pas simplement un désir de se mettre au vert, suggère Tom Randal s’interrogeant sur sa propre fibre écologique.

— Elle est partie, il y a deux jours, de Stockholm vers midi avec Mats Hellman, son amant actuel, vers l’île de Korsö où lui possède une petite maison. C’est une information qui me vient d’une collègue de travail de ma femme, depuis, pas de nouvelles, ils ne sont plus dans cette île, qui fait partie de l’Archipel, ni dans l’île proche de Runmarö où Gunilla, est propriétaire d’une grande demeure.

— De quel archipel parlez-vous ?

— A l’est de Stockholm, à environ quarante kilomètres, la côte laisse place à un chapelet de plusieurs dizaines de milliers d’îles, des grandes jusqu’à des minuscules. Sandhamn est la plus connue, la plus touristique. Cet Archipel, nous l’appelons, en suédois « skärgården », le jardin des petites îles.

— Poétique ! pour en revenir à Gunilla Lundberg, pourquoi disiez-vous qu’elle est très connue ?

— Ses parents possèdent des journaux et deux chaines de télévision, c’est elle qui fixe la ligne éditoriale du groupe, qui s’appelle LNS, Lundberg News Sweden, elle fait beaucoup de politique, elle est très influente, certains la surnomment « Gun »….

— Diable ! quelle serait précisément ma mission? avance Tom avec une moue dubitative.

— Je voudrais que vous meniez l’enquête pour éclaircir sa disparition. J’ai pris ce matin très tôt un vol Stockholm-Paris pour venir vous voir ici à votre bureau, je voudrais retourner en début d’après-midi avec vous là-bas, j’ai un billet d’avion à votre nom sur le vol SK 1728 opéré par SAS à 12h15 à Roissy pour Arlanda, l’aéroport de Stockholm.

— C’est une manie, lance Tom à Twiggy, c’est bien la troisième fois en quelques mois qu’on me kidnappe ainsi, un billet d’avion en main !

— Oui, s’esclaffe Twiggy, il y a eu Marchetti pour New York puis Lynn Dervaux pour Auckland, mais tu avais eu au moins un ou deux jours pour te préparer !

— Vous-même, Björn, quelles sont vos activités en Suède ? relance Tom.

— J’habite un appartement dans le centre de Stockholm, Skeppargatan 15, je suis marié avec Gunilla Lundberg depuis dix ans, nous n’avons pas d’enfant, je suis journaliste free-lance, je travaille surtout pour LNS, le groupe de la famille de ma femme. Les parents de Gunilla, Gustav et Gittan, ont environ 70 ans, ils avaient une autre fille, Annelie, qui s’était mariée avec Göran Jacobsson, mais elle est décédée il y a 18 mois. Göran travaille aux côtés de Gunilla dans la partie administrative du groupe LNS.

— Voilà qui est déjà un peu plus clair, Twiggy tu me mets ces informations au propre, et vous, Björn, vous avez pris connaissance de mes tarifs ? reprend Tom.

— Oui, confirme Björn, ne vous inquiétez pas, je vous verse maintenant une semaine d’honoraires et je prends bien sûr tous les frais à ma charge.

— Alors le temps de passer prendre chez moi quelques affaires et nous pourrons nous mettre en route, au fait quel temps fait-il en ce moment en Suède ?

— Nous sommes au début du mois d’avril, il y a encore un peu de neige ici ou là, certes les jours rallongent, mais il peut faire entre 0° et 15°si tout va bien, vous avez peut-être évité l’hiver !

— Bon ! je n’habite pas loin, je vais aller prendre juste un bagage, je vous retrouve ici dans une heure, ensuite nous pouvons foncer à Roissy, vous m’expliquerez toute l’affaire dans l’avion !

— Bien, je fais un tour dans le quartier en attendant.

— Vous voulez peut-être un café avant de sortir ? propose Twiggy.

Tom fait un signe à Twiggy « à tout de suite », puis traverse l’entrée où se trouve le bureau de sa secrétaire, franchit la fameuse porte d’entrée en verre, celle que, lors de l’enquête précédente, le fameux Ingmar Lundqvist avait fracassée, un couteau planté dans le dos et descend quatre à quatre le vieil escalier de l’immeuble.

Le mois dernier il a abandonné le studio qu’il louait près de la rue Mouffetard. Il s’était trouvé un deux-pièces tout près de son bureau de l’Odéon, rue Servandoni, entre Saint Sulpice propice aux méditations et le jardin du Luxembourg, parfait pour s’aérer. Les prix des locations dans le quartier ne sont pas vraiment les plus bas de la capitale, alors il s’est rabattu, dans un vieil immeuble, sur un appartement au 6ème étage sans ascenseur, ce qui opère une sélection naturelle des occupants, qui se recrutent sans doute parmi les marathoniens ou encore les coureurs d’ultra-trail.

A l’entrée de l’immeuble, il croise la concierge, ravie de l’aubaine, elle lui barre le passage de son balai et commence à lui faire la causette, une pause bienvenue pour elle. Mais Tom l’interrompt poliment, « Madame Farida, ce serait un tel plaisir de m’entretenir avec vous de ces questions de météo, mais je crains de n’avoir pas le temps, je prends l’avion dans deux heures », le balai fait marche arrière, une moue de dépit s’installe sur le visage de madame Farida, Tom peut entreprendre l’ascension des six étages.

Arrivé dans son appartement, il ferme les volets et coupe l’eau car la tuyauterie de ce vieil immeuble a parfois des faiblesses, c’est bien naturel...

Il jette dans son sac cabine quelques tenues de rechange, un jean, des polos, de quoi tenir une semaine. Il enfile une veste chaude pour le Grand Nord, sans oublier son passeport et son portefeuille. Il règle le débit d’arrosage de sa plante verte, un formium rutilant qu’il a acheté pour se souvenir de la Nouvelle-Zélande.

Il s’interrompt, le temps de vérifier s’il n’a rien oublié, ah si ! il fonce à la kitchenette, sort d’un tiroir situé à côté de l’évier une plaque de 200 grammes de chocolat noir 100% cacao qu’il va glisser dans la poche latérale de son bagage. C’est à la fin de sa précédente mission, alors qu’il cherchait à calmer un peu sa nervosité, qu’il avait découvert, dans un magasin de la Rive Droite ce chocolat cru sans sucre, certes amer, mais qui lui procurait des instants de « zénitude ».

Il jette enfin un dernier regard désolé au lit en bataille, puis sort et dévale les six étages à toute vitesse.

Il se retrouve à son bureau au bout d’une demi-heure, où il découvre une Twiggy passablement énervée :

— Mais quelle tête fais-tu ?

— C’est l’autre, ton client suédois, ah il m’a échauffé les sangs !

— Calme-toi, que s’est-il passé ?

— Bon d’abord, dès le début, je dois dire que sa tête ne me revenait pas, un grand maigre, un air de faux-jeton…

— Tu exagères !

— Si, il porte sur son visage cette expression, il se donne des airs sympas, mais dans son regard on sent qu’il est calculateur, prêt à t’enturbanner, en plus pour un Suédois il n’est même pas blond, des cheveux d’un noir de corbeau !

— Attends, sa femme vient de disparaître, il a le droit d’être inquiet !

— Tu sais à quoi je pense ? ne m’en veux pas, mais je me demande si ce n’est pas lui qui a fait disparaître sa femme…

— Twiggy, arrête…

— Non, je dis juste, il te prend comme détective pour faire de toi son alibi.

— Twiggy, un alibi cela se prépare avant un meurtre, pas après !

— Bon, j’arrête, mais ton histoire me paraît vérolée dès le départ, fais attention à lui !

— Bravo, Twiggy, tu as résolu mon enquête, je peux ramener mes affaires à mon appartement.

— Mes excuses, Tom, mes excuses, mais je dois aussi te dire, cela n’a rien à voir avec ton enquête, plutôt avec ton client : quand tu es parti, il a commencé à me faire du charme…

— Ce n’est pas la première fois que cela t’arrive, non ?

— Oui, mais dans le genre lourd, j’ai payé pour le lait j’embarque la crémière, tu vois, il n’avait pas du tout l’air inquiet à ce moment-là de la disparition de sa femme, je lui ai fait comprendre qu’il aille plutôt faire un tour dans le quartier.

— Si tu veux, j’annule mon enquête.

— Non, laisse tomber, j’avais cela sur le cœur, c’est bon, c’est sorti.

Tom s’approche de la fenêtre de son bureau et voit Björn sur le trottoir d’en face l’attendant tranquillement, il lui fait signe qu’il descend tout de suite :

— A bientôt, Twiggy, sois sage, je pars pour une semaine, je pense, dit Tom avec un gros sourire.

— Tu sais, Tom, nous pourrions peut-être nous marier ?

— Oh là Twiggy, mais qu’est-ce que tu as ce matin ? avec qui as-tu passé la nuit ? et puis as-tu oublié que tu es toujours mariée avec ton agent d’assurances ? Bon, je sais qu’il ne te voit pas souvent mais quand même. D’ailleurs, religieux comme il est, il n’osera jamais divorcer.

— Bon, alors c’est très simple, tu le tues, moi la veuve je t’embauche pour l’enquête et tu conclus au suicide, j’appelle le commissaire du poste de Saint Sulpice, avec qui j’avais sympathisé lors de ta précédente enquête, pour me signer les papiers…non ?

— Twiggy, je te donne une semaine de congés à prendre tout de suite, repose-toi, pas d’excès, va au cinéma, à bientôt, conclut Tom en la serrant dans ses bras.

Il sort de son bureau, armé de son sac cabine, à l’assaut de sa prochaine mission.

CHAPITRE 2

Björn et Tom pénètrent dans l’avion de SAS partiellement rempli, un Airbus A320, l’ambiance est déjà suédoise : l’hôtesse est blonde, large sourire, « Välkommen ! » Bienvenue ! Ils s’installent à la rangée 3.

Le téléphone de Björn émet une petite musique insistante, il jette un regard à l’hôtesse « je prends, mais c’est mon dernier appel » accompagné d’un sourire.

Les traits du visage de Björn se figent instantanément, le souffle court il se laisse tomber sur son siège, bredouille quelques mots en suédois, langue qui pour Tom ressemble beaucoup à du javanais au niveau de la compréhension.

L’embarquement se termine, l’hôtesse fait signe à Björn d’achever sa conversation, on boucle les ceintures, les moteurs ont commencé à ronronner, Björn a raccroché, il se tourne lentement vers Tom :

— Tom, je peux vous appeler « Tom » ? sur un signe de tête de l’intéressé, Björn poursuit : c’est Elena Wijkander, une amie inspectrice de police à Stockholm, qui m’a appelé, le commissaire principal de Stockholm veut m’interroger dès mon arrivée à Arlanda !

— Vous voulez dire…

— Non, juste m’interroger mais je suis déjà dans le collimateur de la police, vous allez devoir m’aider, Tom.

— Mais bien sûr, je ferai tout ce que je peux, Björn.

Tom laisse Björn reprendre ses esprits, il réfléchit à cette mission dans un pays dont il ne connaît rien, ni la langue ni la géographie et qui n’est pourtant pas si loin de la France ! Il a souvent fantasmé sur les belles Suédoises, il a aussi été impressionné par les quelques films d’Ingmar Bergman qu’il était allé voir dans la salle de cinéma d’art et d’essai de la rue Saint André des Arts, il se souvient même qu’un maréchal de Napoléon, Bernadotte, est monté sur le trône de Suède (Twiggy ajouterait « Bern à dot » ?) :

— Allons bon, je suis en pays de connaissance, se rassure Tom.

L’avion roule sur le tarmac, s’approche de la piste d’envol, par le hublot ils voient deux avions en attente devant eux.

Le téléphone de Björn émet cette fois un bip, il avait oublié de l’éteindre, il fait un geste d’excuse à l’hôtesse qui a entendu, mais il se précipite néanmoins pour le lire, une seule phrase en suédois, d’Elena Wijkander. Björn soupire, se retourne vers Tom : « Elle m’informe que je vais être mis en garde à vue, c’est précisément ma sortie du territoire suédois, pour venir vous voir, qui a été interprétée comme une fuite. Je vous présenterai tout de suite au commissaire pour justifier mon escapade » .

Tom laisse à Björn le temps de digérer l’information en forme de couperet, il en profite pour l’observer en silence.

Cheveux noirs coupés en brosse, plutôt grand, rien d’impressionnant, la quarantaine portée en bandoulière, Björn n’a pas le profil du séducteur d’une des femmes les plus connues de Suède.

L’avion a décollé, pour environ deux heures trente de vol. Björn rassemble ses forces, se carre dans son siège et annonce à Tom qu’il va lui dresser le tableau de la situation globale :

— J’ai rencontré Gunilla Lundberg il y a quinze ans en travaillant pour le groupe LNS, elle cherchait à s’émanciper de la tutelle pesante de ses parents, je crois que j’étais juste au bon endroit au bon moment, sans plus. J’ai tenu à garder mon statut de journaliste free-lance pour ne pas être happé par le groupe et la famille Lundberg. Au début, Gunilla voyait souvent sa sœur Annelie et son beau-frère Göran, mais quand nous nous sommes mariés, nous n’avons plus fréquenté Göran qu’au travail, en nous croisant dans les bureaux. Annelie, très introvertie, ne travaillait pas chez LNS, où Gunilla vraiment extravertie régentait le groupe, la réussite de Gunilla devait faire de l’ombre à Annelie.

— De quoi est décédée Annelie ?

— Chute de cheval, un accident.

— Et Gunilla, comment est-elle ?

— C’est une belle femme, très dynamique, usant de son charme pour faire passer ses idées, elle a vite compris qu’en utilisant la ligne éditoriale du groupe elle pouvait peser sur l’opinion publique et donc sur la politique du gouvernement, elle s’est mise à côtoyer les ministres, à les appuyer ou au contraire à les descendre, par exemple elle a milité pour le réarmement des forces militaires, ou encore elle s’est insurgée contre la politique migratoire du gouvernement trop laxiste à son goût.

— Elle n’a pas dû se faire que des amis…

— Bien sûr que non, comme je vous l’ai dit à Paris, on la surnomme « Gun »…non sans raisons.

— Et le groupe LNS ?

— L’habileté des parents Lundberg, ce fut de mettre en place un réseau de quatre journaux à la fois nationaux et régionaux, la première moitié du cahier présentant les infos nationales ou internationales, la seconde moitié, purement locale, permettant aux lecteurs de retrouver les détails de la vie de leur région. Il y a les éditions de Stockholm, Malmö, Göteborg et Uppsala. A cela s’ajoutent deux chaines de télévision fonctionnant selon le même principe, l’une nationale, l’autre locale, par tranche horaire.

— Vous avez aussi évoqué l’amant de Gunilla à mon bureau…

— Oui, enfin celui du moment, il est journaliste chez LNS, il s’appelle Mats Hellman, il possède une maison sur l’île de Korsö, à côté de Sandhamn.

— Et Gunilla, elle, a une maison à Runmarö, me disiezvous?

— Oui, ils n’habitent pas très loin l’un de l’autre, mais vous pensez bien que des collègues ainsi que le régisseur de la maison de Gunilla sont allés voir sur place : aucune trace d’eux ni du bateau de Mats, leurs téléphones ne répondent plus.

— Vous avez fait des recherches dans cet archipel, dans les îles proches, dans les ports, pour repérer ce bateau ?

— Oui, vous pensez bien ! une hypothèse serait qu’il soit caché dans un hangar à bateau, comme presque chaque maison au bord de la mer dans les îles de l’archipel en possède, précise Björn.

Les voyageurs interrompent leur conversation car l’hôtesse leur apporte les collations, boissons, sandwichs, cafés, que chacun mange ou boit en silence.

Puis ils se débarrassent des cartons et verres en plastique et reprennent :

— Quelqu’un peut vous aider sur place quand nous arrivons ? s’enquiert Tom.

— Bonne question : d’abord un ami d’enfance, Lars Edholm, nous étions au lycée ensemble, on se voit assez souvent, il travaille comme concessionnaire de marques automobiles, il a mon âge, il est costaud et sportif. C’est un gars très sympathique, j’ai toute confiance en lui, il est très serviable.

— Vous vous voyez dans quel cadre ?

— Il a déjà pu m’épauler dans des enquêtes journalistiques, mais on se voit plutôt hors du travail, on discute politique, on fréquente des filles.

— Politique ? demande Tom.

— Oui, par exemple Lars approuve la ligne de Gunilla sur l’immigration mais un peu moins celle sur la politique internationale.

— Et sinon, d’autres appuis ?

— Oui, il y a Elena Wijkander dont je vous ai déjà parlé, nous avons sympathisé lors d’une enquête journalistique que je menais, depuis on se voit assez souvent, ce n’est pas une amie à proprement parler mais elle est très serviable, très droite, comme policière elle fait bien son travail, une fille très sportive.

— Elle peut être un appui intéressant !

— Oui, certainement, ensuite il y a Lotta Karlsson avec qui je vis actuellement, mais c’est une fausse piste, nous avons envisagé plusieurs fois de nous séparer, cette fois je me demande même si je vais la retrouver à mon appartement. Elle a un poste très important chez LNS, elle est l’assistante de direction à la fois pour Gunilla, l’éditorialiste fonceuse et pour Göran, le gestionnaire de l’administratif.

— Je comprends, acquiesce Tom.

— Il y a aussi peut-être Kerstin Sellberg, je l’ai bien connue dans le passé, nous étions restés ensemble environ six ou huit mois, ce qui est un exploit avec une pétroleuse comme elle, mais nous sommes toujours bons amis, d’ailleurs je la revois depuis peu, si vous voyez ce que je veux dire…C’est aussi une journaliste free-lance, très percutante, elle a ses arguments, son charme pour forcer les confidences ou manipuler les gens. Je vais vous envoyer les coordonnées téléphoniques de ces personnes. Dès notre arrivée, c’est prévu, nous allons directement à mon appartement pour une réunion avec Elena, Kerstin et Lars en vue de fixer le programme de demain.

— Arrivée qui pourrait être perturbée par la présence de votre commissaire principal, il me semble.

— Nous verrons bien, répond Björn un peu fataliste. Un dernier mot, Tom, en Suède tout le monde se tutoie, vous allez au supermarché, la caissière vous tutoiera, il y a peut-être le roi qu’on ne tutoie pas. Certes si vous ne comprenez pas le suédois et si vous parlez l’anglais (que pratiquement tous les Suédois parlent) vous ne vous en rendrez pas compte bien sûr. En plus on utilise vraiment beaucoup les prénoms, alors je te propose de te tutoyer, Tom !

— Je suis d’accord avec toi, Björn, conclut Tom avec un sourire, d’ailleurs j’ai oublié de te féliciter pour ta maîtrise de notre langue.

— J’ai fait une partie de mes études en France, à la Sorbonne, précise Björn.

Chacun commence à classer ses papiers, Tom a reçu les fiches des contacts de Björn, il regarde par le hublot le paysage de lacs, l’avion amorce sa descente, Tom est prêt à débuter sa nouvelle enquête.

CHAPITRE 3

Tom et Björn sont sortis de l’avion, ils marchent le long de la passerelle en forme de tunnel vers le bâtiment d’arrivée d’Arlanda, ils sont parmi les premiers à sortir.

A l’intérieur du hall, ils passent une porte vitrée qui s’ouvre automatiquement, derrière laquelle attend un groupe de quatre personnes, on dirait des officiels. L’un d’eux s’avance vers Björn, lui barre même la route, les autres membres du groupe entourent Björn, il y a dans le lot deux policiers en uniforme bleu foncé, munis de leur arme. Björn est bloqué, Tom s’arrête à ses côtés, le chef du groupe se présente à Björn, puis s’adresse à Tom en suédois qui fait un signe d’incompréhension :

— Circule, tu gênes le passage, dit-il en anglais.

— Je voyage avec Björn, répond Tom.

— Ah bon ? je suis le chef de la police de Stockholm, commissaire principal Klaes Gustavsson, qui es-tu et que fais-tu avec Björn ?

— C’est-à-dire, bredouille Tom qui se demande comment s’en sortir, euh, Björn m’a demandé de venir l’aider ici, en Suède.

— A quel titre ?

— Mon nom est Tom Randal, je suis détective privé, il souhaite que je l’aide à retrouver au plus vite son épouse, absente depuis deux jours.

Klaes est proche de la soixantaine, physiquement il est large d’épaules, massif, trapu, il en impose, sa voix forte appuie ses gestes.

Il poursuit en anglais tandis que le flot de passagers s’écoule lentement à leur côté, chacun avide d’entendre une bribe de la conversation :

— Björn, tu es en garde à vue, suis-moi.

— Pourquoi la garde à vue ?

— Ta femme a disparu, elle a quitté les locaux de LNS avec Mats Hellman samedi, aucun indice depuis sinon ta sortie du territoire de ce jour.

— Je ne comprends pas ta décision, s’inquiète Björn.

— Procédure normale, ton déplacement ce jour mérite explication, ton emploi du temps est à vérifier, c’est tout, j’enregistrerai ta déposition, tu pourras sans doute rentrer chez toi ensuite.

— Je peux passer d’abord à mon appartement ?

— Non, je t’emmène directement au siège de la police à Stockholm.

— Je peux l’accompagner ? intervient Tom.

— Pas question, tonne Klaes, qui se tourne vers les deux policiers en tenue : allez, emmenez-le, désignant Björn.

La quatrième personne, en civil, murmure quelques mots à l’oreille de Klaes, puis s’approche de Tom :

— Bonjour, je suis l’inspectrice Elena Wijkander, je suis aussi une amie de Björn.

— Oui, il m’a parlé de toi.

— Il m’a prévenue de ton arrivée, je peux t’emmener chez lui, nous avions une réunion prévue en fin d’après-midi.

— Ah volontiers, soupire Tom soulagé, je pourrai voir Björn plus tard ?

— C’est Klaes qui décidera, bon, je t’emmène, conclut Elena.

Le chef de la police part de son côté avec Björn escorté par les deux policiers.

Elena, de taille moyenne, visage avenant et halé par la vie au grand air, doit approcher la quarantaine, c’est une sportive, d’un abord plutôt sympathique. Elle porte un imperméable brun car il pleut ce jour et un chapeau à larges bords, qui lui donne un air masculin.

Dans le parking, elle met un temps fou à retrouver sa voiture, qu’elle découvre un étage plus haut que supposé, une Volvo C40 bleue, Tom s’installe à côté d’elle :

— Björn m’a engagé pour retrouver sa femme, mais là avec lui en garde à vue, que devient ma mission, Elena ?

— Je pense que ta mission doit se poursuivre, il va sortir sans doute dès ce soir de garde à vue, dans son esprit, tu dois l’aider à se défaire d’une éventuelle inculpation …

— Parce qu’il est question qu’il soit inculpé?

— Pas du tout, pour l’instant notre enquête ne fait que commencer, on n’en sait strictement rien, il est la première personne avec qui Klaes veut clarifier la situation.

— Mais toi, Elena, tu fais partie de l’enquête, ou bien tu peux éventuellement m’aider ?

— Klaes ne veut pas de moi comme enquêteur principal, il me l’a déjà dit, je connais Björn depuis longtemps, je risque donc de ne pas étudier les situations objectivement, mais il ne voit aucun inconvénient à ce que je mène des recherches sous la direction de l’inspecteur qu’il va nommer.

— Que tu connais déjà ?

— Non, pas pour l’instant. J’ai averti Klaes que Björn arriverait accompagné d’un détective. Mon chef m’a laissé vraiment exceptionnellement la possibilité de t’emmener avec moi dans mes recherches, car la personnalité de Gunilla rend l’enquête très sensible sur le plan politique.

— Ah mais c’est très bien, je dirais même c’est idéal, car tu auras peut-être des informations du siège de la police plus rapidement.

— Oui, enfin sache que si à un moment Klaes me fait part d’informations confidentielles, à ne pas divulguer, je n’aurai pas le choix, je ne pourrai pas t’en parler.

— Bien sûr, je comprends.

CHAPITRE 4

L’autoroute E4 est large, bien entretenue, mais jalonnée de panneaux de limitation de vitesse qui incitent à une conduite raisonnable.

Elle traverse d’abord des paysages paisibles de lacs et de prés, avant de commencer à serpenter au milieu de grosses zones commerciales, à l’approche de la capitale.

Une pluie légère leur souhaite la bienvenue :

— Je vais t’emmener à l’appartement de Björn, Lars Edholm doit nous y rejoindre, c’est un des meilleurs amis de Björn. En principe nous devons trouver en arrivant Lotta Karlsson, si toutefois elle n’est pas retournée chez elle car il y a de l’eau dans le gaz entre elle et Björn.

— Je dormirai à l’hôtel ce soir ?

— Je crois que Björn avait prévu que notre réunion puisse durer tard, il se proposait de te faire dormir la première nuit dans sa chambre d’ami, à partir de demain il t’a réservé une chambre, m’avait-il dit, à l’hôtel Diplomat, qui est très bien placé, sur les quais de Strandvägen.

Après un énorme échangeur autoroutier, à donner le tournis, Elena s’engage dans la ville, traversant des quartiers plutôt résidentiels aux maisons austères. Le côté luthérien, se demande Tom qui repense à l’un ou l’autre des films de Bergman. Ils arrivent enfin dans Skeppargatan.

Hall d’entrée sombre, large escalier en chêne, l’appartement de Björn est au premier étage, « j’ai les clés, mais je sonne au cas où Lotta serait encore là » précise Elena, elle a bien fait, Lotta vient leur ouvrir. C’est au premier abord son air inquiet qui frappe et lui donne presque un aspect revêche, mais pourtant elle est mignonne, pas grande, mince, cheveux flous, jupe courte et gros pull en laine à col roulé. Elle fait la bise à Elena, presque soulagée de constater l’absence de Björn, elle laisse un sourire lui revenir en mémoire. Puis elle se tourne vers Tom, lui souhaite la bienvenue :

— Tu es Tom, c’est cela ?

— Oui, et toi Lotta, bonjour, förlott, désolé, je ne parle pas suédois, et il lui fait aussi la bise.

— Mais si ! tu parles bien suédois !

— Non, j’ai appris quelques mots dans une brochure qui se trouvait dans l’avion, j’ai pensé que förlott, « excuse-moi », allait me servir souvent…

— Tu sais, Lotta, qu’on a une réunion avec Lars ici, intervient Elena.

— Il est déjà là, il est impatient d’avoir des nouvelles, Kerstin est venue avec lui.

— Bon, alors entrons et installons-nous.

Ils pénètrent tous deux dans le salon, des fauteuils austères en pin aux lignes abruptes les accueillent, car le sofa avachi est déjà squatté. Deux hommes s’y vautrent, le plus âgé se lève d’un bond avec un grand sourire et vient saluer Tom d’un « Hello, je suis Lars » , à quoi Tom répond d’une chaleureuse poignée de main. Lars doit avoir la quarantaine, plutôt grand, cheveux châtains, visage un peu taillé à la serpe.

Le second est plus jeune, environ 22 ans, Suédois typique, blond, sportif, il se présente aussi « je suis Per, journaliste stagiaire à LNS, je travaille avec Göran et Lotta » , « enchanté » réplique Tom.

A leur côté se prélasse Kerstin, jolie femme d’environ 35 ans, vêtue avec élégance, elle jette sur Tom un regard interrogatif avant de lui adresser un sourire engageant.

Leur accueil est très sympathique, « quelle équipe ! » se dit-il, Elena et lui prennent place sur les fauteuils en pin :

— Lotta, tu peux rester avec nous, si tu veux, propose-t-elle.

— Ok, je vais déjà vous apporter à boire.

— Bon, Lars, comme on s’en doutait, Klaes Gustavsson a embarqué Björn pour une garde à vue, je te tiendrai au courant de la date de fin pour que tu puisses aller le chercher à Kungsholmen, au siège de la police. Alors par où commençons-nous, Tom?

— Björn m’a fait un topo de la situation pendant le vol, je voudrais d’abord savoir si toutes les recherches ont bien été faites pour retrouver le bateau, découvrir des indices dans leurs maisons et fouiller leur emploi du temps du jour de leur disparition.

— A priori oui, intervient Elena, les maisons ont été fouillées. En revanche tenter de repérer le bateau, c’est comme chercher une aiguille dans une botte de foin, l’archipel est énorme.

— L’important pour moi c’est de savoir qui peut m’aider ?

— Moi bien sûr, sourit Elena.

— Je crains que non, bredouille Lotta, j’ai un rapport urgent à finir pour Gunilla.

— Je peux t’aider quand tu veux, relance Lars, mais préviens-moi juste, disons, 24 heures avant, le temps pour moi de m’organiser.

— Je suis disponible sans problème pour des enquêtes d’une journée, surenchérit Per d’un air engageant, je suis stagiaire, pas de travail urgent à faire, je peux me libérer.

— Si je peux t’être utile, Tom, c’est avec plaisir, conclut Kerstin d’un regard plongeant.

— Mais c’est fort bien, dit Tom en se levant, je vous remercie tous, je ne vous retiens pas plus ce soir, je vais juste refaire un point de la situation avec Elena.

Lars, Per et Kerstin s’extirpent de leur sofa, se dirigent vers la porte, où ils saluent Tom, Kerstin ajoutant une bise en laissant trainer sa main droite sur son bras.

Une fois la porte fermée, Tom se retourne et découvre Lotta qui attendait derrière lui, elle le dévisage maintenant avec attention.

Il lui rend son regard puis rejoint Elena dans le salon :

— Je voulais te parler seul à seule.

— Dans ce cas, je vous laisse tous les deux, intervient Lotta, je m’éclipse.

— Merci, lance-t-il à Lotta qui s’éloigne.

— Alors ? balance Elena.

— Je suis perdu, par où commencer ?

— …

— Dans l’avion, j’ai pensé que c’était vraiment étrange que les deux héritières de LNS disparaissent en si peu de temps, cela ne t’a pas frappée ?

— Annelie est morte d’un accident de cheval, c’est clair, Gunilla c’est encore trop tôt pour …

— Cet accident, interrompt Tom, s’est passé où ?

— A Fågelbro, un domaine de loisir avec hôtel, golf, piscine et centre équestre, c’est près de Gustavsberg, sur le chemin pour aller dans l’Archipel.

— Il y a eu enquête ?

— Bien sûr, dans la journée même ! le cheval s’est emballé, elle n’a pu le maîtriser, elle était à environ un kilomètre du centre équestre, le cheval a rué, elle a fait une lourde chute, sur la tête, tuée nette, sur le coup, achève sobrement Elena.

— Et l’enquête ?

— Un policier de notre équipe de Stockholm était ce jour-là à Gustavsberg, il est intervenu tout de suite, a fait les premières constatations, à vrai dire c’était simple et limpide, enquête bouclée dans la journée !

— Et depuis ?

— Quoi, depuis ?

— Je ne sais pas, rien de plus ?

— Non, je ne vois pas ce que…

— Puis-je te demander un service, Elena ?

— Oui, je te l’ai déjà dit.

— Alors emmène-moi demain matin à Gustavsberg au commissariat de la ville consulter le dossier de l’enquête.

Elena ne cache pas sa surprise, avec une moue signifiant « que de temps nous allons perdre », mais elle acquiesce :

— Bon, si tu veux, c’est d’accord, à quelle heure veux-tu que je te prenne demain matin?

— Disons 8 heures, sourit Tom qui la raccompagne à la porte et la salue d’une franche poignée de main professionnelle.

Puis il referme la porte, s’arrête un instant, se demande si en se retournant il sera face à Lotta à nouveau.

Il se retourne, elle est là qui le dévisage avec un sourire.

CHAPITRE 5

Un sourire, rien de tel pour dégeler l’ambiance. Tom demande à Lotta où il peut s’installer pour la nuit, elle l’emmène jusqu’à la chambre d’amis, fort spartiate, un lit d’un mètre maximum de large, une petite fenêtre donnant sur la « gata », la rue, une penderie sur roulettes, bref c’est pour dépanner les amis, Lotta est adossée à la porte, elle le regarde saisir son bagage et l’ouvrir sans rien en sortir.

Tom s’assied sur le lit, teste le matelas qui s’enfonce, il soupire, « où suis-je ? » puis il sent qu’il a faim malgré la collation dans l’avion, il se tourne vers Lotta :

— Je peux t’emmener manger un morceau dehors, enfin je veux dire aller au restaurant ?

— Volontiers, fait Lotta après une hésitation qui traduit son étonnement, il y a une petite brasserie à deux blocs d’ici.

— Il n’est pas trop tôt ?

— Non, pas du tout, on dîne tôt en Suède.

— Bon alors on y va, décide Tom qui se soulève avec effort.

Dans l’entrée, Lotta enfile un manteau en polaire un peu informe et se coiffe d’un bonnet multicolore, tandis que Tom noue juste une écharpe autour de son cou, elle saisit les clés de l’appartement, s’approche de Tom avec ses yeux tristes, lui murmure « c’est gentil de m’emmener diner dehors », elle effleure ses lèvres d’un baiser furtif.

Les rues pleines de nuit sont désertes, leur marche ne dure pas longtemps, Lotta s’est accrochée au bras de Tom, ils avancent en silence comme de vieux amis ou de jeunes amants qui se découvriraient.

La brasserie est chichement éclairée, la plupart des tables sont délaissées, Tom choisit une place près de la fenêtre, ils s’asseyent face à face, le silence les prend dans ses bras, ils se sourient, on dirait deux vaisseaux échoués sur la grève côte à côte, se balançant doucement au gré des vagues, attendant paisiblement que la marée haute vienne les mettre à flot.

Moment magique qu’aucun ne veut interrompre, Tom est pris dans le regard de Lotta, ses yeux gris et humides, il s’attarde sur la lèvre inférieure gourmande de Lotta.

C’est le serveur qui se charge de rompre l’instant. Il dépose les cartes, s’enquiert des boissons, Lotta interroge Tom du regard, sur un geste de celui-ci signifiant « à toi de décider », elle commande deux bières et deux köttbullar « oh là qu’est-ce que c’est? » s’inquiète Tom, Lotta le rassure, c’est des meatballs, des boulettes de viande.

Puis lorsqu’elle lui demande « que fais-tu vraiment ici ? et connais-tu Björn depuis longtemps ? », Tom soupire, il voit bien que c’est ce qui inquiète Lotta. Il doit la rassurer :