Mine de rien - Bernie Lee - E-Book

Mine de rien E-Book

Bernie Lee

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Beschreibung

L'Australie vous connaissez? le Paradis du surf, des opales, des immensités désertiques... Oui c'est ça aussi, mais il y a le bush, les aborigènes, le désert, et les coups fourrés comme partout " le Chef questionna Wollonga - Le jeune blanc a fait comme il a dit. C'était plus une affirmation qu'une question : il savait. les aborigènes fonctionnent par transmission de pensées. Un jour Warieda, l'oncle de Wollonga s'était levé alors qu'ils étaient une dizaine autour du feu du Uloo, et il avait dit: il faut que je parte, mon père va mourir Et tout le monde avait trouvé normal qu'il parte à pied à travers bush faire 500 kms comme avait trouvé normal la tribu de son père de le voir arriver la veille du décès -Oui le jeune blanc a fait comme il a dit, répondit Wollonga La mort de deux flics, ce n'est pas ça qui allait gâcher un bon repas

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Lexique des termes typiquement australiens page →.

Sommaire

Chapitre 1

Chapitre 2

Chapitre 3

Chapitre 4

Chapitre 5

Chapitre 6

Chapitre 7

Chapitre 8

Chapitre 9

Chapitre 10

Chapitre 11

Chapitre 12

Chapitre 13

Chapitre 14

Chapitre 15

Chapitre 16

Chapitre 17

Chapitre 18

Chapitre 19

Chapitre 20

Chapitre 21

Chapitre 22

Chapitre 23

Chapitre 24

Chapitre 25

Chapitre 26

Chapitre 27

Chapitre 28

Chapitre 29

Chapitre 30

Chapitre 31

Chapitre 32

Chapitre 33

Chapitre 34

Chapitre 35

Chapitre 36

Chapitre 37

Chapitre 1

Townsville, 3 février

Josué s'étira. D’abord un bras, puis l'autre, puis de la jambe, il chassa le drap qui le couvrait à demi. Il transpirait déjà. Il ne s'était jamais fait à ces moiteurs tropicales qui vous surprennent au lit, dès le matin, comme des sueurs malsaines.

Six heures, le thermomètre indiquait déjà trente et un degrés. Il passa la main sur son dos et des petites boules noires roulèrent sous ses doigts. Cela non plus, il ne s'y ferait jamais. En Espagne, quand on bronze, la peau devient ambrée comme un tableau du Titien, brillante comme le xérès, belle comme des petits pains d’épice d'Alicante. Et la peau des touristes téméraires qui veulent par trop affronter en un jour le soleil de la côte, s'envole par grands lambeaux, comme des foulards de soie ou des dentelles de Ronda.

Ici, rien de pareil. Le soleil ne tient pas, la couleur ne tient pas, la peau ne tient pas. Il suffit de passer ses doigts sur elle pour qu'elle se disperse et roule sous vos doigts comme des miettes de mie de pain sales, en petites boules noires et grasses. Au début, il allait sous la douche et se frottait à en rougir, à s'écorcher. Puis, sûr d'être propre, d'être bien lavé, il vaquait à préparer son déjeuner. Deux minutes après, il transpirait. Un quart d'heure plus tard, il retrouvait les boules noires.

Aujourd'hui, il n'y faisait plus cas, du moins se frottait-il machinalement, comme on le fait par une vieille habitude. Hier soir il avait bu au pub, plus que de raison. Il était rentré tard, très tard et il s'était affalé sur le lit en sortant d'une douche encore trop chaude, sans même prendre le temps de s’essuyer.

D'habitude, la chaleur le réveillait à cinq heures, depuis un mois déjà, depuis le plein été. C'est vrai que l'on était au tout début de février. Mais ce matin, il n'avait émergé qu'à six heures ; la fatigue et l'alcool de ces dernières nuits sans doute. Hier au soir, au pub, il lui avait semblé que la barmaid, Fiona, la nouvelle, le regardait d'un drôle d'air, curieusement, presque avec insistance. Il y pensa quelques instants et en chassa l'idée. La musique soudain se mit à gueuler dans la pièce voisine.

Didier est de retour, pensa-t-il. Didier partageait avec lui ce flat de misère dans cette baraque en bois qui menaçait de s'écrouler depuis longtemps déjà. Vingt dollars chacun par semaine ! Du vol qualifié. La musique gueulait avec persistance et Didier ne venait toujours pas prendre son déjeuner. Un moment, Josué pensa lui demander de baisser le son, puis il se ravisa. À quoi bon ? Chacun ses manies, on ne va pas s'engueuler entre pensionnaires d'un même appartement. Il but son café et fuma une cigarette. Puis en chercha une autre et s'aperçut que le paquet était vide. Plein de dépit, le corps en sueur, il poussa le ventilateur au maximum de sa puissance puis il frappa à la porte de Didier. Le poste hurlait toujours mais personne ne répondait. Il frappa à nouveau et se décida à entrer. Didier était étendu en travers du lit, la tête à moitié sectionnée, les yeux exorbités.

Chapitre 2

Paris, 18 février

Il pleut sur Paris. La pièce est sombre malgré une lumière diffuse distribuée avec parcimonie par des ampoules de soixante watts, qu'une administration mesquine s'acharne à commander trop faibles. Debout, face à la fenêtre, mains dans le dos, le Général Berthoumieux regarde machinalement les sillons de pluie courir sur la vitre, fugitives rivières qui naissent et meurent dans l'instant.

— Mon Général ! Laurent Marchand est arrivé.

— Qu'il entre.

Le Général n'a pas bougé à l'annonce de l'interphone. Imperturbable, il regarde ces sillons de pluie sur la vitre, œuvres d'art instantanées, jamais finies, toujours recommencées. Laurent pénètre dans ce bureau qui sent le vieux cuir et la citronnelle. Une manie du "vieux", la citronnelle. Il aperçoit le Général immobile, raide dans son costume bleu nuit. Il connaît. Il connaît bien le Patron : "Mauvais signe", pense Laurent, qui s'assoit sans un mot. Seules les mains du "Vieux" par quelques imperceptibles crispations trahissent une réflexion interne. Passent les minutes, longues comme une condamnation à perpette, mornes comme un ciel minier, chargées comme une camionnette africaine.

Le Général se retourne et regarde Laurent, comme s'il découvrait une présence insoupçonnée. Et pourtant, il connaît bien son visiteur ; yeux bleus, bien proportionné, cheveux clairs, quatre-vingts kilos pour un mètre quatre-vingt, et athlétiquement bâti. Laurent est dans ses quarante-cinq ans mais ne les paraît pas encore.

— Ah ! Vous êtes là, Laurent !

Décidément, pense ce dernier, tu vieillis mon vieux ! Si le Premier ministre était à ma place, il te chercherait un remplaçant sur l'heure, et songerait à confier "la Piscine" à…

— Oui, mon Général, je suis venu dès que Carole m'a transmis votre message.

Berthoumieux regarde Laurent du regard impavide qu'on lui connaît, mais un bref instant, Laurent croit y discerner une étincelle de tendresse, vite effacée.

— Laurent, j'ai une mission à vous confier. Une de plus, me direz-vous… mais… celle-ci me tient à cœur, particulièrement.

Le Général se saisit d'une sous-chemise en carton souple qui semble incongrue sur ce grand bureau vide.

— Tenez ! Voici le dossier, je vous le résume : Didier Lacroix, cinquante-deux ans, ingénieur géologue, entré au SDEC à vingt-cinq ans, vingt-cinq missions brillamment réussies. Je vous passe les décorations ! Puis une crise de "ras-le-bol", une difficulté à dépasser la quarantaine, l'amour d'une jeunette et une croix sur le passé. Parti jouer les prospecteurs en Australie. Sans nouvelles de lui depuis dix ans jusqu'à ces jours derniers et ce rapport arrivé hier de notre ambassade de Canberra. Il y a douze jours notre consul de Sydney reçoit un coup de téléphone en provenance du Queensland du Nord. Un homme le supplie de l'écouter. Il s'appelle Didier Lacroix, désire que l'on envoie d'urgence quelqu'un pour le rencontrer, et que l'on prévienne immédiatement nos services. Donne mon nom, notre numéro de téléphone, et raccroche pressé. Le consul pense d'abord à un canular, hésite et, heureusement, contacte notre service de Canberra qui m'appelle. J'ordonne aussitôt que l'on mandate d'urgence quelqu'un pour rencontrer Didier et qu'on me fasse parvenir un rapport détaillé. Trois jours après, second coup de fil de l'ambassade : Didier a été assassiné ! Il habitait la banlieue de Townsville et partageait une vieille maison avec un Espagnol d’origine, un anarchiste rêveur aux dires de l'enquêteur du consulat.

Voilà ! Vous pouvez étudier le dossier, vous avez toute la journée pour cela, votre avion ne décolle qu'à dix-huit heures de Roissy. Correspondance à Londres par la Qantas escale à Singapour, vous serez après-demain matin à Brisbane où l'enquêteur de Sydney a mission de vous rencontrer pendant votre transit. De là, liaison immédiate sur Townsville par Ansett. Désolé mais le Singapour/Townsville n'a lieu qu'une fois par semaine. Vous voyagerez comme touriste. Visa de trois mois au nom d'André Verger, artiste peintre et photographe free-lance.

Je veux savoir comment ? Qui ? Et pourquoi ? Croyez-moi Laurent, je connaissais bien Didier, ce n'était pas un illuminé. C'était un ami de vingt ans. Nous nous sommes fréquentés chaque jour pendant deux ans. Oui, nous nous connaissions bien…

Le "vieux" semblait plongé dans des souvenirs, à croire qu'il n'était plus là. Sans doute avait-il rejoint en cet instant, dans les recoins de sa mémoire, un Didier qu'il appréciait et avec lequel il revivait quelques secrets. Laurent sortit songeur du bureau du patron. L'Australie, pourquoi pas ? Mais ce n'était ni un pays ennemi, ni une région névralgique où il se passait grand-chose… Et si c'était tout bêtement un crime de rôdeur ? Oui, mais le coup de téléphone ? ... Carole, la secrétaire, le regardait en souriant :

— Alors Laurent ? Il paraît que tu es artiste peintre à présent ? Tu auras vraiment fait tous les métiers !

Laurent lui sourit, perdu dans ses pensées. Il décida de jeter un coup d’œil au dossier, bien mince : trois feuillets ! En fait, le vieux lui avait déjà tout dit.

Chapitre 3

Brisbane, 20 février.

Terminal des lignes intérieures d’Ansett, il est sept heures trente. Après vingt-quatre heures d’un vol international Laurent a finalement atteint Brisbane. Une heure et demie d’attente pour la correspondance sur Townsville. Une fois les formalités de police et de douane passées, il a rejoint le terminal domestique où l’attend le représentant du consulat. Assis devant une tasse de café celui-ci fait un bref compte rendu de ses investigations. En fait, Laurent n’apprend rien qu’il ne sache déjà.

— Résumons-nous, c'est donc l’Espagnol qui partageait le logement de Lacroix qui a découvert le cadavre. D'après ce Josué, le crime a eu lieu dans la maison même entre six heures et six heures et demie, dès le retour de Didier. Rapide, bien fait, sans trace, sans raison apparente et ce, sans que Josué qui était dans la pièce voisine ne se doute de rien. Ce Josué, vous l’avez rencontré ?

— Oui. Par un heureux hasard, enfin si l’on peut dire, j'ai eu connaissance du meurtre à l’aéroport dès ma descente d'avion, alors que je me rendais justement chez Monsieur Lacroix que Monsieur le Consul m'avait donné mission de rencontrer. J'ai aussitôt téléphoné à Sydney pour annoncer la nouvelle. Monsieur le Consul m'a ordonné de ne pas bouger, de prendre une chambre au Travelodge sur le Strand où il me contacterait. Dès que la nouvelle a été diffusée par la radio nationale, il a téléphoné à la Police, leur annonçant qu'il mandatait quelqu'un pour les rencontrer : mission de routine administrative, puisqu'il s'agissait d'un citoyen français. Le lendemain matin, je me suis présenté à la Police, qui a bien voulu me communiquer les premiers résultats de l’enquête, autrement dit : zéro ! J'ai alors pu me rendre à l'appartement de Monsieur Lacroix où j'ai rencontré ce descendant d’espagnol.

— À quoi ressemble-t-il ?

Il est grand, bien bâti et bronzé avec des yeux sombres et des cheveux noirs et raides.

— Quelle impression vous a-t-il fait ?

— Celle d'un homme abasourdi, ne comprenant pas, renfermé, presque apeuré.

— Ses relations avec Didier ?

— Celles de deux Européens partageant un logement en commun. Vous savez ici c'est la coutume par mesure d'économie. Chacun sa chambre et l’on partage les pièces communes. Bon voisinage, sans plus. Monsieur Lacroix n'occupait cette chambre que depuis six mois et n’était pas souvent là. Il partait des semaines entières.

— Josué sait-il ce qu'il faisait ?

— Oui, il prospectait le bush, c'était un opal-miner. Votre Didier Lacroix semblait être une sorte de hippy attardé, ou un de ces prospecteurs mineurs farfelus qui sillonnent la contrée. D’après Josué, il ne devait pas être très futé, un peu ours, un peu dingo. Croyez-vous vraiment que son coup de téléphone puisse être pris au sérieux ?

— Pourquoi croyez-vous qu'il a été assassiné ? Pourquoi croyez-vous que je sois là ? Pourquoi croyez-vous que ma mission m'accrédite « priorité bleue ? »

Chapitre 4

Dans ce quartier excentré de Townsville, le pub reste le dernier bastion de vie sociale. Plus que pour jouer quelques dollars aux pokers machines ou boire quatre ou cinq pintes de bière fraîche, les habitués viennent pour partager quelques instants entre amis et avoir ainsi l’impression de faire encore partie de la communauté. Ils n’ont pas comme leurs femmes l’occasion de tailler une bavette avec leurs voisines en faisant leurs courses au supermarché : Coles ou Woolworth.

Le pub est non seulement sombre par son éclairage restreint mais aussi à cause de ses murs peints en vert olive, de sa moquette anthracite aux motifs à fleurs grises, et de son bar en acajou. L’obligatoire machine à cigarettes est reléguée entre les deux portes d'un brun sombre des toilettes "mâle" et "femelle". C’est le genre d’établissement où l’on n’est pas habitué à voir de nouveaux visages.

— Et vous restez longtemps dans la région ?

— Non. Je pense partir demain, ou après-demain. Le Tableland est très beau, paraît-il.

Oui, sur le plateau, c'est plus verdoyant qu'ici, mais il faut aussi voir la côte au nord d'Inisfail ou entre Cairns et Cooktown.

— Vous êtes de la région ?

— Oui, je suis né près de Cairns, et vous ? Vous êtes Français ?

— De naissance, mais vous savez moi la nationalité, répond Laurent laconiquement

— Il y avait un "froggy" qui vivait à côté, il a été assassiné il y a deux semaines.

— Pourquoi, parce qu'il était Français ?

— Non, bien sûr. Sûrement quelque rôdeur ou quelque détraqué, mais ça a fait du bruit dans la contrée. Tiens, vous voyez le type là-bas avec le tee-shirt bleu ? C’est Jo, ils partageaient le même "flat".

— C'est aussi un froggy ?

— Non, un descendant d’Espagnol, ou de Portugais. Il a passé du temps dans ces pays et au Vietnam.

— Il n'a pas l'air joyeux votre client.

— Évidemment, vous pensez, ça fait quand même un drôle d'effet, surtout que quand ça s'est passé, il était à trois mètres dans la pièce à côté.

— Pensez-vous que je puisse lui offrir un verre ? Peut-être qu'entre Européens ça lui ferait du bien de parler du pays, ça lui changerait les idées. Il se peut que je connaisse la région où il a passé du temps sur le continent.

— Attendez, je vais lui dire…

— Jo, il y a un type là-bas, c'est un touriste, un Français, il veut t'offrir un verre et parler du pays.

— Quel pays ? Sait-il seulement d'où ma famille est originaire ?

— Je lui ai dit que tu étais Espagnol ou Portugais, il m'a dit qu'il connaissait.

— Je n'ai pas envie de lui parler.

— Trop tard, le voilà qui rapplique.

— Buenas tardes, senior.

— Qui vous a dit que je parlais espagnol ?

— La barmaid, espagnol ou portugais, j'ai misé sur l’Espagne.

— L'Espagne, c'est loin, c'est le passé.

— Quel coin ?

— Saragosse.

— Ah ! Notre Dame del Pilar ! Saragosse c'est mon péché mignon.

— Tu as été là-bas ?

— J'ai vécu six mois à fonda del arriba, carretera del.

— Chez la grosse Carmen ?

— Tu connais ?

— Je ne connais qu'elle !

— Ah ! Dis donc si le monde est petit ! Qu’est-ce que tu bois, c'est ma tournée.

— Four X "mate".

— Deux bières, s'il vous plaît, une XXXX, une Foster.

— Qu'est-ce que tu fais par ici ?

— Artiste peintre et photographe free-lance, je vends quelques articles à Geographia, Historia, Connaissance du monde.

— Ça rapporte ?

— Ce n'est pas le Pérou, mais ça permet de voyager, j'aime bien les voyages et toi ?

— Quoi moi ? Si j'aime les voyages ?

— Non, qu'est-ce que tu fais ?

— Je travaille au port, docker, c'est bien payé.

— Le pays te plaît ?

— On s'y fait, faut bien, si ce n'était pas cette putain d'humidité !

— C'est vrai que je n'ai pas choisi la meilleure période, qu'est-ce qu'on transpire, la nuit dernière, j'ai juste dormi deux heures.

— Où es-tu descendu ?

— Oh ! J'ai dormi sur la plage, vingt dollars une chambre d'hôtel, c'est au-dessus de mes moyens.

— Tu pars quand ?

— Demain ? Après-demain ? Miss ! S’il vous plaît ! Remettez-nous ça.

— Si tu veux, je peux t’héberger pour une nuit ou deux.

— Dis donc, t’es vraiment sympa, mais je ne voudrais pas te déranger

— Tu ne me dérangeras pas, c'est la chambre d'un copain, tu ne le dérangeras pas non plus.

— Tu n'en sais rien, pourquoi ? Il n'est pas là ?

— Non, il est mort, tu ne savais pas ?

Chapitre 5

De retour à la maison Josué se retourne vers Laurent en souriant.

— Je t’ai dit que ce n’était pas un palace.

Lorsqu’il voit la maison de bois délabrée où vivait Didier, Laurent réalise que ce n’est certainement pas Versailles.

— Entre, je vais te faire les honneurs des lieux, tu peux laisser ton sac sur la véranda, on va y revenir boire une bière, il y fait plus frais. Voici la chambre de Didier. Tu peux coucher là. Si tu as des frusques à suspendre, tu peux utiliser la penderie. Si tu as besoin de plus de place sur la table, tu n’as qu’à entasser ces pierres sur un coin.

— Ben dis donc ! Ton pote il faisait collection de cailloux ?

— Oui, il cherchait des mines d'opales, il adorait les pierres, pour leur beauté sauvage qu'il disait.

— Et il gagnait bien sa croûte avec ça ?

— Faut pas croire, mais du moins il survivait, ce n'était pas Rockefeller, tu vois la piaule où il vivait, vingt dollars par semaine !

— Le prix d'une nuitée dans le moins cher des hôtels.

— Oui, mais le merdier ! C’est histoire de ne pas camper dehors.

Josué s’empare d’un carton de bières et ils viennent s’asseoir sous la véranda. Laurent ne boit que deux canettes avant de s’assoupir dans une chaise longue, seulement un quart d’heure, mais bienvenu, un court repos réparateur après vingt-cinq heures de vol.

À son réveil Josué l’interroge :

— Parle-moi de Saragosse et de Carmen…

— Carmen, je ne voudrais pas te décevoir si tu en étais amoureux, mais actuellement elle frise les cent kg.

— Elle les a toujours faits.

— Ah !

Laurent heureusement avait vraiment passé huit jours dans cette pension lors d'une précédente mission ce qui lui permit d'en dire des vérités. Cette question était-elle un piège pour le sonder ? Peut-être Josué trouvait-il bizarre cette arrivée d'un français quinze jours après la mort de Didier. Laurent décida d'attaquer.

— Dis donc c'est quand même curieux le hasard, que j'arrive ici juste quinze jours après l'assassinat d'un Français, car des Français par ici, il ne doit pas en passer souvent ?

— Tu sais c'est marrant, c'est justement la question que je me posais.

— Quelle question ?

— Si c'était vraiment le hasard…

—…

— Oui, tu aurais pu, je ne sais pas, être une sorte de flic venu enquêter, mais c'est vrai que l'autre est déjà venu. Et puis merde, un meurtre il n'y a pas de quoi en faire un plat.

— Non sérieux ! Tu me prenais pour un poulet quand tu m'as vu au pub ?

— Pas quand je t'ai vu, quand tu es venu m'aborder. Tu as déjà fait des peintures dans le coin ?

— J'ai fait quelques crobards, tiens je vais te les montrer.

Laurent se félicita d'avoir jeté sur un carnet quelques croquis qu'il avait exécutés d'après photos et revues touristiques.

— Pas mal, tu as un bon coup de patte.

— Tu peins aussi ?

— Non, mais ça ne m'empêche pas d'apprécier. Tu ne voudrais pas me faire un dessin de cette putain de baraque en bois. Ça me fera un souvenir pour plus tard.

Grossier le piège ! se dit Laurent. Il s'exécuta promptement.

— Tiens, c'est juste une esquisse.

— C'est vrai que tu as un bon coup de patte. Merci, mon pote.

— De nada ! Dis donc et si je prenais quelques photos et que j'essayais de faire un article : " le mort du bout du monde " Non, il n'y a rien d'original. Parce que tu comprends, vendre des articles sur l'Australie en France… Bonjour ! Les gens se foutent de l'Australie. C'est trop loin, il ne s'y passe jamais rien. Si seulement il avait pu être attaqué par un dingo ou bouffé par des sauvages… Là, ça aurait pu me donner une petite excuse, mais un meurtre ça n'a rien d'original.

— Ce n'est peut-être pas original, et peut-être que ça l'est… Oui, peut-être ? Je vais te montrer quelque chose. Seulement tu vas fermer ta gueule, on ne sait jamais. Tiens ouvre ce placard, tu vois les grosses godasses au fond ? Apporte-les. Tu sais ce que c'est qu'un compteur Geiger ? Oui ? Moi aussi, au port nous nous en servons pour contrôler. Et lui Didier pour ses recherches, il avait celui-ci, et puis ce détecteur de métal que tu vois là-bas, ce truc dérivé des " poêles à frire" qui servaient à déminer. Tiens regarde ! Tu as déjà vu des godasses qui affolaient les aiguilles à ce point-là ! On dirait des Andalouses qui dansent un flamenco !

— Putain ! Mais tu es con de garder ça dans une armoire ! On risque de se faire contaminer. Le bois, ça ne protège pas, faudrait du plomb, faudrait… Mais pourquoi tu as gardé ça ?

— Je dois les enterrer mais chaque jour, je dis demain, manque de temps, la flemme.

— Mais pourquoi, il les avait sur lui ? Oui, pourquoi les lui as-tu enlevées ? Pourquoi ne les lui as-tu pas laissées aux pieds ?

— Je me suis dit, on ne sait jamais, et si quelqu'un réclame le corps, et que connement, à la douane, à la sécurité, on passe avec un petit compteur. Tu vois d'ici le bruit ? Le merdier qui me tombe dessus, les curieux, et puis peut-être les "autres" qui pensent que je sais des choses, les autres qui doivent bien avoir un petit rapport avec le ballet des aiguilles.

— Tu sais que tu n'es pas con !

— Je sais, c'est pour ça que j'ai survécu jusqu'à présent, faut pas se fier aux apparences.

— Mais comment t'es-tu aperçu de ça ?

— Quand j'ai trouvé le Didier égorgé, sur le moment j'ai eu les foies. Pas de voir un mort, au Vietnam j'en ai vu pas mal, mais que ça se soit passé dans la pièce à côté, juste là, sous mon toit, presque sous mon nez ? Alors je me suis dit : bon le mec a pris des risques, c'est quand même pas pour rien ! J'ai cherché la raison, je n'ai pas trouvé. Et puis j'ai pensé, ses outils au Didier ça ne pourra plus lui servir, ni ses cailloux, alors j'ai récupéré quelques pierres et j'ai essayé sa poêle à frire pour rigoler et le compteur Geiger. Alors, tu imagines ma gueule quand ça, c'est mis à danser !

— Et tu penses que ton pote il aurait pu découvrir une mine d'uranium et qu'un tas de petits jaloux n'auraient pas aimé ça ? Tu ne trouves pas que ça fait un peu cinéma non ?

— Tu vois une autre raison ? Et un mec qu'on vient égorger dans sa piaule quand il y a quelqu'un dans la pièce à côté, ça ne fait pas non plus cinéma d'après toi ? Et pourtant cela s'est fait.

— Merde ! Tu as eu du pot qu'ils n'en dessoudent pas deux d'un coup, car après tout si c'est vrai, tu aurais pu raconter des choses.

— Raconter quoi ?

— Je ne sais pas ? Des confidences que Didier t'aurait faites ?

— Non, d'après moi la découverte de Didier c'était du tout neuf, et c'est pour ça, justement avant qu'il puisse éventuellement m'en parler, avant qu'il y ait trop de monde au courant qu'on l'a descendu. Si tu veux mon avis Didier a découvert quelque chose dans les huit jours qui ont précédé sa mort. Il ne savait rien avant, quand il est parti d'ici et il en savait trop quand il est revenu. Tourne comme tu veux, je ne vois pas d'autres explications. Et on ne saura jamais quoi, car entre sa découverte et sa mort il n'a contacté personne ; sinon il y aurait eu d'autres cadavres.

— Ouais ! Donc d’après toi c'est un coup de pot que tu ne l'aies pas rencontré à son retour sinon tu y avais droit aussi.

— Je pense. Pareil, s'ils savaient ce que j'ai découvert.

— Mais dis donc, pourquoi tu me racontes tout ça, et si moi j'étais de leur bord ? À supposer que ta théorie des "autres" soit valable.

— Je ne pense pas. J'ai jeté un coup d’œil à ton passeport pendant que tu sommeillais tout à l'heure, tu étais encore en France quand ça s'est passé.

— Oui, mais les tueurs auraient pu me faire venir pour te liquider !

— Crois-tu que ce n'aurait pas été plus simple en même temps que Didier quand j'étais dans la pièce à côté et qu'ils étaient sur place ? Non, je ne pense pas que tu sois dans le coup, mais je ne pense pas que tu sois photographe non plus, ou pas juste ça.

— Tu veux dire quoi ?

— Je veux dire que le Didier, il n'était peut-être pas non plus qu'un simple mineur d'opales. Je t'ai dit que j'ai connu la guerre au Vietnam quand j'étais légionnaire. Seulement ça, tu ne le savais peut-être pas. Alors les hommes ! J’en ai connu de toutes sortes et Didier, ce n'était pas un gamin. L'air de rien, je l'ai un peu questionné, il y a des tas d'endroits qu'il avait connu le Didier, des tas d'endroits, y compris la funda de la grosse Carmen. Hé oui, c'était peut-être un lieu de passage pour les gars du SDEC, mais c'était aussi un point de chute pour les anars, tu ne savais pas ? Alors peut-être que le Didier, il connaissait du monde à Paris et que ta venue ce n'est pas tout à fait par hasard. Peut-être que toi aussi tu aimerais savoir pourquoi ? Parce que l'autre qui est venu, celui de l'ambassade, il avait une belle tête de fonctionnaire tu vois, mais pas une tête à connaître la grosse Carmen comme Didier ou comme toi.

— Pour un docker tu travailles plus avec la tête qu'avec les bras mec ! Putain quelle imagination !

— Ouais, ça te la coupe hein ! Tu pensais : l'Espagnol je vais me l'endormir en deux coups de cuillère à pot ! Faudra repasser mec, faudra leur dire à Paris que leurs blancs-becs d'ambassade ils ne sont pas futés, sinon ils auraient pensé qu'en Australie tu peux changer de nom, c'est comme à la Légion. Tu vois, tu aurais pu être mieux rancardé avant de venir, et puis re-manque de pot : tes crobards sur l'Australie. Tu aurais dû les faire d’après nature au lieu de les pomper sur un bouquin, car tu vois, le Mall que tu as croqué, c'est con, mais tel que tu l'as dessiné là, il est vieux d'un an. La deuxième partie a été réalisée depuis. Qu'est-ce que tu en dis ? Pas trop con le vieil Anar, hein ?

— Tu faisais quoi dans la Légion ?

— Comme toi, mec : du renseignement. 2° Bureau à Saïgon sous les ordres du "Fada". Renseigne-toi, demande s'ils ont souvenir de l'adjudant Lopez. C'était mon nom à la Légion.

— D'après toi, qu'est-ce que je dois faire, écouter tes sornettes et…

— D'après moi, au lieu de perdre ton temps, tu ferais mieux d'aller téléphoner, moi je suis prêt à marcher avec toi si tu es habilité à recruter sur place. Mais cocorico, fini mon pote si je repique au truc j'ai besoin d'être payé, tu comprends ? Oui, je vois que tu comprends. Le téléphone, tu sais où c'est ?

— Je sais.

Chapitre 6