Les miroirs de Belle - bernie Lee - E-Book

Les miroirs de Belle E-Book

Bernie Lee

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Beschreibung

Belle fleur sauvage, femme libre et libérée en couple avec Bertrand aborde tous les sujets : Amour, viol, inceste, Amitié, Politique, Franc-maçonnerie, Poésie, éducation,liberté, et l'Australie ou elle ira. Belle 26 ans de révolte et d'envie d'aider les femmes a se libérer d'une soumission sexuelle a l'homme qui la révolte. Quand donc viendra l'égalité des sexes ? Quand donc la femme se libérera de ses tabous et deviendra enfin FEMME

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Aux Amis qui se reconnaîtront

Et … aux autres

Du même auteur dans la série : Polar australien

- Mine de Rien, BoD, 2019

- Ça va fuser chez les Abos, BoD, 2019

- La seconde mort de Michèle, BoD, 2019

- Alors on fait la bombe, BoD, 2019

Il n'y a pas de miroir objectif

Pas plus que d'objectivité

C'est dans la glace des autres

Que parfois on se reconnait

Jacques Prévert

Sommaire

Première partie

Chapitre 1

Chapitre 2

Chapitre 3

Chapitre 4

Chapitre 5

Chapitre 6

Chapitre 7

Chapitre 8

Chapitre 9

Chapitre 10

Chapitre 11

Chapitre 12

Chapitre 13

Chapitre 14

Chapitre 15

Chapitre 16

Chapitre 17

Chapitre 18

Chapitre 19

Chapitre 20

Chapitre 21

Seconde partie

Chapitre 22

Chapitre 23

Chapitre 24

Chapitre 25

Chapitre 26

Chapitre 27

Troisième partie

Chapitre 28

Chapitre 29

Chapitre 30

Épilogue

Première partie

1

— Non ! Je me refuse à l'épouser.

— Mais je pensais que tu l'aimais ?

— C'est justement parce que je l'aime

--- Décidément Bertrand, je ne te comprendrai jamais.

— Décidément !

— Tu as choisi une fois pour toute de me faire enrager !

Tu te complais à choquer les gens. Tu n'as donc vraiment aucune morale ?

— Oh je t'en prie Maman, ne me parle pas de morale. C'est vraiment trop facile de traiter d'immoraux ceux qui ne fréquentent pas les abysses de vos pensées. Et ne me dis pas que je n'ai pas de morale, dis seulement que j'ai une autre morale.

Mais la morale il n'y en a qu'une !

— Non la morale, qu'est-ce que c'est ? C'est un conglomérat de règlements verbeux, énoncés par les " Maîtres à bien penser" à une certaine époque, et transmis comme préceptes à suivre aux générations futures. La morale est toujours en retard sur son temps. On parle souvent " d'esprits avancés" quand on devrait dire "d'esprits en accord avec leur temps", Ce sont les autres qui sont en retard, car il y a forcément décalage entre morale et temps présent.

— Mais enfin, si l'on aime une femme, il est normal de l'épouser. Qu'est-ce donc qui t'en empêche ?

— Ma morale justement.

— Tu n'es pas sérieux ?

— Hélas ! Si, comme toujours, mais tu ne le comprendras jamais ! Pour moi, c'est le mariage qui est immoral ! Hé oui, inventé par une caste possédante aux fins de préserver les patrimoines c'est un acte "d'achat et vente" qui avilit l'Amour. Sais-tu qu'au 18éme siècle, c'était encore les parents qui "arrangeaient" le mariage de leurs enfants, sans concerter ceux-ci, et qu'on regardait comme amusante bizarrerie qu'un mari soit amoureux de sa femme ? Il y avait : les épouses à qui l'on faisait des enfants et les maîtresses à qui l'on faisait l'amour, ou les deux parfois. "Le devoir conjugal ", Oh, l'horrible mot !

— Mais tu parles du passé. De nos jours on se marrie en choisissant son conjoint, plus par obligation...enfin, pas souvent.

— Justement ! Le mariage n'a plus de raison d'être. Il tue l'amour, il le dégrade, il l'avilit. Enfin ! : acheter une femme comme on achète une voiture ! C'est l'esclavage légalisé. Sais-tu que la loi Française ne connaît que cinq actes authentiques qui te seront donné de croiser dans ta vie : naissance, achat et vente, engagement dans l'armée, mariage, et décès. Faisons abstraction de la naissance ; c'est la case "départ" du" jeu de la vie". C'est un constat d'arrivée, un fait existentiel sur lequel l'individu lui-même n'a aucun pouvoir de décision. Ne parlons pas non plus du décès, qui en dehors du choix suicidaire, échappe aussi à sa volonté. Donc ne parlons pas du décès, qui est pourtant le seul acte vraiment égalitaire de la vie.

— Pourquoi égalitaire ? Il y a des gens qui s'éteignent doucement et d'autres qui meurent dans d'horribles souffrances.

— Tu confonds le chemin qui mène à la mort, et le but : la mort elle-même. Bien sûr, entre la crise cardiaque d'un Gosciny et la longue agonie d'un juif de Dachau, il y a une différence, mais le fait de mourir, de quitter la vie, ça c'est égalitaire ! Parce que tout homme quel qu’il soit, quelques soient ses richesses devra mourir un jour, Mais je m'égare. Donc, outre la naissance et le décès : bonjour-bonsoir, les trois autres ne sont que les mêmes variantes d'un même acte. L'engagement, c'est le mariage avec un corps constitué de l'État, l'armée achète un soldat en lui versant d'ailleurs une prime d'engagement. Donc pour moi : mariage, engagement, achat et vente, c'est du pareil au même ; c'est un achat. Mais l'Amour, l’Amour c'est autre chose, Ah l'Amour ! L'Amour c'est du sublime ! Et l'on n'enferme pas le sublime dans un codicille.

— Mais le mariage.

— Est fasciste ! Il faut s'aimer si fort pour s'aimer malgré lui, que c'est réservé à une élite, et l'élitisme mis en...

— Mais la femme souhaite le mariage !

— Justement ! La femme quoi que tu en dises n'est malheureusement pas encore assez libérée, elle est châtrée, encore esclave de son éducation, de la morale, de l'état de prostration dans lequel l'a placé notre Société Patriarcale, et aussi je te l'accorde de la nature qui lui a réservé le rôle de mère. Ainsi n'étant pas libre de pouvoir s'assumer pleinement, n'ayant pas encore comme l'homme une indépendance professionnelle qui lui assure son indépendance économique elle aspire à la sécurité. Donc le mariage pour elle est aussi un acte d'achat et vente. J'achète ma retraite, mon pain de tous les jours, l'assurance, non garantie d'ailleurs, d'une vieillesse à deux, un confort moral illusoire, et je paye par ma soumission à l'esclavage quotidien. C'est dégueulasse ! Tu veux un exemple ? Jean, tu te souviens de mon ami Jean qui est dentiste à Pons en Charente Maritime ? Oui, Hé bien Jean nous disait l'autre jour : J'ai une patiente qui m'a confié outrée " Ah, si vous saviez Docteur ! Mon mari me trompe ; il se saoule ; il me bat et en plus maintenant, ce salaud, il veut me quitter !" Ce n'est pas beau ça ! Tu ris ? Mais ce n'est pas risible, C'est triste à pleurer. Tu ne comprends pas que c'est toi, toi et tes pareils qui l'ont conduite là. Réduite à réclamer l'esclavage comme bouée de sauvetage.

— Comment cela c'est moi ?

— Mais oui ! Cette brave ménagère à qui l'on a fait miroiter le mariage comme une finalité en soi, que l'on a conditionné en vue d'en faire une bonne épouse, bien imbriqué dans le système, et qui n'a ni métier, ni même plus de beauté qu'elle a gaspillée aux taches ménagères, sait confusément qu'elle n'a guère de chance de s'en sortir seule, ni d'attraits suffisants pour se revendre à un autre. Cette femme dépend totalement de son mari. Elle est l'esclave d'un salaud, et il lui faut le supplier de conserver son job d'esclave. Elle est moins libre que ces véritables esclaves noirs que j'ai rencontré en Mauritanie, et qui bien qu'officiellement affranchis restaient volontairement attachés à leur maître. Pour la pitance ? Oui ! Mais aussi parce qu'ils se considéraient de la famille : par Amour !

— Tu es un...un...un anarchiste. Je t'ai pourtant bien élevé

— Écoute, Maman, soit gentille, évitons ce sujet veux-tu ? De toute façon il se fait tard, Belle m’attend.

— Quand reviendras-tu ?

— Je ne sais pas.

— Ne prends pas froid.

2

— Bertrand

— Belle ?

— Tu es encore avec elle, je te vois lugubre.

— Tu sais, c'est chaque fois pareil quand je retrouve ma mère, il y a une telle incommunicabilité entre nous que cela me déprime, m'attriste. J'aimerais tant pouvoir m'expliquer, lui expliquer. Peut-être, sûrement même, ne comprendrait-elle pas, mais le plus désolant c'est qu'elle n'écoute pas. Elle n'a jamais su écouter. Le dialogue avec elle, ce sont deux monologues qui se croisent sans jamais pouvoir se rencontrer.

— Ne sois pas amer.

— Je ne suis pas amer, mais tu comprends, tu as beau te dire ; bien sûr il y a la différence de génération, mais que le dialogue n'arrive pas à s'établir, que l'incompréhension soit à ce point totale avec ta propre mère c'est grave ! C’est bien joli de vouloir croire en la révolution, mais ce n'est pas pour demain ! Les gens ne sont pas mûrs pour le dialogue. Et quand je pense que ces salauds nous ont volés Mai 68 ! Ah ce couple illégitime "Société-bourgeoise-et-Syndicats-dépassés-réunis" quelle frousse il a dû avoir quand il a vu que c'était la fête ! Que le dialogue s'établissait, que tout devenait enfin possible. "L'imagination au pouvoir !" tu parles d'une gifle pour eux !... Excuses-moi Belle ! C’est vrai que chaque visite à ma mère me déprime. Raconte-moi tes joies, as-tu vu Pierre ?

— Oui, il aurait bien voulu d'ailleurs faire l'amour avec moi, mais je n'en avais ni le temps, ni l'envie. Pauvre Pierre il était déçu, mais tu comprends ; aimer ce n'est pas faire la charité.

— Sacré Pierre ! Il est gentil tu sais, il t'aime bien, hé oui c'est vrai qu'il doit bien être amoureux de toi. Que pense-t-il de notre projet ?

— Il dit qu'une commune, une vraie, ce n'est pas viable. Il n'y croit pas. Il ne veut pas essayer. Il dit qu'il ne veut pas assumer une part de responsabilité dans l'échec, et que de toute façon ce serait contraire à sa propre réalisation.

— Mais pourtant il souffre de sa solitude ?

— comme tout le monde, mais c'est un masochiste, sinon ce ne serait pas un artiste. Sa souffrance est nécessaire à sa créativité.

— c'est... Pardon, que veux-tu boire ?

— un café

— deux ! ... Oui je disais, c'est un anarchiste qui s'ignore. Il est bon, généreux, doux, il a conscience de la valeur de la liberté, il a toujours porte et table ouverte

— Je ne sais pas s'il n'a pas raison après tout. De son point de vue, la douleur, la jalousie, les sentiments exaspérés qui sont nécessaires à son œuvre seraient contraire à la commune, Donc, ou "il s'agresse" ou il "nous agresse". Non ce n'est pas un anarchiste, c'est juste un peintre avec des sentiments à fleur de cœur. Un peintre qui cherche son chemin de Damas.

— Ne me dis pas que toi aussi tu crois à la nécessité de crever de faim comme tribut à payer à la réussite.

Les génies qui crevaient de faim, crevaient de faim parce qu'ils étaient entourés de cons qui n'avaient pas entrevu le génie. Mais crois-moi, le ventre creux n'a jamais fait l'artiste, et certains auraient sûrement préféré se consacrer à leur oeuvre qu'à dispenser leur temps à faire la manche.

— hum

— ...

— Bertrand

— Oui ?

—Tu penses encore à elle, Vous avez parlé politique ?

— Non, tu sais bien que j'évite avec elle d'aborder tout sujet de discorde

— Je sais ! Mais je sais aussi qu'elle t'agresse à chaque fois, et parler pour ne rien dire ...

— En partant elle m'a dit " ne prends pas froid ! " Je n'ai pas pu m'empêcher de penser à la chanson de Ferré : " Les mots des pauvres gens. Ne prends pas froid". Non, aujourd'hui nous avons parlé mariage. Elle m'a demandé pourquoi je ne t'épousais pas

— Quelle horreur ! Mais tu sais que je t'aime !

— Oui je sais. Et même assez pour m'épouser s'il le fallait un jour.

— Lui as tu rappelé ce qu'Edgar Morin pense du mariage ?

— Tu plaisantes ? Enfin tu vois ma mère lire le "paradigme perdu" ? D’ailleurs le nom de Morin lui est inconnu, comme celui de Reich, de Marcuse, d'Illich, de Leary, de Castaneda, de Camus, de Céline, de Jean Daniel, de Miller, de Jung, de …et Merde ! Comment veux-tu discuter avec des gens d'un autre monde, d'une autre planète ! La Culture ! C’est ça qu'il faut libérer en premier : La culture ! Si on ne libère pas la culture on ne pourra jamais faire la révolution. Elle a entendu parler de Sartre, quand je dis de Sartre, il s'agit du nom bien sûr, de Monsieur Sartre, pas de l'oeuvre, de Sartre et de Prévert. C'est à peu prés tout pour les bons, le reste c'est du Delly ou du Paul Déroulède.

— Par moment je pense que tu hais ta mère

— Oui c'est monstrueux, mais par moment je crois que si je ne haïssais pas la haine, je haïrais ma mère. Tu comprends, il y a bien sûr l'éducation, pardon : " la bonne éducation" dont elle a tartiné mon enfance, mais ça je peux lui pardonner, car elle même était conditionnée et plus ou moins irresponsable. Mais il y a mon adolescence dont elle était responsable, et quand il y a eu dualité d'intérêts entre sa réalisation personnelle et la mienne, elle a sacrifié mes aspirations à ses désirs. Et c'est ça que je lui reproche. Tu comprends faire un enfant ce n'est rien, c'est à la portée du premier salaud venu. Mais faire de cet enfant un homme libre, ça c'est difficile. Alors si l'on ne veut pas assumer ses responsabilités ; on s'abstient. Bien beau de faire des enfants pour soi, il faudra bien un jour penser à les faire pour eux-mêmes, ou alors ne pas en faire. Rappelle-toi ce que dit Khalil Gibran à propos des enfants dans " le Prophète

Vos enfants ne sont pas vos enfants

Ils sont les fils et les filles de l’appel de la vie à elle-même

Ils viennent à travers vous mais non de vous

Et bien qu’ils soient avec vous, ils ne vous appartiennent pas.

Vous pouvez leur donner votre amour mais non point vos pensées,

Car ils ont leurs propres pensées,

Vous pouvez accueillir leurs corps mais pas leurs âmes, Car leurs âmes habitent la maison de demain, que vous ne pouvez visiter,

Pas même dans vos rêves.

Vous pouvez vous efforcer d’être comme eux,

Mais ne tentez pas de les faire comme vous,

Car la vie ne va pas en arrière, ni ne s’attarde avec hier.

Mais outre qu’elle ne s’intéresse pas à la poésie, ce genre de conseils ne pourra pas lui convenir, et quand je pense qu'elle soutient ces connards de "laissez les vivre". Alors ça, ça me révolte ! " le droit à la vie" dit-elle. Mon cul ! Et le droit à l'amour ? On veut imposer la chasteté aux autres quand on est châtré par la vieillesse. C'est de la jalousie à la Marthe Richard tu comprends ? Et les autres cons de fachos, car "laissez-les vivre" c'est du fascisme ! Quelle est la première, des libertés si ce n'est celle de ton propre corps ? Si ce n'est faire l'amour, ou des enfants, ou les deux, quand tu le désires, et avec qui tu le désires. D'ailleurs l'avortement c'est un faux problème, car ces châtrés de la décence, s'ils avaient toléré une saine éducation sexuelle, il n'y aurait pas d’avortement, ou très peu. Ils ont créé le mal qui vitupèrent. Ne faut pas être pourri ? Quand ils te disent tous ces hypocrites de "laissez les vivre" :" oui mais en tuant le fœtus, vous tuez la vie". Mon cul ! Ça me rappelle un film que j'avais trouvé horrible quand j'étais tout gosse et qui avait enchanté mes parents. L'accouchement arrivait, difficile, très dur, et le père pathétique s'écriant : "sauvez d'abord l'enfant. ! ". Pas d'accord, sauvez d'abord la mère ! Pourquoi ça ne vit pas la mère ? ça n'a pas d'âme la mère ? Qui t'a fait Dieu pour décider du choix de mort ? Tu vois révolté tout gosse déjà ! Alors quand on me tient un raisonnement pareil : vous tuez la vie en tuant le fœtus. Moi je dis : et la mère ? Et puis c’est le même problème que pour la limitation de vitesse : A 180 Km/H il y a des accidents, à 120 à l'heure il y en a moins, à 90 encore moins. Bon ! hé bien poussez le raisonnement à l'extrême, vous voulez supprimer totalement les accidents ? Parfait ! Limitez la vitesse à zéro ; supprimez les voitures. Pour le fœtus c'est pareil tu comprends. Le fœtus est vivant ? bon ! mais le spermatozoïde aussi. Alors ne baisez plus, ne vous masturbez plus... et ne nous emmerdez plus !

— Bertrand !

— Excuse moi je m'énerve. Et moi qui me voudrais tolérant ! L'intolérance des autres me rend intolérant, et c'est ça qui est grave ! Et surtout je n'admets pas que ce soient des considérations religieuses qui voudraient dicter une loi laïque. C'est si lourd cette carapace de fausse morale, de préjugés, de tabous qu'ils nous ont imposés que je désespère que l'homme s'en libère un jour

— Tu sais ce qu'il faudrait faire ? Mais ils ne le voudront pas. Ce serait aller à leur perte et nulle société n'aspire à son autodestruction, à sa disparition, à part les francs-maçons assure Daniel

— Daniel est franc-maçon ?

— Je crois

— Il faudra en parler avec lui, j'aimerais bien qu'il m'apporte quelques lumières

— Donc ce qu'il faudrait faire c'est de demander aux enfants d'inventer une nouvelle morale. C'est pur les enfants, c'est dur mais pur, c'est l'innocence même. Laissez venir à moi les petits enfants. Tu vois peut-être la chance enfin d'une morale non polluée.

— Tu sais que ce n'est pas con ce que tu dis là ! irréaliste mais pas con, c'est Léo Ferré qui chante ; "ce qu'il y a d'encombrant dans la morale, c'est que c'est toujours la morale des autres". Oui pourquoi faut-il que les morts imposent encore leurs vues aux vivants ? Allez ! le pouvoir aux enfants ! Ah il faudra bien le terminer un jour notre Mai 68 !

— Tu sais très bien que déjà rien n'est plus comme avant, rien ne sera plus pareil. Mai 68 sera plus tard, mais bien plus tard, considéré comme plus important que 1789, c'est….

— C'est l'an 1 de la nouvelle civilisation

— Oui mais la vielle taupe judéo-chrétienne elle en met du temps à crever !

— C'est toi Belle qui t'impatiente ? toi avec tes 25 ans ! mais moi que devrais-je dire avec 20 ans de plus ? crois-tu que je puisse espérer connaître un jour une nouvelle Société ?

— Ne vis pas trop d'espoir, souviens-toi de ce qu'a dit Camus : " l'espoir est le pire des maux, car il engendre la résignation et vivre n'est pas se résigner "

— Je ne me résigne pas tu le sais bien, nous essayons déjà nous deux de vivre notre révolution culturelle. Bien sûr c'est petit, ça peut passer pour de l'égoïsme, ou de l'orgueil, ou du désespoir Mais souviens-toi, nous avons participé à tout : jeunesse Emmaüs, Terre des Hommes, MLAC, PSU, caisse de justice, et dans tout c'est pareil, c'est toujours les mêmes que tu retrouves à vouloir faire quelque chose. On ne peut pas changer le monde à quelques-uns. Non ne me sort pas comme connerie : et les apôtres ? Non ce n'est pas facile de libérer les gens ! à croire qu'ils se complaisent dans leur apathie.

— Tu verras c'est comme un fruit, tiens c'est, c'est comme une tomate. Ça met du temps à se former, à grossir, à trouver sa forme définitive, une tomate, et puis. Plouf ! du jour au lendemain cette boule verte est devenue un magnifique fruit rouge. Dis-toi bien que le cycle est irréversible

— Oui mais moi tu comprends j'attends depuis trop longtemps. J'ai pris conscience trop tôt. A 17 ans j'étais "existentialiste", Oh pas par la doctrine, je n'avais pas encore lu Sartre, ou mal, mais dans la tête des autres, par la tenue, parce que c'est comme ça qu'ils nous avaient baptisés après nous avoir traité de " zazous ", nous les quelques marginaux d'alors, Et parce qu'eux ne s'intéressent qu'aux apparences des êtres, il fallait bien parler leur langage, alors par réaction épidermique j'étais "existentialiste", cheveux longs, Hippy avant la lettre. Et ma révolte le l'ai traîné tout seul, ou presque, jusqu'à ce que je la rencontre en mes frères de 68... Si l'on fait un enfant

— Je ne veux pas d'enfant, nous n'avons pas le droit tant que nous n'aurons que ce monde à lui offrir.

— Bon d'accord ! mais si nous avions un enfant, il faudrait surtout faire attention à ne pas "bien l'élever" comme dit ma mère, Ah ! si elle savait tout le mal que je pense de cette éducation ! que c'est d'elle justement qu'il faudra désaliéner nos enfants si l’on ne veut pas faillir à notre mission de parents. Parce que jamais ne lui est venu à l'esprit que sa morale est immorale

—Tu sais bien que toute Société, quelle qu'elle soit, est répressive, la morale est l'arme d'asservissement de la répression.

— Il faut supprimer la morale !

— Non en fabriquer une autre

— Mais puisque toute morale est répressive !

— Ça ne fait rien, tu ne peux pas supprimer les barrières, l'homme a besoin de land marks, de jalons, de son territoire connu, sinon il est perdu. Pas tout à la fois !

— Tu échanges ta révolution pour du réformisme ?

— Non, mais, théoriquement c'était joli, ça sonnait beau sur les murs de la Sorbonne "II faut exiger l'impossible". Seulement il n'y a plus de Fées, ni de baguette magique. Il faut être réaliste. C'est déjà réconfortant de savoir que des "valeurs traditionnelles" aient été remise en cause par des écrivains, des philosophes de notre temps, même si le petit homme moyen n'a pas encore conscience de son oppression. Le phénomène "boule de neige" tu connais ?... Tu finis ton café ?

—Oui on s'en va

• • •

— Rue du soleil ! il faut vraiment être taré, ou d'un humour sublime, pour baptiser ainsi une ruelle qui n'a de soleil que le nom, et qui même au cœur de l'été n'a jamais subi la caresse du moindre rayon.

— Veux-tu que nous rentrions tout de suite ?

— Tu sais qui j'aimerais revoir comme ça ce soir ? Le grand Jimmy, Jimmy le noir de " chez Catherine", rue de Madrid ...Bizarre !

— " Bizarre, vous avez dit bizarre ? "

— Oui bizarre hein, un mec qui se met au piano, qui chante comme ça pour lui, pour son plaisir, et pour le tien aussi de temps en temps. Oh non pas pour de l'argent, fi donc ! Pour le plaisir ! Pour le plaisir dis donc ! ...Tu crois qu'un jour ils ne trouveront pas ça bizarre ?

— Veux-tu que nous passions chez Cathy ? Elle est peut-être seule

— Non pas ce soir. J'aimerai rester seul avec toi si tu veux bien. Ça t'ennuierait que nous ne fassions l'amour que tout les deux ?

— Idiot ! ça n’a rien de répréhensible, ni de stupidement bourgeois Je pensais seulement que cela t'aurait changé les idées. Et puis tu l'aimes bien Cathy n'est-ce pas ?

— Beaucoup et toi ?

— Moi aussi... Parfois quand je fais l'amour seule avec elle il m'arrive de regretter ton absence. C'est si bon tu comprends, que j'ai l'impression de te voler des joies

— Idiote, je t'adore !

— Moi aussi. Tu ne trouves pas ridicule que l'on s'aime ?

— Non ! Parfois je me dis : tu prétends que l'Amour c'est la recherche du plaisir de l'autre, le don de soi. Mais tu sais bien pourtant que l'amour c'est l'exaspération de l'égoïsme, du narcissisme, que ce que l'on aime dans l'autre c'est soi. Que l'autre n'est que ton propre miroir. Que c'est du super-égoïsme ! Et pourtant j'aime donner et j'aime aimer

— Alors miroir, comment expliques-tu ta contradiction

—Je ne l'explique pas, j'essayes de l'assumer et ce n'est pas facile.

— Bertrand, tu dors ?

— non je récupère.

— Crois-tu que Gérard soit facho ?

—Ah, ah, Gérard, pourquoi ?... Oui pourquoi ?... Et pourquoi pas ? … Parfois il m'arrive de croire que tout le monde est facho. Tu sais, tout être qui détient un semblant de pouvoir, à droite comme à gauche, a la tentation du fascisme. Tu crois que le communiste sincère qui est sûr de détenir la vérité, n'agit pas sur les autres parfois avec des méthodes fascisantes pour imposer la doctrine du parti ? mais pourquoi Gérard ?

— L'autre jour il soutenait qu'on ne pouvait s'aimer comme ça, comme nous, que le fait que nous fassions l'amour avec d'autres prouvait que notre amour n'était pas sincère, qu'il n'y avait pas don total, unique, exclusif

— Pourquoi ? parce que nous agissons honnêtement l'un vis à vis de l'autre, en plein accord, au lieu de se "cocufier" à la bourgeoise, engoncés de mensonges et de repentir ?

— Pour lui sa définition de l'Amour c'était : le couple seul sur une île déserte.

— Oui ! et vive la sclérose ! Non moi je ne suis qu'un petit individu moyen. Je n'ai pas la mystique d'un Gourou pour découvrir la vérité en moi. Je n'ai pas envie de m'offrir un orgueil à ma démesure. Que sommes-nous ? rien ! Ce sont les autres qui font de nous ce que nous sommes. Notre esprit n'est qu'une part infinitésimale de l'esprit universel, et notre Moi cérébral s'est modelé par les idées que nous avons inconsciemment volées aux autres, par les réflexions, les discutions avec nos amis. Notre acquis, notre culture, nous la devons aux autres. Personne ne possède la science infuse. Alors tu comprends : "je-t'aime-tu-m 'aimes-les-yeux-dans-les-yeux " ça va un temps. Mais sur le plan de l'enrichissement cérébral, tu repasseras. Surtout que si l'on s'aime, on se connaît déjà un peu, et cela réduit d'autant le champ des découvertes. Non merci ! 8 jours avec toi dans l'île de Tom et Caro aux Seychelles ; bravo ! 10 ans avec toi. Non merci Très peu pour moi. Tu aimerais toi ?

— Pas plus avec toi qu'avec un autre. Je dirais, surtout moins avec toi. Je t'aime trop pour désirer te perdre, et surtout pour voir venir s'installer entre nous la triste gueule de l'ennui. Le quotidien tue l'amour. Et puis tu vois, avant 6 mois je passerai mes nuits à me masturber toute seule, par honnêteté morale, parce que je ne voudrais pas que lorsque tu me fisses l'amour je m'imaginasse avec un autre.

— Que fais-tu ?

— Donnes moi ta main, je ne suis pas lassée pour l'instant, caresses-moi, oui là... Ah il faudra que j'achète d'autres piles, celles du vibromasseur sont mortes... Tu sais j'ai repensé à ce que tu me disais l'autre jour, à propos de Mai 68. Que les syndicats avaient volontairement tué l'espoir en ramenant la discussion avec le pouvoir sur leur terrain, à débattre d'augmentations de salaires, d'ailleurs bouffées en six mois

— D'autant que, qui avait demandé les accords de Grenelle ? sûrement pas nous, on ne voulait pas discuter avec le pouvoir, on ne voulait plus du pouvoir, ce n'est pas pareil. On ne discute pas avec les morts. Tu sais quand même qu'ils ont dû avoir drôlement peur lorsqu'en défilant nous sommes passés devant l'Assemblée Nationale. : Les voilà ! ...Ils arrivent ! c'est la fin, ils viennent s'emparer du pouvoir ! Ils vont prendre l'Assemblée ! Pauvres cons ! on est passé devant sans s'arrêter. Tiens, c'est quoi ce machin ? Le temple à guignol ! Ah bon ! Le pouvoir n'était plus là et ils ne le savaient pas dis donc ! pas conscients ces types ! Le Pouvoir n'est plus dans les partis, il est dans les médias. Ils sont en retard d'une guerre.

— Mais sais-tu pourquoi l'ouvrier n'est pas mûr pour ta révolution ? Parce que tout le monde ; la Société, l'Etat, la Télé, les syndicats. Tout le monde lui a dit : le bonheur c'est la maison, le frigo, la télé couleur, la voiture, la machine à laver. Alors il y croit, ils y croient. Et tant qu'ils ne posséderont pas tout ça, ils ne pourront pas s'apercevoir de la supercherie, et la dépasser

— Oui mais alors ça risque de prendre du temps ! la révolution n'est pas pour demain

— D'autant que pour résoudre leurs problèmes : chômage, racisme, échec de croissance économique, délinquance, démographie galopante, récupération des avantages sociaux acquis, tous les grands Etats se feront d'un commun accord une jolie petite guéguerre afin de retourner à une situation plus facilement contrôlable par eux.

— Le moins qu'on puisse dire c'est que ce soir tu ne planes pas dans l'euphorie !

--- Pousses ton bras, laisse-moi faire câlin, attends je vais me caresser moi-même, oui, ne bouges plus je suis bien, Oh mais tu as encore envie...attends ...

3

— As-tu lu le nouvel obs ?

— Non, pas eu le temps, pourquoi ?

— Une critique saignante de Jean Daniel... quand même, tu ne le trouve pas un peu orgueilleux toi parfois ?

— Non, en fait qui ne l'est pas ? de toute façon s'il l'est, lui au moins il peut se le permettre. Je trouve ses analyses perspicaces, intelligentes, et honnêtes et, ça... c'est rare.

— Gérard m'a emprunté " le Prophète" de Gibran pour Hannifa. Tu connais Hannifa son amie algérienne ? non ? elle est très sympa. C'est marrant quand même ! C'est marrant que cette fille se soit refusée à ses compatriotes algériens, mêmes à ceux qu'elle a vraiment aimé, enfermée dans ses interdits religieux, prisonnière de ses tabous sexuels, et qu'à 24 ans elle aille comme ça, le premier jour qu'elle le rencontre, se faire sauter par un pied-noir qu'elle sait de plus avoir été de l'O.A.S.

— Gérard a été de l'O.A. S ?

— Oui tu ne savais pas ? tu vois nous sommes bien tous des icebergs et comme l'on juge les gens sur la partie de vie que l'on connaît d'eux, on croit les connaître, et puis pas du tout. Ce père de famille peinard bien élevé et pratiquant, tu apprends soudain qu'il était bourreau à Dachau...Mais pour en revenir a Hannifa et Gérard, crois-tu qu'il y ait entre eux, comme une attirance morbide style relations victime-bourreau ? Remarque je n'ai pas a juger c'est leur problème

— Je ne sais pas... peut-être, peut-être avec le temps faisant, se retrouvant du même pays... Excuses-moi j'en étais resté à l'O.A.S. ça, ça me surprend. Mais pourquoi pas ? je le pense assez honnête pour être allé au bout de ses idées. Dire que nos chemins auraient pu se croiser quand j'étais au Front de soutient du F. L. N.…Tu sais je vais te dire, je préfère encore un type honnête d'en face, qu'un salaud de mon bord. Tu vois ça peut aller loin, mais c'est comme ça, Parce que tu sais des Salauds il y en a partout... Qu'est-ce que tu fais ?

— Attends ne bouge pas, laisse-moi passer mon bras autour de ton cou il est tout ankylosé

— Tu veux dormir ?

— Oui je crois, quelle heure est-il ?

— 3 heures ! quelle importance ? Tu vois, si un jour nous décidions de vivre libre, totalement libre, la première chose à faire sera d'écraser nos montres ...

4

— Salut Pierre, Daniel, Michel, Belle

— Dis donc Machin tu n'as pas l'impression d'être un peu phallo pour t'adresser d'abord aux hommes ?

— Non, c'est bien connu on garde les meilleurs pour la fin ma Belle

— des velléités politiques Jean-Mi ?

--- Non même pas. Tiens voilà Martine. Martine ! Salut beauté

--- bonjour vous tous. Le "New-York" est bourré aujourd'hui !

— Ah si tu l'avais connu du temps de sa splendeur passée !

— Tu l'a connu Pierre, du temps oú l'A.G. était juste à côté ?

— Ne m'en parles pas, Ah l'A.G. !

— Hé les anciens combattants on connaît ! ce n'est même plus drôle.

— Qu'est-ce que tu connais Martine ?

— Les filles que vous vous sautiez au premier étage sur le billard pendant qu'il y avait bal en bas le dimanche dans la sa\le du restaurant, les faux diplômes du bac que vous vendiez...

— Hé, Hé ! doucement ! ça ce n'était pas nous. C'était Pilou. Et il ne faut pas dire les "faux" c'était des "authentiques". Ah ce Pilou ! une vedette.

— Tiens, 22 les gars, l'équipe à Campet, la Maison Royco. Martine tu n'as pas de joint sur toi ?

— Non j'étais venu en acheter

— Tu en veux ? j'ai une barre de noir d'Afghan. Dix grammes ça te va ?

— O.K après le départ des poulets

— crois-tu que je le porte en sautoir ? je l'ai chez moi

— Dis donc Jean-Mi si tu veux m'en filer c'est ici ! Moi je ne m'appelle pas Dany vu ? Alors tu me le dis, mais tout de suite, c'est oui, ou c'est non. Si c'est non il n'y a pas que toi qui en a

— Ok, OK, ne te fâches pas. Ce soir ici, 9 heures ça te va ? Bon, Il faut que je m'en aille, salut la compagnie !

— Qu'est-ce que tu en penses Belle de Jean-Mi ?

— Rien

— Mais encore ?

— pas davantage

— Et toi Pierre ?

— Comme homme ? il n'est pas mal, si j'étais

— Ne déconnes pas !

— Je ne sais pas, avec lui c'est " salut-bonsoir", c'est juste... ce n'est pas un ami. Je le connais mal. Je le pense assez sympa, peut-être un peu superficiel. D'accord, Dany m'a raconté l'histoire. Bon, il a profité de l'occasion qu'elle soit chez lui pour essayer de se la faire. Assez réac et rétro comme mentalité, mais après tout c'est humain : l'homme propose...

— Hé Pierre ! tu ne serais pas en train de virer vent arrière ?

— Non je n'excuse pas : j'explicite. Je n'apprécie pas : j'annonce. Donc il a essayé, Point.

— Mais Pierre ce que tu ignores, ou semble ignorer, c'est que, Bon, tu as envie de faire l'amour avec moi, tu me le proposes, normal. J'accepte ou je refuse. Mais demande à Michel, ça ne s'est pas passé comme ça

— Oui disons qu'il a été très copain-copain, il lui a offert des joints, et il a attendu qu'elle soit stone pour essayer en douce de se l'envoyer bien égoïstement tu comprends !

— Je ne savais pas, c'est Dany qui te l'a raconté ?

— Non, en plus c'est Jean-Mi connement qui s'en est vanté à Marc !

— Bon, hé bien les copains vos débats, ça ne vole pas haut aujourd’hui. C'est du 14 ans d'âge mental ça Madame !

— Ce n'est pas notre faute !

— Allez, salut à plus tard

— Tu pars déjà Belle ?

— Belle ! attends-moi, je t'accompagne, salut vous autres,

--- Salut Daniel

• • •

— Tu en avais marre aussi ? oui, moi c'est pareil, mais tu comprends c'est ça l'amitié, les amis il faut les accepter avec leurs qualités et leurs défauts. Faut les aimer tels qu'ils sont et non tel qu'on voudrait qu'ils soient. Je t'accorde que ça volait au niveau d'un cancanage de terminale et encore ! mais c'est venu par hasard. Tu connais Martine, c'est pourtant une fille intelligente, je ne sais vraiment pas ce qui s'est passé aujourd'hui. J'avais l'impression d'un décalage, comme si j'étais avec mes amis, et en même temps étranger, écoutant des inconnus parler, c'est bizarre tout à coup ces cassures. Ça ne te fait jamais ça ?

— Si, mais volontairement, lorsque je désire faire un retrait pour voir de l'extérieur, en spectatrice.

— Martine est une fille très sympa, et très belle, et surtout elle a un humour...

— Oui je sais, j'ai été son amie

— Tu veux dire ?

— Oui je veux dire !

— Ah bon ! je ne savais pas. Maintenant que tu me le dis, j'aurais dû m'en douter, vous avez l'une et l'autre des points communs.

— Les points communs Daniel, ça ne suffit pas pour faire de bons amants !

— Bien sûr, mais il émane de vous deux une telle distinction, une telle beauté sauvage, un tel humour parfois, qu'on a l'impression que vous êtes faites l'une pour l'autre, et non pour être galvaudé par l'homme.

— Mais Bertrand et moi, sur le plan sexuel aussi c'est parfait !

— Bien sûr, il fait l'amour comme une femme

— Comment le sais-tu ? tu as fait l'amour avec lui ?

— Non, comme Bertrand je suis un hétéro, et je pense que de toute façon si cela avait été il te l'aurait dit. Bertrand c'est la vérité pure. Je voulais dire qu'il doit être douceur et bonté, que les qualités que l'on dit féminines, car soyons réalistes, nous sommes tous mâle et femelle. Je ne dis pas hermaphrodite, je dis qu'un tout petit chromosome détermine le sexe, et parfois pas toujours parfaitement, mais que nous avons tous en nous ce qu'il est convenu d'appeler des qualités viriles : la force, l'assurance, la puissance, l'agressivité. Et ce qu'il est convenu d'appeler des qualités féminines : la douceur, la tendresse, la sensualité

— La sensualité n'est pas spécifiquement féminine

— Je te l'accorde, mais disons que dans chaque sexe, certaines sont dominantes. Et je pense que Bertrand doit être un artiste de l'amour, un chantre de douceur

— Oui, pour lui l'amour est art précieux, porcelaine de chine, velours de soie. Il m'a souvent dit : j'aurais aimé être né femme, non pas que je me sente pédéraste, je me suis d'ailleurs posé la question de savoir si le fait d'être attiré par des filles bisexuelles n'était pas dû a une homosexualité refoulée, alors j'ai essayé pour savoir, mais je n'ai pas aimé ! Non, j'aime trop les femmes, et parce que j'aime les femmes j'aurais aimé être femme et lesbienne, pour leur faire l'amour sans ces brutalités, de mâles ègoistes

— Tu vois qu'il est féminin !

— Non ! féministe ! sais-tu qu'il rage parfois en disant : il n'y a que des femmes châtrées. La femme n'est pas assez virile au sens cérébral du terme. Elle n'arrive pas à se libérer. Elle est esclave. Même en amour elle se laisse dominer. Elle ne peut se débarrasser complètement de ses tabous. Elle se complaît dans la médiocrité. Et même celle qui se ressent capable d'assumer sa sensualité, d'être sexuellement majeure, participante active, revendiquant ses initiatives, même celle là reste parfois sexuellement soumise, Et sais-tu pourquoi ? d'où vient son inhibition soudaine ? De la peur d'être mal reçue par l'autre. " Si je vie pleinement