Nouveaux Contes de Fez - Mohammed El Fasi - E-Book

Nouveaux Contes de Fez E-Book

Mohammed El Fasi

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Beschreibung

Des contes traditionnels orientaux joliment illustrés par Laetitia Zink !

Onze contes traditionnels, recueillis à Fez, au début du XXe siècle.

Plongez sans plus attendre dans ces onze contes marocains et partez à la découverte de la cité de Fez.

EXTRAIT DE La gazelle d'or

Un riche commerçant avait un fils fort beau et très instruit, dont le charme, les bonnes manières, l’intelligence et le courage faisaient l’admiration de tous ceux qui l’approchaient. Son père, craignant pour lui les dangers que pouvait faire naître sa beauté, avait soin de le cacher aux yeux du monde et faisait en sorte que tout son temps se passât à étudier, ou bien à prendre, loin des rues passagères et des souks pleins de toutes sortes de gens, des leçons d’escrime et d’équitation.
Mais le père subit le sort de tous les hommes et mourut un jour, laissant à son fils une grande fortune, une belle maison et de nombreux serviteurs. Devenu maître de ses actes, le jeune homme prit l’habitude d’aller tous les jours se promener dans la ville et jouir du spectacle de la foule et des riches boutiques. Tout le monde fut alors étonné à la vue de sa beauté.

À PROPOS DES AUTEURS

Né à Paris, élève de l'École des Chartes, licencié ès-lettres et archiviste paléographe, disciple du célèbre islamologue Louis Massignon, Emile Dermenghem avait abordé l'Afrique du Nord en 1925, comme correspondant de guerre pendant la campagne du Rif. Séduit par le Maghreb, entré en relations avec deux jeunes Marocains, le Dr Faraj et Si Mohammed El Fasi il perfectionna sa connaissance de la langue arabe et commença de s'intéresser aux écrits spirituels musulmans.
Après avoir traduit, avec son ami El Fasi, des contes marocains, puis l'admirable poème spirituel de Ibn Fâridh, L'Éloge du vin, qu'il accompagna d'un remarquable essai sur la mystique musulmane, il publia une vie de Mahomet en 1945, enfin un recueil Les Plus Beaux Textes arabes. Le chapitre de la littérature arabe lui fut confié pour l'Encyclopédie de la littérature.
Après des études de lettres et une maîtrise sur la vision esthétique, Laetitia Zink a renoué avec sa passion en suivant une formation d'arts appliqués. Un temps maquettiste chez Hachette Jeunesse, elle se consacre depuis à la peinture et à l'illustration de livres pour enfants. Elle a travaillé avec les éditions Nouvelle Arche de Noé, L'Harmattan et les Éditions du Jasmin. Elle vit actuellement à Paris avec son mari et leur petite fille.

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Couverture

Collection

Contes d’Orient et d’Occident

1.Histoire d’Aladdin Roi de l’Yemen

William Beckford

2.Les Quatre Talismans

Charles Nodier

3.Contes de Fez

Anonyme

4.Contes de l’Alphabet I

E. & B. de Saint Chamas

5.Contes de l’Alphabet II

E. & B. de Saint Chamas

6.Contes de l’Alphabet III

E. & B. de Saint Chamas

7.Contes de Berbérie

José Féron Romano

8.Nouveaux contes de Fez

Anonyme

9.Le prince dont l’ombre était bleue

J. Féron Romano et E. Tabuteau

10.Contes des six trésors

E. & B. de Saint Chamas

Copyright

Ces contes, recueillis d’après la tradition orale par Mohammed El Fasi etÉmile Dermenghem, ont été publiés la première fois dansContes fasis,en1926 etNouveaux contes fasis, en 1928.
Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés pour tous pays
© ÉDITIONS DU JASMIN4, rue Valiton 92110 Clichy
ISBN 978-2-35284-717-5 Avec le soutien du

Titre

L'HISTOIRE DU ROI DES DJNOUN*, DE SA FILLE ET DU FILS DU SULTAN

Il y avait jadis un roi qui régnait sur des pays prospères, disposait de puissantes armées et d’innombrables richesses. Mais malgré les biens dont l’avait comblé Dieu et malgré ses femmes jeunes et belles et ses nombreuses concubines, ce Sultan était malheureux au fond de son cœur et souffrait cruellement de n’avoir point d’enfant. Or il était déjà parvenu à un âge avancé et il songeait qu’il s’éteindrait un jour prochain sans laisser de postérité.
Le Sultan avait comme grand vizir un sage fameux, fort instruit en toutes sortes de sciences et même dans les sciences cachées, magiques, prophétiques et divinatoires.
– Ô mon vizir très sage, lui dit-il un jour, voici que les années se sont amoncelées sur ma tête, que mes os et ma mœlle commencent à s’amincir et que mes cheveux blancs sont devenus bien plus nombreux que mes cheveux noirs. Et sans savoir à quoi attribuer ma stérilité, je songe avec douleur qu’aucun fils de mon sang n’héritera mon trône après ma mort. C’est pourquoi mon âme s’est attristée et c’est pourquoi je t’ai fait appeler, ô mon vizir à l’âme sursaturée de sagesse.
Le grand vizir réfléchit quelque temps, puis, relevant la tête :
– Ô roi doué de prudence et d’équité, dit-il, c’est là en vérité question bien délicate. Si tu veux bien m’accorder quelques instants, je te dirai si tu peux avoir un fils.
Prenant une feuille de papier et uncalame*, il se mit à tracer quelques signes et à opérer quelques calculs. Puis il dit au Sultan :
– Je vois, ô mon maître, qu’un fils peut naître de ton sang. Mais un détail de l’horoscope est de nature à t’attrister.
– Parle sans crainte, dit le roi.
– Cet enfant, poursuivit le sage vizir, sera en vérité la lune elle-même quant à la beauté du corps, et son âme sera ornée de toutes les qualités de l’esprit comme de toutes les vertus du cœur. Labaraka* des gens du Visible et de l’Invisible* sera sur lui. Mais il ne restera que neuf années auprès de toi.
Le contentement du Sultan était assombri par l’appréhension de ce destin pénible, mais son épouse, toute à la joie d’avoir bientôt un fils, le consola vite en lui faisant espérer qu’on pourrait à force d’habileté arriver à conjurer le sort. Le roi fit donc donner une robe d’honneur au vizir en témoignage de sa satisfaction et lui demanda ce qu’il lui restait à faire.
– Cette nuit, dit le sage, tu prendras soin de remplir exactement toutes les prescriptions des rites. Tu feras tes ablutions et ta prière avec ferveur et d’un cœur soumis aux décrets de Dieu. Puis, avant d’approcher ton épouse, tu lui feras mâcher et tu mâcheras toi-même une des feuilles sèches que voici.
Ainsi fit le Sultan le soir même, et, dès la fin du mois, la Sultane se trouva enceinte. Au bout de neuf mois elle accoucha d’un enfant mâle au milieu des réjouissances de toute la cour, et au son joyeux des flûtes et des tambours.
Cet enfant était la Beauté même perçant les cœurs de ses regards. Qu’Il est grand, Celui qui le créa et le modela !
*
Quand il eut trois ans, on le confia à un précepteur choisi entre tous les savants du royaume, qui lui enseigna le *, laSounna*, la grammaire. À sept ans, le prince savait par cœur toutes les Sourates* du Livre Saint, connaissait leshadiths* du Prophète, parlait et écrivait correctement l’arabe. Son instruction intellectuelle étant parfaite, son père lui fit donner des leçons de courage : de nombreux professeurs lui apprirent à monter à cheval, à tirer à l’arc, à lancer le javelot, à manier le fusil, la lance, le sabre et le poignard, à chasser avec de nobles faucons ou de sveltes lévriers. Il apprit aussi l’art de la guerre, la course, la lutte, la nage et à supporter sans faiblir la fatigue, le froid, le soleil, la soif, la faim et toutes sortes de privation. Son corps qui sortait radieux duhammam*, souple et doux, tiède et parfumé d’entre les mains des masseurs, était capable de rester longtemps à cheval sans prendre de nourriture, de coucher sur la dure sans se déshabiller, de lutter sans trembler avec les plus braves chevaliers. À neuf ans, il était vraiment la merveille de son siècle.
*
Le précepteur prit un jour le jeune homme avec lui et l’emmena loin de la ville. Ils marchèrent toute la journée et arrivèrent dans un désert où il n’y avait que la présence de Dieu, où l’on n’entendait d’autre bruit que le sifflement des serpents, les cris des mauvais esprits, deschayatin* et desibales*, et les hurlements des ogres en quête de leur proie. Mais l’ayant traversé sans crainte, ils se trouvèrent au pied d’une haute et sauvage montagne.
– Sais-tu combien il y a maintenant de distance entre nous et le palais de ton père ? demanda le vieillard.
– Non, dit l’enfant, mais je suppose que nous sommes à une journée de marche de la ville.
– Eh bien ! le chemin que nous avons fait en une journée, c’est comme si nous avions marché sans nous arrêter pendant trois cents ans.
– Que veux-tu dire, ô mon maître ? s’écria l’enfant. Et pour quelles mystérieuses conquêtes m’as-tu fait venir ici avec toi ?
– C’est, mon enfant, pour te révéler comment conquérir la sagesse.
– Et où est-elle, cette sagesse ?
– Vois ce cheval de bois que j’ai apporté avec nous. C’est pour toi que je l’ai fabriqué avec toutes les ressources de mon art ; dès que tu monteras sur lui, il se transformera en un cheval-volant bien vivant, de chair, d’os et de sang chaud. Il te transportera au sommet de cette montagne inaccessible. Une fois là-haut, tu l’égorgeras et rempliras de son sang sept tubes de roseau. Tu feras quelques pas et rencontreras un grand mur avec une porte fermée. Arrivé devant cette porte, tu prononceras ton nom et celui de ta famille : la porte s’ouvrira. Sur le seuil, un homme lèvera son épée pour te couper la tête. N’aie pas peur, mais traverse sans hésiter cette première porte. Ce n’est là qu’ombre vaine et fantôme sans âme qui s’évanouira dès que ta auras manifesté ton courage. Une seconde porte s’ouvrira de la même façon, derrière laquelle veille un lion qui se jettera sur toi pour te dévorer. Ne crains rien et avance toujours. Tu prononceras les mêmes mots devant une troisième porte pour qu’elle s’ouvre ; un long et gros serpent à sept têtes, dévorateur des hommes, se présentera. Dédaigne-le comme l’homme au glaive et comme le lion : il n’est qu’un dragon imaginaire enfanté par la peur. Tu verras alors un palais composé de septkoubbas*: la première pleine d’or, la deuxième pleine d’argent, la troisième de perles, la quatrième de diamants, la cinquième de rubis, la sixième de diverses pierres précieuses, la septième toute tapissée de soie et garnie d’épais et somptueux matelas. Tu monteras sur le grand matelas du côté droit et verras alors sur une étagère une petite caisse. Prends ce coffret et apporte-le moi.
– Avec plaisir et de bon cœur, acquiesça l’enfant. Tes désirs sont sur ma tête et mesyeux*.
Et il monta sur le cheval de bois qui se mit aussitôt à piaffer et s’envola vers le sommet de la montagne. Le jeune garçon fit alors tout ce que le sage lui avait ordonné. Mais, arrivé dans la septième chambre et voyant les matelas si beaux, si confortables et si accueillants, il se sentit pris d’un grand désir de dormir. Bientôt il s’étendit parmi les coussins aux belles broderies, et tomba dans un profond sommeil.
C’était là le mystère du palais enchanté. Tous ceux qui avaient eu l’audace d’entreprendre la conquête du coffret mystérieux, même s’ils n’avaient point succombé dans les précédentes épreuves, s’endormaient dans cette pièce dont les murs aussitôt se refermaient sur eux.
*
Mais le jeune prince était prédestiné par les décrets immuables à la conquête du coffret magique. Il ne lui arriva aucun mal. Après un court sommeil, il se réveilla frais et dispos, prit la cassette et sortit. Ayant soulevé le couvercle, il vit une baguette de bois et un anneau d’argent. Après avoir examiné curieusement ce dernier, auquel il ne trouvait d’ailleurs rien d’extraordinaire, il eut la curiosité de le mettre au petit doigt de sa main gauche.
Aussitôt un gigantesqueafrit* apparut qui s’écria :
– Ordonne et j’exécute,ya Moulay*.
Mais le jeune prince se contenta de lui dire :
– Je ne veux rien pour l’instant. Disparais !
Et il remit l’anneau dans la boîte.
Comme il cherche une issue pour sortir, il entend du bruit. Il a peur, se cache et voit venir plusieurs gracieuses jeunes filles qui se mettent à laver rapidement le sol du palais, et sont remplacées par d’autres qui mettent en ordre les matelas des diverses chambres, puis par une troupe d’admirables musiciennes qui entourent une jeune fille belle comme la lune, belle au point qu’un troupeau de moutons s’arrêterait de manger à sa vue.
La jeune fille s’assoit au milieu de toutes ces belles qui lui témoignent un grand respect, et, leur ayant ordonné de faire silence, à haute voix elle appelle de son nom le jeune homme toujours caché derrière un buisson de roses. Le prince se présente aussitôt devant elle, s’inclinant par trois fois, comme il a vu faire aux suivantes. Mais elle, à sa vue, se lève et le salue de la même manière. Elle le prie de s’asseoir et lui demande comment il a pu parvenir jusqu’à elle. Il lui raconte toute son histoire et comment le magicien lui a enseigné à triompher des épreuves redoutables. Au moment où il raconte qu’il s’est endormi sur le matelas de la chambre de soie, elle sourit et lui dit gentiment :
– À ce moment-là, le magicien qui voulait se servir de toi pour s’emparer du coffret te croyait bel et bien mort et vaincu par les charmes, et pensait que ce n’était pas toi qui était prédestiné à sa conquête. Loué soit le sort qui t’a fait triompher et t’a conduit vers moi.
Sur son ordre, les jeunes filles se mirent à chanter en s’accompagnant de leurs guitares, et le jeune prince se demandait s’il était dans un rêve ou bien au paradis en écoutant cette belle musique capable de faire danser des pierres et descendre l’oiseau du ciel.