Parietal Art - Sébastien Hourticq - E-Book

Parietal Art E-Book

Sébastien Hourticq

0,0

Beschreibung

Le 17 avril 1963, André Malraux, alors ministre chargé des Affaires Culturelles, décide d'interdire l'accès à la grotte de Lascaux. La raison officielle avancée est une dégradation des peintures par des moisissures. Cependant, les scientifiques qui travaillent sur le projet confidentiel "Parietal Art" savent qu'il en est tout autrement. Les bouleversantes découvertes qu'ils viennent de faire ne peuvent pas être révélées au grand public. De nos jours, Clarisse, jeune vétérinaire pleine de talent, va découvrir que son existence est étroitement liée à ce mystère qui va bouleverser l'humanité toute entière. Parietal Art est un thriller fantastique qui vous fera remonter aux origines de l'Homme et vous plongera peut-être dans son extinction. Pour Lecteurs avertis.

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern
Kindle™-E-Readern
(für ausgewählte Pakete)

Seitenzahl: 472

Veröffentlichungsjahr: 2023

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



Pour Caroline, Claire, Julien et Philippe

Sommaire

INTRODUCTION

CHAPITRE 1

CHAPITRE 2

CHAPITRE 3

CHAPITRE 4

CHAPITRE 5

CHAPITRE 6

CHAPITRE 7

CHAPITRE 8

CHAPITRE 9

CHAPITRE 10

CHAPITRE 11

CHAPITRE 12

CHAPITRE 13

CHAPITRE 14

CHAPITRE 15

CHAPITRE 16

EPILOGUE

INTRODUCTION

Le militaire pressa le pas dans les couloirs du palais de l’Elysée. Il serrait un peu trop fortement entre ses mains son dossier et ne parvenait pas à contenir son appréhension. Deux conseillers qu’il connaissait bien surgirent d’un vestibule. Il les croisa sans prendre le temps de leur rendre leur salut. L’affaire était urgente. Arrivé, devant la porte double en bois finement décoré du Grand Salon Doré, il reprit son souffle, frappa et entra sans attendre qu’on l’y invite.

Peu habitué à ce décor digne d’un théâtre d’un autre temps, il conserva cependant toute la concentration nécessaire à la divulgation de sa future information. Au sein de la résistance, le colonel avait affronté les nazis pendant la seconde guerre mondiale et avait survécu à toutes ses horreurs. Pourtant, aujourd’hui, il était abasourdi par la découverte qui avait été faite. Elle dépassait l’entendement humain.

C’est dans le Grand Salon Doré que le président avait choisi d’installer son lieu de travail. Le Général n’aimait pas le palais et regrettait que la présidence ne se soit pas installée dans une des anciennes demeures royales comme Versailles ou Vincennes. À l’oreille d’Yvonne, il aurait ironisé :

« Nous voilà donc dans un meublé». De Gaulle leva à peine la tête de son bureau, un modèle Louis XV qu’il avait fait venir du ministère de la Marine. Ce bureau plat, créé en 1740 par l’ébéniste Charles Cressent était considéré comme le meuble le plus précieux du Palais.

- Mes hommages, mon Général, s’empressa de dire le militaire en s’avançant vers le président.

- Colonel De Tocqueville, vous me semblez troublé, répliqua Charles De Gaulle, toujours plongé dans l’examen des courriers posés sur son bureau. Il l’avait reconnu par le son de sa voix.

- Nous venons de faire une découverte incroyable dans la grotte de Lascaux, Monsieur le Président.

Il tendit un peu trop brusquement le dossier et une photographie s’en échappa. De Gaulle la prit en main, l’examina et leva enfin ses yeux vers lui.

- Prenez place, mon ami, dit-il, en lui désignant un fauteuil.

Il connaissait bien De Tocqueville. Il avait contribué dans l’équipe de Jean Moulin à saper de l’intérieur les forces des envahisseurs Allemands. Il avait même gouté aux joies d’un interrogatoire de la Gestapo. Le colonel, à l’époque il n’était que lieutenant dans l’armée Française libre, n’avait pas craqué. Alors pourquoi paraissait-il si bouleversé ? Il ne pouvait pas concevoir qu’il puisse s’agir que d’une découverte de nature culturelle.

Le Général prit de nombreuses minutes à étudier les documents sans dire un mot. Il rangea méticuleusement les photographies et les feuilles de papier dactylographiées dans la pochette classée confidentielle avant de la refermer. Dans d’autres circonstances, il aurait manifesté son mécontentement sur le titre franco-anglais du projet : Parietal Art. Mais là, son esprit était accaparé à la gestion de cette crise qui pouvait une nouvelle fois bouleverser la race humaine. Il prit la parole d’un ton ferme, calme et résolu :

- Qui est au courant de cette découverte ? demanda-t-il.

- Les deux scientifiques à l’origine du projet de fouille, l’intendant du site et le préfet. Ce dernier est un vieil ami digne de confiance. Nous avons fait sauté un train nazi ensemble. L’information n’a pas pu s’ébruiter. Nous avons sécurisé la zone et les principaux protagonistes sont au secret.

- Je vais contacter personnellement André Malraux, afin qu’il interdise l'accès de Lascaux au grand public.

Le jour même, le ministre des affaires culturelles déclara que " la grotte de Lascaux ne pourra pas être ouverte au public dans les mêmes conditions qu'autrefois. Il est désormais établi qu'un public trop nombreux ne doit pas être autorisé à pénétrer dans ce volume réduit où sa présence provoque des perturbations de tous ordres excessivement nuisibles... ".

CHAPITRE 1

Clarisse jeta un coup d’œil au journal du matin tout en prenant son café dans le bistrot qui donnait sur l’entrée principale de la forêt de Meudon. Un article attira son attention.

"Vandalisme à Lascaux : les célèbres grottes cibles d'un acte de dégradation.

Les célèbres grottes de Lascaux ont été victimes d'un acte de vandalisme cette nuit, révèlent les autorités locales. Des dégradations ont été constatées à l'intérieur des grottes, mettant en péril ce joyau du patrimoine historique et culturel français.

Le site, fermé au public depuis 1963, est sous une surveillance constante pour préserver les peintures rupestres vieilles de 20 000 ans. Cependant, les malfaiteurs semblent avoir réussi à déjouer les mesures de sécurité.

Les autorités locales et le Ministère de la Culture ont exprimé leur indignation face à cet acte irresponsable. Une enquête a été lancée pour retrouver les auteurs de ce délit."

Le serveur lui tendit l’addition en lui souriant. Clarisse était une femme dont la présence était aussi subtile qu'envoûtante. Ses cheveux longs et châtains, d'une teinte riche et profonde, tombaient en ondulations douces autour de son visage, encadrant délicatement ses traits fins. À la lumière, des reflets dorés jouaient à la surface de sa chevelure, créant une illusion de profondeur et de mouvement. Mais ce qui captait le plus l'attention chez elle, c'étaient ses yeux. D'un marron noisette envoûtant flirtant vers l’émeraude, ils semblaient contenir des mondes entiers. Tantôt doux et rêveurs, tantôt perçants et scrutateurs, ils étaient le miroir de son âme complexe et passionnée. Ses yeux étaient ourlés de longs cils sombres qui ajoutaient à leur intensité. Elle portait des lunettes en écaille aux teints miel et caramel qui seyaient à merveille à ses iris noisette et lui donnaient un petit côté intellectuel charmant. Sa peau, d'une nuance d'olive claire, contrastait parfaitement avec la richesse de ses cheveux et l'éclat de ses yeux. Sa démarche, à la fois gracieuse et déterminée, révélait une femme sûre d'elle tout en conservant une certaine douceur innée.

Son footing commençait toujours tôt le matin. Une brume épaisse s'accrochait encore aux troncs des arbres. L'air était frais, chargé de l'odeur humide et terreuse de la sylve endormie. On entendait à peine le bruit de ses pas s'enfonçant dans le tapis de feuilles mortes, seuls sons audibles à travers le silence presque palpable.

Les arbres défilaient à une cadence régulière, leurs silhouettes sombres et déformées par le brouillard apparaissant puis disparaissant comme des spectres. Par moments, un rayon de soleil parvenait à percer la couverture de brume, dessinant des faisceaux de lumière d'une beauté presque irréelle. La respiration de la jeune femme se faisait rythmée, en harmonie avec le battement sourd de ses pas sur le sol forestier. Elle avançait, enveloppée dans cette atmosphère mystique, se laissant guider par le sentier qui serpentait à travers la forêt.

La brume se leva lentement, révélant la forêt dans toute sa splendeur. Les verts luxuriants des feuilles, les bruns profonds des troncs et le bleu clair du ciel commencèrent à apparaître, tout se mélangeait dans un tableau naturel d'une beauté saisissante. La coureuse aimait ce moment où la forêt s’éveillait, vibrante de vie et libérée de son voile de brume. C'était une expérience presque spirituelle, une communion entre l'homme et la nature qui revigora son âme et son esprit.

Soudain, sa quiétude fut troublée par des bruits de pas, non loin d’elle. Les feuilles mortes craquèrent. Sans doute un autre coureur. Ça ne pouvait pas être un animal. Ils étaient bien trop prudents et trop rares en région parisienne. De toute façon, elle n’avait pas peur des animaux. Clarisse avait même une extraordinaire affinité avec eux. Depuis sa plus tendre enfance, elle parvenait à les comprendre et à communiquer avec eux.

Elle s’immobilisa et scruta les alentours sans rien apercevoir. Clarisse était convaincue que quelque chose la suivait. Quelque chose d'invisible et de terrifiant. Une présence persistante qui semblait se fondre entre les ombres et les rayons du soleil. Elle ne la voyait pas, mais elle la ressentait. Elle entendit un nouveau froissement et le son d’un souffle court qui accompagnait une course effrénée.

La jeune femme bondit entre les arbres. Son cœur battait la chamade dans sa poitrine. Sa respiration était haletante mais régulière. Le rythme de sa course était dicté par l'adrénaline qui pulsait dans ses veines. C’était une athlète, ses muscles toniques et ses réflexes vifs se prêtaient à une fuite effrénée à travers la forêt dense.

Elle prit quelques secondes pour se retourner. Derrière elle, une forme étrange et terrifiante se dessina entre les voiles de brunes qui persistaient. Un homme à l’allure monstrueuse, doté d’une tête de vautour aux yeux vifs et d’un corps masculin partiellement dévêtu, la scrutait. Elle ne savait plus que penser. Etait-ce son esprit qui lui jouait des tours ou bien un pervers de la pire espèce ? Soudain, les muscles puissants de son poursuivant se tendirent avec une grâce surnaturelle et son corps se détacha de façon presque irréelle de l’ombre des arbres. Son bec s’ouvrit créant un sifflement effrayant qui accompagna son avancée.

La jeune femme brune s’élança. Ses longs cheveux flottaient derrière elle, éclairés par les premières lueurs du jour. Ses profonds yeux noisette nuancés de gris étaient élargis par la peur. La monstruosité la pourchassait avec une détermination féroce, sa tête d’oiseau balayant la forêt à la recherche de sa proie. Son bec acéré s’ouvrait et se fermait en un grincement sinistre, tandis que ses yeux perçants fixaient la silhouette qui s’échappait devant lui.

Ses sens aiguisés par la peur, la jeune femme était convaincue qu’elle courait maintenant pour sa vie. Chaque craquement de brindille, chaque souffle de vent devient un signal d’alarme, amplifiant le danger imminent. Malgré cela, elle n’abandonnait pas. Sa respiration était rapide mais contrôlée, sa course agile et déterminée. La forêt semblait retenir son souffle, attendant de voir qui, de la proie ou du prédateur, allait triompher. La nature sauvage autour d’eux était à la fois un témoin muet et une toile de fond à cette danse primitive et effrayante entre la peur et la persévérance. Clarisse ne voyait que des flashs : une plume noire qui flottait dans l'air, le reflet d'un œil perçant à travers les branches, la silhouette fugitive qui disparaissait à chaque fois qu'elle tournait la tête. Son esprit était rempli de l'image effrayante de l'entité qui la pourchassait, alimentant sa peur et son désir de survivre. Elle sauta par-dessus des troncs d'arbres tombés, se faufila entre des buissons épineux et courra sur le tapis de feuilles humides sans jamais regarder en arrière. Son instinct la poussait à courir plus vite, à ne pas abandonner. Sa peur se transforma en détermination, en volonté de survivre. À chaque bruissement derrière elle, à chaque cri perçant, elle accéléra. Elle n'était plus seulement une joggeuse déterminée, mais aussi une proie fuyant son prédateur, une survivante luttant contre une créature cauchemardesque.

Dans sa fuite effrénée, elle percuta quelque chose ou plutôt quelqu’un. Clarisse ne put maintenir sa trajectoire, elle trébucha et chuta lourdement au sol. Sa tête heurta une souche. Ses yeux s’embuèrent et elle manqua de sombrer dans l’inconscience. Une forme humaine se pencha vers elle.

- Madame, tout va bien ?

Elle rouvrit les yeux et sentit qu’on l’aidait à se remettre sur pied. Elle fit un bon de côté.

- Je vais bien, ne me touchait pas, répondit-elle, effrayée. Un homme en survêtement noir se tenait devant elle.

- Je suis vraiment désolé, je ne vous ai pas vu arriver sur moi. Vous m’avez fait une peur bleue.

Clarisse scruta les alentours tout en reprenant ses esprits. Il n’y avait pas trace de son poursuivant. Avait-elle rêvé cette course poursuite dans la forêt?

- Vous voulez que je vous dépose aux urgences, demanda l’homme inquiet.

Elle sentit un liquide chaud s’écoulait sur son front. Elle passa sa main dans ses cheveux et la ressortit couverte de sang.

- Ne vous inquiétez pas, ce n’est qu’une égratignure. Je suis vétérinaire, dit-elle avant de perdre connaissance.

La première sensation qui traversa l'esprit embrumé de Clarisse fut celle de la douleur sourde qui pulsa à l'arrière de sa tête. Puis vinrent les sons lointains et étouffés, les bips réguliers des machines et les murmures indistincts. Sa bouche était sèche, ses paupières lourdes, mais elle rassembla toutes ses forces et les ouvrit lentement. Une lumière tamisée lui fit plisser les yeux. Elle les cligna plusieurs fois, essayant de se familiariser avec son environnement. Des murs blancs, un rideau bleu pâle et divers moniteurs lui indiquaient qu'elle était bien à l'hôpital.

Un soupir de soulagement résonna à ses côtés et elle tourna la tête pour voir Thomas son petit-ami assis à son chevet. Ses yeux étaient fatigués mais soulagés, son sourire était faible mais sincère. Il tenait sa main dans la sienne, la chaleur de son contact apaisa une partie de sa peur. Il était entouré de quelques collègues qui se tenaient un peu plus loin, leurs visages exprimaient divers degrés de soulagement et d'inquiétude. Ils portaient tous des costumes, comme s'ils venaient tout droit du bureau, et tenaient en main des bouquets de fleurs.

- Tu es réveillée, murmura Thomas, sa voix tremblante d'émotion. Il caressa doucement sa main, son regard ne quittant jamais son visage. Les autres commencèrent à s'approcher en murmurant des « bon retour parmi nous » et des « tu nous as fait peur ».

Elle essaya de répondre, mais sa voix était faible. Elle fit un petit signe de tête pour leur montrer qu'elle les avait entendus, qu'elle était là. Elle était déconcertée, mais aussi reconnaissante. Grâce à leur présence, elle se sentait moins seule face à la peur et à l'incertitude qui l'entourait.

C'était un réveil difficile, marqué par la douleur et la confusion, mais aussi par un sentiment d'amour et de soutien. Même dans ce moment de vulnérabilité, elle n'était pas seule. Thomas et ses collègues étaient là pour elle, prêts à l'aider à traverser cette épreuve.

CHAPITRE 2

A cette heure tardive, il ne restait plus grand monde dans le laboratoire de recherche. Clarisse ne parvenait pas à trouver la concentration nécessaire pour terminer son rapport. Elle prenait du retard et n’avait aucune envie de le rattraper ce week-end. Cependant, son attention était encore accaparée par les évènements de la semaine dernière. Avait-elle inconsciemment subi un traumatisme ? A bien y penser, il ne s’était rien passé. Son esprit s’était joué d’elle, voilà tout. Pourtant, ça paraissait si réel. Elle n’allait quand même pas se prescrire des anxiolytiques alors qu’elle ne tombait jamais malade. Son traumatisme crânien était bénin. Un verre ou deux l’aideraient peut-être à trouver un peu plus de sérénité ou bien un petit joint fumé en cachette. Non loin d’elle, une voix la sortit de ses pensées :

- Branle-bas de combat, Clarisse, voilà Cliffhanger ? cria sa collègue.

- Bon, je te laisse avec le boss, il va sans doute encore essayer de te draguer. Tu n’oublieras pas d’éteindre les lumières en partant ma cheftaine préférée.

Elle ouvrit le sas de sécurité et passa devant Lionel, le PDG du groupe Ndongo en lui adressant un large sourire.

- Bonne soirée, M.Ndongo et ne la faites pas travailler trop tard, elle n’a pas encore totalement récupéré de son accident.

- J’y veillerai, bonne soirée, Béatrice.

Clarisse leva son regard vers lui. Elle l’aimait plutôt bien. Certes, il était plus âgé qu’elle d’une quinzaine d’année, mais grand et sportif, il avait gardé un corps athlétique. Il ne se vantait pas trop de ses exploits mais elle savait de lui qu’il pratiquait intensément l’escalade. D’ailleurs son surnom lui venait de ça. Là où un quart des alpinistes y laissèrent leur vie, lui avait fait partie d’une des quatre cents expéditions qui avaient gravis le K2. De plus, ce n’était pas courant d’avoir un milliardaire comme patron.

Lionel la regarda en souriant. Il s’assit au poste juste en face d’elle et l’observa. Son patron, bien que milliardaire, était très proche de ses équipes et mettait souvent les mains dans le cambouis pour faire avancer les choses. Il était exigeant mais contribuait à instaurer une bonne ambiance entre eux. Elle avait confiance en lui et plus d’une fois elle n’avait pas remis sa démission grâce à son soutien. La jeune femme ne savait pas trop s’il s’était amouraché d’elle mais elle était clairement sa « chouchoute » dans l’équipe de direction. Et elle savait subtilement en jouer pour obtenir ce qu’elle voulait et atteindre ses objectifs. Par contre, elle ne pouvait pas encadrer sa femme, Maëva.

Clarisse le regarda droit dans les yeux et lui fit une moue attendrissante. Il ravala sa salive. Elle savait qu’elle avait fait mouche.

Lionel portait en lui le charme de la maturité. Son visage harmonieux était légèrement marqué par les années, lui donnant un air sérieux et rassurant. Ses yeux sombres étaient pleins de vivacité et de curiosité, reflétant une intelligence vive. Ses cheveux noirs, coupés courts, encadraient un front large, symbole d’une certaine noblesse d'esprit. La peau de sa mère, originaire du Congo, lui donnait une couleur ébène qui contrastait agréablement avec ses habits, souvent soigneusement choisis et d'une élégance discrète.

Il était ce qu’on appelait un self made man. Certes, Lionel avait profité des meilleures études qu’avait pu lui offrir son père, un expatrié français qui avait ouvert plusieurs boucheries et un commerce d’import-export florissant à Kinshasa. Cependant, sa famille avait tout perdu lors des soulèvements des années quatre-vingt-dix. Diplômé en biologie et en chimie, il avait monté une petite startup dans les parfums puis avait diversifié ses activités dans la recherche médicale et les vaccins. Le Covid avait permis à ses sociétés d’accroitre considérablement ses revenues et de consolider la base d’un jeune groupe pharmaceutique et novateur.

Clarisse était naturellement attirée par lui car il forçait le respect et l'admiration, non seulement pour son physique, mais aussi pour sa personnalité engageante. Il avait une aura naturelle qui servait à la fois de bouclier et de miroir pour ceux qui l'entouraient, reflétant leur meilleur côté tout en les protégeant par sa présence solide et rassurante.

- Vous ne devriez pas rester si tard le soir, mademoiselle Verneuil.

Malgré son obsolescence, il avait adopté le terme mademoiselle quand Clarisse lui avait dit qu’elle préférait qu’on dise mademoiselle que madame. Même si elle était en couple, le fait d’être une mademoiselle avait son importance. Ainsi dénommée, elle marquait clairement sa jeunesse et sa liberté. Car, c’était une femme libérée avant tout. Hors de question qu’on lui passe la bague au doigt et encore moins qu’on lui colle un polichinelle dans le ventre.

- Pourquoi, Lionel, je n’ai pas l’habitude de compter mes heures sup. ?

- C’est dangereux, ici, à partir d’une certaine heure, les jours de pleine lune. Je pourrai me transformer en vampire séculaire et utiliser mes pouvoirs hypnotiques pour te contrôler.

Il possédait une certaine grâce dans ses mouvements, la même qui le caractérisait lorsqu'il s'exprimait. Sa voix était douce et profonde, apportant un certain charme à ses paroles. Elle lui sourit à nouveau.

- D’abord, les jours de pleine lune ce n’est pas pour les vampires mais pour les loups garous. Ensuite, je me demande bien ce qu’il m’arriverait sous ton emprise.

Clarisse regretta tout de suite sa dernière phrase. Elle était peut-être allée trop loin. D’habitude, ses propos ne contiennent pas de sous-entendus de ce type.

Lionel fut effectivement surpris et ne put masquer l’ébauche d’un sourire qui aurait pu être interprété comme carnassier. Sa collaboratrice le tourmentait depuis déjà plusieurs mois. Il se rappelait encore son entretien d’embauche dix ans auparavant. Clarisse était sortie major de sa promotion de l’école royale de Médecine vétérinaire de Cureghem à Liège. Même si la jeune fille de l’époque lui avait paru timide, son palmarès et son délicieux regard rêveur l’avaient convaincu. A force de travail et de persévérance, elle était devenue directrice des Essais Cliniques au sein de la société Ndongo Pharma. Ça n’avait pas été facile tous les jours et il était même entré en désaccord avec elle, lui reprochant de trop materner son équipe au détriment de l’atteinte des résultats attendus. Les « Essais Cliniques » étaient considérés par les autres services comme une meute de loups avec leur dominante : Clarisse en personne.

Travailleuses talentueuse et acharnée, jamais absente pour maladie, elle était finalement parvenue à le convaincre et à remporter ses premiers succès. Aussi, Lionel était tombé sous le charme en devenant de plus ne plus complice avec elle. Il l’avait dans la peau maintenant et ne parvenait pas à s’en dépêtre. Ce n’était pas un coup de foudre, ni de l’amour, ni de la passion mais quelque chose d’autre qu’il ne s’expliquait pas : une attirance inexpliquée. Les matins, à son arrivée au travail, il la voyait déjà installée à son poste, derrière son écran. Lorsqu’elle passait ses mains dans ses longs cheveux châtain pour en faire une queue de cheval et qu’elle levait la tête vers lui pour lui adresser un regard bienveillant derrière ses lunettes, il se savait pris au piège. C’était son deuxième rayon de soleil de la journée après celui que lui procurait la vue de sa propre épouse Maëva. Pourtant, la vétérinaire lui menait la vie dure. Clarisse n’exprimait pas souvent sa joie de vivre au travail, toujours à bougonner ou geindre à la moindre difficulté. Par contre, quand elle riait, s’était un pur bonheur.

Tout était réuni pour qu’il pousse un peu plus loin son jeu de séduction avec elle. Son cœur battait la chamade et même s’il avait appris à respirer avec peu d’oxygène lors de ses nombreuses ascension de sommets prestigieux, il eut grand mal à retrouver un semblant de calme. Allait-il vraiment franchir la barrière interdite quitte à tout perdre ? Il ne savait rien de ses sentiments. Il se lança.

- Trop tard, jeune demoiselle, je vais vous vampiriser.

Il se leva, contourna les bureaux et s’installa sur le siège à roulettes à côté d’elle. Clarisse se tourna vers lui. La vétérinaire portait sa blouse blanche sur une longue robe à carreaux multicolore. On ne pouvait pas dire qu’elle la rendait très désirable mais elle semblait confortable et fonctionnelle. Il préférait la voir avec sa mini-jupe noire et ses collants blancs. Et quand, elle avait l’idée de mettre son chemisier un peu trop serré qui laissait deviner la pointe de ses seins alors Lionel ne pouvait rien lui refuser. Par contre, les hautes bottes en cuir noir qu’elle portait aujourd’hui lui donnaient quand même un petit air coquin.

En y repensant bien, il ne l’avait jamais touché ou presque. Depuis la crise du Covid, la bise avait été bannie. Expert dans la création d’arômes, le chef d’entreprise huma son parfum et se laissa enivré par une fragrance à l’équilibre parfait associant la noblesse de l’Iris Pallida, la profondeur du Patchouli, la vanille addictive et un accord gourmand unique. Il connaissait que trop bien ce parfum mais jamais personne plus qu’elle ne le portait si bien. Cette déclaration universelle à la beauté de la vie, loin des contraintes, invitait chaque femme à choisir son propre chemin vers le bonheur.

Elle le regardait amusée. Qu’avait-il en tête ? Il ne s’était jamais montré si entreprenant.

- Donne-moi tes mains, essaya-t-il d’ordonner sans vraiment y croire. Elle s’exécuta à sa grande surprise. Il s’assura que plus personne n’était présent en jetant discrètement un regard à droite et à gauche. Ses mains étaient douces comparées à ses poignes usées de montagnard. Pourtant, il sentit toute sa force. Clarisse était également une sportive émérite.

Il parcourra avec son doigt plusieurs lignes dans le creux de sa main droite. La sensation était divine.

- Ta ligne de vie est assez courte. Tu décéderas sans doute accidentellement, ironisa t’il.

Elle fit mine de vouloir retirer sa main mais il ne la lâcha pas. Avait-il commis une erreur en prononçant cette petite blague ? Clarisse s’était remémorait l’incident. La mort rodait-elle autour d’elle ?

- Par contre ta ligne d’amour est exceptionnelle, renchérit-il en plongeant son regard dans le sien. Ses yeux noisettes étaient subtilement entourés d’un eyeliner noir qui donnait un côté mystérieux à son visage d’albâtre. Il avait une folle envie de l’embrasser.

- Ecoute ma voix, tu n’entends plus qu’elle, tu ne réponds plus qu’à elle. Te voilà sous mon emprise. Je t’ordonne de te mettre debout, susurra-t-il avec une voix envoutante.

Elle s’exécuta avec un grand sourire aux lèvres. Au moins ça l’amusait.

- Bien ! voyons la puissance de mon charisme. Chante-moi une chanson.

Clarisse ne s’était pas attendue à ça. Elle ne put s’empêcher de pouffer de rire. Il jouait avec elle alors qu’elle s’attendait à quelque chose de plus charnel. Sans doute n’osait-il pas et devait-elle se montrer à son tour entreprenante. Sa timidité maladive l’interdisait de faire quoi que soit qui l’aurait démasquée. Elle était indéniablement attirée par son patron et si elle voulait sauter le pas, c’était maintenant ou jamais. Elle se mit à fredonner :

Au claire de la lune

Mon ami Pierrot

Prête-moi ta plume

Pour écrire un mot

Ma chandelle est morte

Je n’ai plus de feu

Ouvre-moi ta porte

Pour l’amour de Dieu

Elle se mordilla la lèvre inférieure. Quelle idée de chanter cette cantine.

- Je veux bien t’ouvrir ma porte, Clarisse, mais est-ce que tu es prête à passer le seuil ? répondit Lionel.

Le ton grave de sa voix ne prêtait plus à confusion.

Sans dire un mot, elle oscilla bêtement plusieurs fois la tête de haut en bas comme une enfant à qui on proposait un bonbon. Ses yeux brillants reflétaient le désir mêlé de nervosité. Il s’approcha d’elle son regard ne quittant jamais le sien. Leurs souffles se mêlèrent. Il retira délicatement les lunettes en écailles sombres de la jeune femme. Dévorée par le désir, elle retira presque trop brusquement sa blouse et s’assit sur le bureau. Il posa ses mains sur ses hanches pour la tenir fermement. Clarisse respirait fortement. Ils se regardèrent sans rien dire échangeant mentalement la passion et l’envie qui les envahissaient progressivement. Avec sa main droite, Lionel déboutonna un à un les premiers boutons de sa robe afin que cette dernière glisse des épaules de sa maitresse, dévoilant sa poitrine nue. Un médaillon en or d’aspect ancien pendait lourdement entre ses petits seins aux tétons dressés suppliant sa bouche avide de venir les gouter.

Il fut surpris par la petite tache de naissance qui recouvrait le haut de son ventre. En y regardant de plus près, il devina la forme d’un homme ithyphallique à tête d'oiseau. Ce n’était peut-être pas une tâche de naissance mais un tatouage qu’on avait voulu masqué. Il se demanda comment une jeune femme, bien sous tous rapports, avait pu se faire tatouer un truc aussi obscène. Peut-être que Clarisse n’était pas celle qu’il pensait finalement. Peut-être qu’elle en voulait plus. Il ne devait pas la décevoir ce premier soir. En tirant en arrière sa natte de collégienne avec l’une de ses mains, il lui arracha quelques suppliques mais parvint à redresser sa poitrine afin de pouvoir mordre dans ces fruits défendus.

Il passa son autre main dans ses cheveux châtains, ses doigts caressant doucement le cuir chevelu. Elle répondit à son toucher en fermant les yeux, laissant échapper un soupir doux. Il l'attira doucement vers lui toujours dans une étreinte douce. Il la regarda, admirant sa beauté délicate, sa petite poitrine qui se soulevait et s'abaissait à chaque respiration haletante. Lionel l'embrassa doucement, d'abord sur le front, puis sur les lèvres. Elle répondit à son baiser avec passion, son corps se pressant instinctivement contre le sien. Leurs mains explorèrent doucement les courbes de l'autre, chaque toucher attisant leur désir mutuel.

L'atmosphère se chargea d'une sensualité enivrante, leurs respirations devenant erratiques, leurs corps se rapprochant toujours plus. Le bureau devient leur monde, puis il disparut, tout ce qui comptait, c'était l'intimité qu'ils partageaient. Se sachant seuls, ils s'autorisaient à se perdre dans l'instant, à savourer chaque toucher, chaque regard, chaque sensation. Leurs mouvements étaient lents, intentionnels, créant une danse d'intimité qui ne concernaient qu'eux. Ils ne faisaient pas seulement l'amour ; ils communiaient, ils se connectaient. C'était un moment d'intimité partagée, un témoignage silencieux de l'attraction et du désir qui existait entre eux.

Sans la lâcher du regard, il se mit à l’aimer essayant de lui soutirer quelques râles de plaisir. Elle répondit à ses assauts avec entrain ne cherchant pas à minimiser la jouissance qui naissait au creux de ses reins. Elle ferma les yeux lorsqu’elle sentit qu’elle allait atteindre le septième ciel. La voir nue en extase avec pour seuls atours ses bottes en cuir, excita Lionel encore plus fortement

- Regarde-moi, lui ordonna-t-il.

Elle céda à son injonction. Il posa sa tête contre la sienne et ils se fixèrent mutuellement en haletant de plus en plus fortement. Clarisse ne put s’empêcher de se dévoiler toute entière lorsque ses yeux se révulsèrent à l’instant même où ils jouirent à l’unisson.

Alors que la nuit commençait à tomber, Clarisse s'engouffra dans le parking souterrain. Elle n’aurait aucun mal à justifier son retard auprès de son mec. D’ailleurs, il ne lui avait pas envoyé de sms inquiets. Un sentiment de culpabilité la traversa soudainement. Elle avait quand même trompé Thomas avec son patron. Certes son expérience amoureuse se résumait à trois hommes, Lionel compris mais pourquoi au bout de dix ans de travail ensemble, s’était-elle égarée comme ça ? Elle n’était pas encore dans sa crise de la quarantaine. Pourtant, elle avait trop « kiffé » cette dinguerie. Le risque de se faire prendre par d’autres collègues avait attisé son désir. Mais maintenant le mal était fait et elle ne pouvait plus revenir en arrière. Elle regrettait amèrement d’être tombée dans le piège de la séduction. Pourquoi ne pas s’être contenté des simples sous-entendus qui existaient entre eux. Les choses ne seraient plus pareilles.

Les lumières vacillantes au plafond projetaient des ombres déformées et capricieuses sur le béton brut, créant une atmosphère inquiétante. L'air était humide et frais, portant l'écho lointain des gouttes d'eau qui résonnaient contre le sol. Elle avança prudemment. Ses pas résonnaient dans l'immense espace souterrain. Chaque bruit semblait amplifié, chaque ombre était suspecte. Une légère anxiété tordit son estomac alors qu'elle serrait plus fort la hanse de son sac à main de luxe entre ses doigts.

Juste au moment où Clarisse atteignit sa Camaro rouge, un grondement sourd se fit entendre dans le lointain. Elle s'arrêta net, son cœur se mit à battre la chamade. L'écho de ce son étrange résonna dans tout le parking, transformant le silence précédent en une cacophonie de peurs non dites. Elle reconnut que trop bien ce cri perçant. Une secousse soudaine secoua le sol sous ses pieds. Les lumières scintillèrent, vacillèrent, puis reprirent leur lueur blafarde. Mais quelque chose avait changé. L'atmosphère s'était alourdie, l'air était maintenant malsain. Avec une précipitation soudaine, elle fouilla dans son sac, trouva la télécommande et déverrouilla la portière. La vétérinaire sauta à l'intérieur du véhicule salvateur. Son cœur battait la chamade alors qu'elle jetait un coup d'œil par la fenêtre, juste à temps pour voir une silhouette monstrueuse émerger de l'obscurité.

La créature était imposante avec des contours déformés par l'ombre et la lumière incertaine. Un frisson d'horreur la parcourut alors qu'elle cherchait à tâtons le bouton du démarreur, priant pour que le moteur s’enclenche avant que la chose ne puisse s'approcher davantage. Le monstrueux bipède à corps humain et à tête de rapace se tenait près de la voiture de sport. Il fit crisser l’une de ses pattes anisodactyles sur le bitume laissant une trace bien visible sur le sol avec son hallux. La bête démoniaque leva vers elle ses mains. Elles comportaient quatre longs doigts en forme de serres acérées. Le parking souterrain, autrefois simplement inquiétant, était maintenant devenu le théâtre d'un cauchemar éveillé, alors qu'elle tentait désespérément d'échapper à la créature qui s'était révélée dans l'obscurité.

Avant qu'elle ne puisse réagir, il se précipita vers elle, ses griffes fracassèrent la vitre dans une explosion. Elle poussa un cri étouffé alors que des morceaux de verre tombèrent sur elle. La créature la saisit, la tira sans ménagement hors de la voiture avec une force brutale. Elle cria, se débâtit, mais il était trop fort. L’agresseur empoigna le col de sa robe et l’arracha perfidement. Devant tant de violence, la couture des boutons céda dévoilant sa poitrine dénudée. Un instant, il sembla subjugué par l’étrange dessin effacé sur le ventre de sa victime. Clarisse profita de sa surprise pour attraper son téléphone portable dans sa poche et déclencher un flash pour l’aveugler. L’être se masqua le visage de son bras et la gifla violement pour qu’elle lâche prise. Le smartphone vola au loin et disparut sous une voiture. Elle remarqua qu’il portait accroché dans son dos une étrange baguette en obsidienne striée d’éclats de métal gris avec une tête d’oiseau comme pommeau. Autour de son cou décharné, pendait un gros médaillon en or recouvert de hiéroglyphes compliqués. Il ressemblait à s’y méprendre à celui qu’elle possédait. Celui que son père lui avait donné à ses quinze ans.

Le démon retourna sans peine la jeune femme paralysée par la peur et la plaqua contre le capot de l’automobile. Le froid du métal contre sa peau nue arracha une plainte à Clarisse. La créature lui tira les bras en arrière avec une telle force qu’elle sentit l’une de ses épaules se démettre. La douleur faillit lui faire perdre conscience. Immobilisée, des mains griffues en forme de serres sur sa gorge, Clarisse ne parvenait pas à se débattre. La force de son assaillant était surhumaine. Ses hurlements et ses pleurs ne le faisaient pas lâcher prise mais au contraire semblaient galvaniser son appétit sexuel malsain.

Il s’adressa à elle d’une voix sifflante et démoniaque dans un langage païen incompréhensible puis la viola sans vergogne. Clarisse se mordit les lèvres. Elle aurait préféré défaillir que ressentir la cruelle défloration de son intimité. La douleur mentale surpassa pourtant la douleur physique et elle crut un instant perdre la raison. Elle sentait en elle ce corps étranger la ravager sauvagement. Les gestes de la monstruosité étaient si puissants qu’elle ne put s’empêcher à chaque assaut de gémir de douleur en hurlant. L’alarme de la voiture se déclencha tellement le véhicule était malmené. La vétérinaire ne ressentait que douleur et peine. La créature beugla et s’épancha en elle sans retenu souillant son intérieur. Puis soudainement, une chaleur envahit tout le corps de l’agressée dispersant les effets des sévices qu’elle venait de subir. Elle retrouva l’usage de son esprit et de son corps. Son violeur se pencha sur elle pour savourer une ultime fois sa jouissance. Elle se cambra alors et projeta l’arrière de sa tête dans son horrible face. Un craquement sourd lui indiqua que le bec crochu de son bourreau venait de se briser. Profitant de la surprise, elle se dégagea et se mit à courir nue à travers le parking. L’adrénaline qui lui avait permis de retrouver un semblant de force la quitta subitement. Les yeux embués, un bras immobilisé, le corps couvert d’ecchymoses, elle chercha vainement une échappatoire. Elle passa sa langue sur sa lèvre fendue d’où du sang s’écoulait. Elle devait fuir ou trouver un endroit pour se cacher. L’alarme allait surement déclencher l’arrivée du service de sécurité. Lionel était encore au bureau. Peut-être avait-il entendu quelque chose et avait-il appelé la police ?

Clarisse se jeta derrière une voiture et tenta de se dissimuler dans un coin sombre. Elle grelotait de froid. L’être surnaturel l’appela un peu plus loin et prononça de nouveau des mots dans un langage grossier.

Dans un effort désespéré, elle reprit ses esprits et s'enfuit. Sa respiration haletante résonnait que trop fort dans ce grand espace vide. Elle parvînt finalement à sortir du parking souterrain, s'effondrant à l'extérieur. Les lumières de la rue étincelaient dans ses yeux larmoyants. N’ayant que ses bottes pour atours, elle était terrifiée, blessée, mais elle avait survécu. Clarisse respira profondément. Lorsque le goût de l’air frais remplit ses poumons, elle comprit qu’elle avait réussi à échapper à l’horreur qu’elle avait laissée derrière elle dans l’obscurité du parking.

C’est alors qu’une sensation glaciale envahit Clarisse, comme si chaque fibre de son être avait été submergée dans une eau glacée. Elle se sentait à la fois vide et en surcharge, sa respiration était superficielle, rapide, tandis que ses mains tremblaient de manière incontrôlable. Elle se sentait souillée, violée non seulement physiquement, mais aussi psychologiquement, comme si une partie d'elle avait été arrachée brutalement.

L'humiliation était presque aussi intense que la douleur. Les sons ambiants lui semblaient lointains, comme si elle était sous l'eau. Les bruits de pas, les voitures au loin, les voix chuchotantes - tout semblait irréel. Elle avait envie de crier, de pleurer, mais elle était figée, pétrifiée par un mélange de peur, de honte et de choc.

Le commissariat était éclairé par des néons blafards qui jetaient une lumière crue sur ses murs défraîchis. Un policier en civil, grand et massif, regarda la jeune femme assise en face de lui. Les traces de sa récente agression étaient encore visibles sur son visage mais elle revenait de loin. Ses yeux étaient encore brillants de larmes. Son compagnon était à côté d’elle, une main posée sur son épaule en signe de soutien. Le policier prit une profonde inspiration et commença à parler, sa voix grave résonnant dans la pièce silencieuse.

- Madame, pouvez-vous me décrire à nouveau ce qui s’est passé dans ce parking souterrain ?

La jeune femme déglutit, ses doigts jouant nerveusement sur le plâtre de son bras cassé.

- J’étais dans ma voiture… et puis cette chose est apparue. Un homme… enfin, je pense. Il avait une tête de rapace. Il a fracassé la vitre, m’a tirée dehors et… et il m’a agressée.

Tomas à ses côtés serra sa main.

- Elle a réussi à s’échapper, à se défendre… Mais regardez-la, elle est blessée et encore terrifiée… .

Le policier hocha la tête, prenant des notes sur son ordinateur.

- Je comprends. Nous allons tout mettre en œuvre pour trouver ce… cet individu. Madame Verneuil, pouvez-vous décrire plus précisément à quoi ressemblait votre agresseur ?

Elle réfléchit un instant, son visage pâle se crispant sous l’effort.

- Il était grand, plus grand que la moyenne et très musclé. Il était nu. Et sa tête… c’était comme celle d’un vautour ou d’un rapace charognard. Je n’ai jamais vu quelque chose de semblable… c’était comme un monstre sorti tout droit d’un film d’horreur.

Le policier resta silencieux un moment, semblant peser ses prochaines paroles.

- Je comprends que cela puisse paraître irréel, mais nous prenons votre témoignage très au sérieux. Nous allons enquêter sur cette affaire et faire tout notre possible pour assurer votre sécurité et celle des autres. Nous vous prions de nous tenir informés si vous remarquez quoi que ce soit d’inhabituel ou si vous vous souvenez de détails supplémentaires.

La femme hocha la tête, un soulagement visible dans ses yeux. Le policier rabaissa l’écran de son ordinateur portable, promettant d’une voix ferme et assurée :

- Nous allons trouver celui qui a fait ça, madame. Vous pouvez compter sur nous.

Les jours suivant l'attaque étaient flous. Clarisse se sentait déconnectée de tout, comme si elle observait le monde à travers un voile épais. Elle évitait le contact visuel, se repliant sur elle-même, craignant constamment que les autres puissent voir sa honte ou deviner ce qu'elle avait vécu. Chaque bruit la faisait sursauter, chaque ombre lui rappelait l'homme-oiseau.

Elle se sentait en colère, trahie par son propre corps. Le sommeil était insaisissable; chaque fois qu'elle fermait les yeux, les images de l'attaque surgissaient, la hantant. Clarisse ressentait un sentiment profond d'isolement. Elle se retranchait des autres, se sentant sale, indigne d'amour ou de tendresse. La honte la consumait, la faisant douter de sa propre valeur. Elle était terrifiée à l'idée de sortir seule, et chaque personne qu'elle croisait lui rappelait son agresseur.

Le parking souterrain était désert. La lumière crue des néons rendait l’atmosphère encore plus inquiétante. Le policier se déplaça prudemment. Ses yeux scrutaient attentivement le sol à la recherche d’indices.

Ses collègues étaient déjà passés par là mais il n’avait pas trouvé grand-chose si ce n’est du sang et les traces visibles de l’agression sur le véhicule. Il ne savait pas trop quoi pensait de cette affaire. Un pervers avec un masque réaliste d’oiseau s’en était pris à une jolie directrice d’un laboratoire privé. Une nouvelle affaire de viol et de tentative de meurtre comme il s’en déroulait presque quotidiennement en région parisienne. Grégory avait passé plusieurs années au laboratoire central de la préfecture de police de Paris pour lutter contre les risques explosifs, chimiques et d’incendies. Maintenant, il avait rejoint la direction régionale de la police judiciaire pour le côté terrain. Il avait cependant gardé les techniques d’investigation poussées et le matériel dernier cri de son emploi passé. Il sortit sa lampe à longueur d’ondes variables et balaya les alentours. On pouvait encore apercevoir quelques traces de sang témoignant de la lutte et de la fuite de la fille. L’analyse ADN du sperme n’avait encore rien donné. La scène de crime n’avait pas été bloquée très longtemps pour ne pas effrayer les respectables employés de la pépinière de start-up. Il remonta la colonne de véhicules garés en rang d’oignons.

Soudain, quelque chose brilla et attira son attention sous un cabriolet de marque. Un téléphone portable s’était glissé dans un interstice entre deux plaques de bitume. Il mit des gants en latex et le ramassa. Son visage se durcit lorsqu’il remarqua l’écran cassé et les traces de sang dessus. Il connecta sa tablette au smartphone et le réalimenta priant pour qu’il ne soit pas définitivement cassé. Par miracle, l’appareil s’alluma.

Il prit son propre téléphone et appela Mme Verneuil.

- Clarisse Verneuil, j’écoute, répondit une voix féminine.

- Bonjour Mme Verneuil, c’est le commandant Petrovic. Je viens de retrouver votre téléphone. Pourriez-vous me communiquer votre code de sécurité ?

- Vous l’avez trouvez où ? demanda-t-elle, intriguée.

- Dans le parking.

- 3385.

- OK, je n’ai pas de quoi noter mais je devrais pouvoir m’en rappeler.

- 33 comme mon âge et 85 comme mon tour de poitrine, ça pourra peut-être vous aider comme moyen mnémotechnique, commandant.

- Merci, madame, répondit-il en souriant.

Il y avait peu de chance de trouver quelque chose d’utile mais elle avait dit avoir activé le flash pour éblouir son agresseur. Il examina la bibliothèque de photos mais il n’y avait pas une seule trace de monstres. Des paysages de vacances, des animaux et quelques clichés de son compagnon et d’amis sans doute. Même pas une photo d’elle en tenue sexy. Il constata alors que la mémoire était saturée. En fouillant un peu, il trouva un enregistrement audio récent. Avec une hésitation prudente, il appuya sur “Play” et revécut l’agression de Clarisse. Lorsque la créature prit la parole, une voix profonde et gutturale s’échappa des petits haut-parleurs du téléphone, semblable à un croisement entre un homme et un oiseau de proie. Le son était presque inhumain, les mots étaient distordus, mais l’agressivité et la menace qui en émanaient étaient indéniables. Le policier fronça les sourcils, la voix du monstre résonna dans son esprit, ajoutant un élément tangible à l’histoire terrifiante de la jeune femme.

Il arrêta l’enregistrement et regarda autour de lui. Le silence du parking souterrain prenait un sens encore plus sinistre. Le commandant se leva, tenant fermement le téléphone dans sa main. Il avait maintenant une nouvelle piste à suivre, un indice précieux pour traquer ce monstre.

Résolu, il retourna à sa voiture. L’énigme du monstre à tête de vautour venait de se complexifier, mais le policier était déterminé à résoudre cette affaire. Pour la jeune femme, pour sa sécurité et pour la justice.

- Que s’est-il passé au labo avec cette analyse ADN ? Ils ont pourri l’échantillon ? rouspéta l’officier de police.

- Je ne sais pas, chéri, ça ne serait pas la première fois après tout. C’est la contre-analyse ? Tu prends un peu trop cette affaire à cœur, commandant, faudrait peut-être penser à faire une pause ou c’est peut-être la petite brunette à lunettes qui t’a fait tourner la tête. Ça fait plus de deux mois que tu galères sur ce dossier, répondit la commissaire en lui déposant un baisé sur la joue.

- Mélanie, je suis sur un truc de fou. Et je te rappelle que la petite brunette, elle s’est fait violer dans notre secteur. Si tu veux une nouvelle agression, dis-le et je me contenterai de chopper quelques dealers jusqu’au prochain crime.

- Je sais que tu les préfères voluptueuse avec des gros seins comme moi. Bon que dis le rapport d’analyse des fluides corporels ?

- ADN inconnu. Ni homme, ni animal. Il conclut donc à un échantillon vérolé. Je ne peux donc rien en tirer.

- Et les échantillons audio ?

- C’est du pareil au même : dialecte incompréhensible, du charabia. La porte du bureau s’ouvrit et Zaïm, l’homme de ménage, entra.

- Je vous dérange, commissaire, demanda le vieil homme avec son balai et son seau à la main.

- Non Zaïm, pas de problèmes.

Mélanie se retourna vers Grégory.

- Fais-moi écouter la bande sonore.

Il activa pour la énième fois l’enregistrement.

- Abuka ishannananni puzruka.

Avec un peu de technique, le policier était parvenu à isoler les deux phrases de l’agresseur et à les rendre plus audibles en supprimant les bruits parasites environnants. Elles n’en restaient pas moins incompréhensibles.

- la ibakkuru, ul ukilluka ihu, tamut teher sha nisirtu, munnitu.

- C’est pas vrai ! Qu’est-ce qu’il raconte ? beugla Grégory.

- Excusez-moi, mais je peux peut-être vous aider, proposa Zaïm.

- A moins que tu ne parles cette langue, je ne vois pas trop comment tu pourrais nous aider mon vieux Zaïm.

- Je ne comprends pas cette langue car elle est apparemment très ancienne mais j’ai reconnu un mot : Abuka.

- Dis m’en plus, tu commences à m’intéresser

- C’est dans une vielle légende de djinn que mon grand-père me racontait :

Dans une petite ville au bord du désert, vivait un homme nommé Karim. Karim était veuf et élevait seul sa fille, Laila. Un soir, alors qu'il nettoyait une vieille lampe en cuivre trouvée dans une boutique d'antiquités, un nuage de fumée s'échappa de la lampe et prit la forme d'un djinn. Ce dernier, avec des yeux flamboyants et une voix qui faisait trembler la pièce, déclara :

- Je suis lié à cette lampe et tu as droit à trois vœux.

Pris de peur mais aussi d'espoir, Karim pensa d'abord à la sécurité de Laila. Il demanda alors :

- Je souhaite que ma fille soit toujours en sécurité, qu'aucun mal ne puisse l'atteindre.

Le djinn acquiesça et son deuxième souhait fut la prospérité pour sa fille. Encore une fois, le djinn accorda son vœu. Cependant, lorsqu'il formula son dernier vœu, la libération du djinn, celui-ci se mit à rire d'un rire sinistre.

Ton souhait est mon commandement, dit le djinn avant de disparaître dans un nuage de fumée.

Cette nuit-là, Karim se rendit compte de son erreur. En libérant le djinn, il avait déchaîné une créature maléfique sur le monde. Le djinn, maintenant libre, se mit à terroriser la ville, apportant le chaos et la destruction. Karim, se rendant compte de son erreur, décida d'affronter le djinn. Armé de sa seule volonté, il se confronta au djinn tout puissant. Il utilisa toute sa ruse et sa bravoure pour tromper le djinn, le capturer et l’enfermer à nouveau dans la lampe.

Malgré la terreur, Karim réussit à protéger sa ville et surtout sa fille. Il apprit que même les vœux les mieux intentionnés peuvent avoir des conséquences imprévues, et que le véritable pouvoir ne réside pas dans la magie, mais dans le courage et l'amour d'un père pour sa fille.

- Et donc que veux dire Abuka, s’impatienta Mélanie.

- Ça veut dire : père. Je connais quelqu’un qui pourrait peut-être vous traduire ces phrases. J’ai fait le ménage au musée de l’Homme, il y a plusieurs années. J’y ai rencontré un professeur passionné qui parlait de nombreuses langues anciennes : Le Professeur Lounès Hadil.

Dans l'enceinte feutrée de la bibliothèque du Musée de l'Homme, Grégory repéra un vieil homme basané assis à une table en chêne. Il correspondait tout à fait à la description faite par le vigile à l’entrée. C'était le Professeur Lounès Hadil, un linguiste renommé spécialisé dans les langues anciennes. Il était vêtu d'un costume soigné mais usé par le temps, ses yeux étaient cachés derrière des petites lunettes rondes. Son visage était marqué par les rides, comme l’aurait été un vieux parchemin.

Autour de lui, la bibliothèque était un trésor de connaissances. Les murs étaient recouverts d'étagères qui montaient jusqu'au plafond. Chacune d’elle était remplie de livres et de manuscrits anciens. L'odeur du papier vieilli et de l'encre sèche emplissait l'air. Il y avait une certaine sérénité dans cet espace, comme si le temps lui-même s'était arrêté pour respecter la connaissance stockée entre ces murs.

- Professeur Hadil ? demanda le policier poliment.

Il leva ses yeux de son carnet de notes remplit de gribouillis griffonnés pendant toutes ses années passées à étudier les langues mortes et les civilisations oubliées.

- J’espère que vous n’êtes pas un de ces énergumènes qui recherche «Homme et cavernes : nos ancêtres il y a 20 000 ans» de 1957 chez Fleurus ? Je sais que l’équipe de la bibliothèque a une tendresse particulière pour cet ouvrage où l’auteur des illustrations, non mentionné sur la page de titre mais qui a quand même signé les dessins n’est autre que le jeune Jean Giraud, plus connu sous ses pseudonyme Gir ou Mœbus.

- Non, Monsieur, je suis Grégory Petrovic commandant de police et j’enquête sur une affaire requérant vos compétences de linguiste.

Il sortit sa carte et la présenta au vieil homme. Le professeur réajusta ses petites lunettes. Il s’était montré tout d’un coup intéressé par les propos de son visiteur.

- Petrovic, C’est un dérivé filiatif serbo-croate correspondant au prénom Pierre. Mais dites-moi ce qui vous amène ici, monsieur le policier ? Vous avez piqué ma curiosité.

- Seriez-vous capable de traduire cet enregistrement ?

Il sortit son smartphone, le déverrouilla et chercha quelque instant dans sa bibliothèque de données et lança le message audio.

Les paroles étranges résonnèrent à travers la pièce silencieuse. Elle prenait l’apparence d’un chant inhumain qui semblait à la fois menaçant et mélancolique. Il écouta attentivement, chaque mot, chaque syllabe. Ses sourcils se froncèrent, sa main tremblante griffonnait des symboles sur une feuille de papier de son carnet ancestral. Finalement, il souffla en se penchant en arrière dans sa chaise. Il avait traduit les paroles, déchiffré le mystère. Mais alors qu'il leva les yeux vers le policier, une lueur d'inquiétude apparut dans ses yeux. Car il avait compris non seulement les paroles de l'homme-oiseau, mais aussi l'avertissement terrifiant qu'elles contenaient.

- C’est une langue chamito-sémitiques plus ancienne que l’araméen. Sans doute une version ancestrale de l’akkadien. L’akkadien est une langue complexe et ancienne et il y a des limites à notre compréhension actuelle de celle-ci. Cependant, une tentative très approximative de traduire Abuka ishannananni puzruka et la ibakkuru, ul ukilluka ihu, tamut teher sha nisirtu, munnitu pourrait être quelque chose comme :

Ton père m’a caché ta naissance. Inutile de fuir, je ne te tuerai pas maintenant, tu dois donner naissance à notre descendance, femelle.

Veuillez noter que cette traduction est très approximative et peut ne pas être tout à fait correcte, car l'akkadien a de nombreux aspects grammaticaux et lexicaux qui ne sont pas entièrement compris aujourd'hui. Il va falloir m’en dire plus sur votre enquête si vous souhaitez que j’affine ma traduction.

- Et si je vous dis que le suspect qui a prononcé ces mots serait sans doute un homme nu en érection avec un masque d’oiseau. Vous devez me prendre pour un fou mais on voit de plus en plus de tarés dans notre métier maintenant.

Dans la tranquillité de la bibliothèque, Lounès Hadil se tourna vers Grégory. Son regard sérieux caché derrière ses lunettes rondes scruta attentivement l’agent de police.

- Vous voyez, l'homme ithyphallique à tête d'oiseau est une figure complexe, commença-t-il, sa voix emplie de l'excitation tranquille de celui qui partage une connaissance précieuse. Il est généralement considéré comme une sorte de « sorcier » ou de chamane par les archéologues et les anthropologues. Ce type de figures est courant dans l'art préhistorique et représente souvent des êtres ayant des pouvoirs surnaturels ou étant en lien avec le monde des esprits.

Il fit une pause pour ajuster ses lunettes avant de poursuivre.

- Il est souvent associé à la fertilité et à la transformation. Vous voyez, la nature ithyphallique de la figure peut être liée à la fertilité, tandis que la tête d'oiseau peut représenter la capacité de communiquer avec le monde surnaturel, voire de se transformer en une autre créature.

Le professeur se leva alors et alla chercher un ouvrage sur une étagère. Il le posa devant Grégory, ouvert à une page montrant une peinture rupestre d'un homme à tête d'oiseau.

- Il existe plusieurs représentations similaires dans d'autres grottes mais la plus connue est celle des grottes de Lascaux. Elles semblent toutes évoquer cette figure mythique, cette entité entre le monde des hommes et celui des esprits. La peinture de l'homme ithyphallique à Lascaux est l'une des plus célèbres de l'art paléolithique. Cet homme est souvent surnommé « l'homme oiseau » en raison de sa tête de volatile et de son phallus en érection. Il est trouvé allongé sur le sol à côté d'un bison qui semble avoir été blessé par une lance, avec un oiseau sur une perche au-dessus de lui. L'interprétation précise de cette scène n'est pas claire et a été l'objet de nombreux débats parmi les chercheurs. Certains suggèrent que l'homme oiseau représente un chamane dans un état de transe, compte tenu de l'importance du chamanisme dans les cultures paléolithiques. D'autres pensent que la scène peut représenter un mythe ou une légende de cette culture ancienne, peut-être une histoire de création ou de mort.

Cependant, il est important de noter que toutes ces interprétations sont spéculatives. L'art pariétal de Lascaux date d'environ 17 000 ans, et sans une compréhension directe des croyances et des pratiques culturelles de ces peuples anciens, il est impossible de déterminer avec certitude ce que ces images étaient censées représenter.

Alors qu'il finit son explication, le regard du professeur se fixa à nouveau sur le policier, mesurant son impact. Cette figure de l'homme oiseau, autrefois reléguée aux livres d'histoire, prenait une nouvelle dimension face à la réalité troublante de leurs récentes découvertes.

CHAPITRE 3

Grégory pénétra sur le chantier de la nouvelle ligne 17 du métro parisien. Le responsable d’exploitation du site aboya quelques ordres dans son Talkie-Walkie. Le policier réajusta son casque de sécurité jaune fluo. Ce dernier donnait une touche de couleur à ses cheveux sombres. Il n’avait pas l’habitude de ce genre de lieux. L’excitation des grands projets et le bruit assourdissant des machines ne le galvanisaient pas du tout.

- Dans un an, ce nouvel axe stratégique pour le Grand Paris offrira un nouveau mode de transport performant à des milliers de salariés des grands bassins d’emploi du nord de la métropole. Le défi principal est de creuser un tunnel de 6km dans les sables de Beauchamp avec une exigence de livraison pour les jeux Olympique de 2024. Aussi, vous comprendrez qu’il nous est impossible d’arrêter le chantier. Nous avons déjà pris beaucoup de retard.

Ils descendirent les escaliers en métal accrochés à un gigantesque échafaudage.

- Le montage du TBM EPB a été fait en surface pour être descendu par bloc. C’est l’une des machines d’excavation les plus imposantes d’Europe. Par ailleurs on a réalisé quatre ouvrages annexes par une autre méthode plus conventionnelle. C’est dans l’un d’eux qu’on a retrouvé le corps de notre électricien.

L'entrée du tunnel de chantier ressemblait à une gueule béante perçant la face de la terre. Son obscurité était presque palpable. L'air y était plus frais, portant l'odeur caractéristique de l'humidité et de la pierre fraîchement creusée. Des lampes de sécurité montées sur les parois projetaient des ombres dansantes à mesure qu’ils s'enfonçaient plus profondément dans le tunnel. Des échafaudages métalliques se dressaient de part et d'autre, comme des côtes géantes soutenant le corps du tunnel. Des fils électriques serpentaient le long des parois, leurs lumières clignotantes donnant à l'endroit une atmosphère presque irréelle.

Le bruit était assourdissant à l'intérieur du tunnel. Le grondement des machines, le crissement du métal contre la roche, les échos des voix des ouvriers résonnaient tout autour, créant une cacophonie industrielle qui semblait emplir chaque recoin de l'espace. Le sol était jonché de débris : des morceaux de roche, des outils abandonnés, des câbles. Marcher demandait une attention constante et le policier mesurait avec soin chaque pas pour éviter de trébucher.

Au fur et à mesure de son avancé, le tunnel s'élargit, révélant une vaste salle en construction. Ici, les ouvriers s'affairaient. Leurs mouvements étaient semblables à une danse bien réglée au milieu du chaos apparent. Pénétrer dans un tunnel de chantier, c'était entrer dans un autre univers, un univers souterrain où l'homme et la machine travaillaient de concert à remodeler la terre.