Paris-noceur - Levic-Torca - E-Book

Paris-noceur E-Book

Levic-Torca

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Extrait : "Mlle Juana de Marilys fut, de dix-huit à vingt-trois ans, une petite cigale des concerts de deuxième ordre. Un tout petit rôle lui ayant été confié dans une revue de Cellarius, de joyeuse mémoire, elle parut en scène si gracieusement « déshabillée » et ses formes étaient si admirables, sa beauté si séduisante, qu'elle tourna la tête à un jeune comte fort riche, qui plastronnait, le soir de la première, dans une loge d'avant-scène."

À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN :

Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de grands classiques de la littérature ainsi que des livres rares, dans les domaines suivants :

• Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin.
• Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.

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Seitenzahl: 166

Veröffentlichungsjahr: 2016

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Aux lecteurs
PARIS
Est, Amis,
– Sans conteste,
Chacun l’atteste
Avec joie et ferveur –
LE PARADIS DU VIVEUR.
C’est ici que sont les amantes
Aux yeux polissons, aux blagues charmantes,
Sans cesse en train de rire et faisant chaque jour,
Avec un art savant, des prodiges d’amour,
Vous verrez à Paris, capitale du Monde,
La chic demi-mondaine et la pierreuse immonde,
Tarif des baisers : De un à cent francs.
Selon les beautés et les rangs.
Vous serez ravis, je gage,
De votre voyage
Au pays des Ris,
Où l’on arrive
Criant : Vive
PARIS !

LEVIC-TORCA.

PREMIÈRE PARTIEDames galantes

DE LA DEMI-MONDAINE MILLIONNAIRE À LA DERNIÈRE GOTON

J’estime qu’il existe six catégories principales de femmes galantes, et que chaque catégorie peut se diviser en trois classes au moins.

 

1re CATÉGORIE

 

Demi-Mondaines, possédant un hôtel ou payant un loyer de six à dix mille francs.

 

2e CATÉGORIE

 

Cocottes, occupant des appartements de trois à cinq mille francs.

 

3e CATÉGORIE

 

Cocodettes, bourgeoisement installées. Loyer : de mille à quinze cents francs.

 

4e CATÉGORIE

 

Marcheuses, dans leurs meubles, de cinq à sept cents francs de loyer ; ou occupant des appartements meublés, à raison de soixante francs par mois, – de soixante à cent francs.

 

5e CATÉGORIE

 

Retapeuses, occupant des chambres meublées à trente-cinq francs par mois, ou possédant un petit mobilier et payant un loyer de deux cent cinquante à quatre cents francs.

 

6e CATÉGORIE

 

Gotons, sans domicile fixe, dormant dans des taudis infects, et même à la « belle étoile ».

 

La Demi-Mondaine, en apparence, ne se distingue guère de la vraie grande dame.

Son installation somptueuse, son train de maison, ses toilettes, ses distractions, – voire même ses relations, – la feraient prendre pour une personne du monde… tout court.

Je ne dis rien de sa beauté ni de son chic, la beauté et le chic étant en dehors du luxe.

 

La Cocotte vit également sur un « grands pied » ; en public, elle a l’air aussi riche que la demi-mondaine, mais si l’on comptait ses « fafiots »…

 

La Cocodette a l’air d’une bourgeoise très aisée, élégante et soucieuse de faire valoir ses charmes. Soixante pour cent des dames galantes appartiennent à cette catégorie.

 

La Marcheuse, malgré sa coquetterie, malgré les efforts qu’elle fait pour se « bien tenir », a presque toujours l’air de ce qu’elle est, les exceptions sont rares, et on la reconnaît vite entre mille personnes.

 

La Retapeuse, qu’elle fasse le raccroc fixe, au coin d’une rue, ou qu’elle se balade de l’Opéra à la Porte Saint-Denis, ou de cette porte à la Tour Saint-Jacques, ou dans n’importe quel lieu, n’est jamais confondue avec une femme honnête ; son allure, son langage, sa coiffure – j’entends son chignon trop soigné – la désignent tout de suite au moins clairvoyant.

 

La Goton traîne la savate autour des casernes, près des barrières, sur les « Fortifs », aux Halles, la nuit, et se distingue par sa marche pesante, ses vêtements sordides, le linge… qu’elle n’a pas et ses propos orduriers.

 

Toutes les dames de la Galanterie, celles des catégories que j’ai citées, comme celles des classes intermédiaires, se disent DEMI-MONDAINES, mais il convient de distinguer !

 

N.-B – Il arrive assez fréquemment que des femmes de la haute et de la basse prostitution sont épousées légitimement par des hommes honorables, et deviennent d’excellentes mères de famille. Pour cette raison, j’ai donné aux femmes citées dans ce livre des noms fictifs.

Où l’on voit ces dames

DU PALAIS AU TROTTOIR DE DIX MILLE FRANCS À DIX SOUS

Mlle Juana de Marilys fut, de dix-huit à vingt-trois ans, une petite cigale des concerts de deuxième ordre.

Un tout petit rôle lui ayant été confié dans une revue de Cellarius, de joyeuse mémoire, elle parut en scène si gracieusement « déshabillée » et ses formes étaient si admirables, sa beauté si séduisante, qu’elle tourna la tête à un jeune comte fort riche, qui plastronnait, le soir de la première, dans une loge d’avant-scène.

Vous pensez bien que Juana ne repoussa point son adorateur, elle l’écouta si bien, au contraire, que, peu de jours après le « coup de foudre », elle quittait pour toujours la scène, où elle gagnait cent sous par jour, et s’installait, aux frais du compte, dans un superbe appartement, avenue Kléber, avec, pour « vivoter », cinq mille francs par mois.

C’est alors qu’elle adopta ces noms sonores : Juana de Marilys.

Les amis des amis étant des amis, elle connut, dans sa nouvelle situation, des personnages affligés… de fortunes colossales et sut, à ses cinq mille « balles », en ajouter cinq autres, puis dix, et même vingt, par mois !

Bientôt, elle fut célèbre.

Des grands ducs, des rois, furent ses « amis » et payèrent… royalement ses baisers.

Juana, millionnaire, se fiche d’un homme comme de son premier maillot de cabotine ; il y a belle lurette qu’elle a « mis à la porte » le comte qui la lança, et il est peu de fonctionnaires qui gagnent, en une année, la somme qu’elle exige du viveur qui désire être son compagnon de minuit à neuf heures du matin !

Juana de Marilys, comme une princesse, habite un hôtel superbe, dans le quartier de l’Etoile, et qui est sa propriété.

On la rencontre au Bois, conduisant elle-même des pur-sang, ses chevaux.

Elle est de toutes les fêtes splendides qui se donnent dans les salons huppés ou dans les établissements où ne fréquente que le « gros capital. »

Elle a un château en Touraine et un jeune fils, interne à Sainte-Barbe, qui, étant de père inconnu, s’appelle du vrai nom de sa richissime maman : Cornillot !

Juana de Marilys est une Demi-Mondaine.

 

Anna des Bruyères s’appelait plus simplement, il y a quelques années, Anna Noret, et n’était qu’un joli « mannequin » chez un grand couturier de la rue Auber.

Une cliente de la maison, cocotte riche et belle, lui ayant voué une profonde amitié, – amitié toute particulière, dit-on, – l’engagea à quitter son emploi, lui assurant que sa beauté lui permettrait de vivre sur une « plus grande échelle ».

Anna, qui n’attendait qu’une occasion, fut vite de l’avis de son amie. Elle cessa d’être mannequin et s’installa rue de Miromesnil.

Les « amis » affluèrent ; les billets de banque s’entassèrent ; la renommée vint. Anna fut cotée.

Encore un tour, et la roue de la Fortune la conduisait au même rang que Juana, qu’elle rencontre souvent, fréquentant à peu près les mêmes salons.

Mais cette roue, non garnie du fameux pneu, ne boit pas l’obstacle, et un petit caillou l’empêcha d’avancer.

Anna des Bruyères n’est que Cocotte.

 

Jeanne Morlot, peut-être parce qu’elle est née de parents non plus riches, mais plus instruits, plus distingués que ceux de Juana et d’Anna, a moins de « culot », et ne sait pas aussi bien « jouer » avec la tête et la fortune des hommes.

Jeanne a été bien élevée. Elle étudia pour être institutrice et c’est un « amour contrarié » qui l’a fait dévier de sa route.

Elle s’enfuit un jour avec un amant qu’elle adorait et qui l’aimait peut-être réellement à cette époque-là.

Mais, après deux années de « collage », il l’abandonna, se maria et disparut.

Jeanne, alors, qui avait pris l’habitude du doux far niente, n’eut pas le courage de se mettre à un travail quelconque ; son père, d’ailleurs, était mort, laissant sa veuve dans la gêne, et elle se dit qu’un maigre salaire d’employée ou d’ouvrière ne lui permettrait pas d’aider sa mère.

Fort avenante, remarquée, recherchée, Jeanne accepta compliments et cadeaux sans se remettre en ménage.

Malheureusement, ses « amis » n’étaient pas millionnaires et, à plusieurs, ne lui rapportaient que de dix à quinze mille francs par an.

MENSONGEOn dit que je suis une sainte,Mais ce n’est pas la vérité.Et l’on ne me vit jamais ceinteD’un ceinturon de chasteté.

Elle vit bien, subvient aux besoins de sa mère et met un peu d’argent de côté.

Élégante, elle fréquente les music-halls et les établissements de second ordre.

Jeanne Morlot est Cocodette.

 

Henriette Laval, fille d’ouvriers, était modiste et gagnait, à vingt ans, trois francs par jour.

Elle rêvait de belles toilettes, de fêtes, d’amour.

Elle avait bien un amoureux, ouvrier comme elle, mais comment eût-il pu satisfaire ses désirs de vie « plus large » ?

Un jour que, sans travail, elle était sortie pour en chercher, un monsieur la suivit un moment, l’accosta et lui offrit une consommation.

Henriette accepta et entra au café avec l’homme.

Celui-ci, d’un certain âge, lui dit qu’elle était belle, qu’il l’aimait, qu’il la désirait ardemment et qu’il serait heureux de satisfaire ses caprices.

Bref, il « l’entortilla » si bien qu’une heure après il la décidait à le suivre dans un hôte ! d’où elle sortit avec un louis en poche.

« Tiens, se dit Henriette, ce n’est pas bête, ça ! Si je rencontrais tous les jours un amoureux comme celui-là, c’est moi qui lâcherais vivement les formes, les fleurs et les rubans ! »

La fatalité voulut que, dès le lendemain, un autre monsieur s’intéressât encore à elle, – pour le même motif, – la fit boire, manger, lui achetât des gants et lui remit également vingt francs en lui donnant rendez-vous pour le surlendemain !

« Ça va bien, pensa la belle fille, et je ne m’userai pas les jambes à chercher du travail !… Vingt francs en une heure, ça vaut mieux que dix-huit par semaine ! »

Grisée par le succès, elle quitta ses parents sous prétexte qu’ils la « barbaient », loua, rue des Martyrs, une chambre meublée et, depuis ce temps, sort chaque jour, se promène, accepte tout ce qu’on lui offre, n’est pas très riche, – il y a de mauvais jours, – mais vit assez tranquillement ; mieux, en tous cas, – car, au moins, elle s’amuse souvent, – que si elle faisait encore des chapeaux de cinquante francs et plus, à raison de trois francs pour dix heures de travail acharné.

Elle ne fréquente pas la « Haute », ne recrutant ses « amis » que parmi les commis, les employés, les flâneurs, petits rentiers ou provinciaux de passage, – et les établissements, de jour ou de nuit, où on la rencontre, sont de troisième et quatrième ordre, – très fréquentés par les viveurs qui, sans être très riches, ne sont pas à quelques louis près.

Henriette Laval est une Marcheuse.

 

Adèle Harangeard, née de journaliers, – ne pas confondre avec journalistes, – à Pantin ou à Ivry, fut de bonne heure initiée au vice et à la débauche, car ses parents, ivrognes et querelleurs, ne pensèrent guère à son éducation.

À douze ou treize ans, Adèle fréquentait déjà de jeunes voyous de la localité.

Je ne suis plus une gamine,J’ai vingt, ans… et plaisante mine.

Elle n’avait pas atteint sa seizième année que le travail la dégoûta – elle était cartonnière – et qu’elle se livra à la prostitution.

Arrêtée plus de dix fois pour vagabondage et racolage, elle fut inscrite à la Préfecture comme fille publique.

Dès lors, elle « fait le trottoir », préférant les ouvriers en état d’ivresse, qu’elle dévalise plus facilement, car Toto-la-Gourde, son « souteneur », la force à voler et la roue de coups quand elle a mal « turbiné ».

Assez jolie fille, forte en tétons, tête nue, proprement vêtue, elle fréquente les Bars (à trois sous le verre), les « Bistros » et on la rencontre sur les boulevards extérieurs ou sur « le Sébasto », près le Châtelet.

Elle vous demande dix francs, mais si vous n’en avez que deux, elle « marche » tout de même.

Adèle Harangeard est une Retapeuse.

 

Sophie Gouvion était fille de ferme dans un village de la Nièvre.

Placée comme bonne à Paris, chez un « pays », elle fut convenable pendant quelques mois.

Puis, s’étant fait faire un gosse on ne sait par qui, elle accoucha seule, clandestinement, et jeta son bébé dans la fosse d’aisance !

Ce méfait lui valut un an de prison.

Sa peine achevée, elle n’osa pas se représenter à ses anciens maîtres.

Ne connaissant personne à Paris, elle se mit à flâner par les rues, écoutant les propos obscènes des quelques types « mal ficelés », sans le sou, qui la rencontraient dans les jardins publics, aux abords des bastions, ou vautrée sur l’herbe des « Fortifs ».

Point jolie, mal bâtie, sale, en guenilles, il lui fut impossible de trouver soit du travail, soit un « ami » généreux.

Alors, elle se trimbale d’un bout de Paris à l’autre, longeant les barrières : heureuse quand un type mâle de son genre lui offre l’hospitalité dans quelque bouge, la fait manger un peu et boire beaucoup.

Sophie Gouvion est une Goton.

 

Les exemples qui précèdent dépeignent assez complètement tous les genres de dames galantes parisiennes.

Mais je n’ai pas borné à ce chapitre mes divulgations et vous trouverez dans les pages suivantes, mon cher lecteur, des explications, des anecdotes, qui vous rendront aussi renseigné que quiconque sur la Femme de Paris.

Patience !… Le chapitre Maisons de rendez-vous n’est pas loin. Lisez toujours !

La prostitution

Au Conseil municipal, sur avis de M. Henri Turot et de quelques-uns de ses collègues que cette troublante question préoccupe, il est probable que sera adoptée cette définition de la Prostitution, Proposée par M. Emile Richard :

« Doit seulement être réputée prostituée toute femme qui, publiquement et sans amour, se livre au premier venu, moyennant une rémunération Pécuniaire, et n’a d’autres moyens d’existence que les relations passagères qu’elle entretient avec un plus ou moins grand nombre d’individus. »

Il ne faut donc pas traiter de prostituée, ni même simplement de catin, la femme qui, non mariée, se donne pour son plaisir à l’homme de son choix.

Se donner n’est pas se vendre, se louer, et la femme au cœur tendre, aux sens impérieux, même si elle change souvent d’amant, n’est pas une prostituée, si elle est désintéressée et si son cœur la guide.

Accorder ses faveurs à un inconnu, moyennant finance, est, pour une femme, se prostituer, – indéniablement.

Accorder ses faveurs à un homme dont elle s’est éprise, même spontanément, mais dans le seul but de prendre et de donner du plaisir, sans penser à d’autres satisfactions que celle du cœur et de la chair, c’est être amoureuse, – et non pas prostituée.

Je crois mettre suffisamment les points sur les i, et suis persuadé qu’il faudrait être fou ou systématiquement opposé à mes idées pour me soutenir le contraire.

La fille de joie ne se prostitue pas avec son amant – il s’agit de son souteneur – puisqu’elle l’a choisi, qu’elle l’aime et ne lui demande rien en échange de ses étreintes, – au contraire.

Mais la femme honnête ( ?), mariée ou non, – j’entends par femme honnête celle qui ne vit pas habituellement de l’amour vénal, – se prostitue quand elle accorde ses faveurs à un homme qu’elle n’aime pas, dans le but inavoué – d’en retirer quelques profits, escomptant la galanterie, la générosité du monsieur.

Qu’elles sont nombreuses, à Paris, les femmes de cette catégorie !

À les entendre, pourtant, se sont des saintes, et leurs bouches menteuses sont pleines d’épithètes injurieuses à l’adresse des « cocottes » qu’elles mettent à cent pieds sous terre !

Elles pourraient du moins avoir dans le cœur un peu de pitié, puisqu’il est vide d’amour.

Mais, quoi ! sans amour, il n’est point de pitié ! Et je réclame à ces femmes – les pires – une chose qu’elles ignorent et ne peuvent comprendre.

En revanche, que de cœurs d’or on rencontre parmi ces filles – belles pour la plupart – qui servent de jouet à l’égoïsme des hommes !

Il y a bien aussi des cœurs pourris, mais pas tant que se l’imaginent des satisfaits, des gavés, qui s’obstinent à ne pas vouloir voir, en ces déshéritées de la Rue, des victimes de notre défectueuse Société.

Police des mœurs

Un saint fameux – saint Augustin – a dit, à propos des prostituées :

« Retranchez les femmes publiques de la Société, la débauche la troublera par des désordres de tout genre. Les prostituées sont dans une cité ce qu’est un cloaque dans un palais. Supprimez le cloaque, le palais deviendra un lieu malpropre et infect. »

Ce Père de l’Église, si je ne m’abuse, prétendait donc que, sans prostituées, les mœurs, en son temps, eussent été encore plus dissolues.

Et je crois bien qu’aujourd’hui les attentats à la pudeur et les viols deviendraient beaucoup plus fréquents si, tout à coup, les filles publiques disparaissaient des rues.

Ce qui ne m’empêche pas d’être – sans aucune restriction – un fervent adepte des idées de M. Henri Turot, conseiller municipal, qui réclame à grands cris une nouvelle réglementation de la prostitution, – plus juste, plus humaine que celle en vigueur depuis 1893.

Voici comment fonctionne, actuellement, la Police des Mœurs :

Cinq agents par arrondissement – soit, en tout, cent – puisque Paris se compose de vingt arrondissements, sont spécialement chargés de la surveillance des filles soumises, c’est-à-dire des prostituées inscrites à la Préfecture – dites, en langage populaire, femmes en carte.

En effet, ces dernières, au moment de leur inscription, reçoivent une carte – dont vous trouverez ici la reproduction. – ainsi que les instructions suivantes :

Préfecture de Police2e BUREAU–SERVICE–des3e Section1er DivisionMŒURS
 

OBLIGATIONS ET DÉFENSES

IMPOSÉES AUX FILLES PUBLIQUES

 

Les filles publiques sont tenues de se présenter, une fois au moins tous les quinze jours, et à date fixe, au Dispensaire de Salubrité, pour être visitées.

Il leur est enjoint d’exhiber leur carte sanitaire à toute réquisition des officiers et agents de police.

Elles ne pourront entrer en circulation sur la voie publique avant l’allumage des réverbères et, en aucune saison, avant sept heures du soir, et y rester après minuit.

Rien de provocant dans leur attitude ou leur mise ne devra attirer les regards.

Défense expresse leur est faite de parler à des mineurs ainsi qu’à des hommes accompagnés de femmes ou d’enfants, et d’adresser à qui que ce soit des provocations à haute voix ou avec insistance.

Il leur est défendu de stationner sur la voie publique, d’y former des groupes, d’y circuler en réunion, d’aller et venir dans un espace trop resserré, et de se faire accompagner ou suivre par des « souteneurs ».

Les abords des églises, temples, écoles et lycées, les passages couverts, les boulevards, les Champs-Élysées, les gares et leurs abords et les jardins publics leur sont interdits.

Il leur est défendu de prendre domicile dans les maisons où existent des pensionnats ou externats.

Il leur est également défendu de partager leur logement avec un concubinaire ou avec une autre fille.

Elles ne devront jamais racoler par leurs fenêtres.

Celles qui contreviendront aux dispositions qui précèdent, celles qui résisteront aux agents de l’autorité, celles qui donneront de fausses indications de demeures ou de noms, encourront des peines proportionnées à la gravité des cas.

 

Avis important. – La carte délivrée aux filles au moment de leur inscription ne constitue pas une autorisation et ne saurait être considérée comme un encouragement à la débauche, ni comme un obstacle au travail.

La carte permet à l’Administration de s’assurer si les filles publiques – dans leur intérêt personnel comme dans celui de la santé publique – se soumettent aux visites sanitaires qu’elles doivent périodiquement subir tant qu’elles se livrent à la prostitution.