Périgord Rhapsodie - Michel de Caurel - E-Book

Périgord Rhapsodie E-Book

Michel de Caurel

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Beschreibung

La suite de l'enquête du journaliste Léo Bourdan dans le Périgord.

Le Périgord est une terre où l’Histoire se mêle aux histoires, où le passé se mêle au présent, où la vérité se mêle aux légendes. Après  Le Blues du PérigordPérigord Rhapsodie, le tome II de la trilogie périgourdine nous entraîne une nouvelle fois derrière les murs épais de ces discrètes bâtisses périgourdines où se cachent bien des secrets, bien des traîtrises et bien des perversités.
Quand Léo accepta de raccompagner à Saint-Martin-d’Auberoche, Samia, le modèle de l’école de peinture de Périgueux ; quand il accepta la clé USB des mains d’Esther venue du Costa Rica le rencontrer au château de la Courverie à Sorillac, il ignorait qu’il allait être une nouvelle fois confronté aux noirs tourments de l’âme humaine.

Découvrez sans plus attendre le second tome de la Trilogie Périgourdine et suivez les péripéties de Léo Bourdan, confronté aux tourments de l'âme humaine.

EXTRAIT

Léo somnolait dans un fauteuil du salon. Il n’avait envie de rien, il préférait s’abandonner au souvenir de sa soirée avec Samia. C’était il y a deux jours. Il ne se souvenait pas de tout ce qu’il avait raconté, le whisky et le vin l’avaient grisé, mais la présence chaleureuse de cette jeune femme spontanée qui l’avait fait rire était une parenthèse enchantée dans son quotidien mélancolique. À par quelques rencontres impersonnelles et sans lendemain sur un site garantissant l’âme sœur, sa vie affective était un désert quant à sa vie sexuelle elle ressemblait à sa vie affective. Son portable couina, il devrait changer la sonnerie, il espérait que c’était Samia.
— Bonjour, c’est Marie-Pierre de l’école de peinture. Je ne te dérange pas ?
Déçu et surpris par cet appel aussi inhabituel qu’inattendu, Léo répondit un vague « non ».
— Tu as des nouvelles de Samia ?
— Non pourquoi ?
— Elle ne répond pas au téléphone. Elle devait venir aujourd’hui pour une séance de pose exceptionnelle, prévue depuis un mois et elle n’est pas là. D’habitude elle est ponctuelle et prévient si elle a cinq minutes de retard. Comme tu l’as raccompagnée avant-hier, je me demandais si elle t’avait parlé d’un éventuel empêchement ou d’un événement qui expliquerait son absence aujourd’hui.
— Non, désolé, elle ne m’a pas fait de confidences particulières.
— Bon, tant pis. Elle me met dans la merde, je vais devoir annuler. Excuse-moi pour le dérangement. Au-revoir !
Léo posa son portable encore tout étonné de cet appel. Non, aussi loin qu’il cherchait dans les souvenirs de la soirée avec Samia, à aucun moment elle n’avait parlé de partir. S’il allait voir. Ce n’était pas très loin et il avait un excellent prétexte.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Marié, deux enfants, Michel de Caurel passe son enfance dans la ferme familiale à Caurel (devenu son nom d’écrivain), près de Reims, où il est né. Après une formation d’éducateur spécialisé il travaille successivement à Épernay puis à Périgueux avant d’entamer un périple de vingt-deux ans en Outre-Mer. De Saint-Martin à la Nouvelle Calédonie en passant par la Réunion, il s’enrichit d’autres cultures, d’autres civilisations. Amateur d’histoire, de vieilles pierres, de bon vin et de bonne cuisine, il continue de voyager plusieurs mois par an sans oublier de revenir régulièrement en Périgord où il s’est installé.

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Périgord Rhapsodie

La trilogie périgourdine

Collection dirigée par Thierry Lucas

© 2017 – – 79260 La Crèche

Tous droits réservés pour tous pays

Michel DE CAUREL

La Trilogie Périgourdine

II

Périgord rhapsodie

Première partie

« Celui qui vit mal meurt également mal. »

Proverbe corse

Chapitre 1

Léo s’était reculé pour mieux visualiser son œuvre.

— C’est intéressant, j’aurais peut-être mis un peu plus de lumière mais si c’est comme ça que tu le ressens ce n’est pas un problème.

Léo écoutait les conseils de Brigitte, la plus ancienne élève de l’école municipale de peinture de Périgueux. À la retraite, elle partageait son temps entre son atelier de peinture à son domicile et l’école municipale située dans un ancien couvent qui hébergeait également l’école de musique. Depuis plusieurs mois Léo avait décidé de peindre. La peinture était indirectement à l’origine de sa vie en miettes. Sa femme Chloé était morte, enceinte, dans des conditions dramatiques. D’autres comme Rachel ou Anna avaient connu un sort similaire au prix de terribles souffrances infligées par des fous névrosés. En se consacrant à cet art il leur rendait hommage en même temps qu’il tentait d’exprimer par les couleurs et le graphisme sa douleur intérieure nommée culpabilité. Il ne peignait pas chez lui, il avait juste affiché les photos des trois femmes pour qu’elles s’impriment dans sa mémoire et ainsi pouvoir les reproduire à l’école via le filtre de l’émotion du moment. Sa maison était trop chargée de souvenirs pour être l’endroit le plus adapté à sa liberté artistique.

Il avait gardé la maison de St-Laurent-d’Auberoche, elle était son seul et dernier lien avec Chloé, c’était le lieu de leur histoire commune, le lieu qu’ils avaient investi de leur personnalité, de leur âme. Il ne croyait pas aux esprits mais il était convaincu que celui de Chloé et de son enfant s’étaient incrustés dans les murs de pierres de la maison.

Il avait attendu son ami André, muté à la brigade de gendarmerie de Brive, et Mathilde, son épouse, pour avoir le courage de vider la maison des affaires de Chloé. Mathilde avait réparti dans de gros sacs poubelles les vêtements promis au Secours populaire et ceux destinés à la déchetterie. Le plus dur ce fut les habits de bébé : brassières, grenouillères, pyjamas, t-shirts… Elle avait fait en sorte que Léo ne s’en aperçoive pas. Avec André il faisait le tri des livres de cours de Chloé pour les ramener au collège. Les carnets de notes, les préparations de cours, les bulletins syndicaux devenus inutiles finissaient dans la poubelle jaune. Il faisait son deuil, comme disent les psys. Ce jour-là lui parut long et pénible. André et Mathilde l’avaient convaincu d’aller dîner au restaurant pour ne pas finir cette journée seul avec ses souvenirs.

Il s’était mis en disponibilité du journal La Libre Dordogne, trop épuisé physiquement et moralement par l’affaire du Château de la Courverie et de ses suites. À l’occasion il faisait quelques piges pour s’obliger à sortir de sa solitude. L’assurance vie de Chloé et les restes d’un héritage familial lui permettaient de vivre sans souci du lendemain.

— Je travaille à partir de photos et de souvenirs, dit-il.

Brigitte s’abstint de lui poser des questions qu’elle-même considérait indiscrètes. Elle savait qui il était. Son arrivée à l’école de peinture n’était pas passée inaperçue et les commentaires compatissants n’avaient pas manqué. Périgueux et son agglomération sont un gros village où tout le monde connaît tout le monde, où chacun connaît quelqu’un qui connaît quelqu’un qui connaît… Léo s’était fait discret au point de se faire oublier des élèves trop absorbés par leurs créations. Il avait besoin de cet environnement d’artistes en herbe pour se sentir moins seul dans son projet et il appréciait les commentaires sobres de Brigitte. Elle ne jugeait pas sa peinture, elle l’appréciait à l’aune de son ressenti. Léo peignait simultanément trois tableaux, trois visages de femme : un chevalet pour Chloé, un second pour Rachel, un dernier pour Anna1. Sa peinture insistait sur les traits caractéristiques des visages, comme un caricaturiste, pour faire jaillir les émotions que ces trois femmes lui avaient procuré.

— Un triptyque amoureux ? hasarda Brigitte.

— Oui, c’est incroyable comme l’amour peut faire souffrir.

— L’amour peut-être aussi joyeux, festif, jubilatoire, insista Brigitte.

— Ces moments-là ont été trop courts pour moi.

— La peinture te permettra de les retrouver.

— Je l’espère. Ces trois toiles seront ma seule production, après j’arrête.

— Pourquoi ? C’est dommage de te priver de cet exutoire émotionnel.

— C’est ma thérapie pour exorciser le passé, je dois l’assumer pour mieux vivre le présent et envisager l’avenir avec un peu plus de confiance.

— Tu y parviendras, ta peinture est pleine de colère et de tendresse, c’est le mélange le plus difficile à exprimer mais tu as le toucher qui convient.

Depuis près de quatre mois il touchait, retouchait, effaçait, recommençait ses toiles. Il hésitait sur les couleurs, trop foncées, trop claires, trop pâles… Sa technique à l’huile n’était pas exceptionnelle mais il possédait quelques bases acquises quand il était enfant et pré-ado lors de stages organisés pendant les vacances scolaires par la maison de la culture. L’animatrice lui trouvait un petit talent qui n’avait pas résisté à la poussée hormonale de son adolescence. Aujourd’hui il voulait traduire sur la toile la joie de vivre de Chloé, la spontanéité de Rachel sans les hématomes qui avaient cabossé son visage, la passion d’Anna sans les brûlures qui avait ravagé la moitié de sa figure. Le regard fiévreux il passait d’un chevalet à l’autre avec une forme d’urgence parfois maladroite. Les trois tableaux avaient un seul point commun, le regard des jeunes femmes. Elles avaient le regard de celles dont la volonté, l’appétit de vivre avaient été foudroyés par une mort imprévisible et posait la question : Pourquoi ? Ces portraits, il n’avait pas l’intention de les dévoiler à l’opération porte ouverte organisée en juin par l’école, ni les exposer dans une galerie et encore moins les monnayer.

— Tu habites bien St-Laurent-d’Auberoche ? lui demanda Marie-Pierre, la responsable de l’atelier peinture, venue discrètement l’interrompre.

— Oui.

— Tu passes par St-Martin-d’Auberoche ?

— Oui, cela m’arrive.

— J’ai un service à te demander. Pourrais-tu ramener Samia ce soir ?

— Oui bien sûr, à quelle heure ?

— Après le cours, elle termine à 18 heures. Je vais la prévenir et lui dire de t’attendre dans le hall d’entrée. Tu la connais ?

— Oui, je l’ai croisée plusieurs fois dans les couloirs.

Samia était le modèle qui posait nue dans un atelier voisin. Il avait remarqué son joli visage de métisse à la peau couleur miel et ses cheveux crépus coiffés afro. Généralement elle ne s’attardait pas après sa séance de pose. Elle n’avait apparemment pas envie de lier connaissance avec les élèves, ni avec les profs. Elle faisait le job et s’empressait d’enfourcher un vieux scooter pour disparaître rapidement dans les rues de Périgueux. Bonjour et au revoir devaient être les seuls mots échangés entre elle et Léo. Des ragots circulaient sur elle lui prêtant une vie nocturne trépidante et des aventures nombreuses. Léo n’y accordait aucune importance, lui-même, sauf avec Brigitte, n’avait pas cherché à nouer des liens amicaux au sein de l’école, quant aux rumeurs…

1. Voir Le Blues du Périgord.

Chapitre II

— Bonsoir ! Tu es Léo ? Il y a longtemps que tu m’attends ?

Il attendait depuis vingt minutes dans le hall glacial, ouvert aux courants d’air, février était particulièrement froid et humide cette année. Il avait l’habitude du traditionnel « quart d’heure périgourdin » qui excusait les retardataires. Aujourd’hui il ne s’en formalisait pas puisque personne ne l’attendait chez lui.

Emmitouflée dans un gros anorak violet, jeans enfoncé dans des bottes fourrées, elle lui serra la main en lui adressant un sourire chaleureux qui par un magnétisme mystérieux réchauffa Léo.

— On y va !

Les essuie-glaces raclaient bruyamment la pluie verglaçante qui s’écrasait sur le pare-brise. Dans la lumière des phares la route luisait dangereusement obligeant Léo à une conduite prudente.

— Mon scooter est tombé en rade ce matin j’ai dû faire du stop pour aller à Périgueux.

— Par un temps pareil, c’est plus prudent.

— Oui mais j’aime bien gérer mon temps sans devoir attendre un automobiliste sympa ou un bus souvent en retard. Bien couvert, c’est sympa le scooter et comme je n’ai pas les moyens de me payer une voiture… Il y a longtemps que tu fréquentes l’école ?

— Depuis septembre et toi ?

— Je pose depuis octobre, l’ancienne modèle est partie sans donner d’explication.

— C’est ton métier ?

— Si on veut.

— Tu en vis ?

— Je me débrouille, je pose aussi pour des particuliers, peintres, photographes…

— Ah bon ?

— Il y a bien des cuisiniers à domicile, des coiffeurs à domicile, pourquoi pas des modèles à domicile dit-elle en riant.

— Pour des nus ?

— À la demande mais je ne fais pas de porno ni de prostitution déguisée.

— Cela n’est pas gênant parfois ?

— Non, généralement cela se passe très bien. Le monde n’est pas peuplé que de voyeurs ou de pervers et au besoin je sais me défendre.

— Comment es-tu rémunérée ?

— Je me débrouille. Sauf pour l’école où le prix est établi par l’administration, à domicile c’est moi qui fixe le tarif des séances, uniquement en liquide, c’est net d’impôts.

Elle marqua une pause.

— Je ne t’ai jamais vu à l’atelier nu de l’école.

— Je ne suis pas sûr d’être un bon peintre de nu. Ce n’est pas difficile de s’exposer au regard des autres ?

— Non, c’est une question d’habitude et puis tout dépend des positions à tenir. C’est difficile surtout quand l’atelier est mal chauffé et quand la pause est très longue.

— Nous sommes arrivés à St-Martin-d’Auberoche…, l’interrompit Léo.

— J’habite un appartement près de la halle du marché, tu peux te garer là. Descends boire un verre, je te dois bien ça.

Léo hésita avant d’accepter. La compagnie de Samia lui avait fait chaud au cœur. Sa voix chaleureuse, son ton enjoué, sa spontanéité avaient éclairé sa désolante solitude.

— Tu ne fermes jamais à clé ?

— Pourquoi faire ? Je n’ai rien à voler et si quelqu’un veut entrer la porte est facile à forcer.

L’appartement, un meublé, était situé au premier étage d’une maison de village restaurée. Elle était la seule locataire. Elle n’avait jamais rencontré les propriétaires domiciliés, selon l’agence immobilière, à Bordeaux.

— Ne fais pas attention, c’est un peu le bazar. Je ne suis pas une maniaque du rangement.

Après avoir tapoté et remis en place quelques coussins aux couleurs vives, elle l’invita à s’asseoir dans un canapé « rustique » qui avait été certainement confortable une vingtaine d’années auparavant. La pièce était assez vaste pour regrouper un coin cuisine, la salle à manger, le salon, un coin bureau sans donner l’impression d’accumulation de meubles et en laissant de généreux espaces de circulation.

— Tu veux une bière, un whisky, une vodka ou du vin ?

Elle avait jeté son anorak, son écharpe sur le dos d’une chaise. Elle lui parut plus grande, enveloppée dans son long pull de grosse laine blanc cassé qui cachait ses formes. Il lui donnait entre 25 et 30 ans. Des revues, des journaux, des chemisiers, des chaussettes, des verres vides encombraient la table basse, les étagères, le buffet. Ce désordre témoignait d’un espace vivant, chaud, animal.

— Je veux bien un whisky avec des glaçons.

Pendant qu’elle maltraitait le bac à glaçons, Léo, après avoir proposé son aide qu’elle refusa, s’extirpa du canapé pour faire le tour de la pièce. Son regard ne pouvait échapper aux nombreuses photos et tableaux accrochés aux murs représentant Samia. Certaines photos n’ignoraient rien de son anatomie même recouverte de voiles transparents style David Hamilton. Les tableaux étaient moins soucieux de sa plastique mais beaucoup plus charnels, plus sensuels.

— Des cadeaux de mes « employeurs », dit-elle en lui tendant son verre.

— Tu aurais pu faire une carrière de mannequin.

— J’y ai pensé, j’ai même eu quelques contacts mais je n’ai pas donné suite.

— Pourquoi ?

— Trop de contraintes, incompatibilité avec ma façon de vivre. La fumée te dérange ?

— Non.

Elle sortit un paquet de tabac du fatras de papiers entassés sur la table qui lui servait de bureau où clignotait un Mac dernière génération. Elle entreprit de se rouler une cigarette qu’elle alluma avec un plaisir gourmand. Ils trinquèrent pour sceller leur complicité naissante et se lovèrent chacun dans un coin du canapé.

— Il y a longtemps que tu poses ?

— Depuis plus de cinq ans comme « professionnelle ». Avant je posai pour m’amuser et me faire un peu d’argent, peu à peu j’y ai pris goût au point d’en faire mon métier. Ce n’est pas trop fatiguant et avec un bon réseau on arrive à se débrouiller financièrement.

— Tu es arrivée quand à Périgueux ?

— En juillet de l’année dernière. Je suis arrivée dans « les bagages » d’une troupe qui participait au festival international Mimos de Périgueux. La région m’a plu et comme mon copain du moment, lui, ne me plaisait plus, je suis restée.

— Tu viens d’où ?

— Je suis née à Madagascar, d’un père malgache et d’une mère réunionnaise. Jusqu’à 10 ans j’ai vécu à Majunga au Nord-Ouest de l’île sur le canal du Mozambique où mon père tenait un commerce d’alimentation. À la séparation de mes parents j’ai suivi ma mère, infirmière, à Mayotte puis à St-Pierre à la Réunion avant de courtes études universitaires à Bordeaux où j’ai commencé ma carrière de modèle. Ensuite j’ai bourlingué à Paris, Lyon, Montpellier pour finir ici à St-Martin-d’Auberoche. Un autre whisky ?

Elle versa une large rasade dans chaque verre sans attendre la réponse de Léo.

— Tu comptes t’installer ici ?

— Non, ici je fais une pause. J’attends d’avoir économisé assez d’argent pour retourner à Majunga y ouvrir une boutique de vêtements. J’adore cette ville, sa promenade en bord de mer, ses couchers de soleil rouge sang, son baobab historique… C’est drôle, c’est la première fois que je parle comme ça, de ma vie, de mes projets. C’est le whisky ou tu inspires confiance ?

— Certainement un peu des deux. Tu vis seule ?

Le troisième whisky était servi.

— En ce moment je suis en période de sevrage. Ma dernière expérience n’a pas été une réussite. Je sais ce qu’on raconte sur moi à l’école de peinture, que je suis une libertine qui multiplie les rencontres amoureuses voire même qui les collectionne mais ce sont des conneries. Mon côté libertaire doit en agacer pas mal. Et toi ?

Léo lui parla de Chloé sans s’appesantir sur les circonstances de sa mort, il lui raconta le drame du château de la Courverie, sa vie actuelle sans relief et ses difficultés à assumer un passé récent chargé de drames personnels.

— Tu as faim ? Du pâté et une omelette ça te va ?

Léo n’eut pas le temps de répondre que déjà elle débarrassait la table pour y poser deux assiettes, deux verres et des couverts. Leur conversation se poursuivit tard dans la nuit. Le vin les rendait légèrement euphoriques. Samia lui révéla, sans les nommer, les particularités, les manies des trois « artistes peintres » pour qui elle posait plusieurs fois par semaine lui procurant un confortable revenu non déclaré. Léo lui confia son embarras pour projeter sur ses toiles l’amour qu’il avait éprouvé pour trois femmes différentes. Il était 3 heures du matin quand Léo se leva pour prendre congé. Ni l’un ni l’autre n’entreprit le moindre geste ou n’exprima l’envie de prolonger cette soirée au lit. Il ne fallait rien précipiter, chacun devait laisser cicatriser ses blessures amoureuses avant d’entreprendre une nouvelle relation. Il lui promit de la véhiculer autant que de besoin, elle lui promit de l’appeler si nécessaire. Ils s’embrassèrent comme de vieux copains. Léo rentra prudemment, en cas de contrôle d’alcoolémie il savait être en infraction. Cette soirée était la meilleure qu’il ait passée depuis longtemps. Augurait-elle d’un avenir plus joyeux ? Il voulait le croire.

Chapitre III

11h 30. Samia avait la bouche pâteuse et la tête lourde, conséquences de sa soirée alcoolisée avec Léo. Elle avait apprécié sa compagnie et pour une fois le garçon ne lui avait pas sorti un vieux plan drague pour coucher avec elle dès leur première rencontre. Il était plutôt mignon, elle ne serait pas contre une nouvelle soirée. La douche, le café noir et le Doliprane chassèrent les dernières séquelles de la soirée. Elle espérait que son scooter voudrait bien démarrer, elle avait un rendez-vous en fin d’après-midi chez Samuel Bruchen pour une séance de pose.

Samuel, 67 ans, veuf, ancien propriétaire d’une importante agence immobilière, héritée de son père, c’est lui qui lui avait trouvé son appartement, c’était un passionné de peinture et de photo. Dans son grand appartement situé dans un ancien hôtel particulier de la rue Limogeane, au cœur du vieux Périgueux, il avait aménagé à l’étage une pièce en atelier de peinture et réservé un espace en studio photo. Il se voulait spécialiste du nu féminin où le visage du modèle n’apparaissait jamais. Il aimait recouvrir le corps de lingerie fine pour accentuer, disait-il, l’érotisme des formes. Il travaillait nu lui aussi : Se mettre au même niveau que le modèle, était son argument. Au début Samia avait eu quelques réticences mais Samuel n’avait jamais eu un geste déplacé ou manifesté une quelconque intention malveillante voire sexuelle.

— Bonjour ma belle, un café comme d’habitude avant de commencer ?

Samuel l’accueillait toujours avec gentillesse et se montrait toujours prévenant. Il se voulait gentleman même nu.

— Photo ou peinture aujourd’hui ? demanda Samia en se déshabillant derrière un paravent qu’il lui avait lui-même conçu et réalisé à partir de caillebottis.

— Photos, je ne suis pas satisfait des dernières, les éclairages n’étaient pas bons et les tirages pas terribles. J’ai prévu une série avec une table et une chaise comme accessoires.

Nue, Samia buvait son café. Elle se sentait à l’aise dans cette pièce où elle se déplaçait avec naturelle n’hésitant pas à donner son avis sur un tableau ou une photo.

— Tu es prête ?

Assise, debout, de face, de côté, de dos Samuel lui laissait la liberté de la pose, au besoin il la corrigeait.

— Plus sur la droite.

— Pose ton coude sur la table.

— Remonte ta jambe sur la chaise.

— Penche-toi.

— Cambre-toi plus…

Samia se pliait sans état d’âme à ses exigences qu’il formulait d’une voix douce. Elle aimait jouer avec l’objectif. Elle fixait avec gourmandise cet œil noir qui captait sa silhouette, valorisait ses courbes, sublimait sa peau. Samuel lui avait donné de fins foulards de tulle transparents pour se couvrir les épaules, le ventre, la poitrine, son dos en fonction des angles de prise de vue ou selon la partie du corps qu’il voulait mettre en valeur. Elle devenait alors Salomé dans la danse des sept voiles. Animé par une fièvre créative surprenante, porté par une imagination débordante, il changeait d’objectif, de filtre, modifiait l’intensité, la couleur ou l’orientation des spots ou du réflecteur de lumière. Il s’arrêtait brusquement, se grattait le nez, réfléchissait à une pose plus originale, plus langoureuse, plus suggestive avant d’inciter Samia à laisser libre cours à son imagination. Debout, assise, penchée une jambe en l’air, accroupie… elle aimait ces instants où son corps vibrait à l’unisson de l’appareil photo. Aujourd’hui elle se sentait aérienne, son esprit occupé par le souvenir de sa soirée avec Léo, s’était désolidarisé de son corps. Était-elle en train de tomber amoureuse ? Cela n’avait pas échappé à Samuel.

— Tu es très en forme aujourd’hui. Ta peau prend super bien la lumière tu dois être amoureuse. Encore cinq minutes et on fait une pause.

Pendant la pause ils s’asseyaient sur un vieux canapé et buvaient un verre de champagne, c’était un rituel. Samia, jambes pudiquement croisées dégustait sa flûte à petites gorgées tandis que Samuel lui racontait les anecdotes de son ancienne vie d’agent immobilier.

— J’ai vendu des châteaux à de riches parisiens qui le temps d’un weekend ou de courtes vacances venaient jouer les châtelains et se rêvaient en seigneur médiéval tout en jouissant du confort moderne. Ils s’inventaient une ascendance noble et un passé prestigieux. Les Anglais sont venus nombreux retaper de vieilles fermes, d’anciens manoirs, peut-être avaient-ils la nostalgie du sud-ouest d’Aliénor d’Aquitaine. Beaucoup de Hollandais sont également venus s’installer en Dordogne. Les prix étaient alors raisonnables et beaucoup de bâtiments doivent leur restauration à ces acheteurs.

Samia l’écoutait d’une oreille distraite, l’immobilier périgourdin était loin d’être sa passion. Elle pensait à Léo et à la meilleure façon de le revoir, mardi prochain elle lui téléphonerait pour qu’il la conduise à l’école de peinture à Périgueux au prétexte d’une nouvelle panne de scooter. Elle s’amusait de ses stratagèmes d’adolescentes. Elle se resservit du champagne tandis que Samuel continuait de pérorer sur les aléas et les manigances des agences immobilières.

— J’ai cédé la mienne à mon fils. Internet a révolutionné le marché. Il passe plus de temps sur son ordinateur qu’à rechercher la bonne affaire en allant fouiner dans les villages, déjeuner avec les notaires, consulter les mairies et repérer la maison correspondante aux souhaits du client. Une bonne discussion face à face vaut mieux que l’échange de trois mails. Si mon père voyait cela, il se retournerait dans sa tombe. Lui aussi a vendu…

— Excusez-moi, elle le vouvoyait, une façon comme une autre de maintenir une distance courtoise, j’ai besoin d’aller aux toilettes.

Elle se leva pour rejoindre la salle de bains. Après avoir satisfait son besoin naturel, elle se lava les mains, se regarda longuement dans le grand miroir au-dessus du lavabo, se passa la main dans les cheveux pour ordonner sa coiffure, se sourit à elle-même. Ses yeux pétillaient. Le champagne ? Non, elle était heureuse.

Revenue dans l’atelier elle sentit tout de suite que quelque chose clochait. Samuel ne parlait plus. Elle ne le voyait ni déambuler dans l’atelier, ni occupé à feuilleter une revue, ni debout devant la fenêtre à petits carreaux colorés contemplant la façade renaissance de la haute maison d’en face. Le silence de la pièce était devenu inexplicablement oppressant. Elle s’approcha du canapé, le contourna. Samuel y était allongé, une main posée sur son sexe, la flûte de champagne renversée sur ses cuisses, l’autre main pendait mollement, elle touchait le plancher, l’appareil photo au milieu de cachets de trinitrine lui avait échappé. Sa tête penchée sur le côté avait une teinte cireuse, ses yeux étaient mi-clos, sa bouche arborait un rictus à moins que ce ne soit un sourire ambigu, il ne respirait plus. Pendant une fraction de seconde Samia crut qu’il dormait. Elle approcha son oreille de sa bouche, elle ne perçut aucun souffle. Elle posa deux doigts sur son cou, elle ne sentit pas les pulsations de l’artère. Il était mort. Nerveuse elle s’empressa de s’habiller, s’empara du téléphone, hésita, le reposa. Elle n’était pas affolée mais elle sentait monter en elle une inquiétude qui lui nouait l’estomac. Que faire ? Prévenir les pompiers, le Samu, la police ? Elle n’avait rien à se reprocher mais s’il y avait une enquête elle serait interrogée. Son casier judiciaire n’était pas vierge : une condamnation pour trafic de barrettes de H, une autre pour conduite sans permis et sans assurance. Son job de modèle à domicile pouvait être assimilé à de la prostitution au vu de la nudité de Samuel. Sa décision fut vite prise. Elle rinça son verre, effaça de la carte mémoire les photos de la séance de pose sans laisser d’empreintes sur l’appareil et prit l’argent que Samuel avait préparé, il payait cash chaque séance. Elle ne pouvait nier qu’elle posait pour Samuel mais elle pourrait affirmer n’avoir pas été présente au moment de sa mort. Elle referma la porte de l’appartement, descendit sans bruit le grand escalier de pierre, composa le code pour l’ouverture de la lourde porte de bois qui barrait le porche. Coup de chance le scooter démarra du premier coup. Casquée, phare éteint elle remonta la rue Limogeane à petite allure, ce n’était pas le moment d’attirer l’attention. Par chance elle ne croisa personne. L’heure tardive et la froidure avaient dissuadé les noctambules d’une dernière promenade nocturne. Elle accéléra devant le musée et disparut dans la nuit glaciale et tragique de ce mois de février. Une silhouette emmitouflée dans une pèlerine sortit d’un porche voisin du domicile de Samuel.

Chapitre IV

Léo somnolait dans un fauteuil du salon. Il n’avait envie de rien, il préférait s’abandonner au souvenir de sa soirée avec Samia. C’était il y a deux jours. Il ne se souvenait pas de tout ce qu’il avait raconté, le whisky et le vin l’avaient grisé, mais la présence chaleureuse de cette jeune femme spontanée qui l’avait fait rire était une parenthèse enchantée dans son quotidien mélancolique. À par quelques rencontres impersonnelles et sans lendemain sur un site garantissant l’âme sœur, sa vie affective était un désert quant à sa vie sexuelle elle ressemblait à sa vie affective. Son portable couina, il devrait changer la sonnerie, il espérait que c’était Samia.

— Bonjour, c’est Marie-Pierre de l’école de peinture. Je ne te dérange pas ?

Déçu et surpris par cet appel aussi inhabituel qu’inattendu, Léo répondit un vague « non ».

— Tu as des nouvelles de Samia ?

— Non pourquoi ?

— Elle ne répond pas au téléphone. Elle devait venir aujourd’hui pour une séance de pose exceptionnelle, prévue depuis un mois et elle n’est pas là. D’habitude elle est ponctuelle et prévient si elle a cinq minutes de retard. Comme tu l’as raccompagnée avant-hier, je me demandais si elle t’avait parlé d’un éventuel empêchement ou d’un événement qui expliquerait son absence aujourd’hui.

— Non, désolé, elle ne m’a pas fait de confidences particulières.

— Bon, tant pis. Elle me met dans la merde, je vais devoir annuler. Excuse-moi pour le dérangement. Au-revoir !

Léo posa son portable encore tout étonné de cet appel. Non, aussi loin qu’il cherchait dans les souvenirs de la soirée avec Samia, à aucun moment elle n’avait parlé de partir. S’il allait voir. Ce n’était pas très loin et il avait un excellent prétexte.

Il frappa à la porte. Pas de réponse. Il cogna plus fort. Toujours pas de réponse. Il tourna doucement la poignée, la porte n’était toujours pas fermée à clé. Il pénétra prudemment dans la grande pièce, tout était silencieux. Le désordre n’était pas plus important que mardi soir. Il appela Samia plusieurs fois. Rien, le silence. Il s’aventura dans la chambre, le lit était défait, les oreillers enfoncés, les draps froissés, la couette sur la moquette. Sur la table de chevet le tome 1 de 1Q84 de Murakami. Des collants et un jeans étaient négligemment posés sur le dossier d’une chaise, le gros pull blanc cassé s’étalait à ses pieds. Après avoir visité les toilettes et la salle de bains il conclut que rien ne démontrait un départ précipité. Il allait partir mais dans un réflexe de curiosité il remua la paperasse qui s’entassait sur la table qui servait de bureau. Au milieu des courriers EDF, de cartes postales diverses, de prospectus publicitaires, une carte de visite : Samuel Bruchen, Artiste peintre et photographe Rue Limogeane Périgueux 05 53 …………. 06 85 …………. Il la mit dans sa poche. Un dernier coup d’œil pour s’assurer que rien d’important ne lui échappait. Il était un peu gêné d’avoir joué les voyeurs surtout s’il n’y avait aucune raison de s’inquiéter outre mesure. Pour ne rien laisser au hasard il composa le n° de portable de Samia. Rien ne sonna dans l’appartement, une voix anonyme lui confirma que sa correspondante n’était pas disponible. Plusieurs essais se révélèrent tout aussi infructueux. Perplexe, il rentra à St-Laurent-d’Auberoche. Où était-elle passée ? Y avait-il matière à vraiment s’inquiéter ? Pourquoi tout un coup s’intéressait-il à une fille qu’il n’avait rencontré qu’une fois ? Il avait peur de la réponse. Il passa une morne soirée.

Pour rompre la monotonie de sa solitude il descendait souvent le matin au café-tabac-journaux du bourg boire un café, lire le journal et se rappeler qu’il était un être sociable en échangeant avec Bruno, le patron, sur la météo et les résultats sportifs. Depuis la mort de Chloé Il n’avait pas entretenu son réseau de copains, il avait négligé ses amis. Après la mort de ses parents sa famille s’était réduite à quelques oncles et tantes éloignés, quant à sa belle-famille elle le tenait pour responsable de la mort de leur fille. Il n’avait pas choisi la solitude, elle s’était imposée à lui comme une évidence. Le bar de Bruno était son espace de socialisation. Il commanda un café bien serré. La une du journal Sud-Ouest de ce vendredi ne manqua pas de retenir son attention : « La mort mystérieuse de Samuel Bruchen ». Il acheta le quotidien et se reporta à l’article page 2 « C’est la femme de ménage qui a découvert hier après-midi le corps sans vie de Samuel Bruchen, agent immobilier retraité, ancien élu, bien connu à Périgueux. Les premiers éléments de l’enquête laissent penser à un cambriolage qui a mal tourné. Samuel Bruchen aurait surpris le ou les cambrioleurs avant de succomber à une crise cardiaque. Des traces suspectes auraient été repérées sur le corps. A-t-il été frappé ? Y a-t-il eu bagarre ? La police ne se prononce pas encore. Aucune trace d’effraction n’a été constatée, a priori le ou les agresseurs connaissaient les lieux. Malgré le désordre de la pièce rien n’a été dérobé ce qui confirmerait l’hypothèse selon laquelle les voleurs auraient été surpris en pleine action dans la nuit de mercredi à jeudi. Le procureur a ouvert une information judiciaire. » Un encart retraçait la vie de Samuel Bruchen, son parcours professionnel, sa carrière politique, son investissement dans la vie locale et artistique.

— Tu le connaissais ? demanda Bruno.

— Non, il n’est pas dans mon répertoire, répondit Léo.

— On n’est plus en sécurité nulle part, j’ai un cousin…

Le portable de Léo sonna et le sauva du discours sécuritaire du bistrotier.

— Inspecteur Vidal du commissariat de Périgueux, à l’appareil. Pourriez-vous passer en fin de matinée, vers 11 heures ?

— Euh oui, pour quelle raison ?

— Je ne peux pas vous en parler au téléphone.

— Bon, d’accord pour 11 heures.

Que pouvez bien lui vouloir un inspecteur qu’il ne puisse lui donner une explication au téléphone ?

Par chance Léo trouva à se garer rue du 4-septembre à deux pas du commissariat. Il était curieux mais pas inquiet. Il avait la conscience tranquille de celui qui n’a rien à se reprocher en pénétrant dans un bureau « gris administratif » au bout d’un couloir de la même couleur.

— Je suis l’inspecteur Vidal, asseyez- vous.

Léo s’installa sur une chaise inconfortable face à un homme aux alentours de la cinquantaine, cheveux ras et grisonnants sur les tempes. Le regard était sévère mais le ton cordial.

— Ceci est une simple conversation. Je vais l’enregistrer si vous n’y voyez pas d’inconvénient. C’est plus simple et plus pratique que de prendre des notes.

— Pas de problème mais dites-moi pourquoi je suis ici.

— Vous êtes au courant de la mort de Samuel Bruchen ?

— Oui, j’ai lu cela dans le journal.

— Vous le connaissiez ?

— De nom mais pas personnellement.

— Vous ne l’avez jamais rencontré ?

— Je lui ai certainement serré la main lors d’une quelconque manifestation, c’est tout. Quand je travaillais au journal, La Libre Dordogne, j’étais au service fait divers ou de société pas au service politique.

— Alors pourquoi a-t-on retrouvé un de vos tableaux sur son cadavre ?

Léo le regarda, interloqué. Il crut avoir mal compris. Son cerveau n’avait pas imprimé.

— Vous pouvez répéter ?

Calmement l’inspecteur reposa sa question.

— Pourquoi a-t-on retrouvé un de vos tableaux sur le cadavre nu de Samuel Bruchen ?

— Mais je ne comprends rien de ce que vous me dites. Je ne connaissais pas ce Samuel.

— Vous peignez ?

— Je suis des cours à l’école de peinture à Périgueux. Je ne suis pas un professionnel.

— Que peignez-vous, des paysages, des natures mortes…?

— Je travaille sur trois visages uniquement à l’école. Je ne peins pas chez moi, vous pouvez vérifier.

— C’est ce que nous avons fait. Il manque un de vos tableaux à l’école de peinture et on le retrouve sur les lieux d’un cambriolage et peut être d’un homicide. C’est quand même curieux.

— Comment est-ce possible ? Je ne comprends rien à cette histoire.

— Moi non plus et j’aimerais comprendre, avez-vous une explication ? Vous avez des ennemis ?

— Bien sûr que non !

— L’affaire de la Courverie a peut-être…

— Cela n’a rien à voir, c’est du passé.

— Vous en êtes certain ? Cela a fait pas mal de bruit à l’époque, vous n’avez jamais reçu de menaces de jaloux, de déséquilibrés…?

Léo commençait à s’énerver. Tout cela était grotesque et n’avait aucun sens.

— Connaissez-vous une dénommée Samia ?

— Oui, un peu, on se croise dans les couloirs de l’école de peinture.

Il hésita… mais il n’avait rien à cacher.

— Je l’ai raccompagnée chez elle mardi soir après le cours, à la demande de la directrice, elle était en panne de scooter.

— C’est tout ? Elle ne vous est pas apparue tendue, énervée, triste…?