Petit Pierre - Jean-Pierre Patureau - E-Book

Petit Pierre E-Book

Jean-Pierre Patureau

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Beschreibung

"Petit Pierre", c’est une histoire qui nous transporte dans le voyage extraordinaire d’un jeune garçon handicapé qui crée un lien d’amitié avec un jeune arbre, un chêne, et communique avec l’âme d’un papillon mort à ses pieds. Grâce à l’amour inébranlable de sa mère et à son lien spécial avec la nature, il métamorphose son handicap en une incroyable réussite, malgré les épreuves de rejet, de moquerie et de discrimination. Voici donc servi un conte philosophique qui rayonne d’enseignements sur l’acceptation de soi et la nécessité de cultiver la tolérance envers autrui.

 À PROPOS DE L'AUTEUR 

La plume de Jean-Pierre Patureau a été son alliée pour restaurer les capacités cognitives de son cerveau après avoir survécu à une rupture d’anévrisme. Cette expérience l’a réuni avec le plaisir, l’espoir et la perspective d’une vie sociale épanouie malgré les défis d’un handicap, comme le met en lumière le personnage de Petit Pierre dans son ouvrage. Le présent livre est paru après ses deux précédents ouvrages, notamment "L’espoir" et "L’écume du désert", publiés chez Le Lys Bleu Éditions.

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Seitenzahl: 251

Veröffentlichungsjahr: 2024

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Jean-Pierre Patureau

Petit Pierre

Roman

© Lys Bleu Éditions – Jean-Pierre Patureau

ISBN : 979-10-422-1676-4

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Je dédicace ce conte philosophique à toi :

Edith la Bretonne, qui m’a sorti du coma en juin 2016, me serrant fortement la main durant près d’un mois

Maryvonne la Lorraine qui m’a autorisé à lui écrire, en 2017, j’avais tant besoin de l’écriture

Le docteur Jean-Jacques Bus, mon meilleur ami, ancien chirurgien qui a connu la neurochirurgienne Vargas qui m’a permis de survivre

Ma sœur Jumelle Martine à Mouans Sartoux

Perla, fille d’Israël qui se reconnaîtra de Marseille et de Casablanca

Catherine Berini, sage-femme, la Normande, amie de Pietranera

Catherine Derivery, hypnothérapeute, chère voisine du hameau de Pietranera

Brigitte Vogel, de Puteaux, soutien inconditionnel de mes romans

Feu mon père qui a su me donner cette confiance en moi,

À tous ceux qui continueront à m’encourager dans cet exercice

Et comme j’écris avec plus de facilité que je marche, j’écris…

I

Le papillon

Un jour, au bord d’une rivière de Bretagne, en pays bigouden, près du village de Plomelin, un petit papillon était tout proche d’un arbre, si proche que l’on pouvait penser qu’il l’embrassait ou lui faisait un petit câlin. Il déployait ses petites ailes, fragiles et si jolies au teint soyeux, avec grâce et volupté. Il donnait l’impression de danser pour la nature qui l’entourait, pour les hortensias, bleus, violets, roses ou rouges, pour les camélias, blancs, jaunes ou rouges, au feuillage persistant vert tendre ou foncé, aux feuilles ovales, pour le magnifique magnolia aux feuilles vert foncé, et son inflorescence en forme de tulipe, pour le romarin qui borde la ferme, aux fleurs blanches, roses, bleues ou violettes, au feuillage argenté, aux feuilles longilignes qui dégage une odeur caractéristique, pour la fougère tout près de la porte d’entrée, au feuillage vert tendre et aux feuilles dressées qui jaillissent du cœur de celle-ci et pour la bruyère aux fleurs blanches, rouges, violettes, roses ou jaunes qui séduisent les abeilles pour produire un miel délicieux.

Mais le gentil mignon petit papillon dansait surtout pour le jeune chêne, un joli chêne, qui était encore jeune pour son espèce Il n’avait pas encore vécu un demi-siècle. Mais il était déjà robuste et la suite prouvera qu’il avait d’immenses connaissances issues du passé millénaire de ses ancêtres.

Il aimait bien ce contact d’un petit être frêle contre son écorce épaisse. Cela le faisait frémir sous sa solide carapace encore jeune. Le chêne était destiné à vivre plusieurs centaines d’années, alors que le mignon gentil petit papillon ne vivrait que quelques heures, tout au plus.

Alors l’arbre, grâce à de mystérieuses vibrations, émit des sons que le petit papillon interpréta. Les vibrations, énigmatiques, difficiles à comprendre pour l’être humain, étaient parfaitement audibles pour les animaux. Dans la nature, les animaux ont un sens que l’homme n’a pas. Cela s’appelle le sixième sens, pensait le petit chêne, enfin, un sens caché pour beaucoup d’êtres humains.

Pourquoi es-tu si gentil avec moi, petit papillon demanda le chêne ? Toujours avec des vibrations mystérieuses émises par le battement de ses ailes, le papillon répondit : parce que tu es un être robuste alors que moi je suis si fragile, j’aime ton contact qui me rassure et je sais que tu ne me feras jamais de mal. Ton écorce, solide, est rassurante et a une odeur sucrée et tes fruits aussi. Je sais que demain peut-être je serai mort alors je veux profiter de tous les bienfaits de la vie et de la nature si belle pendant qu’il est encore temps. Tu contribues joli chêne à ces bienfaits, pour la nature, pour la vie, pour l’environnement, pour notre bonheur, pour mon bonheur et je sais que tu es un être bienveillant, bon, généreux, dans notre belle nature. Je vois souvent les hommes entourer ta carapace de leurs bras, comme je t’envie joli chêne.

L’arbre répondit : je sais que demain, peut-être ou dans quelques heures au plus tard tu seras dans un autre univers, mais tu pourras encore me parler petit papillon, si tu le veux bien et sais avant tout que tu contribues autant que moi au bonheur des humains sur cette terre.

Oh oui que je voudrais te parler, mais quel est cet univers dont tu me parles et comment pourrais-je te parler, demain encore, je ne connais rien de la vie et bien sûr bien moins de ce monde merveilleux lorsque j’aurais quitté cette terre ?

Tu ne quitteras jamais la vie, petit papillon. Oui, tu ne voleras plus sur terre, mais tu voleras toujours dans les cieux. Les cieux abritent les âmes de ceux qui ont partagé la vie sur terre. C’est nous qui quittons la vie, mais la vie ne nous quitte pas petit papillon joli. C’est ton âme qui pourra communiquer avec tous ceux qui t’ont aimé, petit papillon. Tu sais, nous ne sommes pas à la vie, pour l’entretenir, toujours, dans le temps et dans l’espace. Voilà deux notions qui sont fondamentales à notre existence, le temps et l’espace. Il y a une vie après la mort. As-tu remarqué que nous appelons la planète sur laquelle nous sommes de la même manière que le sol qui nourrit nos racines à nous les arbres, qui donnent des graines aux petits oiseaux : « La terre ». Il y a la terre où nous vivons, où mes racines sont plantées, où je puise l’eau pour survivre, où tu voles et où tu ressens les odeurs des fleurs qui y poussent. Et puis il y a l’univers bien plus grand que la terre, l’univers est un espace immense qui contient des milliers de Terres, comme la nôtre, et surtout l’univers abrite nos âmes après notre mort. Notre âme se réfugie dans l’univers. Notre âme y vient se blottir près de toutes les âmes et partager le souvenir de la vie qu’ils ont connu. Notre âme nourrit le sel de la terre, gentil mignon petit papillon.

L’esprit qui nous anime durant notre vie poursuit son ouvrage après notre mort. Après la mort, oui, l’esprit nourrit le sel de la terre. La terre ne meurt jamais, aussi longtemps que vivra notre planète, la Terre. Après ta mort, petit papillon, ton esprit servira de semence à la terre, cette terre qui nourrit les racines de chaque arbre auprès desquels, tu iras chercher des semences, auprès desquels tu viendras faire frétiller tes petites ailes,

moi, je vivrais encore plusieurs décennies peut-être plusieurs centaines d’années, toi, tu seras mort demain peut-être, mais notre esprit survivra et demain après ta mort, nous pourrons encore communiquer toi et moi, si tu le veux bien.

Oh oui, je le veux. Mais alors joli petit arbre, tu veux bien me faire découvrir le monde en cette journée, pendant que je suis vivant ?

Bien sûr, petit papillon. As-tu un prénom ?

Non, je n’ai pas de prénom, tu peux m’appeler comme tu veux

Alors je t’appellerai Sourire, tu me fais penser aux sourires des hommes qui viennent embellir mes journées, en me caressant, en me disant des mots doux, en me souriant, en entourant leurs bras autour de mon écorce. Tu me rappelles les humains, lorsqu’ils sont heureux. Oui, les humains ont toujours un magnifique sourire lorsqu’ils sont heureux. Leurs sourires prennent la forme d’un papillon. Oui, je pense que ce prénom te va bien, c’est vrai qu’en te voyant, joli petit papillon, les humains ne peuvent que sourire. Tu ne vois pas mon cœur, mais je sais qu’il a un joli sourire, lorsque tu viens caresser ma carapace, Sourire.

As-tu une famille Sourire ?

Je ne sais pas ce que sont devenus mes frères et sœurs, à part une sœur qui a été attrapée dans le filet d’un petit garçon, devant moi, au bord de la rivière, tout près d’ici. Mes autres sœurs et frères sont partis faire leur vie loin de moi. J’espère qu’ils ne sont pas prisonniers des filets. Nous les papillons, ne pouvons pas vivre enfermés dans des cages comme les oiseaux, à ce que l’on m’a raconté. Quel cruel destin pour les oiseaux ! Alors, tu veux bien me faire découvrir le monde, pendant la journée qu’il me reste à vivre ?

Bien sûr, mais tu sais, je connais le monde grâce aux vibrations de la terre qui renseigne mes frères et sœurs que tu vois dans cette forêt. J’ai des frères qui ont plus de deux cents ans, tu vois ce vieux chêne pas loin de la rivière, il a connu Napoléon, premier empereur des Français, et traversé plusieurs guerres, et il est encore en vie.

C’est qui Napoléon, dit « Sourire » ?

Oh, c’est une longue histoire, ce fut le chef du peuple de ce pays et même de plusieurs peuples avant d’être enfermé comme les oiseaux dont tu me parles. Gentil petit papillon, les hommes sont comme les animaux, entre vous, ils s’entre-tuent pour avoir plus d’espace, plus de richesse, comme si la vie n’était pas la principale richesse.

C’est quoi un chef demanda Sourire ?

C’est celui qui est en tête, qui commande, qui dirige. Chez les animaux il y a parfois des chefs, chez les loups, chez les lions, tous les animaux qui vivent en bande ont des chefs. On les appelle les chefs de bande.

Mais moi je n’ai pas de chef, dit Sourire.

Parce que vous êtes très sages, les petits papillons, mignons. Les sages n’ont pas de chef. Ils sont leur propre chef.

Sourire, reprit Antoine : tu as dit que les hommes comme les animaux s’entre-tuent pour avoir plus d’espace. Mais pourquoi vouloir plus d’espace, plus de richesse, n’en avons-nous pas assez ?

Oh ! si les hommes désiraient avoir plus d’amour au lieu de l’espace, il le trouverait certainement, car l’amour et gratuit, l’amour est désintéressé et ne connaît ni frontière, ni limite, ni cadre. Aucune lisière, aucune barrière. Moi, un gentil monsieur me prend tous les jours dans ses bras et m’appelle Antoine. Je ne sais pas pourquoi Antoine, mais lorsqu’il me prend dans ses bras, je sens son cœur qui bat. Je sais que lorsque ce monsieur mourra, son esprit viendra me parler, tous les jours. Voilà ma richesse. Toi aussi, quand tu mourras, ton âme continuera à vibrer et communiquer avec nous.

Moi, dit « Sourire », aucun humain ne m’a approché, je ne sentirai aucune âme.

Attends, la journée n’est pas finie pour toi, tu as encore à découvrir la vie, ta vie. Et tu sais, la vie nous réserve bien des surprises.

Alors Sourire, sans attendre que l’arbre lui raconte Le monde », partit à sa découverte, la découverte du monde et la découverte de la vie. Il ne lui restait que quelques heures à vivre, pensait-il. Il avait compris que l’arbre lui raconterait son Monde, un autre jour, car il avait confiance en cet avenir, après que cette journée ait pris fin, il avait compris qu’une âme, son âme survivrait et viendrait parler à Antoine.

Sourire traversa la rivière qui bordait un pré où de jolies fleurs lui rendirent son sourire. Il traversa un champ de coquelicots, puis un champ de luzerne et survola un champ de blé exposé devant une petite chapelle, toute mignonne, toute petite, dans laquelle étaient alignées une poignée de chaises, devant un autel où était dressée une jolie croix et de jolis tableaux représentant un homme attaché sur une croix à côté d’une jolie femme souriante qui semblait être sa maman.

Sourire avait soif, alors il sortit tremper se lèvres sur les fleurs des champs.

Le soleil déclinait et Sourire sentait que sa fin approchait. Il vit un tout jeune homme s’approcher de la chapelle. Le jeune homme était accompagné de sa maman, Il le suivit, voulut le frôler, de ses petites ailes, mais ses forces déclinaient et Sourire comprit qu’il avait vécu sa seule journée et s’écroula à quelques mètres de la chapelle, pas très loin de son ami l’arbre. Le jeune homme était entré dans la chapelle accompagnée de sa maman, car le petit jeune homme était aveugle.

II

La chapelle

Sourire était étendu sur le petit chemin de Pierres, tout près de la chapelle, sans vie. Son petit cœur s’était arrêté de battre.

À ce moment, le jeune homme sortit et la maman vit, devant ses pieds, le petit paillon blanc.

Elle se pencha, prit délicatement Sourire dans ses doigts, prit soin de ne pas lui froisser les ailes et le mit délicatement dans les mains de son fils, elle lui dit : prends soin de ce joli petit papillon blanc. Le petit garçon aveugle fixa ses yeux éteints vers le ciel puis entra dans la chapelle. Il y entra. Alors que la porte était ouverte. Sa maman vit un petit bénitier en Pierre, vide à la gauche de l’entrée. Elle dit à son fils de déposer Sourire, elle regarda la photo de Marie et de Jésus et dit : mon fils et-moi vous confions ce petit papillon blanc. La mère fit un signe de croix, resta silencieuse un moment, tenant la main de son fils dans la sienne.

Le jeune chêne, tout près, avait ressenti la scène grâce aux vibrations de la terre. Il avait compris que Sourire était parti près des anges. Il se dit que son esprit allait bientôt venir communiquer avec lui. Le sel de la terre allait s’enrichir de l’esprit de Sourire. Un gland tomba de l’arbre, sur la terre, en signe de communion.

Le jeune homme resta encore un moment près du bénitier. Ses yeux éteints se posèrent sur Sourire puis sur la statue de Jésus. Ils se posèrent sur le tableau représentant la vierge Marie. Son visage était grave et semblait communiquer avec Jésus et la Vierge Marie. Puis il quitta la petite chapelle et retourna chez lui, à peine tout près de la chapelle, accompagné de sa maman, tenant une canne blanche dans la main droite.

Le lendemain, en descendant de chez lui, le jeune homme qui s’appelle Pierre, passa comme chaque jour devant la chapelle dont la porte était ouverte en permanence. La lumière du jour éclairait généreusement l’intérieur. Pierre ressentait cette lumière, comme il ressent las rayons chauds du soleil. Il entra, tourna sur la gauche pour toucher le bénitier et y sentir du bout des doigts le papillon blanc qui semblait dormir. Ses yeux éteints se posèrent sur la statue de Jésus et le tableau de la vierge Marie, le visage tranquille, puis il ressortit. Sourire se reposait.

Tous les jours qui suivirent, Pierre eut la même attitude en entrant dans la chapelle, chaque fois qu’il y passait devant, au moins deux fois par jour. Et deux fois par jour, il touchait du bout des doigts Sourire qui lui donnait l’impression de se reposer sous le regard des icônes de Jésus et de la vierge Marie.

Les jours passèrent, les uns après les autres dans une atmosphère de tranquillité. Sourire se reposait au calme et l’arbre Antoine sentait les passants étrangers à l’histoire de Sourire de Pierre. Ils entouraient de leurs bras son tronc. Le jeune chêne sentait vibrer leur cœur, chacun avec un rythme différent.

Enfin, le temps passa, mais pour un chêne, le temps ne compte pas, le temps ne s’égrène pas comme pour les êtres humains.

Et les jours s’égrenèrent à l’horloge du temps. Pierre rendait visite tous les jours à Sourire, effleurait ses ailes délicatement, et son visage prenait l’éclat de la lumière qui habitait la chapelle.

Ainsi, un jour, il s’était bien écoulé quelques mois depuis la rencontre avec Sourire, Antoine ressentit un battement d’ailes.

Il n’y avait ni oiseaux ni papillons auprès de lui. Mais un murmure parvint à traverser son écorce : c’est moi, Sourire, tu m’avais dit que je reviendrais. Me voilà cher Antoine, tu m’entends, tu perçois le bruissement de mes ailes, comme elles veulent te retrouver Antoine, durant ma courte vie, tu fus mon seul ami. Je n’ai pas eu le temps de me faire d’autres amis et quand bien même, je ne crois pas qu’ils auraient eu ta sagesse, ton savoir, ta patience envers un petit papillon comme moi. Tu m’avais promis de me raconter ton Monde, t’en souviens-tu ?

Antoine qui percevait le son émis par Sourire, sentit son écorce frémir. Sourire émettait des sons avec ses ailes, comme le diapason émet le « la » de la gamme des notes. Antoine percevait ainsi tous les sons de la nature, à commencer par le soleil qui émet un « sol dièse, selon lui. Antoine savait que chacune des étoiles qui ressemblent au soleil possède sa propre signature musicale à partir de sons graves. Ainsi il décrypte les sons des oiseaux, des arbres autour de lui, des sangliers parfois, des lièvres et des papillons, bien sûr.

Sourire, dit Antoine, je suis content que tu sois revenu, mais dis-moi avant que je te raconte « le monde », sais-tu où est ton tombeau ?

Oh oui, dit Sourire, j’y passe tous les jours. Je suis déposé dans une jolie capelle, dans le creux d’un petit vase en Pierre, entouré des statues de Jésus et de la vierge Marie, selon les voix que j’entends chaque jour. Et tous les jours, Pierre, un jeune homme qui m’y a déposé passe me rendre visite. Je suis très content lorsque je le vois entrer dans la chapelle et venir me toucher délicatement et me parler. Je suis apaisé dans ce lieu et la présence de Pierre me ravit, chaque jour. J’ai l’impression d’avoir trouvé une famille. Pierre a bien grandi, il est encore un enfant, mais son cœur est très bon, bienveillant, généreux et dégage une chaleur bien douce, quel que soit le temps au-dehors.

Je reviens vers toi Antoine, parce que tu es pour moi le personnage le plus important de la forêt, le plus beau aussi, le plus sage, il me semble. Cette sagesse tient à ton âge. Moi je ne pourrais jamais être sage. Ma vie est si courte que je dois profiter de chaque instant et ne rien faire d’autre que de voler d’arbre en arbre, de fleur en fleur. Je n’ai ni le temps de dormir ni celui de rêver. Mais toi Antoine, que fais-tu durant ces longues heures, durant la nuit par exemple.

Moi, dit Antoine, lorsque le soleil a cessé d’émettre ses sol-dièse, lorsque la lune chuchote des sons doux aux oreilles de la nature, moi je rêve enfin.

Le rêve est le moteur des sens, le carburant des émotions.

Tout commence par le rêve, la vie, la nature. Le jour qui se lève commence par le rêve enfanté par la nuit. Celui qui n’aura pas rêvé durant la nuit ne verra pas le soleil durant le jour.

Mais Antoine, connais-tu tes parents ?

Vois-tu Sourire, je suis l’enfant d’un ciel d’orage et d’un câlin de brume ? Un gland porté par mon père, à quelques lieux dans cette forêt, est tombé sur le sol. Le vent m’a transporté ici même. Mon imagination a traversé les montagnes, les torrents, les océans.

Mon imagination a rêvé que j’ai été bercé sur un lit de rosée par une plume de tristesse, puis élevé dans un jardin d’amour tout près de fleurs de regrets.

J’ai rêvé d’avoir connu des champs d’orgueil et des chemins d’humilité, des torrents de fièvre et des fontaines de plaisir.

Dans mes rêves j’ai bu des sirops de violence dans des illusions de bonheur et des marcs de douceur dans des cauchemars hantés.

Dans mes rêves j’ai traversé des océans de larmes sur des bateaux joyeux et franchi des montagnes de rire dans des chaussons de peine.

J’ai essuyé des pluies de jouvence dans des tonnerres ouatés, des paillettes de feu dans des larmes de neige et des pluies de remords dans des baisers brûlants.

J’ai été vêtu de lambeaux de pleurs et de guirlandes de sourire, de peaux de chagrin et de feux de paille.

J’ai été nourri de religions amères et de verbes câlins.

Tu vois Sourire, grâce à mes rêves je vivrais encore plusieurs centaines d’années comme ont vécu mes parents qui ont connu les rois de France, d’Henri IV à Louis XVI qui fut décapité, à Napoléon Bonaparte, puis les présidents de la République, De Gaulle, Pompidou. Et bien sûr, je n’oublie pas Saint-Louis qui rendait la justice, adossé à un chêne. Le monde change bien sûr, mais un de ses traits ne varie pas, ais-je entendu dire par un écrivain, Jean d’Ormesson, tant qu’il y aura des hommes, ils aspireront à autre chose. Autre chose que ce qu’ils ont déjà, autre chose que la vie de chaque jour, autre chose que la vie, tout court.

C’est ce qui nous différencie des hommes, nous qui sommes représentant de la nature, c’est que les hommes ne savent pas protéger où ne veulent pas protéger, parce que pour nous les rêves sont toujours colorés, toujours vivants, toujours heureux. Dans les rêves des hommes, la lune s’attriste, des blancs sanglots glissent sur l’azur des corolles. Des parfums de tristesse enivrent les hommes, comme le prince d’Aquitaine qui disait de lui, je suis le ténébreux, le veuf, l’inconsolé. Ma seule étoile est morte et mon luth constellé porte le soleil noir de la mélancolie, disait-il. Mes aïeuls ont entendu dire que Cyrano de Bergerac clamait tout haut « c’est la nuit qu’il est beau de croire à la lumière ».

À ce moment pendant que Sourire et Antoine parlaient alors que la nuit était venue, la lune s’ouvrit. Elle était rieuse, et suivie d’un chemin d’étoiles parsemé comme les cailloux blancs du petit Poucet. Les déesses de l’amour accompagnaient la lune. Aphrodite la Grecque, Vénus la Romaine, Astarté la phénicienne, Isthar la babylonienne étaient réunies dans le ciel, au-dessus de Sourire et d’Antoine.

Antoine ressentit Rimbaud qui lui citait Ophélie :

Voici plus de mille ans que la triste Ophélie

Passe, fantôme blanc, sur le long fleuve noir

Voici plus de mille ans que sa douce folie

Murmure sa romance à la brise du soir.

En effet la brise du soir accompagnait ces vers à l’oreille de Sourire dont le petit cœur s’emplit de joie.

Ophélie était ce soir la messagère pour Antoine, si heureux de partager un moment avec l’âme de Sourire qui était reparti vers le bénitier de la petite chapelle. Elle savait que Pierre y passerait en fin de journée. Antoine s’adressa à Sourire grâce à quelques vibrations du sol : Sourire la nuit est ma compagne. Je lui prête mes pensées de la journée, souvent sombres comme la roche du désert, elle me rend des rêves lumineux comme le soleil. Alors je me plonge dans ces rêves en souhaitant que le jour se lève sans que la terre ne rencontre de nouvelles douleurs, sans que mes branches ou mes écorces ne soient arrachées. Je rêve d’un jour ou personne ne connaîtra de douleurs, de souffrances, de peines. Et pour toi Sourire, je rêve qu’après ta courte vie, ton âme rejoigne les fleurs que tu aimes tant, les arbres aussi que tu aimes tant.

Tu sais Sourire, j’ai encore dans le cœur de mon arbre, les mots d’un compositeur de lettres, maître de ballet se syntaxe, souffleur de mots, ciseleur de paragraphe, donneur de son, musicien de la phrase, jardinier de la rime, Paganini de la syllabe, serrurier de l’introduction, métallo de la transition, artisan du détail, un dealer verbal, un écrivain occitan Christian Laborde qui disait : « Je suis l’enfant d’un ancien silence et d’un câlin de brume. » Oui, moi aussi je suis l’enfant d’un câlin de brume, mais pas d’un ancien silence, plutôt l’enfant d’un ciel d’orage. C’est toi Sourire qui es l’enfant d’un ancien silence, tu es l’enfant d’un ciel lumineux, tu es l’enfant d’un clin d’œil et d’un arc en ciel.

Mais c’est quoi ces petites larmes que je vois perler de ton joli minois Sourire ? Tu ne devrais pas pleurer, tu es si mignonne.

Je suis si émue Antoine, la nature ne m’avait pas habituée à de si jolies phrases.

Tu sais Sourire, tout le monde qui vit dans la nature, notre nature n’a pas accès à sa beauté. La communion avec la nature est une grâce divine. Toi, sourire, tu es un maillon de la nature. Tu la composes, tu la rends plus jolie, plus belle.

Ne pleure pas Sourire, viens dans mes bras.

Sourire vint se blottir sur une feuille d’une branche de l’arbre. La branche se replia doucement pour réchauffer Sourire qui tremblait.

La brise du soir s’était calmée. Le soleil allait se coucher et la lune apparaissait dans le ciel. Antoine allait reprendre ses rêves en berçant Sourire.

Le soir était tombé. Bientôt Sourire rejoindrait le bénitier dans la petite chapelle. Peut-être que Pierre viendrait voir Sourire.

En effet, nous étions dimanche matin, le jour venait de poindre. Le soleil radieux communiquait avec Antoine qui faisait sécher les feuilles de ses branches après la rosée du matin. Sourire qui était bien blottie au creux d’une branche d’Antoine se dégourdit les ailes en virevoltant près des feuilles pour un tremper ses lèvres sur la rosée. Sourire entreprit alors d’aller voir dans la chapelle, le petit bénitier de Pierre où gisait son corps.

Quelques minutes plus tard, après avoir parcouru le champ de blé, Sourire entra dans la chapelle. Le calme et le silence étaient maîtres des lieux.

Sourire avait besoin de ce silence pour laisser reposer son âme. L’âme est un esprit toujours silencieux, toujours discret qui flâne et rôde toujours dans les lieux calmes. L’esprit n’aime pas le tumulte, le tapage. L’esprit fuit le bruit ou peut-être est-ce bruit qui chasse l’esprit. Sourire s’enivrait du silence de la petite chapelle.

Le lecteur l’aura bien compris, depuis que Sourire avait perdu la vie devant le petit chemin de Pierre, face à la chapelle, c’est son âme qui avait pris sa place en volant dans les airs, en communiant avec Antoine. Le frottement de ses ailes émettait les sons que la nature entendait. Ainsi l’âme survit après la mort, ce qu’Antoine avait prédit à Sourire.

L’âme de Sourire attendit près du bénitier, certaine que Pierre allait venir.

En effet, il était près de onze heures à l’horloge du temps des papillons et de la nature, quand Pierre fit son apparition. Il entra dans la chapelle, se tourna sur la gauche pour sentir le bénitier, le corps de Sourire reposait dans l’ambiance calme et tiède de la petite chapelle. Pierre dirigea son regard éteint vers les statues et les images de Jésus et Marie, ce regard semblait dire « Veillez sur cet ange, ce petit papillon ».

Pour Pierre, Sourire était devenu un ange, monté au ciel. Dans sa croyance, tous les enfants et petits papillons, petits oiseaux, petits insectes morts montent au ciel pour peupler la colonie des anges. C’est ce que sa maman lui avait dit.

Sourire était contente. Son âme s’envola pour rejoindre Antoine, traversant de nouveau le champ de blé.

Des battements d’ailes, elle fit son récit à Antoine, si contente d’avoir vu Pierre.

Et toi Antoine, as-tu des amis, moi je crois que Pierre, comme toi, est un ami.

Antoine, un peu triste, lui répondit : je crois que les hommes n’ont pas d’amis. Pourquoi chassent-ils les animaux dans la forêt, dans les airs, dans la rivière ? Si l’animal était un ami pour l’homme, l’homme serait un ami pour lui-même. La rose est belle pour l’homme, mais si elle a des épines c’est pour se protéger de l’homme. L’homme est l’animal le plus cruel pour la nature, pour toi, pour moi. Nous vivons pour égayer l’homme, pour le rendre plus joyeux. Mais l’homme te capture dans ses filets pour t’accrocher à un tableau comme un trophée. L’homme ramasse mes fruits pour nourrir les animaux et arrache mon écorce comme trophée, fait saigner ma sève en plantant des couteaux et dessinant des cœurs, blessant le mien.

As-tu déjà vu un papillon tuer ou blesser un homme, as-tu déjà vu un chêne ou le fruit de notre arbre blesser ou tuer un homme ? Pourquoi l’homme veut-il se venger de la nature, avec la déforestation de tous ces espaces boisés, en polluant les océans, en asphyxiant le ciel ? Quelle vengeance, de quoi, pourquoi Sourire ?

Je crois que les crimes des hommes sont gratuits, si la nature imposait un impôt pour chasser les papillons, pour arracher les écorces des arbres, l’homme ne commettrait pas ces crimes envers nous. Nous n’avons pas d’écoles de la vie pour nous enseigner comment entretenir notre sainte terre qui nous nourrit. L’homme a une école, mais je crois Sourire que l’enseignement est plus porté sur le profit que sur la nature. Des échos venus d’arbres amis m’ont appris qu’on avait construit un bâtiment immense appelé la Samaritaine, pour engranger plus de profits, amasser plus d’argent, comme les hommes amassent plus de glands pour nourrir les cochons. Pour moi Sourire, les hommes sont des cochons qui se nourrissent du profit amassé par la cupidité. Au lieu de construire ces bâtiments qui permettent d’amasser le profit, l’homme ne pourrait-il pas bâtir des lieux pour abriter les sans-abri ? Mon arbre abrite des petits insectes, des oiseaux, des renards perdus sans que je réclame le moindre profit. La nature est généreuse, elle fait pousser le blé que tu aimes survoler pour donner la farine qui donnera le pain, elle fait pousser les fleurs que les abeilles butinent pour donner le miel, elle fait pousser les vignes pour que l’homme s’abreuve de vin… Mais Sourire je sais que tous les hommes ne se nourrissent pas suffisamment, comme tous les arbres n’ont pas tous suffisamment d’eaux, L’homme, sans scrupule détruit la nature, détruit la terre qui le fait vivre, jusqu’au jour, où il n’aura plus de farine, plus d’eau, plus de miel parce qu’on fait mourir les abeilles.

Antoine sentit que Sourire pleurait de nouveau.