Princesse Alexandrine et le secret de l’invincibilité - Claude Baranes - E-Book

Princesse Alexandrine et le secret de l’invincibilité E-Book

Claude Baranes

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Beschreibung

La princesse Alexandrine aura treize ans dans un mois. Elle vit dans son palais en Esperancie où elle mène une vie ennuyeuse. Un matin, le roi, son père, lui annonce son voyage pour l’Outarcie, un pays lointain, en compagnie de la reine. Ce voyage a pour but de signer rapidement un pacte d’amitié afin de contrer les ambitions démoniaques du futur dirigeant de ce royaume. Avant son départ, il lui dévoile qu’à l’âge de treize ans, elle deviendra invincible, tout en lui racontant l’histoire de son aïeul qui, au cours d’un combat, fut sauvé par un être mystérieux. Le roi remet une enveloppe à Alexandrine à n’ouvrir qu’à son retour. 

Que cache cette enveloppe ? Arriveront-ils à temps en Outarcie ? Qui est ce personnage énigmatique ? Comment la princesse accédera-t-elle à l’invincibilité ?


À PROPOS DE L'AUTEUR

Claude Baranes est avocat depuis 1975, chargé de cours à l’Université et magistrat depuis cinq ans. Fort de son expérience judiciaire, il a écrit deux thrillers juridico-policiers, Caution mortelle et Faux sanglants. À travers ce roman d’aventures jeunesse, il s’adresse aussi aux parents face à un constat : les enfants grandissent.

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Claude Baranes

Princesse Alexandrine

et le secret de l’invincibilité

Roman

© Lys Bleu Éditions – Claude Baranes

ISBN : 979-10-377-9197-9

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

À mes trois princesses et à mes deux petits princes

La princesse Alexandrine aura 13 ans dans un mois.

Elle s’ennuie dans son palais en Esperancie. Ses cours avec son instituteur, l’apprentissage du protocole résument ses journées.

Sa seule distraction, retrouver sa meilleure amie Stella, la fille de sa gouvernante.

Un matin, le roi, son père, se présente à son réveil et lui fait deux annonces :

– Lui et la reine partent dans l’après-midi pour rencontrer le souverain d’un pays lointain, l’Outarcie, dans le but de signer un pacte d’amitié. Ce roi d’Outarcie est très malade, il faut faire vite, car doit lui succéder son neveu, un homme tyrannique qui rendra la vie dure à ses sujets. Seule la signature de ce pacte sera le frein aux ambitions démoniaques de ce neveu, futur dictateur.

– Elle deviendra à l’âge de ses 13 ans invincible. Mais l’invincibilité ne s’acquiert pas facilement. Il lui conte l’histoire de son trois fois arrière-grand-père qui très grièvement blessé au cours d’un combat fut sauvé par un mystérieux personnage. Il ne peut lui en dire davantage et lui remet une enveloppe dans laquelle tout est expliqué, mais lui fait cependant promettre de ne pas l’ouvrir de suite, car elle doit l’être qu’en sa présence et donc à son retour.

Quel est ce mystérieux personnage ? Qui est vraiment l’instituteur d’Alexandrine d’apparence austère, mais qui se dévoilera différent au fil des pages ?

Le roi et la reine arriveront-ils à temps en Outarcie pour signer le pacte d’amitié, alors que des ennemis guettent sur leur route ?

Que cache l’enveloppe à n’ouvrir qu’en présence du roi ? Comment la princesse deviendra-t-elle invincible ?

Si ce roman est avant tout un roman d’aventures pour enfants, il s’adresse aussi aux parents qui sont face à un constat : les enfants grandissent.

Première partie

Chapitre 1

Le réveil de la princesse

La princesse, comme tous les matins, attendait éveillée dans son lit.

Janine, la gouvernante vêtue de son tablier blanc, arriva sur la pointe des pieds, tira doucement les rideaux pour ne pas éblouir la jeune enfant, posa ensuite délicatement sa main sur son front pour la réveiller en douceur.

— Princesse Alexandrine, il faut se lever, dit-elle presque en chuchotant, votre petit déjeuner vous attend et votre instituteur sera là dans moins d’une heure.

La princesse gardant les yeux bien fermés sentit la clarté du jour à travers ses paupières puis la main de Janine se posant sur son front.

Elle pensait à sa journée qui serait comme la précédente, rythmée par le même cérémonial.

Elle appréciait sa gouvernante, toujours attentionnée et prête à tous les égards dus à son rang. Elle considérait Janine comme une tatie, nouant une complicité malgré le vouvoiement que Janine s’imposait lorsqu’elle s’adressait à la charmante princesse.

La princesse Alexandrine avait conscience qu’un jour elle régnerait sur un grand royaume, appelé Esperancie. Mais elle redoutait ce moment, car son père le roi Célestin V et sa mère la reine Bérénica passaient la plupart de leur temps à des visites protocolaires, à recevoir les rois et les reines des autres royaumes, bref rien de passionnant selon elle.

Elle était fière d’être une princesse, consciente de son statut et du rôle qui lui serait attribué, dans très longtemps espérait elle, ne se voyant pas pour le moment et même dans un temps lointain à la tête du royaume. Mais pour le moment, elle passait le plus clair de son temps libre à apprendre le protocole et les usages de la cour. Alexandrine s’ennuyait. Elle souhaitait être une petite fille insouciante, riante comme sa meilleure amie Stella, la fille de sa gouvernante.

Alexandrine adressa un grand sourire à Janine et tout en bâillant lui demanda si Stella avait passé elle aussi une bonne nuit.

— Princesse, ma fille ne pourra vous voir aujourd’hui, mais après-demain, elle vous accompagnera à votre cours d’équitation.

Janine vit la déception se dessiner sur le visage d’Alexandrine.

— Ne vous inquiétez pas princesse, dit-elle, deux jours sont vite passés. Vous n’aurez pas le temps d’y penser. Vous serez très occupée.
— Je m’ennuie tellement dans ce palais, répondit la princesse.
— Vous allez prendre un bon petit déjeuner et les heures vont vite s’enchaîner et si Stella peut se rendre disponible, elle viendra vous rejoindre, mais elle a beaucoup de devoirs et de leçons à apprendre, je ne voudrais pas la dissiper, mais je lui dirai que vous avez envie de la voir.
— Oui, dites-le-lui, et dites-lui que nous monterons à deux sur le dos de Jérémiade.
— Jérémiade ?
— C’est le nom de mon nouveau cheval. On l’appelle Jérémiade, car il n’arrête pas de hennir.
— Promis, Princesse je le lui dirai, et elle sera heureuse, j’en suis sûre, maintenant il faut se dépêcher, car après votre petit déjeuner, vous avez vos cours avec Monsieur Tardy.

Janine sortit de sa poche une grande feuille de papier où était inscrit l’emploi du temps de la princesse, qu’elle énuméra d’un ton chantant pour tenter d’accrocher un sourire sur le visage de la princesse.

– De 9 h à 10 h, vous avez latin ;
– De 10 h à 11 h, vous avez grec ;
– De 11 h à 12 h, vous avez mathématiques ;
– De 12 h à 13 h, ce sera un cours de géographie.

Et puis c’est le déjeuner.

— Pas de déjeuner avec Monsieur Tardy, j’espère, compléta d’un air ironique, la princesse.
— Non, vous déjeunerez avec votre mère dans le grand salon d’honneur.
— Avec ma mère ! J’ai hâte de finir mon cours de géographie.

Janine déposa un léger baiser sur le front de la princesse.

Je vous laisse maintenant, je dois accueillir Monsieur Tardy.

— N’oubliez pas de dire à Stella que j’ai hâte de la voir.
— Je vous le promets, Princesse.

Janine quitta la chambre, laissant Alexandrine seule avec son petit déjeuner, composé d’une grande tasse de chocolat chaud et de deux tartines croustillantes beurrées.

Elle était pensive, songeant à cette journée qui s’annonçait bien embêtante.

Trois coups frappés à la porte la sortirent de ses rêvasseries. Elle avait encore du chocolat sur le dessus de ses lèvres qu’elle s’empressa d’effacer avec sa serviette.

— Entrez, dit-elle.

Chapitre 2

La visite du roi

— Père ! s’exclama-t-elle.

Un grand monsieur d’environ 40 ans habillé en uniforme blanc avec de galons ocres et au visage décoré par une barbe et une moustache bien taillée, se posa droit devant elle.

— Comment va ma chère enfant ? s’exclama le père d’ Alexandrine.

Il avait une fière allure, vêtu d’un bel uniforme blanc impeccable et de chaussures également blanches et brillantes.

Se présenter le matin dans cet apparat dans la chambre de sa fille intriguait toutefois Alexandrine, car son père portait cet habit uniquement pour les grandes occasions, et elle ne s’imaginait pas que la visite de sa fille, si tôt le matin, pouvait être une de ces grandes occasions.

Célestin V s’assit sur le bord du lit de sa fille.

— C’est un jour important, demanda Alexandrine, pour que vous portiez cette tenue ? Rien n’est pourtant précisé dans mon emploi du temps, ajouta-t-elle.
— Oui ma chérie, c’est un jour très important, plus important que tu ne le crois.

Alexandrine était de plus en plus intriguée et même un peu inquiète, voyant son père plutôt strict sur le protocole assis sur le coin d’un lit, fût-il le lit de sa fille.

— Ma chérie, ta mère et moi nous partons cet après-midi pour une affaire importante.

Alexandrine comprit maintenant pourquoi elle déjeunerait avec sa mère, alors que rien n’était prévu dans son ordre du jour.

— Ce ne devrait pas être long, mais comme nous partons loin dans une région peu connue, nous ignorons dans combien de temps nous reviendrons.
— Ce n’est pas dangereux ? demanda Alexandrine.
— Ce n’est pas dangereux, répondit le roi.

Alexandrine remarqua toutefois une petite intonation dans la voix de son père lui faisant douter de la réponse. Pour Alexandrine, son père lui cachait la vérité pour ne pas l’inquiéter.

Célestin V posa sa main sur la longue chevelure brune d’Alexandrine.

— Je te sens inquiète. Tu connais nos obligations qui seront d’ailleurs bientôt les tiennes.

Alexandrine pensa : « Le plus tard possible ».

— Nous devons rendre visite ta mère et moi au roi de l’Outarcie, c’est un pays avec lequel nous n’avons pas encore de relations, et le roi est très malade. Il nous a demandé, ne pouvant se déplacer, de venir signer un pacte d’amitié avant que son neveu ne devienne roi à son tour. Il n’a pas d’enfant, ce sera son neveu, son successeur.

Or le roi de l’Outarcie, poursuivit le père d’Alexandrine, connaît bien ce neveu. Il est ambitieux et n’attend que la mort de son oncle pour monter sur le trône. Voilà pourquoi nous devons partir ta mère et moi, cet après-midi.

— Mais pourquoi partir tous les deux ? interrogea Alexandrine.
— Car un pacte d’amitié doit toujours être signé par le couple régnant, le roi et la reine, et si le roi n’a pas de reine, c’est le roi et son fils ou sa fille.
— Et donc, personne ne peut revenir sur ce pacte d’amitié ? demanda Alexandrine, toujours prompte à poser des questions.

Son père lui adressa un léger sourire, et se passant la main dans la barbe, répondit :

— Si bien sûr, mais ce pacte une fois signé, jusqu’à présent personne ne l’a rompu, ainsi nous ne connaissons plus de guerres depuis longtemps. La majorité des pays de la région ont signé ce pacte. Et l’Outarcie souhaite se joindre à la grande chaîne des pays désormais amis. Nous ne pouvons lui refuser cette demande, bien au contraire.
— Et le neveu, ne reviendra-t-il pas sur la signature de son oncle, une fois nommé roi ? interrogea Alexandrine.

Le roi fronça les sourcils.

— Non, car comme je te l’ai dit, il faut aussi sa signature, et il est peu probable que le neveu une fois sur le trône déchire le pacte signé aussi par lui. On ne revient jamais sur un tel engagement.

Célestin V ne voulait pas sortir sa fille du monde parfait dans lequel elle grandissait. Un monde où la noblesse de caractère était essentielle. Il lui serait toujours temps d’apprendre que l’apparence est parfois trompeuse. Il existe au dehors de la cour, un monde souvent méchant, mais c’était encore trop tôt pour le lui dire.

— Voilà pourquoi, continua le roi, il nous faut arriver rapidement en Outarcie, avant que le roi trop malade ne soit plus en état de signer le pacte. Et la santé du roi décline de jour en jour, nous a annoncé son émissaire.

Alexandrine regarda son père dans les yeux.

— Père, vous êtes sûr, vous ne me cachez rien ?
— Je ne te cache rien, mon enfant, répondit tout simplement Célestin V pour ne pas inquiéter sa fille.

Il savait pourtant qu’au cours de ce le long voyage, même accompagné et protégé par ses meilleurs soldats, il n’était pas à l’abri d’embuscades de la part de gens malintentionnés ne souhaitant pas voir l’Outarcie se joindre à la grande chaîne de l’amitié. Ils étaient certes peu nombreux, le peuple de l’Esperancie et des autres royaumes signataires aimaient le roi Célestin V connu pour sa bonté et sa droiture. Mais des ennemis guettaient en dehors de son royaume.

— Je suis aussi venu te voir ce matin, ajouta le roi, car il est temps de te dévoiler un secret.

Alexandrine était enchantée et fière d’entendre un secret de la bouche de son père, mais aussi un peu inquiète, car ce secret pouvait ne pas être une bonne nouvelle.

Et surtout en dévoilant ce secret juste avant un grand départ, son père n’avait-il pas la crainte de ne pas revenir ?

Une petite boule d’angoisse se logea au creux de son estomac.

Chapitre 3

Le secret

Le père commença par une question anodine.

— Sais-tu quel âge as-tu, ma chérie ?
— Vous le savez très bien père, répondit Alexandrine un peu provocatrice, j’ai 12 ans, mais bientôt 13 dans un mois.

Il continua avec des questions pouvant agacer sa fille.

— Tu sais que coule du sang royal dans tes veines ?

Alexandrine ne répondit pas et se demanda un peu intriguée, quel était le rapport entre son sang et son âge. Elle inclina légèrement sa tête en guise de oui.

— Le jour de tes treize ans, un nouveau sang coulera en toi.

Un nouveau sang, quel nouveau sang se demandait Alexandrine, en avalant un peu de salive. Elle ne comprenait pas où son père souhaitait en venir.

— Ne sois pas intriguée, mais tu as l’âge de le savoir, poursuivit Célestin V. Notre famille depuis très longtemps possède un secret. Ce secret est en nous, je veux dire, physiquement en nous.
— Physiquement en nous ? C’est quoi une maladie, dit-elle de plus en plus inquiète.
— Oh non, fit le père, comprenant que sa fille encore jeune pouvait vraiment s’inquiéter, c’est un sang qui nous rend très forts, qui nous rend invincibles.
— Un sang qui nous rend très forts, invincibles, répéta la princesse Alexandrine.
— Oui invincible, mais uniquement pour un temps et à partir d’un temps.

Le roi regarda sa montre dont les aiguilles avançaient trop vite à son goût, car l’explication à fournir à sa fille nécessitait patience et pédagogie. Et il devait partir dans l’après-midi. Mais il savait sa fille suffisamment intelligente pour comprendre rapidement.

Il tourna la tête pour vérifier que la porte était bien fermée.

— Voilà, je vais bien t’expliquer, mais avant il faut que tu le saches : au moment où je te parle, je n’ai plus ce sang qui rend invincible.

Sachant que pour tout enfant, un père est une personne invincible, Alexandrine ne put s’empêcher de le lui dire, sur un ton moqueur.

— Mais père, pour moi vous serez toujours invincible.

Elle devina pourquoi son père avait précisé « pour un temps et à partir d’un temps ».

Mais elle n’était pas au bout de sa surprise.

— Je ne suis plus invincible, car c’est désormais dans ton sang que se cache ce secret.
— Vous voulez dire que mon sang me rend invincible ? Je ne comprends pas, car je me sens toujours une petite fille, toujours fatiguée et sans force le matin quand je me couche trop tard et me réveille trop tôt.

Le roi sourit.

— L’invincibilité ne changera rien à cela, tu seras toujours fatiguée le matin si tu te couches trop tard le soir.

Alexandrine fit une petite moue à la fois de déception, mais aussi de manière à faire comprendre à son père qu’elle était toujours intriguée.

Mais elle ajouta :

— Pourquoi n’êtes-vous plus invincible, n’avez-vous plus ce sang en vous ?
— Ce sang ne coule plus dans mes veines, car il coule désormais dans les tiennes. Enfin, il y coulera prochainement.

Et le père continua son explication.

Chapitre 4

L’explication

Il y a très, très longtemps, environ trois siècles auparavant, notre beau pays était ravagé par les guerres.

— À l’époque, régnait ton arrière – arrière - arrière – grand - père, expliqua Célestin V à sa fille en tapotant avec un doigt de sa main gauche ceux de sa main droite, pour énumérer le nombre d’arrière-grands-pères séparant le début de l’histoire à ce jour.

C’était un homme très bon.

Il avait un Premier ministre, un homme avide de pouvoirs et de conquêtes, qui entraînait ton vieil ancêtre sur tous les champs de bataille.

À cette époque les rois qui n’avaient pas encore d’héritiers, comme ton ancêtre, devaient participer aux guerres pour montrer leur bravoure, et pendant que ton arrière, arrière, arrière-grand-père risquait sa vie au combat, loin de son palais, le Premier ministre dirigeait d’une main ferme et dure, le pays au grand désespoir de son peuple.

Célestin V poursuivit sa narration.

Comme je te le disais, à cette époque les hommes ne connaissaient que les guerres. Ils haïssaient les étrangers sans d’ailleurs savoir trop pourquoi, mais c’était ainsi.

Au cours d’une de ces guerres, ton ancêtre fut grièvement blessé, presque laissé pour mort. Il était intransportable pour être soigné dans son palais. Ses hommes lui prodiguaient des soins, mais le roi s’affaiblissait de jour en jour.

Averti que le roi avait été grièvement blessé et que sa santé déclinait son Premier ministre en fût réjoui, car à sa mort il gouvernerait le temps de nommer un nouveau roi. Et cela pouvait être long, car le roi encore jeune n’avait pas d’enfants pour monter sur le trône.

Alors il attendait avec impatience la disparition de son roi. On la disait proche selon les dernières nouvelles reçues.

Le roi était déjà dans un semi-coma, poursuivit le père d’Alexandrine. On lui présenta un homme de son âge en haillon, sale et hirsute. Cet homme avait des chaînes aux mains et aux pieds. C’était un prisonnier de guerre.

Un des lieutenants du roi s’inclina devant le roi allongé sur un lit de fortune. Le roi avait les yeux mi-clos et le souffle roque. Entendait-il ? Voyait-il ? On ne le savait pas.

Et se penchant vers l’oreille de son souverain, le lieutenant lui dit :

— Parmi les prisonniers, nous avons trouvé cet homme. Nous le pensons à moitié fou. Il dit vouloir vous sauver, Votre Majesté ! Bien entendu, pour nous, cet homme ment pour améliorer son sort. Il nous dit être médecin, avoir été enrôlé de force dans l’armée ennemie. Il ne cesse de répéter être détenteur d’un remède miracle. Mais pour nous, il a perdu la tête, nous l’avons fouillé et n’avons trouvé aucun remède miracle. J’ai cependant décelé dans ses yeux beaucoup de sincérité, malgré son apparence. Il a le regard doux et profond. Je peux me tromper, Votre Majesté, mais nous devons tout tenter pour vous redonner la force et guérir vos blessures. Alors je l’ai emmené auprès de vous, mais n’ayez crainte, il est enchaîné.

Le roi toujours très affaibli ouvrit légèrement les yeux et tendit difficilement une de ses mains vers le prisonnier pour signifier de le faire approcher au plus près de lui.

Le lieutenant accompagna son prisonnier jusqu’au bord du lit du roi. Le roi par un nouveau geste de la main et au prix d’un énorme effort fit comprendre d’avoir à libérer le prisonnier de ses chaînes.

Après hésitation, le lieutenant libéra le prisonnier et l’aida à se pencher pour parler au roi.

Au bout de quelques minutes, le roi fit un troisième geste lent, mais suffisamment clair pour le lieutenant. Son souverain lui demandait de rester seul avec le prisonnier.

Le roi Célestin V poursuivit son récit.

Le lieutenant se retira tout en restant sur ses gardes, car il laissait son roi seul avec un prisonnier de l’armée ennemie.

— Et que s’est-il passé ? demanda avec impatience Alexandrine totalement absorbée par le récit de son père et l’histoire de son ancêtre.
— Tu vas être déçue, ma chérie, car le mystère reste entier, mais tu le comprendras un jour, j’en suis certain.

Tout ce que l’on sait, c’est qu’au bout de vingt minutes qui parurent interminables pour le lieutenant, il entendit la voix du roi à travers la porte lui demandant d’entrer. Le lieutenant resta figé en entrant. Il avait laissé son roi dans un grand état de faiblesse, allongé et ne parlant laborieusement qu’avec des gestes, et il le voyait maintenant debout bien droit et même souriant, à côté du prisonnier.

Toutefois, le lieutenant observa le bras du roi enveloppé d’un morceau de drap légèrement tinté de rouge.

Il lui a demandé : Vous a-t-il blessé ? Votre Majesté.

Et le roi lui a répondu d’une voix claire : Non, il ne m’a pas blessé, il m’a sauvé.

Et le lieutenant vit dans le regard de son roi, un sentiment de calme et de bien-être.

Quel changement pour le lieutenant entre ce moment et celui où, inquiet, il avait laissé seul son roi avec le prisonnier ! Que s’est-il donc passé pendant ces vingt minutes ? Quel était donc ce remède miracle dont le prisonnier se prétendait détenteur, mais qui n’a pas été trouvé sur lui ? Et le bras du roi enveloppé dans un morceau de drap maculé de rouge ! Était-ce du sang ? A-t-il été blessé, alors qu’aucune arme n’avait été trouvée sur le prisonnier préalablement entièrement fouillé ?

— Toutes ces questions que se posait le lieutenant, je pense que tu te les poses aussi ma chérie. Mais je n’ai pas le temps de poursuivre ce récit, ton instituteur t’attend et tu n’es ni lavée ni habillée, mais tout est dans cette lettre.

Et le roi Célestin V sortit de l’intérieur de son uniforme une enveloppe cachetée et la tendit à sa fille.

— Tu l’ouvriras à notre retour, nous en discuterons ensuite. Promets-moi de ne pas l’ouvrir avant, car je ne serai pas là pour répondre à toutes tes questions, et te connaissant tu vas bouillir d’impatience. Alors, soit patiente, c’est la première leçon de la journée, avant celles de Monsieur Tardy. Et ne romps pas le charme délicieux de cette attente en décachetant l’enveloppe. Nous devons en parler ensemble.

— Cette lettre te donnera des réponses, mais pas toutes. Et tu comprendras donc comment à l’âge de tes treize ans coulera en toi un sang qui te rendra invincible.

Le roi regarda sa montre et embrassa fièrement sa fille.

Il se leva.

— Le devoir m’attend, dit-il en quittant la chambre de sa fille.

Mais Alexandrine interpella son père qui déjà était au seuil de la porte.

— Père, vous ne m’avez pas dit comment s’appelait mon trois fois arrière-grand-père et comment s’appelait le prisonnier.
— Tout est dans la lettre, ma chérie, répondit le roi.

Et il réitéra :

— Mais attends notre retour avant d’ouvrir cette enveloppe. Et il referma la porte derrière lui.

Chapitre 5

Une journée ordinaire

Alexandrine émoustillée par ce récit serra très fort sur son cœur l’enveloppe remise par son père.

Bien sûr, elle respecterait la volonté de son père et attendrait son retour pour l’ouvrir.

Mais, elle ne pouvait s’empêcher de s’interroger : si je dois l’attendre pour l’ouvrir, pourquoi ne m’a-t-il pas remis simplement cette enveloppe à son retour ?

Et toutes les questions possibles traversaient maintenant ses pensées. Voulait-il tester ma patience ? Voulait-il me donner ainsi l’assurance de son retour ? Mais cette lettre ne cachait-elle pas d’autres secrets ? Cette enveloppe fermée devenait une source d’inquiétude. Mais elle avait promis à son père d’attendre son retour. Elle n’ouvrirait donc pas cette enveloppe.

On frappa à sa porte, mais Alexandrine encore perdue dans ses questions n’entendit rien. Et Janine, sans attendre qu’Alexandrine ne dise d’entrer, se présenta.

— Que Votre Majesté veuille bien m’excuser de pénétrer ainsi sans votre permission dans votre chambre, mais votre père m’a dit qu’absorbée par vos pensées, vous n’entendriez pas les coups frappés à la porte.
— Mais vous serez toujours pardonnée, répondit Alexandrine, au contraire j’ai besoin de votre aide, je suis en retard pour mes cours. Et puis mes parents partent pour un long voyage, je suis inquiète, alors aidez-moi à ne pas y penser, à me laver et à m’habiller.

Janine prit les deux mains d’Alexandrine et lui chuchota à l’oreille :

— Vous pourrez jouer avec Stella après le déjeuner, pas longtemps, mais cela vous changera les idées. Et elle ajouta, comme une mère qui rassure son enfant : vous n’avez pas à vous inquiéter du départ de vos parents. Ils vont revenir vite.
— Merci, Janine, je suis tellement heureuse de voir Stella.
— Mais avant il y a Monsieur Tardy, rappela Janine.

Janine aida Alexandrine à se préparer et l’habilla d’une belle robe de couleur rose. Puis elle la coiffa.

Alexandrine était enfin prête pour affronter Monsieur Tardy.

Mais avant de l’affronter, Alexandrine prit l’enveloppe et l’enferma dans un petit coffre où elle déposait son journal intime dont la lecture n’avait rien de passionnant, tellement les journées se répétaient.

Elle sortit de la chambre accompagnée de Janine et vit Monsieur Tardy qui attendait les bras pleins de livres et de cahiers.

Monsieur Tardy était un monsieur d’une soixantaine d’années, portant des petites lunettes en demi-lune. Il n’était pas très grand et avait un visage un peu rouge et rond ce qui lui donnait un aspect jovial. Mais il ne fallait pas se fier à son apparence.

Monsieur Tardy avait été enseignant dans les plus grandes universités du pays. Il était très érudit, possédait des connaissances encyclopédiques, et avait été désigné par le roi et la reine pour assurer l’éducation d’Alexandrine. La future reine ne fréquentait pas les écoles du royaume comme les jeunes filles de son âge.

Mais sous son air jovial, Monsieur Tardy était avant tout un homme aimant l’ordre, la discipline et le respect. Le roi et la reine lui avaient demandé de ne faire aucune différence dans l’instruction donnée à leur fille, pourtant future reine, avec les autres élèves des écoles publiques. Ils avaient aussi demandé en contrepartie à Alexandrine de respecter l’autorité de Monsieur Tardy.

Monsieur Tardy n’était donc pas un homme a priori drôle. Il n’était pas très sévère, mais n’hésitait pas à reprendre Alexandrine si elle se trompait dans ses réponses, voire à la réprimander si elle était dissipée et n’avait pas appris ses leçons. L’éducation d’une princesse, future reine d’un grand royaume, obligeait à un suivi strict et régulier des cours. Alexandrine prendrait un jour la tête d’une grande dynastie, devait se montrer digne et être un exemple pour le peuple. Heureusement pour ses parents, Alexandrine n’était pas une jeune fille écervelée, bien au contraire, elle aimait apprendre et comprendre, découvrir le monde, connaître les arts et les sciences. Mais comme toute jeune fille de son âge, même si l’on est une future reine, Alexandrine aimait aussi jouer, rire, faire des blagues surtout avec Stella, sa seule amie.

Monsieur Tardy s’inclina très légèrement par déférence envers la princesse et l’invita à s’installer dans le petit bureau bleu qui servait de classe pour les cours particuliers de la princesse.

Ce bureau était tout simple, à peine décoré, et paraissant donc très austère comparé aux autres pièces grandioses et lumineuses du palais. Mais au moins, l’esprit d’Alexandrine n’était pas dissipé par un décor trop clinquant ou trop ostentatoire.

— Je vous prie de vous asseoir, Mademoiselle, dit Monsieur Tardy en présentant la chaise habituelle d’Alexandrine. Nous allons commencer par le latin.

Il avait été convenu que Monsieur Tardy n’appellerait pas Alexandrine, Princesse ou sa Majesté. L’appeler Princesse aurait fait perdre à Monsieur Tardy l’ascendant et l’autorité que doit conserver un maître sur son élève. Et puis cela ne déplaisait pas à Alexandrine de se faire appeler simplement Mademoiselle. Cela la changeait des « Sa Majesté », par-ci, « Sa Majesté » par-là, entendus toute la journée.

— Ouvrez votre livre à la deuxième page et commencez à lire.

Alexandrine obéit sans rechigner et commença à lire les mots en latin et leurs déclinaisons qui s’étalaient devant ses yeux : Rosa, rosae, dominus, dominae, templum, templi…

Cela me paraît parfait Mademoiselle.

Et le cours s’enchaîna ainsi pendant trois quarts d’heure.

Alexandrine ravie d’avoir été félicitée par Monsieur Tardy était toutefois épuisée.

Monsieur Tardy consulta sa montre.

— Dans un quart d’heure, nous allons reprendre notre leçon de grec. J’espère que vous avez bien révisé, je vous interrogerai.

Mais pour le moment, c’est la récréation, dit Monsieur Tardy, détendez-vous et rendez-vous, dans 15 minutes.

Alexandrine sortit du bureau après avoir salué son instituteur.

Elle se précipita dans le grand salon dont les fenêtres donnaient sur la grande cour.

De là, elle pouvait voir, s’amoncelant, des malles et des valises amenées par des valets. Elle comprit que ces bagages étaient ceux de ses parents prêts au départ.

Elle trouva leur nombre très élevé.

Mais cela veut dire que le voyage sera très long, pensa-t-elle avec un léger pincement au cœur.

Apporter tant de bagages, cela signifie que mes parents vont rester longtemps à l’étranger. Et l’on amenait d’autres malles et d’autres valises, et d’autres encore, ce qui contrariait encore plus Alexandrine. La cour pourtant très grande était quasiment pleine.

Elle compta des yeux au moins une centaine de bagages, petits et grands.

Mais ce n’est pas un simple voyage, c’est une véritable expédition ! se dit-elle.

Si moi je me change deux fois par jour, mes parents, surtout en voyage officiel, devront se changer au moins trois fois par jour.

Et mentalement, elle compta.

Chaque bagage doit contenir cinq vêtements, ce qui fait cinq cents vêtements au minimum, soit si l’on divise par trois, on obtient cent soixante-six et divisés par le nombre de jours dans un mois, cela fait, oh non c’est trop long ! Mes parents vont s’absenter pendant plus de cinq mois. Mais alors, ils ne seront pas là pour mes 13 ans ! Mon père ne peut pas être absent ce jour-là, se dit-elle, se rappelant ses paroles et de son sang devant la rendre invincible !

Alexandrine était de plus en plus tourmentée. Bien entendu, elle ignorait que les malles et valises ne contenaient pas que les habits royaux. Elles contenaient aussi des uniformes de rechange pour les soldats, et de nombreux cadeaux à offrir le long du voyage.

Prise dans ses pensées, elle n’entendit pas Monsieur Tardy.

— Mademoiselle, Mademoiselle Alexandrine, vous êtes en retard, votre cours de grec va commencer…

S’enchaînèrent ainsi, comme tous les matins, les leçons avec Monsieur Tardy.

Mais aujourd’hui n’était pas comme les autres, Alexandrine toujours attentive avait été triste et particulièrement pensive. Monsieur Tardy avait remarqué qu’Alexandrine était bien différente des autres jours. Il n’en fit aucune observation auprès de son élève. Mais à la fin du cours de géographie, il demanda à Alexandrine de rester encore quelques minutes.

Mademoiselle, nous venons d’étudier les pays qui entourent votre futur royaume. Ce sont de très beaux pays, les populations sont très chaleureuses et le temps y est magnifique. Ce sont ces pays que vos parents vont traverser. Vous êtes triste, car sa Majesté le roi et sa Majesté la reine partent pour un long voyage rejoindre l’Outarcie. Mais je vais vous faire découvrir dans les détails tous ces pays, comme cela, vous serez un peu avec eux. Et puis, rajouta Monsieur Tardy, ne soyez pas triste, ils ne partent pas pour longtemps, ils reviendront rapidement.

Alors Mademoiselle, êtes-vous d’accord de voyager avec vos parents à travers les livres que je vous apporterai ?

— Oh oui, répondit Alexandrine à Monsieur Tardy, se disant toutefois qu’il n’avait pas compté le nombre de bagages qui seraient eux aussi du voyage.

Et puis Alexandrine ne pouvait s’empêcher d’écarter de son esprit un mauvais pressentiment tout en s’impatientant d’avoir ses 13 ans pour devenir invincible, comme l’avait été son père.

Elle avait hâte de voir Stella, mais avant elle se réjouissait tout de même de déjeuner avec sa mère.

Chapitre 6

Le départ du roi et de la reine

Alexandrine déjeuna dans le grand salon d’honneur avec sa mère, la reine Bérénica. C’était une très belle femme, de fière allure, passionnée par la nature. Elle cultivait un petit jardin. Un moment de détente entre deux cérémonies officielles. Elle aimait ce contact de la terre. Son jardin était le plus coloré du royaume, elle y faisait pousser toutes les sortes de fruits et légumes qui composèrent le déjeuner.

— Ne soit pas inquiète ma chérie, nous partons loin, mais nous reviendrons rapidement, et puis je t’apporterai beaucoup de souvenirs de tous les pays visités sur notre route avant d’arriver en Outarcie.

Alexandrine ne savait pas si sa mère connaissait le secret confié par son père, mais pensait qu’entre père et mère, on ne se cachait rien.

— Père, m’a parlé d’un secret et d’un sang royal qui coulera dans mes veines à l’âge de mes 13 ans, se décida-t-elle à prononcer.
— Oui, il a eu raison de t’en parler, car tu as désormais l’âge de comprendre. Mais la mère d’Alexandrine ne voulait pas en dire davantage. Elle connaissait les raisons de cette discussion matinale entre le roi et sa fille, mais elle ne pouvait, évidemment, les lui dévoiler avant son départ.
— Mais vous ne serez pas de retour pour mes 13 ans ! affirma Alexandrine.
— Comment, cela ! Tu auras 13 ans dans un mois et nous serons de retour au maximum dans 15 à 20 jours.

Ces paroles rassurèrent Alexandrine qui repensait toutefois au nombre impressionnant de malles et de valises, mais elle ne voulait pas en débattre avec sa mère. Le contenu de ces bagages ne la regardait finalement pas.

Célestin V pénétra dans le salon d’honneur, toujours vêtu de son bel uniforme blanc.

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