Retour à la vie - Arthur Obringer - E-Book

Retour à la vie E-Book

Arthur Obringer

0,0

Beschreibung

A travers ce récit, un chef d'établissement et directeur général d'un ensemble scolaire privé catholique sous contrat d'association composé de deux écoles maternelles et élémentaires, d'un collège et d'un lycée, témoigne de son licenciement inattendu et empreint d'une violence inexplicable. Ce mardi 19 mai 2009 il se rend à son bureau à 19 heures. A sa grande stupéfaction il est attendu, en présence d'un huissier de justice, et, à tour de rôle, par le délégué de la congrégation qui assure la tutelle de cet établissement et par le président de l'organisme de gestion, qui lui remettent chacun une lettre de notification de sa mise à pied avec effet immédiat pour faute grave et de la convocation à un entretien de licenciement. Aucune explication, aucun mot échangé, sauf pour donner le nom de la personne qui lui succède à partir du lendemain. Il est ensuite conduit jusqu'à la porte de sortie, accompagné jusque sur la place située devant l'établissement. Stupéfaction, sidération. Le souffle de la violence qui a dévasté l'esprit de ce chef d'établissement durant à peine quelques minutes n'a pas réussi à éteindre la flamme de la vie qui brillait au plus profond de son être. C'est cette flamme qui l'a d'emblée motivé pour sa défense jusqu'à obtenir, à l'issue d'un âpre combat juridique qui a duré trois ans, la condamnation se son employeur et la réparation du préjudice par la Cours d'Appel des Prud'hommes. A travers son récit qui conduit au coeur de cet événement que l'auteur décrit comme sa mise à mort professionnelle, il poursuit un seul et unique but, celui de réhabiliter son honneur, sa dignité et sa probité, d'une part, en dénonçant l'ignominie et la violence inouïe sournoisement déployées à son encontre par quelques responsables d'une instituion catholique, et, d'autre part, en expliquant qu'ils ont lourdement entaché la notoriété, brisé l'image et perturbé le riche passé de l'institution elle-même, à une période cruciale pour l'avenir de son histoire. En relatant son implication dix-sept années durant comme responsable dans la vie de l'institution, l'auteur met en lumière les multiples facettes du projet éducatif construit durant sa longue histoire et les atouts qui auraient dû lui faire traverser sa difficile mutation sans être secouée par d'aussi fortes turbulences.

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern
Kindle™-E-Readern
(für ausgewählte Pakete)

Seitenzahl: 504

Veröffentlichungsjahr: 2025

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



A mon épouse

A mes enfants et leurs conjoints

A mes petits-enfants

« L'honneur appartient à ceux qui jamais ne s'éloignent

de la vérité, même dans l'obscurité et la difficulté,

ceux qui essayent toujours

et qui ne se laissent pas décourager

par les insultes, l'humiliation ou même la défaite »

Nelson Mandela

Lettre à Winnie, 23 juin 1969

Conversations avec moi-même

Editions de la Martinière - 2010

« Si nous relions au lieu de séparer,

l’Enseignement Catholique

répondra aux fortes attentes éducatives des familles

et aux besoins éducatifs des jeunes

en quête d’une formation qui puisse non seulement

les préparer à une insertion sociale et professionnelle

mais aussi les éclairer sur le sens

qu’ils veulent trouver à leur vie ».

Paul Malartre

Secrétaire Général National

de l’Enseignement Catholique - Juin 2007

TABLE

Avant-propos

2009, le 9 mai, 19 heures

1. Pourquoi ce témoignage ?

2. Pourquoi aujourd’hui ?

3. Dénoncer la violence et la brutalité du licenciement

4. Faire connaître les événements

5. Réhabiliter ma dignité humaine et professionnelle

PARTIE I

Une mesure de licenciement pour faute grave, sans préavis ni indemnité

Chapitre 1

Chef d’établissement limogé sur le champ

1. Maintenant vous me remettez vos clés !

2. Sans au-revoir

3. Mise en scène minutieuse

Chapitre 2

Précipité dans le néant

1. Turbulences au fond du vide

2. Retour à la maison

3. Reprendre mes esprits

4. Le lendemain, continuer d’exister coûte que coûte

5. Entretien préalable au licenciement

6. Motifs du licenciement : une énumération de mensonges

7. La Commission Nationale de Conciliation

Chapitre 3

2008 – 2009 : une année pas ordinaire

1. Situation économique préoccupante, avenir incertain pour le Lycée

2. Climat oppressant

3. Faits marquants

3.1 Conseil d’Administration déclencheur

3.2 Règlement de contentieux ?

Première situation très problématique

Deuxième fait : des témoignages accablants

Un troisième fait très marquant

Un quatrième fait bien surprenant

3.3 Demandes répétées et insistantes de retrait d’agrément

3.4 Ecrits et propos contradictoires

3.5 Atmosphère lourde

Perspective de délocalisation du Contrat d’Association du Lycée

Baisse de la DHG : emplois des professeurs menacés

Divers événements empoisonnant le climat de l’établissement

Chapitre 4

Ecarté par la Tutelle Mariste et par les instances de l’Enseignement Catholique

Portrait de groupe des responsables de la Tutelle Mariste et de l’Enseingement Catholique local

1. La Tutelle des Frères Maristes

1.1 La Tutelle dans l’Enseignement Catholique ?

1.2 Projet éducatif porté par l’esprit mariste

1.3 Le Service de la Tutelle Mariste s’est hélas évanoui

1.4 Interrogations sur la mission du Frère Délégué à la Tutelle ?

1.5 Lancement du processus de retrait de l’agrément

Application du protocole conforme aux règles

Le Directeur – adjoint également visé

1.6 « Lettre de mission spécifique » : mission impossible !

1.7 Le Conseil de Tutelle : à quel jeu a-t-il joué ?

1.8 Un service de la Tutelle Mariste idéal : juste un rêve…

2. Les dirigeants de l’OGEC – Organisme de Gestion

2.1 Double jeu du président de l’Organisme de Gestion

2.2 Acharnement contre le directeur : pourquoi ?

2.3 Autres membres du Conseil d’Administration de l’OGEC

2.4 Compétences en gestion économique et financière, parlons-en !

3. Les responsables de l’Association des Parents d’Elèves

3.1 Une Association à la recherche de son identité

3.2 L’APEL associée pour l’exercice du pouvoir

4. La Direction Diocésaine de l’Enseignement Catholique

4.1 Un nouveau Directeur Diocésain

4.2 Promotion de l’adjointe du Directeur Diocésain

5. Mgr l’Evêque de Saint-Etienne

5.1 Soutien de mes amis : correspondances avec Mgr l’Evêque

5.2 Entetien avec Mgr l’Evêque

6. Accompagnement galvaudé

6.1 Quand on parle d’accompagnement, de quoi parle-t-on ?

6.2 Défaillance de la Tutelle Mariste

7. Aucune reconnaissance institutionnelle

Chapitre 5

Réanimation de la flamme de la vie

1. Lente remontée de la pente

2. Soutiens et remerciements

3. Des silences assourdissants

4. Combat juridique âpre mais victorieux

5. Avancée vers de nouvelles insertions sociales et professionnelles

6. Retour à l’emploi… après mon entrée en retraite

7. Une fin d’activités professionnelles dans la dignité

7.1 Du décrochage au raccrochage scolaire Le dispositif « Potentiel Jeunes

Lyon Sud-Est

 »

7.2 Co-direction du Centre d’Orientation Scolaire de Lyon

7.3 Responsable de l’ARFOP – Organisme de formation

7.4 Et toujours le mandarinier refleurit

PARTIE II

Une longue implication dans l’institution

Chapitre 6

Dix-sept ans de responsabilité dans le Groupe Scolaire

1. Implication dans un Groupe Scolaire en évolution

2. Gouvernance collégiale

2.1 Le Conseil de direction de Valbenoîte : une équipe soudée et solidaire

2.2 Le Conseil de Direction du Collège et du Lycée – CDCL

2.3 Equipes enseignantes dans une dynamique de concertation

2.4 Equipe de la Vie Scolaire : proximité éducative

2.5 L’Equipe d’Animation Pastorale – EAP : dynamique et active

2.6 Equipe administrative et de service : solidarité, implication, loyauté, dévouement

3. Ma contribution à l’animation du Projet Educatif Mariste

4. Ma contribution à la gestion des ressources humaines

5. Implication dans les instances et organismes officiels

Chapitre 7

Dynamisme mis à rude épreuve

1. Lycée et Collège pénalisés par les réformes du MEN

2. Projets avortés de développement du Lycée

Chapitre 8

Vie du Groupe Scolaire marquée par de multiples épreuves

1. Un événement traumatique majeur

1.1 Signalement auprès du Procureur de la République

1.2 Une suite d’événements pénibles

1.3 Ouragan sur le Lycée

1.4 Fonctionnement du Lycée assuré : soutiens et présence Éducative

1.5 Conclusions du Parquet

2. Vie de l'Institution traversée par d’autres épisodes lourds

2.1. Restructuration et déménagement du Lycée en 2003

2.2 Plusieurs vagues de réduction d’emploi

2.3 Obligation de démolir la nouvelle cafétéria

3. Autres épreuves douloureuses

Chapitre 9

Œuvre éducative dynamique en flux continu

1. Avancées éducatives en faveur des enfants et des jeunes

2. Innovations pédagogiques - Ouverture sur l’extérieur

3. Qu’en était-il du budget pédagogique : parlons’en !

4. Evolution sans relâche des pratiques pédagogiques

5. Avancées dans le partenariat éducatif avec les parents d’élèves

6. Appartenance renouvelée au réseau des établissements maristes

Chapitre 10

Entretien et rénovation des locaux Adaptation et modernisation des outils de travail

1. Nouveautés sur le site du Rond-Point

2. Création d’une cafétéria : une première dans un Lycée

3. Introduction de l’EXAO en Sciences

4. Restructuration : réorganistion complète du site de Valbenoîte

5. Déploiement des outils informatiques : une révolution !

Modernisation de l’informatique administrative

Développement de l’informatique à usage pédagogique

Chapitre 11

Des belles satisfactions et des moments de vrai bonheur

1. Vie lycéenne

2. Compétitions et animations sportives

3. Activités et comédies musicales

4. Activités péri-éducatives, voyages culturels, séjours linguistiques

5. Manifestations festives au sein du Groupe Scolaire

Epilogue

Postface

Documents annexes

Il y a un temps pour tout

Gratitude

Remerciements

Avant-propos

2009, le 19 mai, 19 heures

Si le présent ouvrage était un polar, cette indication de date et d’heure pourrait correspondre à ce que l'on appelle l'heure du crime.

En fait, le lecteur découvrira plus loin que, dans le cas présent, il s'agit bien d'une forme d’assassinat mais d'un « assassinat professionnel ».

En effet, ce jour-là à 19 heures, dans mon bureau1, à ma très grande surprise et contre toute attente, en présence d'un huissier, je me vois remettre par le Frère Délégué à la Tutelle une lettre émanant de la Tutelle des Frères Maristes2, me notifiant son retrait d'agrément pour diriger le Groupe Scolaire Notre-Dame de Valbenoite à Saint-Étienne. Après quoi, le Frère Délégué à la Tutelle, avec qui ce rendez-vous avait été fixé, se retire sans aucun mot, le visage blême.

Dans la minute qui suit, Monsieur le Président de l’OGEC Notre-Dame de Valbenoîte, organisme gestionnaire du Groupe Scolaire, pénètre dans mon bureau, le visage livide. Sans un seul mot, il me remet lui aussi une lettre me signifiant mon licenciement de toutes mes fonctions de direction, y compris de la direction académique du collège et du lycée, invoquant « la faute grave », sans plus de précision. A ma grande stupéfaction, il est écrit que cette décision entre en application à l'instant où j'en prends connaissance. Il me fait l'injonction de lui remettre les clés de mon bureau et de l’établissement, l'ordinateur et le téléphone portable liés à ma fonction. Je lui signifie qu’il n’en est pas question pour l’ordinateur et le téléphone portable.

Il se lève, se dirige vers la porte, toujours sans aucun mot.

A mon tour, je me lève, je range quelques documents dans mon cartable, saisis l'ordinateur glissé dans sa sacoche que j'emporte avec moi, je mets le téléphone portable dans ma poche et me dirige vers la porte que je ferme à clé avant de tendre le trousseau de clés à Monsieur le Président de l’OGEC.

Une dame, agent de service en train de laver le sol du couloir juste devant la porte du bureau, à qui je ne dis pas un mot, contrairement à mes habitudes, assiste à la scène, le regard surpris. Le frère mariste et l’huissier ont déjà disparu, peut-être se sont-ils retrouvés dans la salle d’attente en face.

Escorté par Monsieur le Président de l’OGEC comme par un « toutou de garde », j’emprunte le couloir pour descendre par l’escalier principal dans la grande cour. Je me dirige vers la sortie en empruntant le passage sous mon bureau pour arriver sur la place de l’Abbaye.

Et voilà, mission accomplie par le Frère Délégué à la Tutelle et par Monsieur le Président de l’OGEC. Ils ont, en quelques minutes seulement, sans bruit et sans discussion aucune, licencié et expulsé le Directeur Général du Groupe Scolaire !

Le forfait accompli semble parfait ! La présence de l'huissier montre combien il avait été minutieusement orchestré.

Pourquoi ce témoignage ?

Faire le récit détaillé de ce que j’ai vécu s’est imposé d’emblée à moi. En premier lieu, à des fins thérapeutiques pour recouvrer ma dignité, mon honneur et préserver du sens pour ma vie et, en second, pour partager cette histoire très personnelle avec mon épouse et mes enfants. C’est grâce à leur présence, à leur amour profond que j’ai tenu le coup, que je n’ai pas sombré dans une profonde dépression – ce que ces messieurs auraient peut-être souhaité - et que j’ai pu ranimer la flamme de la vie !

Mon épouse la connaît bien, mon histoire, elle l’a vécue intensément à mes côtés, a éprouvé beaucoup de souffrance, et cela d’autant plus qu’elle en a elle-même été indirectement victime au plan professionnel dans l’exercice de son métier de psychologue à la DDEC de Saint-Etienne sous l’autorité d’un directeur qui n’a pas manqué de se montrer quelquefois odieux à son encontre. Un dommage collatéral qui ne pouvait pas être ignoré et faisait sans doute partie de la manœuvre.

Une force intérieure m’a également poussé à partager mon histoire avec mes enfants, à qui je n’ai jamais rien caché, mais que j’ai dû ménager, surtout au début. Je sais qu’ils ont souffert de voir leur père ainsi maltraité, humilié, qu’ils ont éprouvé euxaussi des sentiments de grande injustice et de révolte. En partageant ce récit avec eux, ils pourront avoir des indications détaillées et des éclairages sur de multiples aspects de cet événement que je n’ai pas forcément eu l’occasion d’aborder avec eux. Ils pourront aussi en parler à leurs propres enfants quand ils seront plus grands.

Pourquoi aujourd’hui ?

Un an après ma brutale éviction, comme je l'avais décidé le jour-même de cet événement, j'ai entamé l'écriture de l’histoire vécue ce soir-là. Il m'importait de faire le récit de ce que j'ai subi, dont personne ne pourra jamais imaginer l’extrême violence qui m'a frappé.

Au bout de quelques mois, j’ai réalisé que l'écriture complète de mon témoignage était prématurée, d'abord parce que la procédure judiciaire que j'avais engagée au tribunal des Prud'hommes me prenait beaucoup d'énergie et de temps et que je ne pourrais pas mener les deux actions de façon concomitante, ensuite, parce que la douleur était tellement vive et la plaie si béante, que j'ai jugé utile, pour mon équilibre personnel et la vie familiale, mais aussi pour garantir, grâce au recul, mon objectivité, de suspendre l'écriture et de la reprendre le moment venu.

Aujourd'hui, près d’une quinzaine d’années après mon élimination professionnelle, le temps me paraît propice à la reprise de l'écriture de ce que j'ai vécu, que je décline en deux parties :

▪ Première partie : raconter et dénoncer la violence de mon licenciement pour réhabiliter mon honneur et ma dignité.

▪ Deuxième partie : témoigner aussi de mon implication et de ma riche expérience professionnelle vécue pendant dix-sept ans au service du Groupe Scolaire.

Dénoncer la violence et la brutalité du licenciement

Qu’est-ce qui m’a poussé dès le départ à écrire ce que j’ai vécu ?

D’emblée, j’étais déterminé à dénoncer le procédé utilisé et son extrême violence dans un établissement d’enseignement et d’éducation catholique sous tutelle d’une congrégation religieuse, aux antipodes des valeurs évangéliques les plus élémentaires et de celles dites « maristes » prônées par la dite congrégation religieuse. Procédé dont on sait qu’il est quelquefois utilisé dans certaines entreprises. Mais il ne faut pas oublier que le fonctionnement d’un établissement scolaire n’est pas comparable à celui d’une entreprise. Gérer avec rigeur une entreprise au plan économique, oui, mais organiser toutes les activités pour la mise en œuvre du projet au service d’un enseignement, d’une éducation et d’une pastorale de qualité.

Dénoncer avec détermination la violence subie, d’une intensité inouïe.

Violence décuplée par l’absence totale de signes avantcoureurs.

Violence par la brutalité de la mise en scène soigneusement préparée sans autres témoins que les 3 agresseurs face à leur victime.

Violence par le motif invoqué : faute grave3 ! Ah bon ? Aucune explication, aucune qualification précise.

Violence par le silence des deux « agents », couvert par la voix de l’huissier qui s’enregistrait sur un ton monotone et en continu sur son dictaphone.

Violence en entendant le nom de la personne qui allait assurer ma succession dès le lendemain : Madame N.G., chargée de mission auprès du directeur diocésain de l’enseignement catholique de Saint-Etienne.

Violence générée par le sentiment profond d’avoir été trahi !

Violence par l’anéantissement en un instant de toute ma carrière professionnelle, trois ans avant ma retraite.

Faire connaître les événements

C’est depuis le soir-même du 19 mai 2009 que je suis animé par la ferme détermination de faire éclater la vérité sur les événements aux yeux de tous les personnnels des quatre unités pédagogiques composant le groupe scolaire - deux écoles maternelles et élémentaires, un collège et un lycée d'enseignement général – à qui les responsables n'ont jamais fourni d'explications quant à la qualification de la faute grave.

Je veux relater les faits pour informer de la réalité des événements dans les moindres détails et de façon vérifiable, lever le doute qui habite l'esprit de certaines personnes depuis qu'un journal local4 a publié, sans les vérifier, des propos me concernant, tenus par celle qui m'a remplacé dès le lendemain matin, propos totalement mensongers qui ont donné naissance et abondamment alimenté de fausses rumeurs très préjudiciables à ma personne et à ma fonction..

Faire aussi connaître la réalité des faits aux élèves qui me côtoyaient quotidiennement, ainsi qu'aux parents avec qui j'avais de nombreux contacts, lors des réunions de classes ou aux réunions des instances comme les conseils d'école, le conseil d'établissement, ou pour un entretien dans mon bureau, ou encore par la lettre d'informations aux familles que je leur adressais au début de chaque demi-trimestre.

Que cette vérité des faits puisse également arriver à la connaissance des représentants des instances et organismes avec qui j'étais régulièrement en contact, notamment parce que j'étais le représentant de mes collègues du syndicat de chefs d'établissement : à l'Inspection Académique et au Rectorat, au Conseil Départemental de la Loire et au Conseil Régional Rhône - Alpes, auprès de la municipalité de Saint-Etienne, auprès des organimses culturels, sportifs, scientifiques et économiques avec lesquels le collège et le lycée étaient engagés dans un partenariat.

La brutalité et la violence subies, être en un instant réduit à néant et coupé de tout ce qui faisait mon engagement professionnel – engagement d'ailleurs souvent poussé au-delà du raisonnable -, les rumeurs largement alimentées par l'absence d'informations de la part des responsables, l'incapacité de ces derniers d'apporter les preuves de la faute grave invoquée, je les ai vécues comme une atteinte à ma dignité, à mon humanité, d'une intensité extrême au point que je qualifie cela d'assassinat professionnel, créant au plus profond de mon être une plaie immensément béante. Atteinte à ma dignité par la perte instantanée de mon emploi et, au-delà de l'atteinte à la dignité, l'atteinte à mon intégrité, à ma probité, à ma moralité…

Réhabiliter ma dignité humaine et professionnelle

Mon principal but, en définitive, est d’obtenir la réhabilitation complète de ma dignité qui représente pour moi bien plus que la seule réparation du préjudice financier.

Après la tenue de la Commission de Conciliation interne à l’Enseignement Catholique que j’avais saisie conformément au statut du Chef d’Etablissement du second degré de l’Enseignement Catholique et qui s’est tenue le 16 juillet 2009, totalement stérile, j’ai saisi le Conseil des Prud’hommes de Saint-Etienne.

Le procès aux Prud’hommes a été très long et éprouvant, aboutissant enfin et heureusement en ma faveur après un peu plus de deux ans d’un combat qui s’est achevé par la condamnation de l’OGEC ND de Valbenoîte par la Chambre Sociale de la Cour d’Appel de Lyon le 10 février 2012 « pour licenciement dénué de cause ». Donc, gommant définivement et légalement l’accusation injustifiée, infondée de faute grave.

Tout un chacun peut imaginer mon soulagement après cette condamnation par la Cour d’Appel de Lyon ! C’était une première étape pour la réhabilitation de ma dignité.

Maintenant il me restait à le faire savoir et faire mesurer à tout un chacun la gravité et les conséquences pour ma personne, mes proches mais aussi pour l’image de tout le groupe scolaire… !

Pour cela j’ai sollicté la rédaction du quotidien La Tribune-Le Progrès, qui m’a proposé une rencontre au cours de laquelle j’ai pu livrer les informations détaillées sur les faits et les jugements du Conseil des Prud’hommes de St Etienne, d’abord, et de la Cour d’Appel de Lyon, ensuite, condamnant doublement mon ancien employeur pour licenciement abusif.

Je précise qu’avant la publication des articles, la rédaction du quotidien régional a tenu à vérifier toutes les informations officielles émanant du Conseil des Prud’hommes et de la Cour d’Appel de Lyon. J’ai beaucoup apprécié que soient prises ces précautions.

C’est ainsi que ce journal a réalisé deux publications.

La première, le soir du 2 mars 20125, dans l’édition numérique sur son site internet, un article et ma photo : « Loire-Enseignement. Lycée Valbenoîte : l’ancien directeur licencié à tort ».

La seconde dans l’édition papier du samedi 3 mars 2012 67. le quotidien publiait sur sa Une ma photo accompagnée du titre :

« ST-ETIENNE : Après son licenciement abusif, l’ex-directeur de Valbenoîte témoigne », et développait le sujet sur la page onze toute entière : « La Loire et sa Région – Actualité » sous le titre « Lycée de Valbenoîte : l’ancien directeur veut retrouver son “ honneur bafoué ” ».

La diffusion dans la presse quotidienne régionale de ces articles m’a apporté un très grand réconfort et a très fortement contribué à la restauration de mon honneur et de ma dignité.

Aujourd’hui, près d’une quinzaine années se sont écoulées depuis cet assassinat professionnel, durant lesquelles je suis peu à peu revenu à la vie, je me sens suffisamment apaisé pour reprendre l’écriture de mon témoignage. Je ne me limiterai pas à la seule narration de mon licenciement qui figure dans les pages qui suivent, écrite un an après les faits. Je pourrai dire comment j’ai vécu ma renaissance.

Aussi, en me replongeant dans la multitude de documents en rapport avec cet événement, il me vient à l’idée qu’il serait opportun que je témoigne de mon vécu dans la vie de l’institution ND de Valbenoîte durant les 17 années que j’y ai passées, de 1992 à 2009 avec, c’est certain, toute la subjectivité de mon regard. Ce qui donnera sûrement au lecteur un éclairage intéressant sur l’évolution de cet ensemble scolaire pendant une période de plus en plus défavorable.

D’aucuns savaient-ils que ND de Valbenoîte n’était pas la seule institution à connaître des difficultés ? Est-ce par hasard que le CODIEC8 de St-Etienne a engagé dès l’automne 2006 une analyse prospective concernant l’enseignement catholique avec l’organisme DEVENIRS afin de définir les orientations du Diocèse à l’horizon 2015 ?

Au terme de l’étude prospective, DEVENIRS a exprimé quinze préconisations qui ont été intégralement retenues par le CODIEC, sur lesquelles ce dernier a organisé son travail et sa réflexion. Et c’est au cours de son conseil d’administration en date du 6 mai 2009, qu’il « décide d’implanter un lycée sur la commune de St Galmier. Il propose alors à la Tutelle Mariste la délocalisation du Lycée ND de Valbenoîte (…) à la rentrée 2010. »

Monsieur le Président de l’OGEC ND de Valbenoîte, tout comme Monsieur le Président de l’APEL – Association des Parents d’Elèves - , étaient régulièrement informés de l’avancée des travaux de DEVENIRS et du CODIEC. Ils ont d’ailleurs participé à des réunions diocésaines d’information. Comment se fait-il qu’ils n’aient rien entrepris pour faire taire les rumeurs de fermeture. En effet, il ne s’agissait pas d’une fermeture mais d’une délocalisation de son Contrat d’Association. Je m’interroge sur le drôle de jeu que la Tutelle Mariste dans sa supervision a joué dans cette étude prospective ?

Peut-être mon témoignage apportera-t-il a posteriori au Frère Délégué à la Tutelle, un éclairage qui lui aurait évité de se présenter comme le sauveur de ND de Valbenoîte. Il se serait sans doute aperçu du jeu pervers du président qui s’en prenait au directeur général avec qui il avait déjà quelques comptes régler. Si ce Frère Délégué à la Tutelle avait pris la peine d’entrer dans une connaissance approfondie de l’institution, de son histoire, de sa culture, s’il s’était mis à son écoute, s’il avait vraiment pris la peine et le temps de se mettre à l’écoute, s’il n’avait pas cédé aux chants des sirènes de malheur diffusées par les rumeurs les plus folles, qui , je pense, ont sournoisement été entretenues par des responsables gestionnaires pris de panique et se complaisant à nager dans des eaux troubles, il aurait ainsi évité une crise majeure dans l’histoire de l’Institution.

Comme beaucoup d’institutions scolaires et éducatives, la vie de ND de Valbenoîte durant cette période a bien-sûr été traversée par des événements dramatiques comme le dècès de deux enseignants en exercice, d’un personnel de service, de deux élèves, d’un responsable de l’Amicale des Anciennes et Anciens Elèves ou d’autres événements éprouvants eux aussi pour toute la communté éducative : la restructuration de 2003, les deux plans de licenciement, le déménagement du Lycée, l’obligation de détruire la toute nouvelle cafétéria du Lycée pour des raisons n’incombant pas au directeur.

Il s’est aussi vécu de belles choses entre les murs des deux écoles, du collège et du lycée durant toutes ces années. Malgré une situation de plus en plus difficile, principalement en raison de la baisse des effectifs9, elle-même consécutive à la forte baisse démographique de la ville de Saint-Etienne10, de la paupérisation du quartier et, malgré les moments de crise vécus par les équipes du personnel administratif, les personnels de service, les équipes pédagogiques et éducatives, l’encadrement pédagogique, celles-ci ont su faire face.

Je ne peux que leur rendre hommage car personne n’a jamais cessé de rester pleinement attelé à ses tâches ou à ses missions d’enseignement et d’éducation. Elles ont su assurer la continuité de l’accueil des élèves et de leurs famillles, dans les quatre unités, l’Ecole du Rond-Point, l’Ecole de Valbenoîte, le Collège, le Lycée. Je ne peux m’empêcher de repenser à la disponibilité de tous, à la qualité de leur présence, au dynamisme insufflé dans les pratiques d’enseignement, tout simplement à leur conscience professionnelle, voire leur dévouement.

1 Bureau situé au siège du Groupe Scolaire ND de Valbenoîte - Le Rond-Point à Saint-Etienne dont j’assure la direction générale depuis septembre 2003. Auparavant j’étais déjà Chef d’établissement du Lycée depuis 1992, situé sur le site du Rond-Point, rue Francisque Voytier, jusqu’à son déménagement à Valbenoîte en 2003.

2 L'ensemble scolaire fait partie du réseau des établissements de la Tutelle des Frères Maristes. A ma nomination en 1992, je reçois une lettre de mission pour la direction du Lycée, et, en 2003, une lettre d’avenant pour ma nomination à la direction générale du Groupe Scolaire composé de deux Ecoles, du Collège et du Lycée.

3 Même à l'entretien préalable de licenciement le président de l'organisme de gestion – OGEC – n'a pas su me préciser en quoi consistait la faute, car, lorsque je lui demande "quels sont les indicateurs qui justifient la qualification de faute grave", il me répond laconiquement : "La définition est dans le code du travail. C'est la jurisprudence qui la définit"…

4 Cf Article paru dans La Gazette de la Loire n° 457 du 19 au 25 juin 2009, intitulé : « Mais que se passe-t-il à Valbo ? »

5 Commentaire posté le soir-même par un lecteur : « Au-delà de cette réhabilitation, c'est toute l'incompétence d'un directeur d'OGEC et le suivisme béat des responsables de l'APEL de l'époque qui sont enfin mis à jour.

Aussi le signe que les établissements catholiques doivent repenser en profondeur leur mode de gouvernance pour que de telles erreurs ne se reproduisent plus ».

6 Ironie du sort : le jour de cette publication se déroulaient les Journées Portes Ouvertes des Etablissements catholiques d’enseignement sous contrat de St Etienne.

7 Extraits d’articles publiés à la fin de cet ouvrage, en pages annexes : annexe n°1

8 CODIEC : Comité Diocésain de l’Enseignement Catholique

9 La baisse des effectifs scolaire s’inscrivait dans un phénomène plus général. En 1996, le Diocèse de Saint-Etienne comptait 35 196 élèves, en 2006 il avait diminué de 4 249 élèves, soit de 12 %, selon les statistiques établis par DEVENIRS dans son étude prospective. La baisse était la plus forte sur Saint-Etienne.

10 Population de Saint-Etienne : 223 223 en 1968 ; 199 396 en 1990 ; 180 210 en 1999, soit 19 186 habitants en 9 ans (9,6 %) ! En 2023 : 175 653 habitants

PARTIE I

Une mesure de licenciement pour faute grave, sans préavis ni indemnité

Chapitre 1

Chef d'établissement limogé sur le champ

J’ai attendu un an avant de me lancer dans l’écriture du récit de mon limogeage en 2009, le 19 mai à 19 heures. Quelqu’un peut-il croire que le procédé utilisé puisse être vécu dans un établissement catholique d’enseignement sous contrat ? Tout un chacun pense que cela ne peut se produire que dans une entreprise11.

Oui, c’est possible dans une institution catholique, je l’ai subi !

1. « Maintenant, vous me remettez vos clés ! »

- Bien entendu, vous devez aussi me remettre l’ordinateur et le téléphone portable, me dit Monsieur le Président de l’OGEC.

- Comment ? Vous plaisantez… Pour les clés, oui, mais concernant l’ordinateur et le téléphone, il n’en est pas question.

- Pourtant ils sont la propriété de l’établissement ?

- Tout à fait, mais il avait été convenu que je pourrais utiliser ces deux outils pour mon usage personnel. Je travaille énormément pour l’établissement à la maison, tard le soir, tôt le matin et les week-ends. Je tiens à récupérer toutes les données et les documents personnels qu’ils contiennent.

Surpris par ce refus, il balbutie, cherche ses mots, se tourne vers l’huissier, qui lui suggère :

- Vous pouvez accorder un délai, une quinzaine de jours peutêtre, vous pouvez fixer une date…

Il réfléchit puis il me dit :

- Bon, … entendu, vous avez jusqu’au 4 juin pour les restituer.

- J’ai également des affaires personnelles et des documents qui m’appartiennent dans ce bureau et à l’annexe du secrétariat. Je ne m’attarde pas ce soir, mais je tiens à récuperer ce qui m’appartient !

- Vous pourrez les récupérer plus tard en présence de votre remplaçante, Madame N.G., je lui demanderai de vous fixer un rendez-vous …

A cet instant, en entendant ce nom, je réalise encore mieux que tout avait été minutieusement prémédité, je suis écoeuré et je me sens trahi. Madame N.G. … Chargée de mission du directeur de l'enseignement catholique, ancienne collègue chef d'établissement, retraitée !

En octobre dernier, elle avait participé à la visite d'évaluation et s'était montrée odieuse, surtout à l'égard de mon adjoint. Elle avait co-signé le rapport de visite que j'ai d’emblée qualifié "d'instruction judiciaire en règle" contre le directeur. Rapport que j'ai d'ailleurs contesté.

- Au fait, dis-je alors, concernant les personnels enseignants, ils ont le statut d’agents de service public sur lesquels l’OGEC n’a aucune compétence. Ils sont sous l’autorité du seul Chef d’établissement en lien avec l’Inspection Académique et le Rectorat dans le cadre du Contrat d'Association.

- Je sais, mais toutes les dispositions ont été prises auprès de ces instances…

- Etonnant dis-je alors, étonnant … !

Relisons la chronologie détaillée de ce soir du 19 mai qui a abouti à cette remise des clefs et à une destitution qui s’apparenterait à un coup d’état en politique, un « putsh ».

Il devait être dix-neuf heures dix.

Mardi 19 mai 2009.

Tout a commencé dix minutes plus tôt.

J’avais rendez-vous à dix-neuf heures avec le Frère Délégué à la Tutelle Mariste représentant l’autorité de Tutelle pour sa Congrégation.

A dix-neuf heures précises, arrivant de la salle polyvalente où, avec une équipe enseignante j’accueillais de futurs élèves de sixième et leurs parents, m’approchant de mon bureau, j’aperçois dans l’obscurité le Frère et une autre personne que je ne connaissais pas, qui m’attendent.

- Bonjour, dis-je.

- Bonjour, je suis avec Monsieur B., Huissier de justice, j’ai une lettre à vous remettre en sa présence.

Sur le champ, je comprends que l’autorité de Tutelle me retire l’agrément… Je crois recevoir un grand coup de massue sur la tête mais je ne laisse rien paraître.

Quinze jours auparavant, j’avais eu une rencontre avec le Conseil de Tutelle, à l’issue de laquelle rien ne laissait augurer une telle décision, bien au contraire.

Entrez, dis-je, après avoir tourné la clé et ouvert la porte de mon bureau.

Je m’installe à mon bureau et j’invite le Frère à s’asseoir, il refuse et reste planté devant moi, livide, et, sans un mot, le regard fuyant, il me remet une enveloppe.

Au même moment, j’aperçois face à moi, l’huissier qui déambule autour de la table ronde où j'avais l'habitude de me réunir avec mon équipe, tenant un dictaphone engregistreur devant sa bouche, disant : " Le Frère remet en main propre une enveloppe à M. le Directeur, M. le Directeur ouvre l’enveloppe et en retire la lettre. Il est en train de lire la lettre … M. le Directeur vient de prendre connaissance de la lettre et le Frère Délégué à la tutelle lui demande de signer au bas de la lettre. Le Frère lui tend une deuxième lettre, lui demande de vérifier qu’il s’agit bien de la copie conforme de la première lettre et de la signer. »

Comme je l’avais deviné, il s’agit bien du courrier me notifiant le retrait d’agrément, sans aucun motif, avec effet immmédiat, signé par Le Frère Vicaire Provincial !

Deuxième coup de massue, mais je ne laisse toujours rien paraître, une pensée me traverse l’esprit : " Les s…, ils ont enfin obtenu ce qu'ils ont cherché ! "

C'était donc cela qu'à la réunion avec l'ensemble des personnels le 12 mai, il avait appelé "un signe fort" en réponse à la question d'un professeur qui lui demandait :

- Il y a quelques semaines vous nous avez dit qu'il y aurait "un signe fort", or, pour l'instant il ne s'est rien passé.

A ma grande stupéfaction, Le Frère laissant cette deuxième lettre entre mes mains, sans un mot et sans me regarder, plus livide que jamais, se dirige vers la porte et quitte le bureau, sans se retourner. Nous nous connaissions depuis 1974, il était encore étudiant, nous logions alors au même foyer tenu par les Frères maristes dans la banlieue de Lyon…

Pendant ce temps, l’huissier continue son manège autour de la table ronde, son dictaphone toujours devant sa bouche, il s’adresse à moi :

- Maintenant, vous allez recevoir la visite de Monsieur le Président de l’OGEC.

- Je ne souhaite pas le recevoir maintenant, lui répondis-je.

- Il a lui aussi une lettre à vous remettre, vous ne pouvez pas refuser.

- Ah bon ?

Pendant ce temps, me faisant l’effet d’un loup qui sort des bois où il s’était caché, Monsieur le Président de l’OGEC pénètre dans la pièce et vient s’asseoir devant mon bureau, lui aussi complètement livide, mal à l’aise, mal assis, sur une demi-fesse, un coude appuyé sur le rebord de mon bureau, le regard fuyant.

- Monsieur le Directeur, j’ai une lettre à vous remettre, dit-il, en même temps qu’il me tend une enveloppe.

Je prends l’enveloppe et procède de la même manière qu’avec le Frère Délégué à la Tutelle, l’Huissier continuant de tourner autour de la table ronde et d’enregistrer ses propres paroles…

J’hallucine en lisant :

" Faisant suite au retrait d’agrément par la Tutelle et au regard de vos agissements particulièrement graves et préjudiciables à notre établissement nous vous informons que nous sommes amenés à envisager à votre égard une mesure de licenciement pour faute grave, sans préavis ni indemnité, conformément aux dispositions du code du travail. (…) devant l’urgence et la gravité de la situation, nous avons pris la décision de vous placer en mise à pied à titre conservatoire dès ce jour, ce qui entraîne également la suspension de votre responsabilité académique sur l'établissement…"

Tout en lisant, je me faisais la réflexion que le Président de l'Organisme de gestion était enfin parvenu à ses fins : "Faire sauter le Directeur".

Je pressentais ses intentions depuis bientôt un an, depuis le conseil d'administration d'un certain sept juillet 2008 ! Quelques jours avant cette réunion, il avait déclenché les hostilités en m'adressant un courriel dans lequel, parlant du budget prévisonnel, il écrivait : " … cela montre un manque de discernement et une légèreté manifeste concernant votre responsabilité ".

Plus tard seulement, à peu près deux mois après, je prends connaissance de courriers qu'il a adressés à l'autorité de Tutelle dès octobre 2008 qui confirment explicitement ses intentions. J'ai même reçu des témoignages m'informant que Monsieur le Président l’OGEC cherchait à se débarrasser du directeur depuis deux ans déjà !

- Toutes les dispositions ont été prises auprès de ces instances…, m'avait-il répondu, parlant des autorités académiques.

C'étaient ses dernières paroles.

Plus aucune autre parole n'a été prononcée après que j'ai exprimé mon étonnement. "Etonnant…" lui avais-je répondu.

Le "cirque" mené par l'huissier s'est enfin arrêté, il était temps…

2. Sans au-revoir

Je me lève et, avec un calme qui me surprend moi-même, prenant soin de bien poser chaque geste, je range dans mon cartable les quelques affaires que j'emporte avec moi, l'ordinateur était déjà dans la sacoche puisque je venais de le ramener de la réunion d'information aux futurs élèves.

Comme chaque soir depuis six ans, en silence, le cartable dans une main, la sacoche avec l'ordinateur dans l'autre, je me dirige vers la porte de mon bureau de directeur général du groupe scolaire. Conscient que c'est la dernière fois que je pose ces gestes, je me retourne et pendant quelques instants je laisse mes yeux parcourir le bureau, les plantes vertes, les dossiers empilés ou rangés sur la table du fond, les placards et les trophées d’élèves posés au-dessus, les tableaux accrochés au mur du fond. Deux tableaux représentent une tornade, le troisième une grande colombe de la paix, un quatrième une ancienne représentation de l'hôtel de ville de Saint-Etienne, et deux photos, l'une de la statuette de la Vierge Marie de Lalouvesc, l'autre du Frère Henri Vergès assassiné à Alger, que j'avais connu. Je me retourne et je jette un coup d'œil sur l'autre façade où mes yeux rencontrent une dernière fois, situés juste au-dessus de la table ronde, une icône de Marcellin Champagnat éducateur avec un enfant à ses côtés, un portrait de Saint Marcellin Champagnat, fondateur des Frères Maristes, et une icône de la Vierge Marie.

Et voilà.

Je sors en dernier de mon bureau, j'entr'aperçois Madame S., la dame de service qui fait le ménage dans les bureaux de l'administration, elle passait la serpillère dans le couloir juste à l'entrée de mon bureau, juste un échange de regards – ses yeux sont interrogatifs12 - , je ferme la porte et tourne la clé à double tour. Je remets le trousseau au président de l'OGEC en le déposant dans sa paume, en même temps que j'éprouvais un très violent sentiment de répulsion et de franche antipathie à son égard. Je me suis même surpris à penser : "Pauvre type que tu es !"

Pas un mot.

Je n'emprunte pas l'escalier qui mène directement à la sortie, je traverse, escorté, tout le couloir de l'administration et je descends dans la cour. Là, je rencontre un professeur de Physique qui me demande où se passe la réunion de préparation de "Valbo en Fête", ce sont des parents qui le lui demandent.

- Au self, comme d'habitude, lui dis-je.

Sans plus m'attarder, sans un seul regard vers l'immense cour du collège et les bâtiments tout autour, je me dirige sur la droite vers la sortie qui donne sur la place de l'Abbaye, c'est là l'entrée officielle du siège du Groupe Scolaire, traversant sans émotion aucune le couloir situé sous mon bureau. Juste avant de pénétrer dans ce couloir, je lève les yeux et je jette un regard furtif sur les deux fenêtres de mon bureau et sur la statue de St Joseph dressée juste au-dessus de la porte.

Je suis accompagné du Président de l'OGEC qui se comporte comme un garde du corps me donnant l'impression de trottiner à mes côtés comme un toutou…

Quant à l’huissier et au Frère Délégué à la Tutelle, ils se sont volatilisés à la sortie de mon bureau.

Toujours sans aucune parole, sans m'arrêter en franchissant le portillon du n°10 de la Place de l'Abbaye, je me dirige vers le parking du Furan où se trouvait ma voiture.

Le forfait habilement et sournoisement anticipé est accompli : c’était en 2009, le 19 mai à 19 heures.

Je quitte cette institution dans laquelle je me suis très fortement investi dix-sept ans durant, sans dire un seul au revoir, ni à mes proches collaborateurs, ni aux personnels, ni à ceux d'entre eux qui sont devenus des amis, ni aux élèves, ni aux parents, ni aux personnes des nombreuses instances partenaires avec lesquelles j'étais en contact.

L'esprit de famille13 avait vraiment et définitivement quitté l'Institution.

Je ne peux m’empêcher de penser au récit de la Passion du Christ, au moment de la mise à mort de Jésus sur la croix « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ».

3. Mise en scène minutieuse

Aucun détail n’a été négligé.

J'apprends donc dans la soirée par le cadre administratif que dès que j'eus quitté l'établissement, Monsieur le Président de l’OGEC, accompagné du Trésorier, s'est empressé de changer la serrure de mon bureau. Le Trésorier devait sans doute être lui aussi tapi dans l'ombre comme un loup en attendant le signal de "son président", alors qu'il était censé être dans les murs de l'établissement pour participer à la réunion préparatoire de la fête du groupe scolaire. Ce personnage avait également eu des attitudes bien troubles durant les mois précédents.

Ils avaient même pensé à faire intervenir Monsieur F.B., le technicien chargé de la maintenance informatique pour supprimer mes accès au serveur de l'établissement et à mes boîtes aux lettres électroniques, et ce, dès dix-neuf heures.

J'ai compris a postériori pourquoi, vers 18h45, mon ordinateur s'est brutalement coupé et que j'ai eu des difficultés à le réactiver alors qu'il était en fonctionnement avec le vidéo-projecteur dans la salle polyvalente où je me trouvais avec un groupe de professeurs pour la mini-porte ouverte à laquelle nous accueillions les futurs élèves de sixième.

Nous nous connaissons bien, le technicien informatique et moi, il était d'ailleurs venu me saluer en arrivant en fin d'aprèsmidi comme il le faisait souvent lors de ses interventions régulières. Quelques mois plus tard je l'ai rencontré, il m'a dit n'avoir rien compris à ce qui se passait, qu'il était très ennuyé et qu'il avait même téléphoné à son chef d'entreprise, qui lui a simplement dit de faire ce qui lui était demandé… Le chef de son entreprise d'informatique, je le connais bien lui aussi, non seulement comme ancien parent d'élève très investi durant plusieurs années comme bénévole dans la comédie musicale mais aussi comme ex-membre de l'OGEC qui avait d'ailleurs déposé sa démission quelques mois auparavant en invoquant le manque de disponibilité, ce qui m’avait d’ailleurs interrogé… Peut-être avait-il compris ce qui était en train de se tramer. Le groupe scolaire lui doit beaucoup car comme spécialiste de l'informatique de réseau, en particulier en milieu scolaire, il nous a conseillés des années durant pour le déploiement très complexe de l'informatique administrative et pédagogique et cela à l'époque cruciale de l'introduction de l'informatique, alors que nous ignorions tout de cette technologie complexe, très coûteuse et en constante évolution.

Le technicien en informatique m'a dit aussi : " Qu'est-ce qu'ils s'imaginaient, que vous alliez revenir la nuit ? "

Que craignaient-ils donc ?

Le lendemain, tous les personnels de l'OGEC ont découvert dans leur boîte aux lettres de l'établissement une circulaire qui en dit long, et cela avant-même la réunion au cours de laquelle ils ont été informés du licenciement du directeur.

Devait-il être " dangereux ", ce directeur pour qu'on leur écrive le message suivant dans une note datée du 19 mai, c'est-à-dire du soir-même de mon éviction, signée de Monsieur le Président de l’organisme de gestion :

St Etienne, le 19 mai 2009

Note à l'ensemble du personnel OGEC

Il est rappelé à tout le personnel OGEC :

Que la divulgation de renseignements de quelque nature que ce soit ;

Que la transmission de tous documents ;

Que la réponse à toutes sollicitations écrites ou orales ;

A toute personne ne faisant pas partie

du personnel ou faisant l’objet d’une mesure

conservatoire sont formellement interdites et

susceptibles de faire preuve d’une sanction

pouvant aller jusqu’au licenciement.

Le président, Monsieur…"

Effectivement, rien n’a été négligé…

Tout a été anticipé y compris la gestion des interrogations et des peurs des personnels OGEC et de leurs réactions ; ceux-ci ont immédiatement été « muselés ».

J’ai su plus tard que plusieurs personnels auraient souhaité me contacter, mais ils étaient terrorisés à l’idée que cela se sache et par crainte de représailles de la part de l’OGEC.

Il ne fallait pas moins qu’une telle mesure d’interdiction de contact avec moi pour me couper totalement de toute relation professionnelle et sociale. Le forfait était définitivement accompli, le « crime » apparemment parfait.

Ils n'ont surtout pas omis de prendre leurs dispositions pour éviter la vacance de la direction. Tout était bien orchestré puisque dès le lendemain Madame N.G. a assuré ma succession.

Auparavant, je la côtoyais très régulièrement dans les divers groupes de travail réunissant des représentants des trois syndicats de chefs d'établissement du 2nd degré qui oeuvraient en lien avec le Conseil Général sur la question des subventions et du Cybercollèges4214, avec l'Inspection Académique sur les dotations horaires et le dispositif "Collègiens au cinéma"…

Je ne fus pas vraiment étonné que Madame N.G. fût désignée pour reprendre la direction dès le lendemain matin car elle avait déjà joué un rôle on ne peut plus ambigü lors de la visite d'évaluation au mois d'octobre précédent. J'y reviendrai plus loin. Sachant cette personne en première ligne, et qu'elle ait accepté de jouer ce rôle, mon sentiment de trahison et de dégoût n'est que plus aigu !

Madame N.G. a donc pris "mes" fonctions dès le lendemain au cours de la réunion générale de l'ensemble des personnels enseignants et autres, en présence du Délégué à la Tutelle Mariste, du Directeur diocésain, donc lui aussi bien informé déjà de la stratégie anticipée mise en place en toute discrétion, du président de l'OGEC. Le licenciement pour faute grave du directeur général a donc été annoncé à cette réunion.

Un document daté du 19 mai, signé par Monsieur le Président de l’OGEC intitulé « Communication à l’ensemble de la communauté éducative » a été remis aux personnels.

« Suite à la décision du 15 mai 2009 faisant suite au Conseil de tutelle de la congrégation des frères Maristes de France du 4 mai 2009, actant le retrait d'agrément de Monsieur Arthur Obringer pour l'exercice de la fonction de Chef d'établissement sur le collège et le lycée de Notre-Dame de Valbenoîte.

Cette décision emporte des facto l'impossibilité d'exécuter son contrat de travail au sein d'un établissement d'enseignement scolaire catholique.

Le Conseil d'Administration a décidé de retirer à titre conservatoire Monsieur Obringer Arthur de sa responsabilité Académique sur le lycée et le collège.

Le Conseil d'Administration a décidé de convoquer Monsieur Arthur Obringer à un entretien préalable de licenciement pour faute grave.

La responsabilité académique est confiée à titre provisoire à Madame G.N., ancien chef d'établissement et adjointe au directeur diocésain.

Monsieur S.C. représentant la Tutelle Mariste, assurera l'intérim et préparera la rentrée 2009/2010.

Je reste à votre disposition pour toute information complémentaire.

Un prochain comité d'entreprise extraordinaire se tiendra suivi d'un conseil d'établissement extraordinaire dans les prochains jours ».

Le Président L.C.

J’attire l’attention du lecteur sur la qualié de la langue française de cette lettre…

Cet événement a laissé de profondes traces comme en témoigne la lettre que Madame M.M., la Responsable du Cycle terminal du Lycée, membre de mon ancien conseil de direction, a adressée au Délégué à la Tutelle Mariste dans les jours qui ont suivi. Il est vrai que celle-ci étant enseignante sous contrat d’association n’était pas soumise au chantage de l’OGEC comme les personnels OGEC, donc n’avait pas une parole censurée. Par la force de sa personnalité, elle a décidé de ne pas se taire et de demander des explications.

A la suite du licenciement brutal de M. Obringer, permettezmoi de réagir.

Les faits doivent être d'une extrême gravité pour que vous procédiez à ce que l'on peut qualifier d'une véritable expulsion avec reconduite au portail de l'établissement, avec en plus changement de serrure de son bureau ?

Qu'est-ce qui justifie une mesure aussi brutale, sans attendre la fin de l'année scolaire, d'une personne que sa tutelle avait nommée et reconduite dans ses fonctions ?

J'espère qu'un jour nous aurons des explications claires.

En effet, lors des réunions où vous vous êtes présenté aux personnels de l'établissement vous n'avez jamais répondu aux questions qui vous ont été posées sur le futur de l'établissement alors que le scénario de la liquidation de notre directeur était vraisemblablement déjà écrit.

Je vous ai entendu parler de respect, d'accompagnement des personnes : votre attitude le mardi 19 mai en est-elle l'illustration envers une personne qui, quelles que soient ses imperfections, s'est dévouée corps et âme au groupe scolaire ? L'interruption aussi brutale d'un contrat de travail est-elle légale, estelle le reflet des valeurs maristes ?

Il semble que les mots n'aient pas le même sens dans votre communauté et dans la langue française.

Avez-vous mesuré l'impact d'une telle mesure sur les élèves, sur leurs familles, sur les enseignants et plus généralement sur l'image de l'établissement ?

Que répondre à des élèves de 17, 18 ans qui posent des questions sur les actes commis. Comment éviter les rumeurs sur la gravité des faits sans avoir d'éléments précis ?

N'était-il pas préférable, tout en annonçant un changement de direction, d'attendre la fin de l'année scolaire pour changer de directeur ?

C'est un véritable traumatisme que vous infligez à toute une communauté ; il a été difficile à un certain nombre d'entre nous de faire cours ce mercredi matin, les professeurs n'ayant pas cours à 8 h le mercredi 20 mai n'ont eu aucune explication, certains ont croisé ce lundi matin une nouvelle directrice sans être avertis.

Nous sommes un grand nombre de collègues à nous demander si, au-delà du directeur ce n'est pas l'établissement dans son ensemble qui est visé, alors même que le travail fourni par l'équipe pédagogique est reconnu et permet à des élèves de milieu modeste de réussir leurs études.

Ma réaction reflète un sentiment de colère, d'injustice, de gâchis que partagent beaucoup de collègues qui se sont investis pour cette institution.

Madame MM

Autre détail minutieusement pensé, quant au jour et à l'heure de l'éviction, qui n'ont pas été déterminés au hasard.

En effet, à la question que je pose à Monsieur le Président d’OGEC à l'entretien préalable du 28 mai qui a suivi :

" Est-il possible d'avoir des explications sur les modalités d'information de ce retrait et de la décision de la mise à pied mises en œuvre le mardi 19 mai à 19 heures ?" il me répond : "A 19 heures pour que cela ne se passe pas en présence d'élèves."

Le mercredi 20 mai précédait immédiatement le pont de l'Ascension inscrit dans le calendrier de toutes les unités du Groupe Scolaire.

C'était bien calculé, car le mercredi il y avait peu de professeurs présents au Collège et au Lycée et les Ecoles avaient déjà commencé le long week-end du pont de l’Ascension. Ce qui laissait peu de possibilités à l'ensemble du personnel d'envisager immédiatement une réunion plénière urgente.

De plus, ce matin-là, Monsieur T.D., mon adjoint, n'était pas non plus présent. Ils savaient par le calendrier hebdomadaire que je publiais en interne que ce jour-là il était en déplacement à Paris, qu'il ne risquait certainement pas d'apporter une quelconque contradiction ou contestation.

L'effet de sidération a donc joué à plein, l'acte commis a complètement réussi. L'ignominie a atteint son paroxysme, l'assassinat professionnel est parfait !

Quant aux familles des élèves, elles ont soigneusement été tenues à l’écart de la réalité de la situation et des turbulences occasionnées par ma brutale éviction : elles ont reçu une simple lettre datée du 25 mai, co-signée par Monsieur le Président de l’APEL, Monsieur le Président de l’OGEC et le Frère Délégué à la Tutelle :

« Afin de mieux répondre aux attentes des familles et des élèves dans notre établissement, Mme N.G. assurera désormais la fonction de directrice générale du groupe scolaire Notre-Dame de Valbenoîte.

Elle remplacera Mr Arthur Obringer jusqu’à l’arrivée du nouveau directeur général »

Aucune information sur le motif de ce changement, de quoi alimenter toutes les rumeurs possibles et imaginables !

11 Aujourd’hui même, ce 4 avril 2023, au moment où j’écris ces lignes, je viens d’entendre le témoigne d’un journaliste d’un hebdomadaire national réputé qui vient de le vivre. Extrait du JDD du 3 avril 2023 : « Dans un entretien accordé à l’AFP, le journaliste incriminé déplore une « violence inouïe » et précise qu’on lui a « interdit » l’accès à son bureau, qu’on le « prive de salaire », tout en ajoutant : « C’est quand un ouvrier brûle son usine qu’on fait ça. »

12 J’ai appris plus tard que Madame S., une dame qui m’appréciait, je crois, s’est tout de suite rendue auprès d’une de ses collègues à l’école primaire lui disant qu’il y a quelque chose d’anormal et de grave qui vient de se passer avec le directeur. J’ai su aussi que ces deux dames ont beaucoup pleuré le lendemain lorsqu’elles ont appris la nouvelle de mon éviction.

13 Le projet éducatif mariste repose sur un socle constitué de six valeurs dont "l'esprit de famille" : " Que dans un monde où l'exclusion se pratique chaque jour, notre esprit de famille nous conduise à accueillir le plus largement possible, de façon à conduire chacun au mieux de son potentiel d'homme grâce à un accompagnement professionnel et humain de la meilleure qualité " (extrait du TREM - Texte de Référence de l'Educateur Mariste). Ironie du sort : j’ai participé à la rédaction de ce texte quelques années auparavant !

14 En 2008/2009, le Collège ND de Valbenoîte était le seul établissement privé sous contrat retenu avec quatre collèges publics comme établissements pilotes pour expérimenter la nouvelle plateforme ENT adoptée par que le Conseil Général de la Loire. C'était une forme de reconnaissance de l'établissement par la collectivité territoriale. A ce titre, une documentaliste, la technicienne de laboratoire et moimême avons participé à des journées de formation et des réunions de mise au point. Madame N.G., comme représentante de l'enseignement privé diocésain a participé à plusieurs réunions et a, par conséquent, pu vérifier la volonté de mon établissement de s'approprier les nouvelles technologies à usage pédagogique.

Chapitre 2

Précipité dans le néant

En cette fin de journée du 19 mai 2019 , me voilà arrivé sur le parking du Furan, je monte dans ma voiture pour rentrer à la maison.

Je me trouve dans un état d’esprit très bizarre, avec un sentiment de vide total, une impression d’avoir été précipité au fond d’un grand trou noir. Sensation de néant.

1. Turbulences au fond du vide

Tout en conduisant, je ne réalise pas ce que je suis en train de vivre. De très nombreuses pensées m’envahissent, désordonnées, oui, j’ai bien lu dans la lettre « … au regard de vos agissements particulièrement graves et préjudiciables à notre Etablissement… », « … licenciement pour faute grave, sans préavis ni indemnité… » Quel contraste, alors que je sortais d’une rencontre très conviviale d’accueil, d’information et d’échange avec des futurs élèves incrits en classe de 6ème et de leurs familles, entouré des professeurs, des éducateurs, de la responsable du Secteur des Sixièmes et de la secrétaire de direction. Est-ce cela les agissements que l’on me reproche ? C’est quoi la faute grave ?

Oui, j’ai bien lu aussi « … devant l’urgence et la gravité de la situation… décision de vous placer en mise à pied … dès ce jour… ».

Y avait-il le feu ?

Depuis bientôt un an, j’avais pressenti que Monsieur le Président de l’OGEC, cherchait à me nuire mais jamais je n’aurais imaginé que je vivrais une telle « mise à mort », un tel « coup d’état », que je serais frappé d’une telle brutalité !

Je viens de me faire jeter dehors, expulser du bureau… Des images de l’arrestation de mon père par la Gestapo en mai 1942 me traversent l’esprit, un ressenti très désagréable d’impuissance m’envahit, des images de personnages habillés de noir qui m’ont ligoté et me passent par-dessus le bord d’une barque sur une immense étendue d’eau15.

Dix-sept ans de présence et d’implication très active dans la vie du Groupe Scolaire réduits à néant, aucune discussion, aucun remerciement, et voilà que je me fais éclabouiller comme une fourmi !

Je ressens intensément et douloureusement la violence qui vient de me frapper. C'est un assassinat, un assassinat professionnel prémédité et mené de main de maître..., commis dans un établissement catholique, en catimini, par des responsables qui se disent animés de la foi chrétienne, avec parmi eux un religieux mandaté par un Institut dont la mission est l'éducation sur les traces de Saint Marcellin Champagnat16.

Traité comme un criminel par ces gens- là. Mais pour qui se prennent-ils ?

Bravo Monsieur le Président de l’OGEC., bien joué ! Déjà en 2003, alors trésorier de l’OGEC, il s'était opposé à ma nomination de directeur général du Groupe Scolaire et menaçait la Tutelle de la démission de tout l’OGEC… Il a fini par obtenir ce que il cherchait ! Il a réussi à soudoyer, à manipuler de façon perverse et narcissique tout le monde : le Frère Délégué à la Tutelle, le Frère Vicaire Provincial, Monsieur le Directeur Diocésain, Madame N.G., la chargée de mission de ce dernier, Monsieur le Président de l’APEL – Association des Parents d’Elèves. Il a même recueilli la complicité de certains personnels, tel éducateur avec qui j’avais dû faire une mise au point ferme, trois professeurs parmi les plus anciens que je n’avais pas reconduits à la rentrée précédente dans la fonction de professeur principal.

Bravo ! Oui, c’est très bien joué !

Je me dis que l'Enseignement Catholique est tombé bien bas... Ses beaux discours sur la place publique et ses écrits sur la Personne humaine, c’est du vent, rien que du vent, une vitrine mensongère.

Une pensée traverse mon esprit : « En tout cas, Monsieur Monsieur le Président de l’OGEC, cela ne se passera pas comme ça, je n'ai rien à me reprocher surtout pas une faute grave, je ne vois d’ailleurs pas laquelle puisqu’elle n’est même pas précisée par manque de vérité et de courage des accusateurs, et je peux affirmer que tout cela sera dénoncé et que je ferai tout pour retrouver mon honneur et ma dignité ! »

C’est un vrai bouillonnement dans ma tête, et, au fur et à mesure que je me rapproche de la maison, je me pose la question de savoir comment je vais annoncer la nouvelle à mon épouse. Je devrai aussi informer mes trois enfants de ce qui m’arrive, les ménager, leur expliquer. Ma plus jeune fille prépare les épreuves anticipées du Bac, elle sera à la maison quand j’arriverai. Lui expliquer que demain matin je resterai à la maison…

2. Retour à la maison

En entrant dans la véranda grande ouvertesur le jardin, mon épouse est en train de faire du repassage. Je pose mon cartable et ma sacoche d’ordinateur, je tombe dans ses bras et je lui dis que je viens de me faire virer sans ménagement de mon bureau par le Président d’OGEC et le Frère Délégué à la Tutelle : « Ça y est, ils ont réussi à me faire tomber ! »

Elle savait les conditions de travail difficiles que je vivais ces derniers temps , notamment depuis l’automne lorsqu’elle avait pris connaissance du rapport de la visite de Tutelle dans le Groupe Scolaire, qui n’était rien d’autre qu’une mascarade, un vrai chiffon de trois à quatre pages, truffé de mensonges. Dans ce rapport elle découvrait avec étonnement que son mari apparaissait comme un personnage sans aucun trait commun avec ce qu’elle connaissait de lui.

Elle savait que j’avais rendez-vous avec le Délégué à la Tutelle. Comme moi, elle s’attendait à ce qu’il vienne avec peutêtre une proposition d’un autre poste, d’une autre mission. En effet, j’étais entré dans le mouvement de la mobilité vu le climat délétère qui m’était imposé et j’avais indiqué au Délégué à la Tutelle le nom des établissements et des directions diocésaines auprès desquelles j’avais déposé ma candidature. Je lui avais dit aussi que je serais tout à fait preneur d’une proposition de chargé de mission pour les trois dernières années de ma carrière professionnelle. Il m’avait dit qu’il suivrait cela, s’informerait de son côté et, le cas échéant, appuierait ma candidature. Donc la Tutelle des Frères maristes savait très bien que j’envisageais de pouvoir quitter l’établissement seulement trois mois après, elle a préféré choisir la méthode brutale pour se spérarer de moi sans attendre la fin de l’année scolaire et, par conséquent, elle s’est associée à l’ « assassinat professionnel »

Quand je dis à mon épouse quelle personne va me remplacer dès le lendemain, elle est outrée ! Cette Madame N.G. était donc de mèche, tout comme Monsieur le Directeur diocésain. Est-ce possible ? Madame N.G., collègue de mon épouse à la Direction de l’Enseignement Catholique de Saint-Etienne !

Je lui dis que je vais tout de suite informer les membres du Conseil de Direction du Groupe Scolaire, les responsables de secteurs du Collège et du Lycée et contacter Monsieur A.B., le conseiller juridique du Snceel17 qui travaille à la Direction Diocésaine de l’Enseignement Catholique – DDEC - de Lyon.

3. Reprendre mes esprits

Je m’installe à la table de la terrasse en contre-bas de la véranda, je reprends peu à peu mes esprits.

Impossible de joindre le conseiller juridique.

N’arrivant pas non plus à contacter Monsieur J.-M. L., délégué départemental du Sneel et très bon collègue chef d’établissement, je lui adresse un courriel le soir-même.

Appel téléphonique à Madame M.M., professeure et responsable du cycle terminal du Lycée, qui bien-entendu tombe à la renverse en apprenant la nouvelle. Le lendemain matin elle m’adresse un courriel : « Hier soir je n'ai pas pu trouver les mots pour t'apporter mon soutien face à ce coup de tonnerre, ils ont eu ce qu'ils cherchaient depuis longtemps !!

Nous sommes un certain nombre à être écœurés par ces actions que nous pensions d'un autre temps, par le peu de respect pour le travail que tu as fourni dans l'institution, pour ta personne.