Rouge Pastel - Eric Schmidt - E-Book

Rouge Pastel E-Book

Eric Schmidt

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Beschreibung

Un thriller au suspense haletant. Dans la forêt de Grésigne, au nord du Tarn, une jeune femme est retrouvée sauvagement assassinée. Ce meurtre n'est que le préambule d'une série de crimes exécutés selon des rites médiévaux par un mystérieux chevalier. Qui est-il? D'où vient-il? Que veut-il? Aucun lien ne semble associer les malheureuses victimes. L'inspectrice Gladys Coll est réquisitionnée pour enquêter sur cette ténébreuse affaire qui va la conduire aux méandres de l'enfer et dont nul ne sortira indemne.

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Veröffentlichungsjahr: 2022

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A Papa

Rouge Pastel » est une œuvre de fiction. Les personnages et les situations décrits dans ce livre sont purement imaginaires : toute ressemblance avec des personnages ou des événements existants ou ayant existé ne serait que pure coïncidence.

Sommaire

Prologue Jeudi 25 juin

Vendredi 26 juin

Samedi 27 juin

Dimanche 28 juin

Lundi 29 juin

Mardi 30 juin

Mercredi 1er juillet

Jeudi 2 juillet

Vendredi 3 juillet

Samedi 4 juillet Matin

Samedi 4 juillet Après-midi

Dimanche 5 juillet

Lundi 6 juillet

Mardi 7 juillet matin

Mardi 7 juillet après midi

Mercredi 8 juillet

Jeudi 9 juillet

Vendredi 10 juillet matin

Vendredi 10 juillet après-midi

Samedi 11 juillet

Dimanche 12 juillet

Lundi 13 juillet

Mardi 14 juillet

Mardi 21 juillet

Prologue Jeudi 25 juin

C’était leur premier jour de vacances. Cette année, ils avaient décidé de ne pas voyager loin de chez eux. On ne prend jamais assez le temps de connaître et découvrir ce qui existe à proximité. Ils avaient donc choisi de visiter leur département, et une semaine ne suffirait pas à explorer toutes les richesses que le Tarn peut proposer.

C’était une belle et chaude journée ensoleillée de juin. Un temps parfait pour découvrir un lieu unique, la presqu’île d’Ambialet.

Entre Albi et les gorges du Tarn, la vallée dessine une boucle de trois kilomètres formant une impressionnante presqu’île rocailleuse. Ambialet se niche sur cette langue de terre et dévoile alors son panorama spectaculaire.

Guillaume y était passé naguère, pour des trajets professionnels, et avait trouvé le site exceptionnel, vraiment splendide, et d’un intérêt remarquable.

Il avait donc décidé d’y emmener sa compagne, Stéphanie. Elle serait conquise par la beauté de ce site naturel. Elle raffolerait de cet endroit agréable et paisible. Elle se réjouirait d’être bercée par le cri des hirondelles, les coassements des grenouilles et le son du clocher. En outre, ils pourraient y trouver un peu de fraicheur, ce qui était loin d’être négligeable en cette période estivale.

Arrivés sur place, ils s’étaient sentis quelques instants un peu perdus, puis ils avaient assez vite appréhendé l’agencement du village. En levant les yeux, ils avaient surtout remarqué le magnifique prieuré perché sur les hauteurs de la commune. Et en traversant quelques petites ruelles, ils étaient tombés sur le discret panneau indiquant le sentier du patrimoine, chemin de croix, menant au prieuré par une courte randonnée.

Ils n’avaient pas prévu de faire beaucoup de marche, mais l’attrait du prieuré et la perspective de s’offrir une magnifique vue sur le méandre et la vallée les invitaient à emprunter ce petit sentier.

Stéphanie était vêtue d’une ravissante robe d’été rouge en mousseline. Elle était chaussée de sandales rouges à talons hauts, peu propices à la marche et aux excursions.

Guillaume avait lui une tenue plus adaptée à la promenade, même si ses baskets bleues n’étaient pas de véritables chaussures de randonnée.

Les deux amoureux s’aventuraient donc sur l’étroit sentier, au départ bien goudronné et peu pentu. Puis au fil des mètres, le chemin devenait caillouteux et ardu. Il devenait de plus en plus difficile pour Stéphanie de trouver les bons appuis.

Guillaume lui suggéra de rebrousser chemin, mais ils avaient déjà accompli la moitié du parcours, et la belle ne souhaitait pas avoir fait tout cela pour rien. Elle prit donc son courage à deux mains, et continua sa montée sur ce raidillon de plus en plus escarpé.

L’ascension n’était pas trop longue ; elle durait une trentaine de minutes et l’on pouvait s’arrêter au détour de chaque lacet devant les tableaux liturgiques rappelant les quatorze moments particuliers de la passion du Christ.

Devant chaque « station », les amoureux prenaient le temps de lire les inscriptions et de méditer. Ils pouvaient ainsi se remémorer les derniers jours de Jésus, de son procès jusqu’à sa mise au tombeau, en passant par sa crucifixion.

Après avoir excessivement transpiré dans cette difficile grimpette, les tourtereaux atteignirent enfin le parvis du sanctuaire du prieuré.

Sur leur gauche, apparaissait le monastère bénédictin en pierre de schiste qui malheureusement était fermé à la visite. Ils décidèrent de continuer à droite et se dirigèrent vers la petite église attenante au prieuré.

Sur l’esplanade, la vue sur la presqu’île était magnifique. Ils posèrent chacun leur tour devant le sublime panorama, et firent même plusieurs selfies afin d’immortaliser cet après-midi.

Puis ils décidèrent de rentrer se rafraichir dans l’église gothique, d’y allumer quelques cierges à l’intention de leurs proches et de profiter de la beauté des lieux.

Toute cette escapade leur avait donné soif. Ils avaient repéré une petite brasserie en plein air, au cœur du village. Il ne restait plus qu’à redescendre pour se désaltérer.

Ils allaient commencer leur descente, quand Guillaume s’aperçut qu’il y avait un parking, avec quelques véhicules garés. Il y avait donc un accès routier à ce prieuré. S’ils l’avaient su, ils seraient montés en voiture. Guillaume eut alors une idée à suggérer à sa compagne.

— Stéphanie, la descente risque d’être dure et dangereuse avec tes talons. Je te propose donc l’idée suivante : Je descends tout seul, je récupère la voiture et je viens te chercher directement ici. Qu’en penses-tu ?

— C’est une très bonne solution, acquiesça Stéphanie. Je ne me vois pas redescendre ainsi. Je vais me fouler une cheville.

— Bon, alors je vais y aller. Tu as bien ton téléphone chargé avec toi, au cas où, il y ait un problème ? demanda Guillaume.

— Oui, il est opérationnel, et j’ai même du réseau.

— Donc je pars et je fais au plus vite. Je pense être de retour dans vingt minutes. Ne t’ennuie pas trop de moi…

Guillaume embrassa tendrement sa compagne puis s’engagea dans la descente, laissant seule Stéphanie pour quelques dizaines de minutes. Stéphanie en profita pour aller se rafraichir aux toilettes publiques qu’elle avait repérées, puis s’assit sagement sur un banc à l’ombre d’un arbre centenaire.

Pendant ce temps-là, Guillaume dévalait le plus vite possible le chemin de croix, manquant de glisser et tomber à plusieurs reprises. Au bout d’une vingtaine de minutes, il retrouva sa voiture et s’engagea sur la route qui lui semblait monter au prieuré.

Les informations routières n’étaient pas très claires. Il hésita plusieurs fois entre différentes routes, mais au final trouva la bonne voie.

Une demi-heure après avoir quitté Stéphanie, Guillaume atteignait le parking du prieuré. Il n’y avait plus de voiture. Il se gara au plus près du monastère, descendit de sa voiture et appela d’une vive voix Stéphanie. Il n’eut pas de réponse. Il pensa alors qu’elle était peut-être revenue sur l’esplanade afin de contempler la vue et s’y rendit.

Elle n’y était pas non plus.

Il marcha alors vers l’église et rentra dans la paroisse. Il n’y avait personne. Pas la moindre trace de sa compagne.

Il ressortit, refit le même parcours en sens inverse, criant dans une cadence constante des « Stéphanie » de plus en plus forts.

Aucune réponse. Pas un bruit. Seul le souffle du vent et le chant des grillons dans la garrigue environnante. Guillaume s’empara de son téléphone et tenta ainsi de joindre sa compagne. Mais il tombait irrémédiablement sur la messagerie.

Il ne comprenait pas ce qui se passait. Il avait pourtant été clair. Elle devait l’attendre devant le prieuré le temps qu’il descende et remonte en voiture. Certes, il avait mis un peu plus de temps qu’escompté, mais pas de quoi changer de plan.

Peut-être avait-elle préféré finalement redescendre par le sentier. Mais dans ce cas-là, elle aurait cherché à le joindre pour l’avertir. Or, il n’avait aucune trace d’appel sur son téléphone.

Il ne savait plus ni quoi penser, ni comment agir.

Il se décida à revenir sur ses pas afin de refaire son parcours à l’envers. Il redescendit ainsi en voiture jusqu’à l’emplacement où il s’était garé et demanda aux quelques personnes attablées à la guinguette, s’ils avaient aperçu une femme en rouge. Ils répondirent tous par la négative. Il repartit alors au prieuré, fit plusieurs fois le tour du monastère et de l’église. Mais il n’y avait toujours aucune âme qui vive.

Après plusieurs heures de recherches infructueuses, et alors que l’après-midi était bien avancé, il se décida à contacter la gendarmerie nationale. Sur son téléphone, il trouva que le village d’Ambialet était couvert par la gendarmerie de Villefranche d’Albigeois. Il composa le numéro. La personne qui lui répondit prit ses coordonnées et lui demanda de venir effectuer son signalement sur place à la gendarmerie.

Guillaume rejoignit sa voiture et parcourut les dix kilomètres qui le séparaient de la brigade en un temps record.

Il trouva facilement la gendarmerie, y entra d’un pas décidé et commença à expliquer ses déboires à l’agent d’accueil.

Sa déposition ne semblait pas affoler énormément les brigadiers présents.

— Merci de décliner votre identité et celle de la disparue, lui demanda le brigadier-chef.

Guillaume s’exécuta sans broncher puis à son tour posa une question aux gendarmes.

— Allez-vous immédiatement entreprendre des recherches ? Ce n’est pas normal ce qui se passe. Elle a sans doute été kidnappée.

— Oh-la ! Vous allez vite en besogne, rétorqua le brigadier-chef. Dans la majorité des cas, les disparus disparaissent volontairement et réapparaissent dès le lendemain. Vous n’étiez pas fâché avec votre compagne ?

— Mais non, tout allait super bien. On s’aimait. On voulait se marier. Il ne faut pas perdre de temps et partir à sa recherche immédiatement.

— Doucement jeune homme. Nous avons des procédures et puis de toutes façons, il va bientôt faire nuit et on ne pourra plus rien faire. Si votre compagne ne donne pas signe de vie d’ici demain matin, veuillez-nous en avertir. Dans ce cas j’aviserai mon supérieur et on lancera vraisemblablement des recherches.

— Mais cela risque d’être trop tard, répondit Guillaume, affolé.

— Et bien, il fallait y penser avant, rétorqua le gendarme. Quand on tient à quelqu’un, on ne l’abandonne pas dans un emplacement notoirement connu comme lieu de rencontres de dealer de drogue mais aussi de prostituées. Votre amie avait peut-être une deuxième vie que vous ne connaissiez pas !!

Guillaume se leva brusquement. Il avait une irrésistible envie d’envoyer un coup de poing à ce brigadier indécent et insolent. Il put toutefois se contenir.

— Ma compagne avait une vie tout à fait normale. Elle est vraisemblablement en danger, et vous ne voulez pas l’aider. C’est affligeant. S’il lui est arrivé quelque chose de grave, j’espère que vous en aurez gros sur la conscience.

— Oh mon petit ! vociféra le gendarme. On ne nous parle pas comme ça. Vous nous appelez demain matin, pour nous dire qu’elle est revenue au bercail, et si ce n’est pas le cas, on verra. On ne vous retient pas. Vous pouvez rentrer chez vous.

Guillaume partit en claquant la porte.

Il décida de retourner au prieuré, avec l’espoir que Stéphanie soit réapparue.

Ses dernières recherches furent aussi vaines que les précédentes. Il se résolut à rentrer à son domicile ; la nuit allait être longue et sombre.

Vendredi 26 juin

Stéphanie se réveilla, ouvrit les yeux et découvrit avec effroi qu’elle était dans un endroit inconnu, sinistre et glacial, une geôle.

Elle ne se souvenait de rien.

Que faisait-elle ici ? Que s’était-il passé ? Elle essayait de rassembler ses derniers souvenirs mais c’était le trou noir. Elle ne savait pas s’il faisait jour ou nuit, si elle était là depuis longtemps ni pourquoi.

Elle se mit à sangloter longuement, puis essaya de se lever afin d’explorer son cachot. En levant la tête, elle s’aperçut qu’elle était maintenue par un collier de fer qui lui enserrait le cou. Le collier était relié à une chaine qui la maintenait prisonnière et l’empêchait de s’aventurer à plus de deux mètres.

Elle hurla sa douleur et son désarroi. Elle ne pouvait qu’entendre un écho lointain à ses cris désordonnés.

Stéphanie était emprisonnée dans un cachot de quelques mètres carrés, bordé de murs en vieilles pierres et fermé par une grille en fer qui servait d’ouverture. Il n’y avait aucune fenêtre, pas même de meurtrière. Elle était plongée dans le noir, la seule faible lueur venant de la grille. Le plafond était vouté et assez bas. Il n’y avait rien d’autre. Elle était couchée sur un vieux matelas peu épais.

Après avoir vaguement repris ses esprits, elle se souvint être montée voir le prieuré avec son petit ami Guillaume. Ensuite, il était reparti chercher la voiture afin de la préserver d’une descente hasardeuse. En attendant elle était passée aux toilettes publiques, puis s’était assise sur l’unique banc, proche du parking pour l’attendre. Elle se souvint avoir entendu des bruits étranges dans les fougères et broussailles derrière elle. Elle s’était retournée pour voir ce qui se passait, et puis ce fut le trou noir. Elle s’était alors retrouvée seule dans cette affreuse geôle.

Elle ne comprenait pas ce qui lui arrivait. Elle tentait de se dégourdir les bras et les jambes, quand tout à coup elle entendit les pas d’un individu devenir de plus en plus audibles.

Et soudain elle devina la silhouette de la personne qui sans doute la retenait captive.

A travers la grille à barreaux de métal, elle devinait un être humain vêtu comme un chevalier du moyen âge.

L’individu portait une cotte de maille en fer tressée, recouverte d’une tunique blanche avec une croix rouge en guise de blason. Son visage n’était pas identifiable car il portait un heaume, et ses mains semblaient recouvertes par des gants en peau de bête.

Stéphanie frémit en voyant cette personne ainsi costumée. Son pouls s’accéléra, des frissons envahirent tout son corps.

L’individu ne bougeait pas d’un iota. Il la contemplait fixement.

Stéphanie eut la force de parler la première à son ravisseur.

— Que me voulez-vous ? demanda-t-elle en sanglotant.

L’individu ne répondait pas.

Elle insista.

— Mais pourquoi suis-je ici ? S’il vous plait libérez-moi, vous avez dû faire une erreur.

L’étrange chevalier restait impassible.

Pendant de longues minutes, la jeune femme questionna son ravisseur, mais n’obtint jamais aucune réponse.

Et puis au bout d’une dizaine de minutes, le chevalier masqué prit la parole d’une voix grave et métallique, probablement déformée.

— Tu as fauté ma chère. Tu es coupable d’hérésie et tu en paieras le prix. Le jugement dernier permettra à ton âme d’être purifiée et ton corps souillé pourra rejoindre l’enfer.

— Mais vous êtes malade, hurla Stéphanie. Je n’ai rien fait de mal.

— Comme une hérétique cathare, tu as grimpé le chemin de croix dans une tenue indécente, afin d’aller te fourvoyer et proposer ton corps comme une répugnante marchandise du diable.

— Mais je n’ai rien fait de tout cela !!

— Tais-toi, infâme prostituée. Je t’ai bien vue dans ta tenue rouge provocatrice, accompagnée de ton proxénète venir offrir ton corps aux plus salaces des hommes d’ici. Tu as osé défier l’église dans un lieu de recueillement. Ton comportement irrespectueux doit être puni.

— Mais je ne suis pas une prostituée. Je suis venue me promener avec mon compagnon.

— Mensonge. Comme toutes les femmes de ton espèce, tu ne sais que mentir.

Stéphanie ne savait plus quoi dire. Elle était aux mains d’un fou. Elle reprit cependant la parole.

-— S’il vous plait, libérez-moi. Je ferai tout ce que vous voulez. Si j’ai commis des pêchers, je promets de tout faire pour les expier et mener une vie la plus convenable possible.

— Il est trop tard ma chère.

— Réfléchissez, je serais votre servante si vous le souhaitez.

— Tout cela n’est que promesses fallacieuses. Et je n’ai pas besoin de servante. Je reviendrai te chercher plus tard.

L’individu repartit. Le son de ses bottes claquant le sol résonnait de toutes parts. Stéphanie eut juste le temps de lui demander une faveur. Elle avait soif. Elle voulait boire. La réponse du chevalier fut cinglante : « Tu n’as plus besoin de boire maintenant ».

Elle hurla de toutes ses forces, espérant se faire entendre par quelqu’un qui passerait éventuellement près de son cachot.

Mais il ne se passait toujours rien. Pas un bruit autre que ses cris.

Stéphanie était une magnifique jeune femme qui venait juste de fêter ses trente ans. Elle était naturellement dégourdie et volontaire. Elle avait rencontré Guillaume il y a un peu plus de deux ans, alors qu’elle venait juste d’ouvrir son propre salon de coiffure. Guillaume était tombé sous le charme de cette ravissante demoiselle aux longs cheveux blonds aux boucles dorées. Stéphanie s’était laissé séduire, et depuis ils ne se quittaient plus.

Cela faisait déjà plusieurs dizaines de minutes que son ravisseur était reparti, la laissant seule dans l’expectative. Elle commençait à recouvrer ses esprits et à réfléchir à la suite.

Il fallait absolument qu’elle réussisse à s’échapper. C’était la seule issue pour rester vivante. Mais pour cela, il fallait au préalable se détacher de ce collier qui lui serrait trop fort la nuque. Elle passa plusieurs fois ses doigts autour de l’attache, et finit par s’apercevoir que cette dernière était fermée par une sorte de petite vis. Avec ses jolis ongles, elle entreprit de desserrer la vis afin de libérer l’étreinte. Mais son geôlier avait serré fort. Un par un, ses ongles se cassaient en effectuant la manœuvre. Elle n’avait plus beaucoup d’espoir quand enfin, après plusieurs échecs, un de ses derniers ongles encore valide réussit à dévisser la fermeture et à la libérer de ce collier.

Elle jubilait ; elle pouvait enfin bouger, mais le plus dur restait à faire : Sortir de ce cachot.

Elle retira ses chaussures afin de ne pas faire de bruit et les porta à la main. Elle s’avança vers la grille. A sa grande surprise, la porte n’était pas fermée à clé ; son système ne le permettait d’ailleurs pas. Elle passa la tête à travers la porte, jeta un coup d’œil à droite puis à gauche, puis s’engouffra dans un couloir très étroit. Dans la pénombre, elle réussissait malgré tout à s’orienter et progressait lentement, jusqu’à ce qu’elle bute sur les premières marches d’un escalier. Peut-être la dernière montée avant la liberté.

Elle monta délicatement l’escalier en pierre crasseuse, laissant derrière elle ce qui s’apparentait à une oubliette. Arrivée en haut de l’escalier, il y avait encore une trappe en bois à ouvrir, pour pouvoir s’évader définitivement de cette cave. Elle poussa la trappe de toutes ses forces. Celle-ci n’était pas non plus verrouillée, et elle se retrouva dehors dans un petit jardin rocailleux défraichi par la sécheresse.

Elle leva les yeux au ciel, regarda le soleil qui brillait. Il fallait maintenant remettre ses sandales afin de fuir au plus vite. Elle était fière d’être enfin libre. Elle se projetait vers la liberté, quand tout à coup elle sentit une main qui la ceinturait et une autre qui lui fermait la bouche tout en lui faisant inhaler un chiffon imbibé de chloroforme. Peu avant de s’évanouir, elle eut juste le temps d’entendre : « Tu as voulu voir le ciel et le soleil. Rassure-toi, d’ici peu, tu les verras d’encore plus près ».

Quelques heures plus tard, cessant d’être anesthésiée, Stéphanie se réveilla horrifiée.

Elle était attachée avec des cordages, les bras écartés sur une poutre en bois sur laquelle était inscrit le motif de sa condamnation, l’hérésie. Le patibulum, à savoir la partie transversale de la croix, était fixé au sommet d’un poteau planté verticalement dans le sol.

Stéphanie était tout simplement crucifiée. Autour du poteau planté en terre, on avait disposé de la paille, des fagots et des bûches, en alternance. Elle avait les pieds qui reposaient sur une estrade en hauteur, ce qui lui permettait de moins souffrir.

Son bûcher avait été dressé dans une petite clairière au milieu d’une forêt.

Elle ne pouvait pas crier. Son ravisseur, l’avait bâillonnée préalablement. Elle pleurait à chaudes larmes. Qu’avait-elle fait pour mériter une telle injustice, un tel sort funeste ? Elle espérait encore que tout cela n’était qu’une manipulation, que son bourreau ne passerait pas à l’acte.

Son tortionnaire, toujours habillé en chevalier de l’inquisition arriva quelques instants plus tard.

Il la regarda fixement quelques instants, se réjouissant de ce qui allait advenir de sa proie, puis il prit la parole :

— Il est encore temps, impie, d’expier tes péchés. Grâce à moi, tu seras totalement purifiée de tes fautes.

De son regard, Stéphanie implorait la pitié de son bourreau, espérant une ultime volte-face.

Le chevalier dit une dernière phrase en latin « Est tempus gratias tibi anima mea ad deum » puis sortit une boite d’allumettes de sa poche ; il en gratta une sur la bande marron ; la première s’enflamma immédiatement ; il se pencha alors pour l’approcher du bûcher puis mit le feu aux broussailles.

Le bûcher s’embrasa rapidement ; les flammes remontaient toujours plus haut et enflammèrent la robe rouge de la pauvre femme. Stéphanie fut brûlée vive dans d’atroces souffrances ; Une heure plus tard, il ne restait plus que des cendres et le corps calciné de la jeune femme.

Le chevalier était déjà parti. Il avait accompli son châtiment et s’en satisfaisait pleinement.

Samedi 27 juin

Gladys Coll hésitait entre deux robes : la rose ou l’orange.

Elle avait été choisie comme témoin au mariage de son collègue François. C’était un grand honneur pour elle, et elle souhaitait y mettre les formes.

Elle n’aurait jamais cru qu’il puisse trouver un jour la femme de sa vie, mais à sa grande surprise, cela avait été le cas ; et à présent c’était elle l’exception, la célibataire vivant désespérément seule. La solitude lui allait bien ; elle aimait les rencontres sans lendemain ; mais après trente ans, vivre seul paraissait toujours aux yeux des autres comme quelque chose de louche. Mais qu’importe ; c’était sa vie et elle la menait comme elle le souhaitait.

Elle avait finalement choisi la rose, une belle robe de cocktail assez courte pour attiser les regards des autres invités. Gladys adorait être désirée.

Elle avait rendez-vous à la mairie à 14 heures. Il fallait qu’elle se dépêche. François n’apprécierait pas qu’elle soit en retard, même s’il en avait pris l’habitude.

Elle pensait à son collègue François qui encore un an plus tôt n’arrêtait jamais de la draguer, sans espoir. Et puis un jour, alors qu’elle était en vacances, il avait été appelé pour une sombre histoire de cambriolage dans une galerie d’art d’Albi. La directrice de la galerie s’était fait dérober deux toiles de grandes valeurs. Grâce à la perspicacité et le flair de François, les deux tableaux avaient été rapidement retrouvés et la galeriste avait souhaité inviter François à dîner pour le remercier.

Le dîner s’était tellement bien passé qu’ils étaient réciproquement tombés sous le charme l’un de l’autre et dès lors ne s’étaient plus quittés.

Gladys avait été surprise qu’une aussi jolie et intelligente jeune femme qu’Angélique puisse tomber amoureuse d’un jeune inspecteur de police un peu gauche. Mais malgré un air pataud et emprunté, François était toutefois une personne assez raffinée et cultivée.

Et puis, en amour, il n’y a pas de recettes, il n’y a que des amoureux.

Après un an de vie commune, les deux tourtereaux s’apprêtaient donc à convoler en justes noces.

Comme à son habitude, Gladys arriva à la dernière minute. La cérémonie allait commencer, quand elle fit irruption dans la magnifique salle des mariages de l’hôtel de ville. Les futurs époux en sourirent, pendant que beaucoup d’autres invités dévoraient du regard sa tenue pour le moins provocante, rose des pieds à la tête, un chapeau fuchsia coiffant sa belle chevelure.

Les futurs époux échangèrent leur consentement sous le regard attentif et attendri de Gladys. Elle était vraiment ravie de voir ce couple s’unir. Ils semblaient tellement comblés, et leur complicité faisait plaisir à voir.

Quand la célébration fut terminée, on poursuivit par de nombreuses photos dans la cour en pierre rose de l’hôtel de ville. Gladys fut très sollicitée par les photographes. Elle s’en délectait.

Après la séance photos, l’ensemble des invités se retrouvèrent à l’orangerie albigeoise, un magnifique château se prêtant aux cérémonies les plus glamours.

Le vin d’honneur fut servi sur les pelouses du domaine. Un petit groupe de jazz donnait une ambiance festive et décontractée à ce moment mémorable. Les petits-fours et autres mignardises étaient succulents.

Gladys était heureuse d’être présente. Cela se voyait, et son visage lumineux attirait de nombreux prétendants voire même certaines prétendantes.

Après deux heures d’apéritif, les convives furent invités à passer à table. Gladys avait une place de choix, François avait voulu qu’elle soit juste à côté de lui. De l’autre côté, était assis, Philippe, un ami de longue date du marié. C’est ainsi qu’elle se retrouvait coincée entre un ancien dragueur aujourd’hui marié, et son successeur encore plus baratineur.

Philippe était sympathique et plutôt beau mec. Elle aurait pu céder. Mais il en faisait trop. Cela commençait à l’agacer. Elle profita du trou gascon pour se libérer et aller fumer sur la terrasse. Elle y rencontra Anna, meilleure amie d’Angélique, qui semblait aussi, avoir une attirance pour elle.

— Puis-je vous demander une cigarette, commença Anna.

— Avec plaisir, répondit Gladys, tout en lui présentant son paquet.

— Vous êtes une amie de François ? demanda Anna.

— Oui.

— Vous le connaissez depuis longtemps ?

— On travaille ensemble depuis environ cinq ans.

— Vous êtes de la police, alors ?

— Oui, pourquoi, est-ce gênant ?

— Non pas du tout ; c’est au contraire très excitant.

— Je ne vois pas ce qu’il y a d’excitant à travailler dans la police, rétorqua malicieusement Gladys.

— Ce n’est pas ce que je voulais dire, répondit Anna, l’air troublé. Je n’ai jamais rencontré d’inspectrice auparavant. Et je les imaginais plus viriles que vous. A vrai dire, vous êtes ravissante et c’est cela qui est excitant.

— Je peux vous retourner le compliment, osa Gladys. Et vous, vous êtes une amie de la mariée ?

— Oui, on se connait depuis très longtemps. Je suis contente qu’elle ait rencontré François. Il est très gentil et compréhensif. A vrai dire, depuis que je connais Angélique, je ne l’ai jamais vue sortir avec un garçon ou même une fille. On en parlait souvent, et elle me répondait qu’elle avait d’autres centres d’intérêts, qu’elle aimait être seule et qu’elle verrait bien un jour. Le jour où elle m’a présenté François, je me suis dit « chouette », « ça y est ! », elle va enfin découvrir les plaisirs de l’amour et du sexe.

— Vous avez été surprise que cela fonctionne entre eux deux ?

— Oui, au début, et puis je me suis dit qu’elle avait sans doute rencontré l’âme sœur, celle qu’on peut parfois chercher toute sa vie, sans la trouver.

— Vous semblez mélancolique quand vous me dîtes cela. Vous cherchez, vous aussi l’âme sœur, demanda Gladys ?

— Je ne me pose pas vraiment ce genre de questions ; je cherche des personnes qui me plaisent et à qui je plais. Si cela vous intéresse…

— C’est une déclaration de séduction que vous me faîtes ainsi, ou je me trompe. ?

— Pensez comme vous le souhaitez, je suis disponible ce soir.

Gladys se faisait ouvertement draguer par cette amie intime de la mariée. Elle n’aurait pas été opposée à passer un petit moment d’intimité avec Anna, mais c’était le soir de fête de François, et elle ne voulait pas gâcher ce moment, par une idylle malvenue et inopportune. Elle était venue pour célébrer les mariés ; pas pour ramener une femme ou un homme à la maison. Elle fit un grand sourire à Anna, écrasa sa cigarette et retourna à sa place pour la suite du repas. François était heureux de retrouver sa collègue et témoin à ses côtés et prit la parole.

— Tu as fait connaissance avec la délicieuse Anna ?

— Oui, elle est très agréable.

— Elle a dû te faire son numéro de charme ?

— Pourquoi dis-tu cela ?

— On la connait. C’est une vraie mante religieuse. Dès que quelqu’un lui plait, homme ou femme, elle fonce tête baissée. Elle te fait la cour pendant des heures jusqu’à ce que tu cèdes, ce qui est le cas pratiquement à chaque fois. Elle te ramène dans son lit, tu crois avoir trouvé la femme de ta vie, et le lendemain, tu déchantes, elle te jette comme une vieille m…

— Et bien moi, je ne suis pas dans son lit.

— Pas encore, la soirée n’est pas finie...

— C’est vrai, mais tu me connais ; moi aussi je suis capable de jeter après usage. Et puis tu m’as l’air de bien la connaître sur ce point. Tu as fait partie des testeurs d’un soir ?

— Ah non, ce n’est pas possible. Je ne l’ai connue qu’après Angélique, et je suis totalement fidèle à ma femme.

— J’espère bien, sinon tu vas entendre parler de moi, répondit Gladys dans un grand éclat de rire.

L’heure du découpage du gâteau de mariage approchait. Comme la tradition l’exigeait, les deux mariés se levèrent et s’approchèrent de la pièce montée. Angélique saisit un très long couteau que François lui brandit et commença la première à découper le gâteau, alors que l’heureux époux apposait ses mains au-dessus de celles de la mariée, dans un geste d’union et de protection. Gladys se retrouva ainsi seule pendant de longues minutes à devoir converser avec le fameux Philippe. Ce dernier n’avait pas désarmé et espérait toujours réussir à charmer sa voisine de table.

— Je vous ai vue fumer votre cigarette et discuter longuement dehors avec Anna. Elle ne vous a pas trop pris le chou, j’espère ?

— Non, pourquoi l’aurait-elle fait ? répondit Gladys de façon plutôt insidieuse.

— Quand elle est en chasse, elle peut devenir lassante et fatigante.

— Vous l’avez expérimentée ?

— Oui, il y a longtemps, on a eu une aventure éphémère.

— Et c’était bien ?

— C’était pas mal.

— Et elle vous a larguée. Et vous n’avez pas apprécié. Car vous n’êtes pas du genre à vous faire plaquer.

— Cela ne s’est pas tout à fait passé comme ça.

— Je ne suis quand même pas très loin de la vérité. C’est mon boulot de rechercher la vérité. Je pense même que vous auriez particulièrement apprécié de prendre votre revanche ce soir, en me séduisant au nez et à la barbe de votre ex petite amie.

— Non, détrompez-vous, vous me plaisez beaucoup. Pas de calcul de ce genre chez moi.

— Je vous trouve aussi très charmant, mais j’ai décidé de passer et de finir cette soirée en célibataire. A moins qu’on fasse un plan à trois.

— Et pourquoi pas !!

— Je plaisante ; c’était un joke. Mais si vous le souhaitez, on peut tout simplement discuter entre amis. Que faîtes-vous dans la vie mon cher Philippe ?

— Je dirige un cabinet d’assurances. Si vous cherchez un assureur fiable et bon marché, n’hésitez pas à venir me voir.

— Et vous connaissez François depuis longtemps ?

— Oui on était dans la même classe au lycée. On est devenu de vrais amis, et depuis ça continue.

— Pourtant, vous n’avez pas du tout le même style.

— On se complète. Sans forfanterie, j’étais le beau gosse du lycée et il est vrai que j’avais du succès auprès des filles. François lui était plus maladroit et avait plus de mal pour conclure. Mais, au final, le courant passait bien entre nous. Et maintenant c’est lui qui épouse une femme magnifique, et moi qui rame pour ne pas passer la nuit seul.

— Vous êtes jaloux ?

— Non, mais j’avoue que j’aimerais bien être à sa place ; et je me demande encore comment il a fait pour lui plaire.

— Je vais vous faire une confidence, moi aussi j’ai été surprise. Mais il y a un truc entre eux qui ne s’explique pas. On le voit à leurs regards. On sent une réelle osmose entre eux, une combinaison amoureuse improbable mais absolue. J’ai parfois l’impression qu’ils ne font qu’un et c’est troublant.