Sérénité - Marc-Jean Huillet - E-Book

Sérénité E-Book

Marc-Jean Huillet

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Beschreibung

Tout est calme dans la ville, alors que dans une église, on célèbre les obsèques d'une petite fille...

Seize heures sonnaient à l’horloge de l’église et une foule en sortait après la messe d’obsèques d’une petite fille.
Le nombre de personnes paraissait singulièrement dense, et un passant pouvait être intrigué par la présence inhabituelle de très nombreux enfants aux yeux rougis, comme ceux de certaines des mères qui les accompagnaient.
L’événement qui se déroulait allait laisser chez les participants un souvenir qui perdure assez longtemps dans les esprits.
C’était une ville où avait régné un calme sécurisant pendant des décennies, mais qui subissait depuis quelque temps des incidents précurseurs des mouvements qui allaient plus tard secouer le pays.

Un roman polyphonique troublant, qui flirte avec le fantastique.

EXTRAIT

Tout jeune il avait fait preuve d’une vivacité d’esprit qui avait sidéré sa maman, puis son entourage. Cela détonnait à une époque où l’on parlait aux bébés et aux jeunes enfants un peu comme à un bon toutou sans leur apprendre vraiment le langage pour éveiller très tôt leur intelligence.
Alors qu’il n’avait que quatre ans et demi et qu’il commençait seulement à parler, maman lui fredonnait une comptine à la mode dédiée aux enfants :
–Maman les petits bateaux qui vont sur l’eau ont-ils des jambes ?
–Mais non mon gros bêta, s’ils en avaient ils ne marcheraient pas...
Le bambin outré avait réagi :
–C’est pas vrai ! les bateaux avec les jambes ils peuvent monter sur la plage. C’est pas moi bêta !

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Seitenzahl: 75

Veröffentlichungsjahr: 2018

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Marc Jean Huillet

Sérénité

roman

Seize heures sonnaient à l’horloge de l’église et une foule en sortait après la messe d’obsèques d’une petite fille.

Le nombre de personnes paraissait singulièrement dense, et un passant pouvait être intrigué par la présence inhabituelle de très nombreux enfants aux yeux rougis, comme ceux de certaines des mères qui les accompagnaient.

L’événement qui se déroulait allait laisser chez les participants un souvenir qui perdure assez longtemps dans les esprits.

***

C’était une ville où avait régné un calme sécurisant pendant des décennies, mais qui subissait depuis quelque temps des incidents précurseurs des mouvements qui allaient plus tard secouer le pays.

La famille Vergelin était une famille ordinaire. Pourtant des événements hors du commun allaient perturber et enrichir leur tranquillité au point de leur donner dans cette petite ville une certaine célébrité.

Le père de famille, Hugues, avait épousé Hélène petite parente issue du village où habitaient ses propres grands-parents maternels. Ils s’y étaient connus assez jeunes, puis retrouvés régulièrement durant les vacances d’été. Leur mariage était l’aboutissement d’un lien tissé au fil des années, apprenant à se connaître bien et à s’estimer, amitié devenant de plus en plus sérieuse, puis amoureuse.

Hélène était la fille cadette d’une famille très simple dont les composants avaient des vertus à l’ancienne. Pas particulièrement attirée par les études elle avait pourtant réussi à décrocher son baccalauréat et commencé une carrière d’institutrice, avant de se mettre en disposition au bout de quelques années pour se consacrer pleinement à l’éducation de ses enfants.

La première naissance, un garçon prénommé Guy, se manifesta neuf mois après le mariage. La cadette, Maud, ne vint au monde que plusieurs années plus tard. Une troisième enfant Sarah fermait la marche de façon encore retardataire.

Ainsi la fratrie s’étalait quelque peu dans le temps, ce qui donnait un arbre assez original :

Les parents Hugues et Hélène avaient à peu près le même âge.

À vingt-deux ans Guy, l’aîné, voulait être chercheur et poursuivait de longues études.

La cadette, Maud, dix-huit ans se préparait au professorat de français.

La petite Sarah aurait bientôt onze ans.

De sorte que le grand frère servait aussi de père, et que la grande sœur jouait le rôle d’une autre mère pour l’enfant de onze ans. La petite Sarah bénéficiait ainsi de l’amour et de la complicité de deux pères et deux mères. Sans compter de tante Alice qui la couvait aussi.

La tante Alice sœur d’Hélène avait perdu son mari de façon tragique dans un incendie peu de temps après son mariage, et ne l’avait jamais remplacé. Mais elle gardait en elle une certaine joie de vivre et un bien-être qu’elle communiquait. Femme de bien toujours à l’écoute des autres, elle s’investissait dans des activités caritatives.

Elle avait réussi au bout de longues recherches à habiter tout près, et reportait toutes ses attentions sur son neveu et ses nièces, et portait à Sarah une véritable adoration.

–Maman, maman, Sarah est tombée !

–Où cela ? elle s’est fait mal ?

–Je ne sais pas, elle semble avoir perdu connaissance.

Ainsi commença la tragédie.

Hélène se précipita rejoindre sa fille Maud. Sarah avait été assise sur le trottoir, à demi consciente, apparemment sans avoir trébuché ou ni subi de choc.

Arrivée très rapidement l’ambulance des pompiers transporta l’enfant à l’hôpital où les premiers examens s’avérèrent négatifs. Le père alerté venait aussi d’arriver. Mais alors que se passait-il ? Les analyses médicales ne donnaient rien. Puis, examens complémentaires et autres analyses… et au bout de trente longs jours l’annonce finit par tomber, terrible. L’enfant était atteinte d’une maladie immune, rare, contre laquelle aucune recherche n’avait encore été effectuée, que l’on ne savait soigner.

Espérance de vie ? Oh malheureusement pas grand-chose, et bien difficile à quantifier. Il fallait s’attendre au pire. Heureusement la patiente ne souffrirait pas, aucun organe n’étant atteint, mais le corps s’affaiblirait lentement, progressivement.

La mère s’effondra. Sa fille Maud aussi, qui n’avait que dix-huit ans. Le père reçut le choc en stoïcien. Il n’était pas question de laisser sombrer son monde. Et il fallait faire bonne figure devant la petite qui ne se doutait de rien.

À la maison les activités habituelles avaient repris normalement, chacun retrouvant ses habitudes et ses occupations. Après trois jours de maladie Sarah avait récupéré toute sa vitalité, était retournée aux cours du lycée.

Mais la petite allait sentir de plus en plus qu’elle était atteinte d’un mal incurable car elle se sentait faiblir, et que curieusement l’on n’avait pas besoin de lui administrer de médicaments.

La situation posait problème. Fallait-il lui cacher la vérité jusqu’au bout ? Non. On décida après discussions que Sarah était apte à comprendre et à savoir, de manière à aller consciente vers une mort moins effrayante et plus douce. On ne lui dirait rien, mais on ne lui cacherait rien. On allait l’accompagner dans un cocon familial de tendresse, et lui rendre la mort la plus douce possible.

Et les faits allèrent encore plus vite que prévu.

Hugues

Tout jeune il avait fait preuve d’une vivacité d’esprit qui avait sidéré sa maman, puis son entourage. Cela détonnait à une époque où l’on parlait aux bébés et aux jeunes enfants un peu comme à un bon toutou sans leur apprendre vraiment le langage pour éveiller très tôt leur intelligence.

Alors qu’il n’avait que quatre ans et demi et qu’il commençait seulement à parler, maman lui fredonnait une comptine à la mode dédiée aux enfants :

–Maman les petits bateaux qui vont sur l’eau ont-ils des jambes ?

–Mais non mon gros bêta, s’ils en avaient ils ne marcheraient pas... 

Le bambin outré avait réagi :

–C’est pas vrai ! les bateaux avec les jambes ils peuvent monter sur la plage. C’est pas moi bêta !

La maman d’abord interloquée avait expliqué qu’il avait raison, mais que la chanson parlait mal, mais voulait dire que les bateaux n’ont pas besoin de jambes car même s’ils en avaient elles ne lui serviraient à rien puisqu’on les construit seulement, et seulement, pour aller sur l’eau.

–Alors pourquoi tu chantes ?... Et c’est pas moi bêta !...

Et voilà comment un bambin donne en quelque sorte une leçon de français à sa mère, genre explication de texte. Non mais !…

Mais ce qui étonna le plus la mère c’est ce qu’il avait voulu exprimer. Un enfant même beaucoup plus grand dira simplement : « Je ne suis pas bêta », mais lui : « C’est pas moi bêta », avec force, deux fois. Et si ce n’était pas lui...

Hugues se rappelait cet épisode car il avait entendu sa mère le raconter plusieurs fois dans la famille et même ailleurs, un peu comme s’il s’agissait d’un événement, propageant l’onde d’étonnement. Il s’en souvenait d’autant qu’après, certaines personnes le regardaient assez bizarrement… Qu’est-ce qu’ils avaient, ceux-là...

Il avait fait des études d’ingénieur durant sept années, cela bien que profondément littéraire et attiré par la poésie, et également musicien. Sa mère l’avait très tôt inscrit au conservatoire de musique de la ville, et aux cours de piano dès l’âge de sept ans.

Mais son orientation professionnelle fut tout autre, et la raison pourrait donner lieu à sourire. À l’époque la seconde partie du baccalauréat ne comportait que les deux options maths élémentaires ou philosophie. Mais cette dernière n’offrait pas alors de belles perspectives de carrière, limitées pour beaucoup par une question de numerus clausus et nécessitant pour l’installation des ressources financières importantes.

Le changement d’orientation professionnelle d’Hugues, inusité voire incongru, avait un autre motif. En classe de première il avait fait et tenu le pari de concocter avec deux copains de classe un petit journal d’étudiant en deux pages, dont certains parents avaient accepté de financer l’édition, avec des rubriques diverses, histoires amusantes, informations locales traitées sur un ton humoristique, ou encore polémique sur des sujets d’actualité, qui trouvait un très bon écho auprès des lecteurs, professeurs compris. Après défection de l’un puis de l’autre des apprentis journalistes, il en avait assuré seul avec succès la rédaction durant tout le second semestre.

Professeur de lettres et chef d’établissement conseillaient aux parents de l’orienter vers la profession de journaliste qui semblait particulièrement lui convenir. Mais pour cela il fallait faire une école de journalistes qui se trouvait bien loin, et le projet s’était heurté au veto de sa mère pour des motifs certes valables comme l’abandon des cours de musique et de piano pour lesquels il s’avérait doué. Décision qui n’était cependant pas totalement dénuée de préoccupations personnelles et financières.

De dépit, et un peu par défi, à la stupéfaction de ses parents et de ses professeurs il s’était rangé aux exhortations d’un ami d’enfance qui redoublait maths élem., et l’invitait à l’y rejoindre. Et voici comment un littéraire peut devenir matheux.

À propos du français qu’il avait profondément en lui, il s’était toujours étonné, puis agacé de l’utilisation du terme redoubler qu’il jugeait inapproprié pour désigner le statut d’un élève appelé à simplement doubler une année scolaire, et de voir l’expression utilisée par les enseignants eux-mêmes. Le suffixe re indiquant une répétition donc un acte à refaire, en bon français redoubler veut dire doubler à nouveau, c’est-à-dire tripler !