Shäomickya - Tome 2 - Laura Faly Rabesandratana - E-Book

Shäomickya - Tome 2 E-Book

Laura Faly Rabesandratana

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Beschreibung

Sachiko fait enfin la rencontre d’un membre de sa famille biologique, son demi-frère Lenwë, ainsi que les deux meilleurs amis de ce dernier, Myu-Thim et Keehyo. Elle se retrouve alors propulsée avec eux sur Komyah, l’autre planète si mystérieuse. Accompagnée de ces trois acolytes, l’adolescente découvrira peu à peu ce nouveau monde et en apprendra plus sur elle-même. Elle devra se préparer pour affronter le redoutable Sindar, son ennemi maléfique, et déjouer les nombreux pièges mortels qu’il lui tendra.


À PROPOS DE L'AUTRICE 


Après une période de remise en question, Laura Faly Rabesandratana publie ce livre comme une revanche sur la vie. Elle a su mêler son expérience, ses nombreuses lectures ainsi que son imagination débordante pour écrire son premier roman.

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Seitenzahl: 800

Veröffentlichungsjahr: 2023

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Laura Faly Rabesandratana

Shäomickya

Tome II

Découvertes

Roman

© Lys Bleu Éditions – Laura Faly Rabesandratana

ISBN : 979-10-377-9905-0

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Préface

Ma sœur est une personne sans compromis. J’ai toujours été impressionnée par sa capacité à dire oui ou non, mais pas peut-être, et encore moins, pourquoi pas. C’était ce qu’elle avait envie de faire, ou rien. Et c’était un mélange de choses rares, parfois à l’opposé l’une de l’autre, et difficiles à décrire.

Cet univers, c’est tout simplement la réalité que Laura a construite, loin du brouhaha des êtres humains et de la planète Terre, recluse dans sa chambre, penchée sur ses nombreux journaux intimes et cahiers de dessin… Elle pouvait passer des heures et des journées entières sans lever la tête, absorbée à matérialiser cette imagination sans fin.

Telle la petite sœur que vous ne souhaiteriez jamais avoir, j’ai tenté si fort de m’y infiltrer, dans cet univers. J’ai organisé des missions commando pour voler les fameux journaux, déchiffrer les cartes, les langages, les personnages qu’elle y décrivait… En vain.

Il a fallu que Sachiko prenne vie à travers ces deux tomes et tout l’univers qui l’accompagne pour que je comprenne, enfin, la vision qui anime ma sœur :

Le cheminement classique consiste à faire des choix. Scientifique ou littéraire, rouge ou noir, bien ou mal, vivre ou survivre… Mais en réalité, rien ne devrait s’imposer à nous ainsi. La liberté telle que nous l’avons communément définie nous donne l’incontestable pouvoir de conquérir sans compromis. La quête de cette liberté peut être longue et semée d’embûches, mais ce livre nous montre qu’elle peut être extrêmement révélatrice.

Shäomickya, c’est le récit époustouflant d’une quête vers soi. Celle de ma sœur, mais aussi la vôtre, la nôtre. C’est une quête semée d’embûches, qui emprunte au Japon ses valeurs et ses paysages, à la France ses maux et ses solutions, à Madagascar ses contradictions et sa tradition… Et à un tout nouvel univers construit sur des années de recherche littéraire et imaginaire, sa force et sa candeur. Ce récit nous ramène au plus près de nous-mêmes à travers ses personnages – leurs traits de caractère, leurs doutes, leurs luttes internes et les sentiments qu’ils vont développer.

Quelle est votre place dans la société ? Pourquoi c’est si dur de nouer de vraies amitiés ? Combien de temps ça prend ? êtes-vous fait pour ce monde ? Si non, est-ce que ça veut dire que vous êtes ici pour en créer un nouveau ? Et ce nouveau monde, sur quels idéaux s’appuie-t-il ? Quels combats demande-t-il de mener ? Êtes-vous prêts pour cette nouvelle aventure ?

Voilà toutes les questions que ma sœur vous pose. Le récit qui va suivre vous mènera à prendre de nouveaux chemins dans cette quête.

Bonne évasion,

Anouk Rabesandratana

The little sister

I

La rencontre

29 juin 8163, Nagoya, Japon

Cela faisait un an jour pour jour que la catastrophe de l’entreprise SenJu s’était produite. Ça faisait également un an exactement que Sachiko avait été sauvée par ce mystérieux inconnu dont, malgré ses recherches, elle ne retrouva que peu de traces. Les dix premiers mois qui avaient suivi sa tentative d’enlèvement par l’être maléfique, qu’elle n’était pas non plus parvenue à retrouver, furent extrêmement éprouvants pour l’adolescente.

Elle dut d’abord faire face à l’annonce du décès de ses parents adoptifs. Cette nouvelle l’affecta plus qu’elle ne l’aurait imaginé, regrettant surtout que ses derniers échanges avec eux aient été aussi froids. Sachiko s’était alors remémoré tous les bons moments, nombreux, qu’elle avait partagés avec eux depuis qu’ils l’avaient adoptée et se demanda comment cette distance avait pu s’installer peu à peu entre elle et ses parents. Suite à ce choc psychologique brutal, amplifié par le violent traumatisme qu’elle avait reçu à la tête, la jeune fille tomba dans une grave dépression, allant jusqu’à affecter ses pouvoirs qui semblaient avoir soudainement disparu. En plus de les avoir tous perdus, Sachiko était rapidement devenue très solitaire, se renfermant sur elle-même et étant toujours triste. Les médecins avaient alors préféré la garder en observation à l’hôpital. Elle y resta donc durant quatre mois, alternant entre les soins et les visites régulières du psychiatre. À cause de cet internement, pour lequel Sachiko n’avait même pas eu son mot à dire, l’adolescente ne put pas non plus participer au concert de mi-année de son lycée. Alors que c’était encore l’une des dernières choses qui arrivaient à lui remonter le moral, le fait d’en être privé ne fit que la déprimer davantage. D’autant plus qu’elle se sentit responsable de la déception éprouvée par Yumi, qui avait alors également annulé sa participation, refusant de monter sur scène sans elle.

Cette dernière, s’inquiétant pour elle, avait obtenu un droit de visite quotidien et lui était d’un grand réconfort. Elle était en effet la seule personne que l’adolescente acceptait encore de voir avec plaisir. L’équipe médicale s’occupant d’elle ainsi que le psychiatre la suivant avaient, eux, beaucoup de mal à gagner sa confiance et à se faire écouter. Heureusement, grâce à Yumi, Sachiko sortait un peu de ses idées noires et eut moins l’impression d’avoir tout perdu lors de cette catastrophe. Son état psychologique restait cependant très fragile. Le fait d’avoir encore plus de questions sans réponse et qu’aucun autre souvenir ne lui était revenu depuis cette nuit-là ne l’aidait pas à retrouver le moral. Son amie l’avait alors fortement encouragée à reprendre ses recherches sur ses origines, en particulier sur son sauveur ainsi que sur cet être malfaisant. Elle parvint finalement à la remotiver en lui affirmant que ces individus faisaient probablement tout pour la retrouver aussi. Yumi lui parla donc de la fois où elle avait cru apercevoir de loin l’hybride, à travers la fenêtre de sa salle de cours, traverser rapidement la cour intérieure de leur lycée pour en sortir. Elle lui apprit aussi que c’était certainement ce même inconnu qui l’avait prévenue par SMS qu’elle était à l’hôpital Aiikukei Byouin la nuit même de l’attaque. Ça devait d’ailleurs être la raison pour laquelle Sachiko l’avait senti fouiller ses vêtements, il devait probablement chercher son portable. Yumi pensait de cette façon occuper assez l’esprit de la jeune fille pour la sortir totalement de sa dépression. Étant très douée dans le domaine informatique, elle l’aida volontiers à retrouver les fichiers que les employés de SenJu avaient enregistrés concernant leurs expériences ainsi que sur le projet secret du directeur, M. Matsuo. Malheureusement, la quasi-totalité de l’équipement de l’entreprise avait été détruite durant l’attaque, si bien qu’elles ne retrouvèrent pas beaucoup de dossiers. Yumi fut néanmoins ravie en constatant qu’elle avait eu raison de la soutenir. Sachiko avait progressivement retrouvé goût à la vie, ses pouvoirs lui étaient également revenus au bout de trois mois et elle était désormais obsédée par la dernière phrase qu’elle avait entendue venant du mystérieux jeune homme : la promesse qu’il lui avait faite de la retrouver, juste avant de partir.

Après son quatrième mois d’hospitalisation, se sentant beaucoup mieux, l’adolescente avait alors demandé à sortir. Argumentant qu’elle avait fait son deuil, était complètement sortie de sa dépression et serait hébergée chez son amie Yumi, l’équipe médicale, qui la suivait depuis le début, avait accepté sa demande. Cependant, avant que la jeune fille ne quitte l’établissement, elle fut contrainte de suivre une femme d’un certain âge qui lui était totalement inconnue. Cette dernière s’était néanmoins très vite présentée comme étant l’épouse de M. Matsuo. Celui-ci, contrairement aux parents de Sachiko et à ses deux associés, avait miraculeusement survécu, mais se trouvait dans le coma. Sa femme avait donc pris le relais et, malgré les vives protestations de l’adolescente ainsi que de sa meilleure amie, avait finalement obtenu le droit de l’héberger chez elle. Sachiko n’eut alors pas d’autre choix que d’endurer, pendant les six mois suivants, les traitements inhumains que la femme, Mme Matsuo Eida, lui infligeait à longueur de journée. L’épouse du directeur, qui était également au courant de son projet secret, s’appliqua à le poursuivre, en dissimulant ses expériences aux autres. Elle utilisa le même puissant tranquillisant sur l’adolescente que celui dont s’étaient servis les cinq scientifiques sur Lenwë quelques mois auparavant et lui fit subir le même genre d’expériences insupportables. Mme Matsuo Eida avait également mis au point une substance lui permettant de réanimer très facilement Sachiko à chaque fois que son cœur s’arrêtait. Fascinée par les résultats de ses expérimentations et obsédée par l’idée de lui en faire passer toujours plus, elle ne laissait que peu de répit à la jeune fille. L’adolescente, trop affaiblie, n’avait même plus eu la force de se défendre. Bien qu’elle ait essayé, dans un premier temps, de s’évader, Sachiko avait fini par abandonner cette idée qui lui avait semblé irréalisable après un mois de tentatives ratées. Elle espérait seulement que Yumi trouverait un moyen de la faire sortir de cet enfer ou que son sauveur inconnu tienne sa promesse rapidement.

De son côté, Yumi s’activait effectivement à prouver les conditions abominables dans lesquelles vivait Sachiko chez Mme Matsuo. Ce ne fut, comme elle s’y attendait, pas facile à démontrer, la femme du directeur de SenJu parvenant toujours à dissimuler ses véritables actes et motivations. Même si elle avait dévoilé le projet fou, de créer des robots humanoïdes totalement autonomes et ayant leur propre volonté, du directeur de la célèbre entreprise, par manque de preuves, bien peu de personnes la crurent. À force de persévérance et grâce à ses aptitudes en informatique, Yumi réussit cependant, au bout de six longs mois, à prouver ses dires. L’adolescente était finalement parvenue à pirater le système de vidéosurveillance chez Mme Matsuo et avait alors diffusé les images des caméras en direct sur tous les réseaux sociaux durant l’une de ses nombreuses expériences insoutenables. Elle avait également réussi à télécharger les plans de construction des futurs robots puis les avait mis en ligne sur Internet. Scandalisés, les services de police s’étaient immédiatement emparés de l’affaire et avait rapidement sorti Sachiko de l’emprise de Mme Matsuo Eida. Cette dernière fut très vite jugée, puis emprisonnée dans une des prisons les plus sécurisées de Nagoya. Soulagée d’être enfin délivrée de son calvaire, l’adolescente avait chaleureusement remercié sa meilleure amie et réitéré sa demande de s’installer chez elle. Yumi, ainsi que ses parents avaient accepté avec joie. Après un mois de soins intensifs à l’hôpital Aiikukei Byouin, la jeune fille put donc enfin emménager avec son amie. Elle avait également repris très vite ses recherches, toujours aidée par Yumi, afin de retrouver le jeune homme inconnu qui l’avait sauvée ou, à défaut, celui qui avait essayé de l’enlever, mais toujours en vain. Cela faisait désormais exactement un mois que les deux adolescentes vivaient ensemble.

Lenwë, lui, venait tout juste, en ce jour du 29 juin 8163, de revenir sur Terre. Cette fois, Keehyo et Myu-Thim l’accompagnaient tous les deux. Il était plus déterminé que jamais à rencontrer sa petite sœur Siam et à repartir sur Komyah avec elle, en espérant que celle-ci le souhaitait également. Avant tout, les trois inséparables amis se renseignèrent sur la date et se rendirent vite compte que cela faisait un an qu’ils étaient partis.

— Ce décalage temporel est vraiment très perturbant ! Je crois bien que je n’arriverai jamais vraiment à m’y faire d’ailleurs ! s’exclama Keehyo.
— Oui, c’est vrai que ça fait toujours un peu bizarre ! approuva Lenwë. Pourtant, sur Saldaea, ça faisait tout juste une journée qu’on avait quitté la Terre, après la destruction de l’entreprise SenJu !
— Comment on va retrouver ta sœur maintenant ? lui demanda alors Myu-Thim. Après tout, en un an, elle a pu aller n’importe où !
— Et dire qu’elle était dans mes bras la dernière fois ! soupira Lenwë, qui ne perdait pas espoir pour autant. J’ai bien réussi à la trouver une fois, alors je peux tout à fait la retrouver maintenant ! En plus, je le lui ai promis ! avoua-t-il, en rouvrant son transplaneur pour le traverser à nouveau.
— Comment ça tu lui as promis ? Elle était dans les vapes, donc c’est assez peu probable qu’elle t’ait entendu, remarqua son ami cyborg.

Lenwë avait déjà traversé le portail, sans lui répondre. Il était visiblement impatient de la retrouver, ce qui était compréhensible. Keehyo le traversa donc à son tour, suivi par Myu-Thim. Une fois de l’autre côté, l’hybride expliqua :

— Je lui ai fait la promesse de la retrouver, la dernière fois, par télépathie, juste avant de la laisser aux ambulanciers. Et je suis pratiquement sûr qu’elle m’a entendu, assura-t-il.
— Et on est où, en fait ? le questionna alors Myu-Thim, qui n’avait aucune idée de l’endroit où ils avaient atterri.
— En fait, je me souvenais parfaitement du logo de l’ambulance qui l’avait prise en charge, donc j’ai simplement pensé à cet hôpital, l’Aiikukei Byouin, où Siam a été soignée. Ici, ils pourront certainement nous aider, lui répondit l’elfe-chat garou, très enthousiaste.

Les trois compagnons se dirigèrent alors vers l’accueil, Lenwë en tête. Il expliqua, en japonais, qu’il souhaitait connaître ce qu’il était advenu de Siam, en précisant son nom d’humaine Kinoshita Sachiko, après qu’elle a été amenée dans leur hôpital, à la suite de la destruction de l’entreprise SenJu. Après avoir écouté l’objet de leur venue, l’hôtesse d’accueil leur répondit :

— Ah oui, je vois très bien de quoi vous parlez ! Attendez ici une minute, je vais appeler le médecin qui s’est occupé de votre sœur. Il pourra vous informer mieux que moi.
— D’accord, merci beaucoup, dit Lenwë, avec le même enthousiasme.
— Tu crois qu’on peut leur faire confiance ? lui demanda alors Keehyo.
— Je ne vois pas vraiment quel intérêt ils auraient à nous empêcher de retrouver Siam. Après tout, maintenant que SenJu est détruite, je pense qu’aucun autre humain ne la convoite, répliqua l’hybride, parlant à nouveau en këmyahne.

Myu-Thim, qui n’était pas au courant des péripéties de son ami elfe-chat garou avec cette société, voulut en savoir un peu plus :

— C’est quoi le rapport entre ta sœur et cette entreprise ?
— Eh bien, pour résumer, les scientifiques de SenJu voulaient utiliser les capacités de Siam pour s’en servir afin d’améliorer leur propre technologie. Enfin, à vrai dire, je n’ai jamais su exactement en quoi leur fameux projet consistait, mais ça m’avait l’air assez douteux !
— Et tu t’étais fait capturer par eux la dernière fois que tu es venu sur Terre. D’ailleurs ils en avaient bien profité apparemment pour te faire subir leurs expériences ! ajouta Keehyo, d’un air un peu moqueur.
— Oui, enfin, ça, ce n’était pas utile de le préciser ! marmonna Lenwë, en lui jetant un regard noir.
— Et d’ailleurs, je t’ai aussi évité un magnifique vol plané quand Sindar a détruit SenJu ! continua le cyborg sur le même ton.
— Alors c’est Sindar qui l’a réduit en poussière ? s’étonna Myu-Thim. Mais comment il a su que Siam s’y trouvait ?

Avant que Keehyo ne lui réponde, car Lenwë s’était vexé, le médecin qui avait suivi Sachiko les interpella :

— C’est vous, je suppose, qui voulez avoir plus de renseignements concernant Mlle Kinoshita ?
— Oui, c’est exact, répondit immédiatement l’hybride en retrouvant son entrain. Nous voudrions simplement savoir si vous pouvez nous dire où elle vit actuellement ?

L’homme les dévisagea longuement un par un, en particulier Lenwë. Il semblait hésiter à leur donner cette information. Méfiant, il les questionna :

— Vous êtes de sa famille ? Ou des amis ? Excusez-moi pour ces questions, mais étant donné les récents évènements qu’elle a vécus, je préfère m’assurer qu’elle ne retombe pas entre de mauvaises mains.
— Oui, je suis le demi-frère de Siam, enfin Sachiko, commença l’elfe-chat garou. Mais qu’est-ce que vous voulez dire par récents évènements ? Enfin, à part la catastrophe de SenJu il y a un an ! s’inquiéta-t-il ensuite.

Le médecin sembla hésiter encore un instant, puis finit par s’expliquer :

— Alors vous n’en avez pas entendu parler ! Mlle Kinoshita a été hébergée par Mme Matsuo Eida, la femme du directeur de SenJu, il y a huit mois, juste après sa sortie de notre hôpital. Mais il s’est ensuite avéré que cette femme lui faisait subir des traitements absolument abominables ! Ça a fait tout un scandale !
— Quoi ? Mais maintenant, elle est où ? Ne me dites pas qu’elle est toujours chez cette femme !

Lenwë était choqué par cette nouvelle, tout comme Keehyo et Myu-Thim. Le médecin les rassura cependant :

— Non, ne vous inquiétez pas, elle n’y vit plus depuis deux mois. De plus, Mme Matsuo est actuellement emprisonnée, donc Mlle Kinoshita ne risque plus rien et va beaucoup mieux, je peux vous l’assurer.
— D’accord, heureusement ! Et alors où est-elle maintenant ?
— Elle a emménagé chez Mlle Ueno Yumi et ses parents il y a un mois. C’était sa demande et, puisqu’elle était guérie, nous l’avons accepté étant donné ses liens d’amitié avec elle.
— Mais bien sûr ! J’aurais dû y penser moi-même ! Super, merci beaucoup ! s’écria Lenwë soulagé. Si elle n’a pas déménagé depuis la dernière fois, je sais où elle habite alors.

Le médecin vérifia l’adresse de l’adolescente dans son dossier et la lui transmit. C’était effectivement la même.

« Cette Yumi Ueno avait donc bien reçu le message que je lui avais envoyé avec le portable de Siam, et elle la suit vraiment partout ! »pensa-t-il, rassuré.

Après l’avoir encore une fois chaleureusement remercié et salué, Lenwë ouvrit son transplaneur et le traversa pour se retrouver devant la maison de l’adolescente. Ses deux compagnons Keehyo et Myu-Thim toujours derrière lui. En sonnant à la porte, le jeune hybride se sentit un peu anxieux. Il se demanda quelle serait la réaction de sa sœur lorsqu’elle les verrait. Ce furent les parents de Yumi qui leur ouvrirent. Ils restèrent un instant stupéfaits en découvrant les trois inconnus, n’étant pas humains. Comprenant leur surprise, Lenwë prit la parole, en japonais, et les rassura :

— Bonjour. Nous sommes désolés d’arriver chez vous à l’improviste, mais soyez assurés qu’on ne vous veut aucun mal. Je m’appelle Lenwë, et voici mes deux meilleurs amis Keehyo et Myu-Thim, expliqua-t-il en les désignant. Je suis le demi-frère de Siam, enfin je veux dire Sachiko. J’ai appris qu’elle habitait chez vous et je souhaiterais donc la rencontrer. En réalité, ça fait très longtemps que je la cherche ! Est-ce qu’on pourrait la voir, s’il vous plaît ?

Le couple se regarda, hésita une minute, puis la mère de Yumi répondit, toujours hésitante :

— Bonjour. Excusez-nous de notre méfiance. C’est que nous ne nous attendions pas à une telle visite ! Et Sachiko a été très éprouvée ces derniers mois, donc nous ne voulons pas la perturber davantage ! Comment pouvons-nous être sûrs de pouvoir vous faire confiance ?
— Eh bien, comme vous pouvez le constater, j’ai une certaine ressemblance avec Si… Sachiko. De plus, vous avez certainement dû entendre parler de quelqu’un qui la recherchait, et cette personne c’est moi. Enfin, je ne suis pas celui qui a essayé de la kidnapper en détruisant l’entreprise SenJu, il y a un an, mais c’est moi qui l’avais sauvée cette nuit-là, argumenta l’hybride.
— Pourquoi l’appelez-vous Siam ? demanda alors le mari.
— C’est son véritable nom. Celui qu’elle avait avant que je ne sois obligé de l’envoyer sur Terre lorsqu’elle était encore bébé, pour sa protection, répondit immédiatement Lenwë.

Les parents de Yumi semblaient s’être un peu détendus. Son père déclara :

— J’ai une dernière question qui prouverait définitivement que vous êtes bien qui vous prétendez être. Sachiko nous a dit que celui qui l’avait sauvée, la nuit où l’entreprise SenJu a été détruite, lui avait parlé juste avant de repartir. Qu’est-ce qu’il lui avait dit ?
— Je me suis adressé à elle par télépathie en lui promettant de la retrouver très vite, répondit l’elfe-chat garou, ravi d’apprendre qu’elle l’avait effectivement entendu.
— C’est exact. Et vous aviez fait autre chose ?
— Oui, je me suis servi de son téléphone portable pour prévenir votre fille, Yumi, qu’elle était toujours en vie et soignée à l’hôpital Aiikukei Byouin.
— Exactement ! Eh bien, je dois dire que c’est un plaisir de vous rencontrer enfin ! Entrez donc, ne restez pas dehors, s’écria alors l’homme, d’un ton jovial.

Ils s’écartèrent pour laisser Lenwë, Keehyo et Myu-Thim entrer et leur indiquèrent le salon. Les trois amis s’installèrent dans le grand canapé d’angle en cuir noir. Les parents de Yumi prirent place en face d’eux, chacun dans un gros fauteuil confortable assorti. Ayant toujours été passionnés par Komyah et ses habitants, ils étaient très impressionnés de voir ces trois êtres extraordinaires chez eux. L’hybride, à la fois ravi et impatient, demanda :

— Où est Siam ?
— Elle est sortie avec Yumi il y a quelque temps. Elles se sont rendues encore une fois sur le site de SenJu pour tenter de trouver d’autres indices. Vous devez savoir que Sachiko, ou plutôt Siam, n’a eu de cesse de vous chercher également depuis aussi loin que nous la connaissons ! Et ça remonte à l’époque où elle et notre fille étaient en dernière année de maternelle ensemble ! Je suis donc persuadée qu’elle sera vraiment ravie de vous rencontrer quand elles seront rentrées ! expliqua la mère de Yumi.

Lenwë, qui ne pensait pas que sa sœur tenait à ce point à connaître ses origines, ne put s’empêcher de culpabiliser. Après tout, c’était aussi en partie de sa faute si elle avait vécu les 16 premières années de sa vie sur Terre et qu’elle était trop jeune pour se souvenir de quoique ce soit lorsqu’elle avait quitté Komyah. Il fut néanmoins heureux de l’apprendre et encore plus impatient. Le père de Yumi leur proposa alors :

— Vous souhaitez peut-être quelque chose à boire ou à manger en les attendant ? Ma femme est une excellente pâtissière et ses gâteaux s’inspirent tous de votre planète.
— Oui, c’est vrai que mon mari et moi-même sommes très curieux de tout ce qui se rapporte à Komyah. Mais je ne voudrais pas que vous vous sentiez obligés d’y goûter, ce n’est probablement pas le genre de choses que vous mangez habituellement.
— Eh bien, il est vrai qu’on a encore jamais mangé de nourriture humaine jusqu’à présent. Pour l’instant, je n’ai pas spécialement faim, mais je dois admettre que je serais curieux d’y goûter un jour. De ce que j’en ai vu, ça n’a pas l’air mauvais en général, répondit Keehyo, se demandant néanmoins à quoi pouvaient bien ressembler des pâtisseries humaines inspirées de Komyah.
— C’est très gentil à vous de proposer, mais personnellement, j’ai un régime alimentaire spécifique très particulier, donc je ne pourrai pas y goûter, expliqua Myu-Thim.
— Oui, merci beaucoup, mais ça ira pour moi aussi, nous avons déjà déjeuné, il n’y a pas longtemps, avant de venir ici. Mais sinon, je veux bien à boire, s’il vous plaît, demanda Lenwë, curieux de savoir quel goût pouvait avoir une boisson humaine.

La mère de Yumi se leva donc, désireuse de faire plaisir à ses invités imprévus, et revint un instant plus tard avec quatre bouteilles de limonade japonaise ramune, chacune ayant un parfum différent : framboise, mangue, pastèque et abricot.

— Je ne savais pas trop quelle saveur vous plairait, donc vous avez le choix, leur expliqua-t-elle en les posant sur la table basse devant eux.

Les trois amis s’en servirent donc chacun une et prirent le temps de les déguster. Bien qu’ils trouvèrent les saveurs assez étranges – à la framboise pour Myu-Thim, à la mangue pour Lenwë et à la pastèque pour Keehyo –, ils les trouvèrent agréables et désaltérantes. L’hybride elfe-chat garou demanda ensuite avec curiosité :

— Est-ce qu’on pourrait voir la chambre de Siam ?
— Mais bien sûr. Suivez-moi, elle se trouve à l’étage, lui répondit la mère de Yumi avec un grand sourire.

Tout en se levant de son fauteuil, la femme les invita à la suivre jusqu’à la chambre de l’adolescente. Ils montèrent l’escalier en colimaçon et ouvrirent la porte de celle-ci.

— Bon, je vous laisse. Vous préférez certainement avoir un peu d’intimité, c’est tout à fait compréhensible. Restez donc ici, Sachiko et Yumi ne devraient normalement plus tarder à être de retour. Je lui dirais alors de monter dans sa chambre et qu’une belle surprise l’y attend.
— D’accord, encore merci.

La mère de Yumi tourna les talons en refermant la porte derrière elle.

C’était une chambre assez spacieuse, avec un lit deux places, un grand bureau en angle et deux imposantes armoires au milieu desquelles un miroir était collé au mur sur toute la hauteur. Le trio remarqua immédiatement les trois épais bouquins sur Komyah posés sur le bureau de l’adolescente. Une partie des murs était recouverte d’articles parlant de la catastrophe de SenJu, de l’entreprise elle-même, de son directeur M. Matsuo et des quelques analyses de ses tests que l’adolescente avait réussi à récupérer grâce à Yumi. Cette dernière était en effet parvenue à sauver les rares données encore stockées dans les ordinateurs de l’entreprise malgré leur destruction. Elle avait également retrouvé certains résultats des expériences menées sur Lenwë, dont celui du test ADN prouvant qu’ils étaient de la même famille. Les trois inséparables amis observèrent avec attention ces articles pendant un instant. Le reste des murs de la chambre de l’adolescente était décoré de nombreux posters représentant différents groupes de musique. Lenwë, Keehyo et Myu-Thim, bien qu’ayant un grand intérêt pour la musique terrienne en général, n’en reconnurent aucun. Siam s’était également aménagé un mini studio d’enregistrement dans un coin de sa chambre. Une guitare basse était en effet soigneusement exposée sur son support. Elle était d’une belle couleur rouge et noir avec un manche en acier et des cordes brillantes. À côté, sur un grand pupitre en métal, était déposé un imposant classeur de partitions. Un micro ainsi qu’une énorme enceinte, visiblement tous deux de très grande qualité, complétaient sa panoplie. Brisant le silence, Lenwë lança à l’attention de son ami cyborg :

— Je t’avais bien dit que Siam m’avait entendu lui parler !
— Effectivement, tu avais raison, admit ce dernier.
— Vous ne m’avez toujours pas répondu en fait ! s’écria alors Myu-Thim, très curieux.
— Répondu à quoi déjà ? lui demanda l’hybride.
— Bah comment Sindar a su que Siam se trouvait dans l’entreprise SenJu alors qu’il ne pouvait certainement pas quitter son repère ?

L’elfe-chat garou soupira et se renfrogna. Keehyo répondit à sa place :

— En fait, en voyant les souvenirs de Lenwë, Иħåɐł nous a appris qu’il était suivi depuis le début par une goule et une chimère envoyées par Sindar. Elles avaient comme mission de l’espionner jusqu’à ce qu’il trouve Siam, puis de revenir prévenir Sindar après qu’il l’a retrouvée. En gros, Lenwë l’a cherchée pour lui aussi !
— Ah d’accord, je comprends mieux. Et tu ne les as jamais repérés, Lenwë ?
— Non, malheureusement ! Faut croire qu’elles s’étaient vraiment très bien dissimulées ! grogna l’hybride. Mais j’ai quand même ensuite réussi à empêcher Sindar de capturer Siam ! poursuivit-il, comme pour se rattraper.
— Oui, c’est vrai, ça devait être un coup de chance ! plaisanta Myu-Thim en rigolant.

Lenwë préféra ignorer sa remarque et changea de sujet :

— C’est cool, apparemment Siam est musicienne ! On pourra peut-être se remettre à la musique avec elle.
— Ouais, j’avais aussi remarqué sa guitare basse magnifique et son micro ! Il faudra lui demander de nous jouer un morceau à l’occasion, répondit Keehyo qui avait déjà hâte de l’entendre.
— C’est vrai que ça sera une bonne occasion de rejouer, si elle est d’accord ! admit également Myu-Thim, dont l’idée de jouer à nouveau l’enchantait.

Ils entendirent bientôt des bruits de pas montant rapidement les escaliers puis se rapprochant de la chambre. Le jeune hybride devina tout de suite que sa sœur était rentrée et s’apprêtait à apparaître. Il fut surpris de la voir traverser le mur plutôt que d’ouvrir la porte.

Dès qu’elle entra chez son amie, l’adolescente avait immédiatement repéré la présence des trois inséparables, mais ne les avait pas reconnus. Très intriguée, elle allait demander aux parents de Yumi qui d’autres étaient chez eux, mais ces derniers la devancèrent. La mère de son amie l’encouragea vivement à monter dans sa chambre, ne lui dévoilant rien d’autre à part qu’une surprise de taille l’y attendait. La jeune fille, étonnée, se hâta donc de monter. Yumi, voulant la suivre, fut néanmoins retenue par ses parents. Ceux-là lui expliquèrent qu’il valait mieux la laisser y aller seule, dans un premier temps. En arrivant dans sa chambre, Sachiko resta un moment figée. Elle était très loin d’imaginer une telle surprise. L’adolescente ne put détacher son regard de Lenwë, le dévisageant de ses grands yeux violets, pendant un long instant. Elle reconnut immédiatement l’hybride elfe-chat garou qu’elle avait libéré dans l’entreprise SenJu et qui s’était ensuite volatilisé, et fut heureuse de constater qu’il avait meilleure mine que la dernière fois qu’elle l’avait vu. Elle prit alors de temps de l’observer plus longuement que la première fois. Il était de taille moyenne, environ 1m70, estima-t-elle, assez musclé et avait deux queues touffues. Sa peau était recouverte d’une fourrure assez sombre, très brune, avec des rayures plus claires formant des lignes abstraites sur tout son corps. Il avait de petites oreilles pointues et une abondante crinière d’un bleu électrique entourait son visage fin. Ses cheveux mi-longs, lisses et soyeux, étaient en effet tout ébouriffés et semblaient indomptables. Sachiko était surtout hypnotisée par ses grands yeux jaunes en amande. Les mêmes qui l’avaient tellement marquée dans les visions qu’elle avait eues. Elle observa rapidement ses vêtements. L’hybride était vêtu d’une simple chemise à manches courtes en soie beige brodée de fines rayures dorées laissée ouverte, ce qui laissait entrevoir son torse athlétique, d’un pantalon en jean noir ayant de discrètes rayures obliques argentées presque invisibles et il portait des rangers. Une large ceinture en cuir entourait également sa taille, à laquelle était accrochée son épée. Seule la poignée de celle-ci dépassait de son fourreau. Elle n’était pas très longue, mais assez large, forgée dans une matière ressemblant à du cristal et sertie de nombreux diamants éclatants.

Son regard se porta ensuite sur les deux compagnons de son demi-frère. Bien qu’elle n’en ait jamais vu de ses propres yeux, la jeune fille devina tout de suite que Keehyo était un cyborg et Myu-Thim une goule. Tout comme Lenwë, ils étaient tous les deux musclés. Keehyo était néanmoins légèrement plus grand tandis que Myu-Thim était le plus petit du trio. Sachiko fut immédiatement charmée par la beauté étrange que dégageait le jeune cyborg. Il avait en effet un visage assez fin, quoique plus carré que celui de l’hybride elfe-chat garou. Ses yeux bridés d’un gris très clair et lumineux étant tout aussi hypnotisants que ceux de son ami. Ses cheveux lisses lui arrivaient presque aux épaules et étaient d’un noir absolu, ce qui contrastait avec ses yeux et sa peau également très claire. Ils étaient simplement coiffés en une demi-queue d’où quelques mèches rebelles retombaient devant ses yeux. Keehyo avait un teint très pâle, néanmoins rehaussé par des reflets chauds dans les tons jaune orangé. Sa peau était également lisse, sans aucune imperfection, et deux lignes droites légèrement bleutées débutant sous ses yeux semblaient descendre tout le long de son corps. Il était vêtu assez simplement, portant un débardeur gris très foncé surmonté d’une épaulette noire de chaque côté. Bien que le débardeur était fait dans une sorte de métal brillant extrêmement léger et les épaulettes dans un cuir souple, le tout formait une seule pièce, semblable à une armure. Ses avant-bras étaient recouverts par de larges bracelets en cuir noir, et son pantalon était également fabriqué dans cette matière. Lui aussi portait des rangers. À sa taille pendaient d’un côté son épée – minutieusement rangée dans son fourreau –, dont la poignée longue et fine était d’une jolie couleur vert émeraude translucide, et de l’autre côté un poignard en acier sculpté de motifs végétaux en or.

Myu-Thim, quant à lui, avait un visage plus rond, un peu enfantin. Sachiko crut même qu’il était encore adolescent. Ses yeux, assez grands et de forme ovale, étaient vert foncé à droite et bleu clair à gauche et deux petites canines très aiguisées dépassaient de chaque côté de sa bouche. Ses oreilles, comme celles des elfes, étaient petites et pointues, mais il en avait deux paires. Contrairement à ses deux acolytes, la goule avait des cheveux bicolores – gris et roux – courts remontant en un épi sur le haut de sa tête, qui lui faisait presque une crête. Sa peau bleu nuit était couverte par endroits de larges zones d’écailles, au niveau de son front, autour de ses yeux, sur les côtés de son cou ainsi que le dessus de ses bras. Lui était habillé avec un t-shirt en velours argenté, un pantalon en jean gris et des baskets remontant jusqu’à ses chevilles. Deux longues épées, aux manches noirs et rouges, étaient attachées en croix dans son dos. Sachiko, très surprise, reconnut aussitôt la goule qui était apparue au musée de Tokyo.

Elle reporta à nouveau son attention sur Lenwë. Ce dernier s’avança vers elle et la serra dans ses bras. Bien que surprise, Sachiko se laissa faire. Après s’être dégagée de son étreinte, elle lui demanda :

— Qui es-tu ?
— Alors, tu ne te souviens vraiment de rien ?
— Non. Enfin, j’ai bien eu quelques bribes de souvenirs qui me sont revenues avant d’aller à SenJu, et même quand j’y étais, mais rien de très précis. Et en plus je n’en ai plus depuis un an !
— Ah, et tu te rappelais quoi ? voulut savoir Lenwë.
— Pas grand-chose à vrai dire, c’était toujours très flou, je ne comprenais rien, mais tu étais toujours dedans ! Ou du moins, je crois que c’était toi, lui expliqua sa sœur.

L’hybride s’attendait exactement à ce genre de réponse et ne fut donc pas étonné. Il reprit, avec un large sourire :

— D’accord. Alors je vais t’éclairer un peu. Je m’appelle Lenwë. En fait, j’ai aussi un deuxième prénom, qui est Ķāɘł, mais dont je me sers assez rarement. Et je suis ton demi-frère. Et voici Keehyo et Myu-Thim, mes deux meilleurs amis.

Tout en parlant, il désigna le cyborg et la goule. Sachiko lui demanda alors, intriguée :

— C’était donc bien toi qui étais prisonnier à SenJu et que j’avais libéré ? Tu faisais quoi là-bas ?
— Euh oui, c’était moi en effet. En fait, je te cherchais depuis longtemps déjà et j’avais interrogé le directeur de ton lycée qui m’a appris que tu t’y trouvais.
— Mais comment ils ont réussi à te capturer ? voulut savoir l’adolescente.
— Il s’est fait bêtement piéger par les scientifiques de SenJu et n’a pas réussi à leur échapper ! intervint Keehyo, d’un ton moqueur.
— Ah d’accord, heureusement que je les avais surpris alors ! s’exclama Sachiko en rigolant.

Lenwë, vexé, préféra ne rien ajouter. La jeune fille, après avoir retrouvé son calme, s’installa sur son lit et voulut avoir plus de détails.

— Tu es vraiment un hybride ?
— Oui, je suis moitié elfe et moitié chat-garou. Mon père et ta mère étaient mariés, donc c’est pour ça qu’on est demi-frère et demi-sœur.

Perplexe, Sachiko le rectifia :

— Mais on a aucun parent en commun, alors comment on pourrait être de la même famille ?
— Ah eh bien, pour faire simple, ce n’est pas comme pour les humains. Chez nous, la façon de créer nos enfants est assez différente de celle des humains donc les enfants d’un même couple font partie de la même famille même s’ils n’ont aucun parent en commun. Comme toi et moi.
— Mais alors comment vous faites des enfants ? Sachiko était de plus en plus intriguée.
— Chaque individu, sur Komyah, notre planète, naît dans une capsule reliée à un ordinateur de bord individuel dans lequel sont entrées des données telles que la race ainsi que quelques attributs physiques du futur individu. Par exemple, pour un chat-garou, le fait d’avoir une fourrure, pour un elfe, d’avoir des symboles gravés sur sa peau, pour un cyborg, la particularité d’avoir deux cœurs, ou pour une goule, d’avoir un système digestif ne lui permettant de manger que des aliments crus. Mais les caractéristiques plus spécifiques comme le sexe, les pouvoirs, la personnalité et même la couleur de cheveux, des yeux ou de peau sont impossibles à prévoir et on ne les découvre qu’après la naissance.
— D’accord je comprends mieux maintenant. Donc ton père et ma mère sont tous les deux des elfes et nous ont fabriqués ?
— Oui, c’est exactement ça.
— Mais alors, pourquoi on est hybrides et pas simplement des elfes, comme eux ?
— C’est très courant sur Komyah les mélanges entre espèces. C’est un peu comme pour des humains d’origines différentes qui ont un enfant métis ensemble. Même si là encore, ce n’est pas tout à fait pareil. En fait, les deux individus d’un même couple ont le droit de faire des enfants avec quelqu’un d’autre uniquement si cette autre personne est d’une race différente de la leur. Cela permettant de faciliter et de multiplier les mélanges et également de créer de nouvelles espèces, celles qu’on appelle hybrides. Bien sûr, si ça se produit avec une autre personne de la même race, c’est perçu comme un adultère. En plus, un des avantages d’être hybride, c’est que, la plupart du temps, on hérite plus des points forts de chacune des deux espèces que de leurs inconvénients. Enfin, il y a des exceptions, mais elles sont rares. Évidemment, il est impossible de savoir à l’avance laquelle des deux races sera plus dominante que l’autre dans le processus d’hybridation. Pour nous, par exemple, mon père voulait un enfant hybride avec une chatte-garou, donc après en avoir rencontré une qui lui plut, ils me créèrent. Et quelques années plus tard, ta mère a fait la connaissance d’un humain qui lui a beaucoup plu donc elle t’a ensuite créée avec une partie de ses gènes. Mais pourtant, on ressemble tous les deux plus à des elfes.
— OK je vois. Et comment elle a fait pour moi ? Je veux dire comme mon père est humain, je suis quand même née dans une capsule comme vous ?
— Oui, il lui a simplement suffi de faire une prise de sang à ton père pour te transmettre après ses gènes, expliqua simplement Lenwë.

Écoutant avec beaucoup d’attention les explications de son demi-frère, Sachiko se dit alors que ses livres sur Komyah étaient bien incomplets. Elle n’y avait en effet jamais lu aucune information à ce sujet et se demanda quelles autres choses de cet intrigant monde ils ne mentionnaient pas, faute de connaissances suffisantes. Toujours aussi curieuse, elle lui demanda :

— OK. Mais elle était amoureuse de mon père ou du tien ?
— Ah ça, je crois qu’elle les aimait tous les deux en fait ! Mais tu lui demanderas toi-même quand tu la verras, si tu veux ! répondit l’hybride.
— Parce que je vais la voir ? demanda Sachiko, très intéressée.
— Oui, bien sûr ! Enfin, si tu veux bien venir à Komyah avec nous. On avait d’ailleurs prévu de repartir avec toi, lui avoua alors l’hybride. Mais si tu n’as pas envie de quitter la Terre, ce qui serait compréhensible puisque toute ta vie est ici, tu n’as pas à te sentir obligée de nous suivre, reprit-il.
— Mais bien sûr que je le veux ! Depuis le temps que je rêve de découvrir d’où je viens ! s’exclama la jeune fille très enthousiaste. On y va quand ?

Ne s’attendant pas à un tel entrain de sa part, Lenwë fut agréablement surpris par sa réaction. Il répondit alors :

— On n’a qu’à passer la nuit ici, si ça ne dérange pas ton amie et ses parents évidemment, et on partira dès demain matin.
— D’accord, génial ! Vivement demain dans ce cas ! s’écria l’adolescente ravie.

Elle s’adressa ensuite à Keehyo et Myu-Thim :

— Et vous deux alors, vous suivez toujours mon frère ?
— Oui, c’est vrai qu’on fait pratiquement tout ensemble, lui confirma le cyborg.
— D’ailleurs, on l’a aussi aidé à te retrouver, précisa la goule.

Faisant référence à son passage à Tokyo, dans le célèbre musée de l’autre monde, l’adolescente questionna Myu-Thim avec curiosité :

— Quand tu es arrivé au musée de Tokyo, comment as-tu su que j’y étais ?
— Je n’en savais rien, ou plutôt disons que j’avais un pressentiment que je pourrais y découvrir quelque chose d’intéressant pour pouvoir te retrouver. Mais je ne pensais pas que je tomberais directement sur toi ! admit ce dernier.
— D’accord, je vois, c’était un heureux hasard alors ! Mais j’espère qu’ils ne t’ont pas trop maltraité après que je sois partie. D’ailleurs, j’aurais bien voulu te parler plus longtemps ce jour-là, mais je n’ai pas pu.
— Ahah, non, ne t’inquiète pas pour moi, ils ne m’ont rien fait puisque je m’étais rapidement téléporté pour leur échapper. Mais ensuite, j’ai complètement perdu ta trace !
— Oui, ça ne m’étonne pas, Yumi et ses parents ont eu très peur sur le moment, donc on est rentrés très vite à Nagoya ! s’excusa Sachiko.

Se souvenant de la nuit où Lenwë l’avait sauvée, elle leur demanda ensuite :

— Et lequel de vous deux était arrivé quand SenJu a été détruite ? Je suis sûre de l’avoir entraperçu, mais je ne saurais pas dire qui.
— Ah, c’était moi, déclara Keehyo. J’avais rejoint Lenwë juste au bon moment pour vous protéger de l’onde de choc que Sindar avait provoquée en disparaissant.
— Sindar ? Qui est-ce ?
— C’était un elfe autrefois, mais c’est devenu un être indéfinissable et extrêmement dangereux ! C’était lui qui avait essayé de te kidnapper cette nuit-là. Et en fait c’était sa deuxième tentative ! expliqua Myu-Thim.
— Parce qu’il avait déjà essayé de m’enlever avant ?
— Oui, peu après ta naissance, il avait assailli notre château pour tenter de te ramener avec lui ! C’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai dû t’envoyer ici sur Terre. C’était le meilleur moyen de te mettre en sécurité puisque Sindar n’aurait pas l’idée de te chercher chez les humains avant longtemps. Et j’étais à peu près sûr de te retrouver avant lui, intervint Lenwë.
— D’accord. Mais puisque tu m’as toi-même envoyé sur Terre, pourquoi tu as mis autant de temps à me retrouver ?
— Je ne voulais pas prendre le risque que Sindar lise dans mes pensées le lieu où tu avais atterri, comme il est aussi télépathe, donc je ne savais pas où tu étais exactement. Et le temps s’écoule moins vite sur Komyah que sur Terre, donc ça nous a aussi pas mal retardés !
— Oui, enfin, c’est surtout sur Saldaea, qui est le territoire des chat-garous, que le temps s’écoule beaucoup plus lentement qu’ailleurs ! précisa Keehyo.

Sachiko acquiesça. Elle ne lui en voulait pas d’avoir mis toutes ces années avant de la retrouver, comprenant très bien ses raisons. La jeune fille était surtout heureuse qu’il ait tenu sa promesse. Toujours aussi curieuse, elle les questionna encore, en s’adressant aux compagnons de son frère :

— Vous deux, si je ne me trompe pas, vous êtes un cyborg et une goule, n’est-ce pas ?
— Oui, c’est ça, répondirent-ils en même temps.
— Pourtant il paraît que les goules sont très dangereuses et qu’on ne peut pas s’y fier !
— Ahahah même sur Terre vous avez cette mauvaise réputation ! s’exclamèrent Lenwë et Keehyo, en rigolant.
— Oui, c’est vrai, mais je ne suis pas comme les autres goules, expliqua Myu-Thim.
— Pourquoi ? Qu’est-ce que tu as de différent ?
— D’abord, j’ai le pouvoir de guérir n’importe quelle blessure, alors que les autres ne peuvent faire que tuer. Et ensuite je ne me nourris pas des espèces voisines, autrement Keehyo et Lenwë m’auraient déjà servi de repas depuis longtemps ! déclara-t-il.
— Ah ok je vois. Et vous avez quel âge au fait ?
— Toi, tu nous donnes quel âge ? lui demanda Lenwë par curiosité.
— Justement j’en sais rien ! Je sais juste que vous vivez beaucoup plus longtemps que les humains et que vous paraissez plus jeunes que votre âge réel ! répliqua la jeune fille.
— J’ai 150 ans, Keehyo 130 ans et Myu-Thim seulement 115. Je sais que, pour toi, ça paraît vieux, mais pour nous, on est encore assez jeune.
— Ouais, en âge humain, ça correspondrait à peu près entre 20 et 30 ans, ajouta le cyborg.
— Ah d’accord. Et moi alors, ça me fait quel âge sur votre planète ?
— Eh bien, comme ton âge humain est 17 ans, en âge elfique tu as à peu près 100 ans, calcula rapidement l’hybride.

L’adolescente réalisa alors une chose dont elle n’avait jamais eu conscience jusqu’à maintenant :

— Si mon père est humain, pourquoi tu ne m’as pas envoyé chez lui ?
— En fait, ton père est décédé peu de temps après que tu es née. Il travaillait pour une entreprise semblable à SenJu, mais dans un autre pays, la Corée du Sud. Il faisait partie d’un des rares convois de scientifiques humains autorisés à faire quelques prélèvements sur Komyah pour les ramener ensuite sur Terre. Mais en tombant amoureux de ta mère et en acceptant de donner ses gènes pour créer un enfant hybride humain, toi, il a enfreint le règlement de son entreprise, qui l’interdisait. Il a donc été immédiatement renvoyé quand ça s’est su. Peu après, on a appris sa mort. Officiellement, il aurait succombé à une crise cardiaque, expliqua Lenwë.
— Mais tu ne crois pas que ce soit vrai ?
— J’en sais rien. Il était en parfaite santé et encore assez jeune. Et puis, sachant que ça aurait fait un scandale, les autres scientifiques ont peut-être préféré l’éliminer avant qu’il n’en parle à d’autres personnes.

La jeune fille resta un moment silencieuse, repensant à tout ce qu’elle venait d’apprendre d’un coup.

Ils entendirent alors frapper à la porte. C’était la mère de Yumi. Elle les prévint que le dîner était prêt et qu’elle avait préparé assez à manger pour tout le monde. Keehyo s’exclama :

— Cool, on va pouvoir enfin goûter des spécialités humaines ! Jusqu’à maintenant, on n’en a jamais eu l’occasion, mais ça me tente bien.
— Vraiment ? s’étonna Sachiko. Eh bien ça doit être assez différent de ce qu’on mange sur Komyah, j’imagine, mais j’espère que ça vous plaira ! En plus, vous avez de la chance, la mère de Yumi cuisine super bien, ses plats sont toujours délicieux !

Elle se releva et sortit de sa chambre, toujours en traversant la porte plutôt qu’en l’ouvrant, bientôt suivie par son frère, le cyborg et Myu-Thim.

Le repas se passa dans une ambiance très conviviale. Yumi et ses parents, également très curieux de connaître un peu plus leurs hôtes et la planète Komyah généralement, ne purent s’empêcher de les assaillir de questions. Ces derniers leur répondirent avec plaisir et apprirent aussi certaines pratiques des humains, qui leur parurent parfois étranges. Ils apprécièrent finalement avec appétit le plat préparé par Mme Ueno : des ramen accompagnées de fines lamelles de bœuf de Kobe napées de sauce teriyaki et un assortiment de sushis et de sashimis, ainsi que des taiyakis fourrés à la pâte de haricot rouge en dessert. Au lieu de la forme traditionnelle de poisson des taiyakis, la pâte gaufrée entourant le fourrage avait une forme de feuille d’une plante très répandue dans le territoire elfique. Lenwë la reconnut très facilement et félicita la mère de Yumi pour sa ressemblance. Cette dernière, gênée par le compliment de l’hybride, ne sut quoi répondre, mais en fut touchée. Seul Myu-Thim, qui se nourrissait exclusivement de viande crue et de légumes, également crus, ainsi que de quelques fruits n’existant que sur Komyah, ne put profiter de ce festin. Cédant à l’insistance des parents de Yumi – très désireux de tous les satisfaire –, il se laissa finalement tenter par les sashimis, mais eut du mal à les apprécier, les trouvant trop fades. Sachiko lui demanda alors ce qui lui ferait plaisir de déguster, mais il douta que son régime alimentaire soit satisfait sur Terre. L’adolescente quitta alors la table quelques minutes et revint avec deux gros poulets entiers crus, tout juste décongelés. À leur vue, Keehyo et Lenwë éclatèrent de rire, sachant bien que ce n’était pas non plus ce que leur ami avait l’habitude de manger. La goule, comprenant la bonne intention de l’adolescente, fit cependant un effort et s’en contenta. Il admit même que ce n’était pas si mauvais. Tout au long de leur dîner, Lenwë avait remarqué que sa petite sœur avait déjà un grand intérêt pour Keehyo. Pouvant en effet ressentir les émotions des autres, l’hybride s’était assez vite aperçu que Sachiko était très curieuse de connaître davantage le cyborg. La jeune fille le trouvait à la fois beau physiquement, très intrigant et aussi mystérieux. L’hybride fut amusé du fait que son ami n’avait encore rien remarqué. Une fois le repas terminé, Sachiko retourna dans sa chambre avec Lenwë, Keehyo et Myu-Thim. Yumi, ne voulant pas s’immiscer dans leurs retrouvailles, resta volontairement en retrait avec ses parents.

Un dernier point, dont l’adolescente n’avait cessé de penser pendant leur repas, la tracassait. Elle finit donc par leur demander :

— Pourquoi, quand vous avez empêché ce fameux Sindar de me kidnapper après qu’il ait détruit SenJu, vous êtes tout de suite repartis sans moi ?

Lenwë, qui s’attendait à cette question, s’étonna qu’elle ne l’ait pas posé plus tôt. Il lui expliqua succinctement :

— Si j’avais pu, je t’assure que je t’aurais ramenée avec nous cette nuit-là ! Mais ce n’était pas encore possible, malheureusement. Keehyo et moi avons dû repartir très vite sur Komyah, plus exactement à Koryo. C’est une petite ville du territoire des chat-garous. Ma tante, qui nous hébergeait, y habite. Pour résumer, à ce moment-là, Myu-Thim n’était pas vraiment en état de se battre et ma tante, Иħåɐł, se retrouvait donc presque seule pour se défendre contre deux autres goules, qui nous recherchaient. On est d’ailleurs revenu juste à temps pour les secourir et repousser les deux autres. Et finalement, on a réussi à s’en débarrasser.
— Comment ça, s’en débarrasser ? Vous les avez tués ?
— Oui, c’est ça. On n’a pas eu le choix, mais finalement ce n’était pas très difficile. Et puis autrement c’est nous qui serions morts à l’heure qu’il est.
— Et il vous a fallu un an pour les tuer ?
— Non, ensuite, on a dû transporter le frère aîné de Myu-Thim, Syeâ-Minh, qui était très gravement blessé ailleurs, chez une personne capable de le soigner. On a toujours été proche également de lui donc on n’imaginait pas l’abandonner. Si on ne l’avait pas amené chez ce guérisseur, qui est apparemment le meilleur à Komyah, il serait mort maintenant. Et ensuite on est revenu aujourd’hui te chercher sur Terre. En fait, pour nous, tout ça s’est passé hier, mais c’est vrai que le temps chez les chat-garous s’écoule beaucoup plus lentement ! c’est pour ça que pour toi, ça a duré un an.
— Tu es en train de me dire qu’une journée passée dans le territoire des chat-garous, sur votre planète, équivaut à un an sur Terre ? s’exclama Sachiko.
— Oui, c’est ça. On n’a jamais su comment ce phénomène est possible, mais il existe depuis toujours, lui confirma Lenwë.
— Ah d’accord, je comprends.
— Tu m’en veux de t’avoir laissée ? lui demanda alors Lenwë, anxieux de sa réponse.

Sachiko réfléchit une minute puis le rassura :

— Non, pas du tout, tu avais une bonne raison alors je ne peux pas t’en vouloir. J’aurais même probablement fait la même chose à ta place. Et puis, tu m’avais promis de me retrouver et c’est le cas après tout ! déclara-t-elle en souriant.

L’hybride elfe-chat garou en fut soulagé.

Keehyo changea de sujet et demanda alors à la jeune fille, en désignant son instrument de musique :

— Elle est à toi cette guitare basse ? Tu sais y jouer ?
— Ah oui, bien sûr, c’est la mienne. J’ai commencé à apprendre à en jouer il y a plusieurs années, donc maintenant j’ai un assez bon niveau, lui répondit-elle assez fièrement.
— C’est génial ça ! Tu pourrais nous jouer un morceau ? la questionna Myu-Thim avec intérêt.

Commençant à sentir la fatigue la gagner, l’adolescente expliqua qu’elle n’avait pas eu l’occasion d’y retoucher depuis longtemps, à cause de tous les évènements liés à l’entreprise SenJu, et préféra donc leur faire une démonstration plus tard, lorsqu’elle aurait eu le temps de s’y entraîner à nouveau. Compréhensifs, les trois amis n’insistèrent pas. Sachiko installa ensuite deux matelas par terre pour Keehyo et Myu-Thim, et proposa à son frère de dormir avec elle. Son lit étant assez grand pour deux personnes, ce dernier se glissa donc dedans, à côté de sa jeune sœur. Sachiko se blottit contre lui et ne tarda pas à s’endormir ; elle voulait être en forme pour le lendemain.

II

Piégés

Le lendemain matin, dès leur réveil, Lenwë, Keehyo, Myu-Thim et Sachiko se préparèrent donc à repartir sur Komyah. L’hybride posa une question qui sembla étrange à l’adolescente, mais finalement elle le comprit :

— Juste pour que ce soit plus pratique pour nous, tu préfères qu’on t’appelle Sachiko ou bien Siam ?
— Siam ? Sindar aussi m’avait appelé par ce nom, et je n’avais pas compris pourquoi !
— C’est ton véritable nom, enfin ton nom elfique si tu préfères. Comme pour moi, Lenwë est mon nom elfique et Ķåɘł est mon nom de chat-garou. Mais je n’en utilise très souvent qu’un, comme tous les hybrides.
— Ah d’accord. Alors, vous pouvez m’appeler Siam, déclara l’adolescente après réflexion. Il faut bien que je me fasse à mon prénom elfique après tout.

Les trois amis acquiescèrent.

Yumi, qui était très curieuse de découvrir la planète Komyah, leur demanda si elle pouvait les accompagner.

— Eh bien, ça risque d’être dangereux pour une simple humaine comme toi de venir avec nous. Comme tu es entièrement humaine, tu pourrais être assez mal accueillie la plupart du temps, car les humains sont peu appréciés sur Komyah en général. Et puis rien n’est vraiment adapté, sur notre planète, pour te permettre d’y vivre longtemps, expliqua gentiment Lenwë.
— C’est vrai, même notre nourriture ne te conviendrait pas, ajouta Keehyo.
— Sans oublier que l’atmosphère aussi est différente de celle de la Terre ! L’oxygène y est beaucoup plus rare donc tu auras sans doute des difficultés à respirer. Elle est aussi chargée de particules irritantes pour la peau fine des humains. Pour Siam, c’est un peu différent, puisqu’elle est à moitié une elfe, elle s’y habituera rapidement. Mais toi, tu ne survivrais pas très longtemps, précisa Myu-Thim. Et je t’imagine assez mal être contrainte de rester en combinaison spéciale pendant tout le temps où tu y serais.
— Ah d’accord, je comprends. Il vaut mieux que je reste ici alors, concéda l’adolescente, qui eut bien du mal à cacher sa déception.

Sachiko, elle aussi, regretta que sa meilleure amie ne puisse pas les suivre. Elle demanda alors à son frère :

— Mais il n’y aurait pas un moyen pour pouvoir continuer quand même à communiquer avec Yumi ?

Celui-ci réfléchit un instant. Puis il ouvrit sa main, et fit apparaître instantanément un petit objet semblable à un téléphone. Il s’adressa ensuite à Yumi en le lui tendant :

— Ceci est un transmetteur portable permettant de communiquer entre nous. En général, on communique plutôt par télépathie, mais parfois on peut être obligé de se servir de ce transmetteur. En fait, c’est un peu le même principe que vos téléphones portables, mais plus simple : tu n’as qu’à appuyer sur le bouton du milieu pour sélectionner la personne que tu veux joindre, sur le droit pour nous appeler ou répondre à un appel et sur celui de gauche pour raccrocher. Et l’écran permet de se parler en se voyant, comme si on était face à face. Chacun de nous en a un, et j’en donnerai également un à Siam. On est déjà enregistré dedans. De cette manière, on restera toujours en contact.
— D’accord, j’ai compris, ça a l’air très simple. Merci ! s’écria Yumi en prenant délicatement l’objet dans ses mains.

Elle était ravie de savoir qu’elle pourrait toujours appeler sa meilleure amie à n’importe quel moment et de posséder quelque chose venant de la planète Komyah.

— Ce n’est pas fragile, ne t’inquiète pas ! Tu ne risques même pas de réussir à le rayer ! précisa Myu-Thim, amusé de la voir prendre autant de précautions.

Yumi rangea précieusement le transmetteur dans sa poche.

— Bon, je voudrais pas paraître pressé, mais il serait temps de rentrer, déclara alors Keehyo.
— Oui, allons-y ! J’ai vraiment hâte de découvrir Komyah ! s’exclama Sachiko, surexcitée.

Lenwë sourit en la voyant si impatiente. Après avoir à nouveau remercié Yumi et ses parents pour leur soutien, et fait leurs derniers au revoir, l’hybride ouvrit son transplaneur, en pensant à son palais royal dans la capitale elfique, et le traversa. Sachiko, intriguée, s’avança doucement jusqu’à la limite du portail et tendit la main vers sa surface brillante. Elle était lisse et froide. L’adolescente inspira un grand coup, recula de quelques pas puis s’élança dedans.

— Elle a pris trop d’élan ! Elle va se ratatiner par terre en arrivant de l’autre côté ! s’écria Myu-Thim en réprimant un fou rire.
— Mais elle n’est pas censée savoir ça et on ne le lui a pas précisé ! lui répondit Keehyo avant de le traverser à son tour.

La goule fut donc le dernier à quitter la maison de la meilleure amie de Sachiko.

Comme ce dernier l’avait dit, la jeune fille roula sur quelques mètres et se retrouva étalée de tout son long sur le sol poussiéreux en arrivant de l’autre côté du portail. Lenwë ne put s’empêcher d’éclater de rire en voyant sa cascade.

— C’est pas drôle ! Ça fait mal en plus ! rétorqua Sachiko en se relevant.
— Excuse-moi, j’aurais dû te prévenir que c’est inutile de prendre son élan pour utiliser un transplaneur. Et c’est vrai que la première fois n’est jamais très agréable, mais ensuite tu ne sens plus rien, lui assura son frère.

Keehyo et Myu-Thim les rejoignirent quelques secondes plus tard. Ils se contentèrent de sourire à la vue de la jeune fille s’époussetant. Lenwë fit apparaître un autre transmetteur, comme pour Yumi, et le donna à sa sœur. Puis, regardant autour d’eux, le cyborg demanda :

— À quoi tu as pensé en ouvrant ton transplaneur, Lenwë ?
— À Avelorne et au château ! À quoi d’autre voulais-tu que je pense ! C’est pour ça que je ne comprends pas pourquoi on a atterri ici ! répliqua ce dernier.
— Et on est où exactement ? voulut savoir Sachiko, soudain inquiète par les étranges présences qu’elle ressentait dans les alentours.
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