Copyright
1.
Un loup dans la vitre
Philippe de Boissy
2.
Cloche
Clotilde Bernos
3.
Le cri
François David
4.
La promesse du bonhomme de neige
Eugène Trivizas
5.
Chat qui vole
François David
6.
Sous les sables d’Afghanistan
Jack Chaboud
7.
Direct au cœur
Yves Pinguilly
8.
Cœur d’Aztèque
Corine Pourtau
9.
Innocent
Magali Turquin
10.
Che Guevara habite au 7eétage
Bertrand Solet
11.
Silence et Papillons
E. Delafraye
12.
Mon mai 68
Aline Méchin
13.
Et moi dans tout ça
Heidi Dubos
14.
Crescenza, naissance d’un tableau
R.-C. Labalestra
15.
Celui qui voit avec les pieds
Yves Pinguilly
Illustration de la couverture : Sylvie Moreau
Loi 49-956 du 16 juillet 1949
sur les publications destinées à la jeunesse.
Tous droits de reproduction, de traduction
et d’adaptation réservés pour tous pays.
© Éditions duJasmin, 2010
www.editions-du-jasmin.com
ISBN : 978-2-35284-539-3
L'auteur
Rachid Sadaoui
Né en 1972 à Brest, dans le Finistère, Rachid Sadaoui vit aujourd’hui à Lille où il enseigne l’histoire-géographie. Passionné de radio, il écrit et réalise en 2000Les Mystères de Brest, un feuilleton radiophonique, puis des documentaires commeL’Affaire du Diamant bleuen 2006 ouRetour en Algérieen 2009 (3eprix du concours de Carnet de voyage sonore de France Inter). Enfin, il créeRadiospren 2006 etToutensonen 2009, deux webradios pédagogiques.Sonakaïest son premier roman publié.
L’aventure, il faut le dire, me tourmentait :
l’aventure marine principalement.
Pierre Mac Orlan,L’Ancre de miséricorde
Sonakaï, c’est le premier mot tsigane que m’a appris Mémé Chaudy. Sans elle, je n’aurais pas pu écrire cette aventure. Sans Mammig, ma grand-mère bretonne, non plus. Cette histoire leur est dédiée...
IJules
Où l’on découvre une Esméralda, provoquant l’émoi du héros de cette histoire qui n’est pas Quasimodo…
Tous les matins, vers cinq heures trente, Gaspard, le chef de famille, claironnait dans les couloirs de la maison, « au lever du jour, comme au printemps de sa vie », aimait-il à dire. Puis il se recouchait jusqu’au petit déjeuner. À six heures au plus tard, Jeanne descendait allumer la cuisinière avec des bûchettes et du menu bois. Il fallait faire bouillir le lait de vache, précaution utile pour conjurer la tuberculose. Une heure après arrivait le meunier. Tout était réglé comme du papier à musique. Il frappait à petits coups répétés sur la table quand le café tardait à être servi. Ensuite, c’était un défilé de charrettes à roues de fer, tirées par des chevaux, et remplies de sacs de blé.
Jules, quatorze ans, vivait dans cette famille du Moulin du Bois, perdu quelque part dans le Finistère. Dans cette famille, où l’on était meunier de père en fils. Et il y avait fort à faire. Entre l’école et le travail au moulin, Jules se réfugiait dans les livres, au grand dam de ses parents qui n’y voyaient là que l’occasion de perdre un temps précieux.
Cela ne l’empêchait pourtant pas, tous les soirs, éclairé de sa seule bougie, de retrouver Ivanhoé, le capitaine Némo ou Robin des Bois avec qui il partageait tant d’aventures. Si une fée s’était penchée sur son berceau, c’eût été certainement pour en faire un rêveur. Mais un rêveur ambitieux, pour qui l’imaginaire devait un jour devenir réalité.
Car pour Jules cela ne faisait pas l’ombre d’un doute, tôt ou tard l’aventure frapperait à sa porte. Dès qu’un événement venait rompre la monotonie de ses journées, Jules était aux anges. Aussi l’excitation fut-elle à son comble lorsqu’il apprit sur les bancs de l’école, de son ami Adrien, qu’un cirque avait élu domicile depuis la veille au soir, aux abords du village.
Aussitôt libéré des cours ô combien ennuyeux de mademoiselle Caillard, Jules s’en alla gaiement en compagnie d’Adrien s’enquérir de la troupe nouvellement arrivée, oubliant la commission dont il avait été chargé le matin même par sa mère.
Nos deux compères batifolaient ainsi autour du cirque lorsque leurs regards tombèrent sur un drôle de spectacle. Nus pieds dans l’herbe humide, telle une Esméralda moderne, une gamine se déhanchait face à ce qui présentait tous les aspects d’une chèvre. Ses contorsions, pour insolites qu’elles fussent, produisaient sur les deux spectateurs un effet certain, à en croire l’expression d’hébétude que dégageaient leurs visages ronds.
La longue robe à frou-frou s’agitait dans tous les sens lorsqu’un sifflement perçant stoppa net la jeune fille qui s’aperçut alors qu’elle n’était pas seule. Ses yeux noirs en amandes allèrent de Jules à Adrien, puis revinrent à Jules qui, intimidé, baissa les siens. La jeune bohémienne fit alors ce qu’elle trouva de mieux pour la circonstance : elle leur tira la langue et partit en courant et riant à tue-tête. Puis elle fit subitement volte-face et leur lança :
« Le spectacle vous a plu ? Il reste des billets. Venez demain soir ! »
Jules cherchait encore une réplique lorsqu’elle disparut sous le chapiteau.
Par ailleurs, l’auteur du sifflement arrivait à hauteur du garçon qui sentit sa dernière heure venir lorsqu’il reconnut son père, rouge de colère. Sur le chemin du retour, ce n’était pourtant pas le sermon du paternel qui occupait son esprit mais plutôt le rire espiègle de la petite gitane…
IISarah
Où l’on découvre à travers les proches de l’héroïne l’univers d’une famille de gitans, à la fin des années 1930…
Sarah, treize ans, était ce qu’on appelle communément une tsigane, une manouche ou une bohémienne. Les parents de Sarah, nés dans les années 1890, étaient des Sinti* originaires du Piémont italien. Ils parcouraient la France et, pour vivre, vendaient de la dentelle et des tissus. De leur union naquirent quatre enfants : deux jumeaux, Sarah et un autre garçon.
À la naissance de Sarah, son oncle joua de la musique toute la nuit. Dans la famille tous pratiquaient un instrument : piston, trombone, grosse caisse, petite caisse…
Sarah n’avait pas six ans que son père et sa mère décidèrent de créer un cirque. Très tôt, elle apprit donc des numéros d’acrobates et de clowns. La famille devint troupe.
Cette vie de nomade comportait ses désagréments : vivre à six dans l’unique roulotte, gérer le démarchage auprès des municipalités ou enseigner assidûment le dur métier d’acrobate aux enfants. Sarah adorait cependant cette vie de voyage et de cirque. Elle pleurait quand la famille restait fixée trop longtemps à un endroit.
Au bout de quelques années, le père choisit un itinéraire côtier qu’il affectionnait particulièrement, allant du Mont Saint Michel au Bassin d’Arcachon. Globalement ils nouaient de bons rapports avec les sédentaires. Angèle, la mère, mettait en garde ses enfants, les priant d’être corrects et polis avec les gens.
Mais cette vie de bohème se heurtait parfois à des murs d’incompréhension, voire de mépris. À plusieurs reprises, le père de Sarah manqua se battre, et toujours, la mère calmait ses ardeurs. C’est qu’il n’était pas commode le Octavio avec ses sourcils broussailleux et sa moustache taillée en pointe. Quand la colère lui montait au nez, mieux valait ne pas s’éterniser dans les parages. Sarah préférait de beaucoup sa mère, plus douce. D’ailleurs son père n’avait d’yeux que pour ses fils.