Témoin distant - Isabelle Brottier - E-Book

Témoin distant E-Book

Isabelle Brottier

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Beschreibung

Sarah, médium pour la police depuis 30 ans.

Sarah travaille pour la police en tant que médium depuis l’âge de 18 ans. Elle est le « témoin » à distance – dans le temps et l’espace – des crimes qu’elle aide à résoudre. À l’aube de la cinquantaine, elle se sent fatiguée par la vie qu’elle a menée. Divorcée, elle s’apprête à passer un été en solitaire dans sa maison au bord de la mer, mais sa vie va être bouleversée et prendre un détour inattendu : sa rencontre avec son voisin au passé trouble va la plonger dans une enquête qui devra faire appel à toutes ses facultés pour démêler une ancienne affaire de meurtres non résolue.

Découvrez un polar haletant et suivez pas à pas les investigations de Sarah, plongée dans une enquête qui fera appel à ses toutes facultés.

EXTRAIT

Je sais avec certitude que la mort représente cette terre d’accueil merveilleuse, terre qui nous attend tous, comme une récompense aux efforts fournis dans notre vie. Ici-bas, c’est ma dernière vie, je le sais. Une voix intérieure me l’a soufflé. Et j’en éprouve un soulagement incommensurable. J’ai vécu plusieurs vies, et chacune d'entre elles a laissé des traces dans mon inconscient. Mais ce que je sais avec certitude : je suis restée digne et honnête dans toutes mes vies. Aujourd’hui, j’ai le privilège d’avoir un don, je vois au-delà. Je ressens les choses, les vois par anticipation. Mais ce don est loin d’être une sinécure ; il se mérite chaque jour un peu plus ; je dois accomplir le destin pour lequel on m’a choisie là-haut. Rien n’est le fruit du hasard. Nous avons tous notre route à suivre, ce pour quoi nous sommes venus dans ce monde. Nous ne sommes pas maîtres de notre destin. Lorsque nous ne prenons pas la bonne route, nous sommes remis sur la bonne voie d’une façon ou d’une autre.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Née dans les Deux-Sèvres en 1966, Isabelle Brottier s’est très tôt passionnée pour la littérature. Après une licence en Droit, elle a intégré l’administration. Mariée et mère de deux enfants,  elle vit en Loire-Atlantique. À ses heures perdues, elle prend des cours de peinture, et parcours les chemins de l’écriture. Témoin distant est son premier roman à suspense.

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Ähnliche


Table des matières

Témoin distant

Chapitre 1

Chapitre 2

Chapitre 3

Chapitre 4

Chapitre 5

Chapitre 6

Chapitre 7

Chapitre 8

Isabelle Brottier

Témoin distant

policier

ISBN : 978-2-35962-472-4

Collection Rouge

ISSN : 2108-6273

Dépôt légal mai 2013

©2013 Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction intégrale ou partielle, réservés pour tous pays.

Toute modification interdite

Éditions Ex Aequo

6 rue des Sybilles

Dans la même collection

L’enfance des tueurs – François Braud – 2010

Du sang sur les docks – Bernard Coat L. — 2010

Crimes à temps perdu – Christine Antheaume — 2010

Résurrection – Cyrille Richard — 2010

Le mouroir aux alouettes – Virginie Lauby – 2011

Le jeu des assassins – David Max Benoliel – 2011

La verticale du fou – Fabio M. Mitchelli — 2011

Le carré des anges – Alexis Blas – 2011

Tueurs au sommet – Fabio M. Mitchelli — 2011

Le pire endroit du monde – Aymeric Laloux – 2011

Le théorème de Roarchack – Johann Etienne – 2011

Enquête sur un crapaud de lune – Monique Debruxelles et Denis Soubieux 2011

Le roman noir d’Anaïs – Bernard Coat L. – 2011

À la verticale des enfers – Fabio M. Mitchelli – 2011

Crime au long Cours – Katy O’Connor – 2011

Remous en eaux troubles –Muriel Mérat/Alain Dedieu—2011

Thérapie en sourdine – Jean-François Thiery — 2011

Le rituel des minotaures – Arnaud Papin – 2011

PK9 -Psycho tueur au Père-Lachaise – Alain Audin- 2012

…et la lune saignait – Jean-Claude Grivel – 2012

La sève du mal – Jean-Marc Dubois - 2012

L’affaire Cirrus – Jean-François Thiery – 2012

Blood on the docks – Bernard Coat traduit par Allison Linde – 2012

La mort en héritage – David Max Benoliel – 2012

Accents Graves – Mary Play-Parlange – 2012

7 morts sans ordonnance – Thierry Dufrenne – 2012

Stabat Mater – Frédéric Coudron –2012

Outrages – René Cyr –2012

Montevideo Hotel – Muriel Mourgue –2012

Séquences meurtres – Muriel Houri –2012

La mort à pleines dents - Mary Play-Parlange – 2012

Engrenages – René Cyr - 2012

Hyckz – Muriel combarnous - 2012

La verticale du mal – Fabio M. Mitchelli – 2012

Prophétie – Johann Etienne – 2012

Léonis Tenebrae – Jean-François Thiery – 2012

Hyckz – Muriel CVombarnous – 2012

IMC – Muriel Houri - 2012

Crocs – Patrice Woolley – 2012

RIP – Frédéric Coudron – 2012

Ténèbres – Damien Coudier – 2012

Mauvais sang – David Max Benoliel - 2013

Le cercle du Chaos – Fabio M Mitchelli – 2013

Le Cœur Noir – axelle Fersen – 2013

Transferts – Fabio M Mitchelli – 2013

La malédiction du soleil – Mary Play-Parlange – 2013

La théorie des ombres – Aden V Alastair – 2013

Green Gardenia – Muriel Mourgue – 2013

Effets secondaires – Thierry Dufrenne - 2013

Le plan – Johann Etienne - 2013

Eliza – David Max Benoliel - 2013

Les opales du crime – Mary Play Parlange – 2013

Association de malfaiteuses – Muriel Mourgue - 2013

Triades sur Seine – Yves Daniel Crouzet – 2013

À feu et à sang – Bruno Lassalle - 2013

Chapitre 1

J’ai l’impression d’avoir cent ans, alors que j’ai à peine atteint la cinquantaine. Une chape de plomb semble peser sur mes épaules, chaque jour un peu plus lourde à porter. Souvent, je me dis que la vie sur cette terre s’approche davantage du purgatoire que du paradis, et parfois de l’enfer pour certains d’entre nous. Je sais avec certitude que la mort représente cette terre d’accueil merveilleuse, terre qui nous attend tous, comme une récompense aux efforts fournis dans notre vie. Ici-bas, c’est ma dernière vie, je le sais. Une voix intérieure me l’a soufflé. Et j’en éprouve un soulagement incommensurable. J’ai vécu plusieurs vies, et chacune d'entre elles a laissé des traces dans mon inconscient. Mais ce que je sais avec certitude : je suis restée digne et honnête dans toutes mes vies. Aujourd’hui, j’ai le privilège d’avoir un don, je vois au-delà. Je ressens les choses, les vois par anticipation. Mais ce don est loin d’être une sinécure ; il se mérite chaque jour un peu plus ; je dois accomplir le destin pour lequel on m’a choisie là-haut. Rien n’est le fruit du hasard. Nous avons tous notre route à suivre,ce pour quoi nous sommes venus dans ce monde. Nous ne sommes pas maîtres de notre destin. Lorsque nous ne prenons pas la bonne route, nous sommes remis sur la bonne voie d’une façon ou d’une autre.« Mon don de seconde vue » comme je l’appelle, me laisse souvent éreintée comme en ce moment. Je broie du noir alors que je suis en vacances. J’ai voulu aider la justice, mais le fardeau est lourd à porter.

Mon histoire a réellement commencé l’année de mes 13 ans. Je jouais au ballon dans la cour de l’immeuble où je vivais, à Nantes, avec ma sœur jumelle Clara. Alors que je courais chercher le ballon assez loin, une voiture s’était arrêtée près de ma sœur,  un homme l’avait attrapée, soulevée de terre, et balancée à l’arrière de son véhicule noir. Je me suis mise à hurler, mais trop tard, la voiture s’était volatilisée. Les gens alertés par mes cris étaient arrivés. La police fut sur les lieux très rapidement. Moi, j’étais entrée dans une sorte de transe. Je ne voyais plus rien, je sentais le froid pénétrer mon corps jusqu’au tréfonds de mes os. Je ressentais tout ce que Clara voyait. Je commençais à énumérer un certain nombre de lieux que le véhicule traversait. Rien ne pouvait m’arrêter dans cette litanie géographique. Je ne communiquais pas vraiment avec l’extérieur, les policiers n’avaient aucune réponse à leurs questions, je leur disais par exemple : « Panneau Angers ». Au départ extrêmement perplexe, mais n’ayant aucune piste sérieuse, la police décida de suivre la piste géographique que je leur fournissais. Un hélicoptère fut dépêché sur place. La voiture, une fiat punto noire, fut très rapidement repérée sur le trajet que je leur avais indiqué. « Un vrai miracle » dirent les policiers un peu plus tard. Non les miracles n’existent pas, je ne le savais pas encore. Des barrages avaient été mis en place, l’arrestation du pédophile s’était avérée délicate, mais Clara avait pu être récupérée saine et sauve, sans réel dommage. Elle était choquée, mais en bonne santé et surtout n’avait subi aucune violence. Son agresseur n’en avait pas eu le temps, grâce à moi. Au départ, tous ont pensé que notre statut de sœurs jumelles nous conférait une sorte de lien télépathique. Je fus l’héroïne du jour, moi Sarah, la plus timide, la plus sage des deux jumelles. Mes parents nous couvrirent de cadeaux et de bisous, et ma sœur Clara devint encore plus proche de moi.

Mais voilà, peu de temps après cette mésaventure, je m’aperçus que je recevais des messages. Je les entendais dans mon oreille droite, comme si les mots étaient susurrés de très loin. Non je n’étais pas schizophrène, je n’avais que treize ans tout de même ! Mais de peur que l’on ne me prenne pour une folle, je n’en parlais à personne, pas même à ma jumelle. Cela commençait par ailleurs à me faciliter la vie dans certaines circonstances, pendant les devoirs d’histoire par exemple. Lorsque j’accomplissais une bonne action dans la journée, j’avais remarqué que j’avais comme une caresse sur la joue. Ce jeu me plaisait. Je posais de plus en plus de questions à l’au-delà, et il me répondait. J’adorais ce nouveau jeu. Cela dura quelques mois ainsi. Je développais ce don sans le savoir. Toutefois, je n’ai jamais réussi à retrouver des visions aussi claires que lors de l’enlèvement de ma sœur. Les circonstances particulières m’avaient plongée dans une transe que je n’ai jamais connue par la suite. Je recevais sans arrêt des images pendant mon sommeil, des messages à tout moment de la journée ; je ressentais de fortes intuitions que je suivais. Je les écoutais, je ne faisais pas comme la plupart des gens, je ne les ignorais pas. Nous avons tous un don, mais peu de gens l’acceptent en tant que tel. L’intuition est une forme de communication des forces supérieures, destinée à nous aider dans notre vie quotidienne.

J’ai dans un premier temps, vu ce don comme une chance. Jusqu’au jour où, dans un de mes rêves, je vis mourir mon père d’une crise cardiaque dans son lit. Son cœur s’arrêtait de battre. Je pleurais longuement, Clara en informa mes parents, elle avait tout deviné. C’est vrai que je commençais souvent à lui dire les choses avant qu’elles ne se produisent. Devant mon chagrin, elle s’était résolue à en parler à ma mère. Et je dusavouer la vérité et surtout expliquer que je voyais mon père adoré mourir d’une crise cardiaque. Ma mère était très croyante. Aussi, elle crut en mon histoire. Mon père passa toute une batterie d’examens et à la stupéfaction générale, les médecins lui découvrirent une maladie extrêmement rare du cœur, incurable. Pour se ménager, il dut arrêter son travail et rester se reposer à la maison en permanence. J’en fus soulagée, espérant que cela suffirait à l’épargner. Très rapidement, la nouvelle se répandit dans les étages de mon immeuble que j’avais un don ; et commença un défilé de personnes voulant me poser des questions sur leur avenir. J’y répondais avec un certain succès, mais cette situation ne pouvait pas durer, j’étais harcelée en permanence. Les autorités furent alertées de mes nouvelles aptitudes. Pour me protéger, il fut décidé que nous allions déménager dans une maison HLM dans un quartier cossu de la ville de Nantes. Mon père ne pouvant plus subvenir à nos besoins, il toucha une pension d’invalidité. Nous vécûmes alors trois belles années sans souci majeur. On me laissa tranquille. Mais vers mes seize ans, mon père mourut réellement d’une crise cardiaque dans son lit, comme je l’avais prédit.

Après notre deuil, je fus contactée par la police sur une étrange disparition, le fils d’un député de Loire-Atlantique, histoire qui faisait la une des journaux depuis trois mois sans résultat. En fait, dans mes visions, le jeune homme m’apparaissait dans un pays étranger, un pays asiatique pour assouvir ses fantasmes homosexuels. Les policiers furent perplexes, mais suivirent cette piste, sans grande conviction. Puis il s’avéra rapidement que j’avais raison. Le jeune homme de dix-sept ans vivait en Thaïlande avec un homme plus âgé que lui. La presse en fit des gorges chaudes, d’autant que l'État français avait dépensé des fortunes pour le retrouver. C’est à ce moment-là que le ministère de l’Intérieur s’intéressa sérieusement à moi, et à mes capacités d’extralucide. Ce fut le point de départ d’une collaboration extrêmement fructueuse. Ma tante, comptable, veilla à mes intérêts avec la signature d’un contrat de travail bien rémunéré. À dix-huit ans, je faisais bouillir la marmite de la famille, et ma sœur put poursuivre ses études d’infirmière. Mais je fus appelée de plus en plus souvent à Paris au quai des Orfèvres. Les affaires étaient parfois extrêmement difficiles à déchiffrer pour une novice comme moi en matière criminelle, mais on me cantonna essentiellement aux disparitions. Et c’est vrai que j’avais de bonnes visions. Je savais dès que je voyais la photographie de la personne disparue, si c’était une fugue, ou un enlèvement, ou si la situation avait dégénéré. Au début, les policiers de la crim’ m’accueillirent avec beaucoup de sarcasmes et un certain scepticisme, mais après avoir travaillé avec moi, ils réagissaient différemment.

En ce temps-là, j’étais si jeune, je voulais aider, être utile. J’étais fière de travailler pour la police, moi la fille d’un petit ouvrier de la banlieue nantaise. Mais aujourd’hui, je suis lasse de tout cela. Je ne sais pas ce qui me pousse à écrire ces lignes, un besoin, ou le présage de la fin de ma vie ? Je ne sais pas, je n’ai jamais pu voir mon propre avenir. J’ai souvent interrogé l’au-delà pour mon compte personnel, mais je n’ai jamais eu aucune certitude, juste des sensations, le danger par exemple me plonge toujours dans une sorte de transe lorsqu’il m’est adressé. Ma hiérarchie a compris ma fatigue extrême et m’a envoyée en vacances pour deux mois de congés d’été.

Je retrouve mon havre de paix, ma maison, perchée au-dessus de la falaise sur les hauteurs de St Marc sur Mer, loin du monde, de la foule, du stress et de la ville. La solitude, le repos et peut-être la visite de mes enfants sont au programme de cet été.

J’ai acheté cette maison il y a cinq ans, la bâtisse en pierres était déjà entièrement rénovée. Je l’ai payée une fortune, car elle est située non loin de la Baule et donne sur la mer. « Inestimable » m’avait dit l’agent immobilier, et je confirme qu’elle m’est devenue très précieuse, comme si elle m’attendait, faisait partie de moi. Cette maison m’était destinée.

L’extérieur avait été entièrement sécurisé en fonction des indications de la police dès mon achat. J’avais à cette époque, reçu des menaces que le ministère de l’Intérieur avait prises très au sérieux. Des murs d’un mètre quatre-vingt entourent donc ma propriété, l’autre côté donne sur la mer, une petite crique avec une petite plage en contrebasest accessible par un escalier coulé dans le béton le long de la falaise, cette crique est commune aux deux habitations, la mienne et celle de mon voisin. Le notaire l’avait spécifié au moment de l’achat. Voisin que je ne connais d’ailleurs toujours pas. Pour mon confort personnel, j’ai fait installer une piscine extérieure chauffée. Cette maison est un bonheur à l’état pur. Malheureusement, je n’y reçois pas assez à mon goût, mes proches étant tous loin à mon grand regret, et je n’aime pas beaucoup voyager. Je passe tout mon temps à Paris loin de mon véritable foyer, j’aime revenir à St Marc sur Mer pour m’y ressourcer.

Ma sœur Clara est devenue infirmière. Et lors d’un stage au Québec, elle eut un coup de cœur pour un grand bûcheron canadien blessé qu’elle dût soigner. Un an plus tard, ils étaient mariés et éperdument amoureux. Elle partit vivre au Québec, et devint maman de deux garçons Christopher et Philip, aujourd’hui jeunes adultes. Elle me manque toujours autant, mais je la sais heureuse et épanouie dans sa vie. La distance nous a immanquablement éloignées, bien que depuis quelque temps, nous reprenons contact grâce à internet et Skype. Nous « tchatons » allègrement pendant des heures le soir. Je redécouvre ma sœur. Cela me fait un bien fou. C’est elle qui en a eu l’initiative. Moi et les ordinateurs pourtant, nous avions eu des débuts difficiles. Heureusement, quelques collègues de la police m’aidèrent à installer le PC, les logiciels et m’expliquèrent son utilisation. Et finalement aujourd'hui, je ne m’en sors pas trop mal. Je me suis même mise à communiquer avec mes enfants par ce biais. Avant je parvenais à avoir quelques SMS dans le mois, peu d’appels téléphoniques, mais depuis que je me suis mise à utiliser l'outil informatique, nous « tchatons » tous les trois bien plus régulièrement.

Marianne, ma fille est en Inde en mission humanitaire, et Alexian mon fils s’est engagé dans l’armée et se trouve actuellement en poste dans le sud de la France à Draguignan. Il doit passer une partie de ses vacances avec moi, mais il ne m’a donné aucune date. Donc je suis seule dans ma grande maison.

Le temps en ce début de juillet est magnifique, ciel bleu sans un nuage. Je ne connais toujours pas mon voisin. Avec les murs qui clôturent ma maison, je n’aperçois que les toits en ardoise de la maison et des dépendances de la propriété d’à côté. Mes autres voisins sont des ruminants en la présence de vaches laitières dans les champs avoisinants. J’entends régulièrement les aboiements d’un chien, les hennissements des chevaux, le bruit de plusieurs véhicules qui vont et viennent chez mon voisin. Je ne suis pas assez souvent là pour avoir pris la peine de lier connaissance. La plupart du temps,j’habite un appartement de fonction non loin du quai des Orfèvres à Paris. Je ne viens dans ma maison que certains week-ends et pendant les vacances.

Même en congé, j’ai en permanence un « biper », mais il ne sonne qu’en cas d’extrême urgence. J’ai acheté un tas de livres, j’adore lire, et je n’en ai pas toujours le temps à Paris. J’ai passé la première semaine de mes vacances à nager, lire et dormir. Je me refais une santé, l’année a été longue et pénible. Je me prélasse au soleil, ma peau mate prend une teinte colorée. J’ai énormément dormi pendant ma première semaine de congé, longues siestes et nuits à rallonge. J’en avais besoin. J’évacue petit à petit toute la fatigue accumulée de l’année, le stress à répétition, et toutes les saletés que j’ai pu voir dans mon métier. Je me ressource.

Au bout d’une semaine, la solitude commence à me peser, j’aurais aimé prendre un animal comme un chien. Mais à Paris, il serait malheureux, toujours enfermé.

J’ai beaucoup parlé avec ma sœur, j’avais le temps. Elle a grossi, je le vois avec la « webcam », cela lui va bien. Cela fait trois ans que je ne l’ai pas vue. Elle rayonne de joie de vivre que je lui envie. Nous nous ressemblons encore beaucoup. Nous avons en commun nos yeux bleus et nos cheveux couleur châtain. Elle les porte aujourd’hui courts, et moi mi-longs dans un carré négligé. Elle est plus grande que moi, un mètre soixante-dix, alors que j’arrive à peine à un mètre soixante. « Sarah et Clara les inséparables jumelles », comme disaient nos camarades de classe. Aujourd’hui, nous sommes séparées par un océan. J’en souffre, Clara aussi, même si elle est pleinement heureuse avec son mari Max. Il est la crème des hommes, d’une bonté et d’une gentillesse exceptionnelle. Il adore sa femme et ses enfants.

Allongée sur le bain de soleil près de la piscine, je continue à écrire ce monologue sans queue ni tête, comme une urgence. « Je deviens folle », me dis-je, peut-être est-ce l’âge ?

Ou est-ce le présage de ma future fin ? Je suis peut-être en train d'écrire mes mémoires, comme si ma mort était proche.

J’entends un véhicule arriver dans la propriété d’à côté. Je me demande bien comment est mon voisin. L’agent immobilier qui m’avait proposé cette maison m’avait expliqué à l'époque que mon voisin vivait seul avec ses chevaux et son chien. J’entends effectivement les bruits de ses animaux, et cela ne me gêne pas. Nous sommes à la campagne.

L’adolescence, je ne me souviens pas d’en avoir eu une. J'ai l'impression d'être passée de l'enfance à l'âge adulte. J'ai traversé cette période essentiellement plongée dans mes visions et mes rêves, pour aider à trouver des personnes disparues, à guetter le moindre signe de l’au-delà, à décortiquer mes rêves. De seize à vingt-deux ans, je n’ai vécu que pour mon travail. J’étais déjà très solitaire. Trop dans mon monde, je participais peu aux mondanités, j’évitais les soirées d'anniversaire, les boîtes de nuit. C’était boulot dodo, car même chez moi, je ramenais mes enquêtes dans ma tête, je devais prouver que ce don existait à chaque instant, je devais démontrer la pertinence d’être là en permanence, l’intérêt de faire appel à moi.

Vers vingt-cinq ans, j’ai eu ma propre équipe d’enquêteurs, le rêve. Je pus choisir moi-même mes coéquipiers pour constituer un service consacré aux disparitions. Le Directeur me proposa une dizaine de noms de policiers, à moi de choisir quatre personnes.Le soir, je me souviens m'être enfermée chez moi de bonne heure, et fière de la confiance que ma hiérarchie m’accordait, j’en avais choisiquatre, deux hommes et deux femmes. Samia et Sophie avaient chacune un visage qui inspirait à la fois la droiture et la tolérance, une vraie intelligence. Samia Joubert était d’origine maghrébine, elle avait épousé un autre policier et était pleine d’enthousiasme de faire partie de mon service. Avec son côté exubérant, elle fut naturellement désignée pour faire la communication du groupe, la seule à s’exprimer au nom de tous. Sophie Lagarde n’avait pas du tout le même tempérament. Plus renfermée, plus discrète, mais tout aussi efficace, Sophie dégageait en permanence une sorte de tristesse, dont je lisais les grands traits. Mais elle savait également s’amuser et s’ouvrir quand l'occasion se présentait.

Le premier candidat masculin que je choisis fut Patrice Fritz, car j’avais eu l’occasion de travailler avec lui et il avait toujours été d’un grand respect envers moi. Âgé de quarante ans à l’époque, il était le plus expérimenté, le plus chevronné de l’équipe, un peu le père de toute notre petite bande. D’une grande indulgence, toute l’équipe l’appréciait. Son mètre quatre-vingt-dix impressionnait, et le fait qu’il soit noir lui permettait de pénétrer dans des milieux très fermés. Marié et père de deux adolescents, il connaissait la difficulté d’être jeune et de chercher à s’affirmer. Son état d’esprit était rempli de tolérance et de respect. Patrice en imposait à tous. Je ne savais pas au départ s’il allait accepter de faire partie de mon équipe. Et quand il accepta, j’en fus très honorée. Son coéquipier et ami Philippe Germain ne le quittait jamais, et ce fut tout naturellement que je lui demandais de nous rejoindre. Il était un peu plus jeune que Patrice, la trentaine, mais avait déjà une grande expérience de flic. Il avait un sens de l’humour incroyable, aux pires moments, il savait l’utiliser, il parvenait toujours à nous faire sourire. Divorcé, et papa d’une petite fille de quatre ans, il avait du mal à l’époque à finir ses fins de mois.

Cette équipe dura dix ans. Elle a été ma famille, ses membres mes amis, pendant toutes ces années, avant que les problèmes budgétaires ne viennent la détruire. Mais pendant cette décennie, nous avons eu plus de résultats que bien d’autres services de ce type dans le monde. Auprès d’eux, j’ai grandi, je me suis construite, j’ai pris confiance. Patrice me disait toujours : « on grandit lorsque l’on n’a plus besoin du regard des autres pour se voir. » Il était philosophe à ses heures perdues, il m’a tellement apporté, moi qui n’avait pas fini de grandir. Il avait raison. À son contact, j’ai appris à croire en moi, à me foutre du regard des autres. Toute l’équipe se faisait un premier jugement en fonction de ce que je ressentais, et l’orientation de l’enquête commençait de cette façon à chaque fois. Je flairais toujours la bonne direction (non ce n’est pas une fugue, c’est un enlèvement, oui c’est une fugue, etc..). Ils croyaient tous en moi et en mes prédictions. Cela me fit grandir d’un seul coup, l’ado attardée se changea en femme. Je pris de l'assurance, j'ai pris confiance en moi. Ils me protégeaient des imbéciles. Les résultats furent dès le début au rendez-vous. La hiérarchie en était contente. Dix ans de bonheur professionnel et de pures amitiés. Nous étions complémentaires.Ils me manquent encore, mais nos routes ont pris des chemins différents. Samia et Sophie sont toujours dans la police à Paris, Patrice a pris sa retraite à Deauville et Philippe est policier à Rennes.

Lorsque j’ai rencontré mon mari Maxime Le Guen, Patrice m’avait dit de prendre mon temps, de ne pas me précipiter. Mais voilà j’étais jeune, je n’avais connu aucun autre homme,j’aurais dû écouter mon ami. Maxime était policier à l’étage au-dessus, il était jeune, la trentaine, beau garçon et charmeur. Moi, oie blanche et vierge. Je tombais dans le panneau de sa séduction. Il était déjà très imbu de lui-même. Patrice m’avait dit : « tu es trop bien pour lui. » Mais je suis restée sourde à ses propos, j’étais amoureuse pour la première fois de ma vie. En fait, Maxime se révéla être un mari égoïste et un père épouvantable pour nos deux enfants. Il ne s’intéressait qu’à sa petite personne, n’avait aucune patience avec les enfants. Il ne supportait pas sa fille depuis son plus jeune âge. Il critiquait systématiquement tous ses faits et gestes. Je passais mon temps à faire le « tampon » entre eux. Marianne a toujours eu beaucoup de caractère. Toute petite, elle savait déjà ce qu’elle voulait. Ils passèrent leur vie commune à s’ignorer ou à s’engueuler. Quelle tristesse ! J’en étais malade. Une partie de moi pleurait à chaque scène. Mais que pouvais-je y faire ? Mon fils, Alexian avait heureusement un caractère plus enjoué. Il s’entendait avec son père uniquement lorsqu’il s’agissait de sport. Le reste du temps, Alexian avait beaucoup de mal à supporter l’égoïsme de son paternel. Aujourd’hui, mes enfants, devenus adultes, ne voient plus leur père. Il les a déçus. Maxime cherche à se faire pardonner depuis des années, il a compris, mais les enfants l’évitent. Ils n’ont conservé de lui que les mauvais souvenirs, jamais aucune tendresse, jamais un geste gentil, toujours à critiquer, à hurler. Maxime est aujourd’hui seul, comme un vieux con, ce qu’il est.

Moi au moins, j’ai su conserver l’amour de mes enfants. Je les aime, et ils le savent. Je serai toujours là pour eux. Je suis leur seule famille à moi toute seule, ma mère est morte avant leur naissance. Et leurs grands-parents paternels étaient fâchés avec leur fils ; ils ont Clara et sa famille comme autre point d’ancrage, mais ils sont loin. En tout cas, je suis fière d’avoir su conserver leur confiance et leur amour, quelle que soit l’orientation de leur vie. Ils ont la bougeotte mes petits, ils ont envie de découvrir plein de choses à leur manière. Ils n’ont jamais été très doués pour les études, mais ils se sont débrouillés autrement. Je suis fière d’eux. Ils sont toute ma vie. Je les aide financièrement dès qu’ils me le demandent. Marianne est devenue forte, elle s’est construite sans l’amour d’un père. Elle s’est forgé une carapace qui la protège contre les hommes, même si quelques petits amis ont réussi à pénétrer un temps dans son sanctuaire. Alexian a une autre philosophie de vie, il veut profiter des avantages du célibat, pas d’attaches. Ils me manquent tous les deux. Je les aime plus que tout au monde. Comme toute mère,je pourrais tuer pour eux.

Cela fait bientôt deux semaines que je suis en vacances. Le soir tombe et le coucher du soleil sur la mer est magnifique avec ses reflets pourpres. Où sont mes pinceaux ? À mes heures perdues, je peins. « Cela te lave la tête » comme dirait mon fils. J’adore peindre. Je me précipite vers mon matériel. Ce coucher de soleil est trop magnifique pour ne pas l’immortaliser. J’installe mon chevalet juste avant les escaliers entre les deux propriétés, et je commence à déposer mes premières touches de couleurs. Le dessin reste succinct à l’huile, surtout avec ce genre de paysage. Je dois me dépêcher, car au fil des minutes les couleurs changent et s’assombrissent. Je suis très concentrée, je n’ai pas de temps à perdre avant que la nuit n’efface ces couleurs orange entre ciel et mer. Je remplis ma toile rapidement. Tout à coup, je sens une présence derrière moi, immense ombre, je sursaute en reculant. Je me retourne et vois le museau d’un cheval se tendre vers moi. Je manque de tomber à la renverse.

— Excusez-moi si je vous ai fait peur, bonsoir, fit une voix perchée.

Je lève les yeux et l’aperçois pour la première fois, il s’agit sans nul doute de mon voisin.

Chapitre 2

— Bonsoir, je ne vous ai pas entendu approcher.

Sarah leva sa main et la lui tendit. Elle se présenta :

— Sarah Girard, je suis votre voisine.

— Marc Delcourt. C’est vrai que nous ne nous connaissons pas. Enchanté de faire enfin votre connaissance. Votre coucher de soleil est magnifique. Vous l’avez terminé ?

— Pas tout à fait, mais la nuit est presque tombée. Je n’ai plus assez de lumière. Ce n’est pas grave, je terminerai chez moi plus tard, fit-elle.

— En tout cas, c’est très réussi.

— Merci, fit Sarah un peu gênée.

Le cheval se cabra, impatient de repartir.

— Bon je rentre Artos avant qu’il ne s’énerve, dit-il en flattant l’encolure de son étalon, bonne fin de soirée.

Sarah, sous le charme de ce bel homme, le regarda partir. Brun, avec des cheveux noirs, il présentait vraiment très bien. Ses yeux étaient noirs. Son visage était fin. Un corps élancé. Un bel homme.

« Quelle gourde je fais tout de même ! se dit-elle, mais c’est vrai que c’était le premier homme intéressant depuis des lustres. Il faut rester lucide et revenir sur terre. »

Elle se raisonna et rentra.

Elle reprit sa plume pour compléter son journal :

« Je me fais un vrai film maintenant avec ce voisin. C’est vrai qu’il est physiquement très beau. Mais il faut que je me fasse soigner, j’aperçois un homme plutôt bien et me voilà amoureuse comme une ado de quinze ans. Du grand n’importe quoi ! À presque cinquante ans, c'est navrant. En plus, il doit être dans mes âges !

Je décide donc de ne plus penser à ce voisin trop beau pour être vrai. Je vais me mettre à trier mes papiers comme pour me punir de me faire des illusions.

Mais plusieurs jours furent nécessaires pour que je reprenne mes esprits et retrouve mon calme.

En fait, ce fut mon biper qui me tira de ce mauvais penchant. Il se mit à sonner à dix-neuf heures, le mercredi. Je râlais intérieurement en sachant pertinemment qu’il ne devait pas sonner pour rien. »

***

Le commandant Werner n’avait pas eu le choix. Des jumelles de dix ans venaient de se faire enlever à deux pas de chez elles à Bourges. L’histoire se répétait étrangement. Deux hommes cagoulés dans un gros véhicule avaient surgi, non loin de la boulangerie où elles se rendaient. Ils avaient dû les repérer. Les passants avaient eu peur d’un braquage, mais avant qu’ils ne réagissent, les fillettes avaient disparu. Julie et Marie Dubois étaient deux petites filles blondes aux yeux bleus, ravissantes. L’alerte enlèvement avait tout de suite été lancée, sans résultat. Le véhicule s’était volatilisé, les recherches par hélicoptère n’avaient rien donné. La hiérarchie avait demandé l'intervention de Sarah. Dans ce genre d’affaires, les premières heures sont primordiales.

— Sarah, je suis désolé de te déranger pendant tes vacances. Mais là, on a besoin de toi, ou plutôt deux fillettes, des jumelles ont besoin de toi. Elles allaient acheter du pain à la boulangerie du coin à Bourges non loin de leur domicile. Ils ont opéré en plein jour, ils n’ont peur de rien ces ordures !

— Peux-tu m’envoyer leur photo par mail ?

— Je te fais ça toute de suite.

— Je vais voir ce que je ressens. Ils portaient des masques, non ?

— Des cagoules.

— Deux hommes en noir dans une grosse voiture, c’est ça ?

— Deux hommes. La voiture avait des fenêtres fumées.

— Je sens une urgence. Il faut faire vite.

— Je t’ai envoyé le mail. Rappelle-moi dès que tu vois des choses. On a pour l’instant aucun indice alors que cela fait plusieurs heures que l’alerte enlèvement a été lancée.

— Je te tiens au courant. À tout à l’heure, fit Sarah en raccrochant.

Elle ouvrit sa messagerie avec la pièce jointe. La photographie des fillettes avait dû être prise à l’école. Elles posaient ensemble. Elles se ressemblaient tellement, de longs cheveux blonds raides avec des grands yeux bleus, des visages fins. On aurait dit des poupées. Elles étaient d’une beauté à couper le souffle. Elles avaient attiré par leur beauté la perversité des hommes aux pulsions malades.

En se balançant sur son rocking-chair, Sarah se concentra en regardant attentivement la photographie. Elle sentit tout de suite que plusieurs jours de filature avaient précédé l’enlèvement. Deux hommes organisés, elle les sentait souder par leur goût commun de chair fraîche enfantine. Sarah ferma les yeux, et vit un château, enfin plutôt un petit manoir perdu au fond d’une forêt, plutôt en bon état.Elle sentit les fillettes endormies à ce moment-là, comme si elles avaient été droguées. Les hommes les regardaient dormir, et elle perçut leur excitation qui montait. « Mon Dieu, se dit-elle, ils ne vont pas attendre encore très longtemps pour passer à l’œuvre. »

Sarah était ébranlée et avait pour seul souci : l’urgence.

Sarah se dirigea vers la photographie de la Sainte Vierge et se mit à prier pour ces deux petits êtres innocents. Elle sentit alors un message clair dans son oreille droite : « les petites ne sont pas loin de la ville de leur enlèvement. »

Sarah décida de rappeler le commandant Werner :

— Un château ou petit manoir dans une forêt non loin de Bourges.

— Il y a plein de manoirs dans le coin ! fit Werner découragé.

— Mais dans une forêt ?

— Ils sont tous plus ou moins dans une région boisée. Qu’as-tu vu d’autre ?

— Elles sont droguées et elles dorment. Deux hommes, je confirme. Ils ont dû louer la demeure. Cherche de ce côté-là. Mais il y a urgence, je sentais déjà leur excitation. Ils n’attendront pas longtemps pour abuser de ces petites.

— J’ai mis tous mes hommes sur cette affaire, plus les équipes de Bourges. On ne peut pas faire plus. Bon, on va chercher du côté des agences immobilières du coin pour voir les locations de manoirs et châteaux pour les vacances ; si tu sens autre chose, tu m’appelles sur mon portable, fit-il avant de raccrocher.

Jean-Charles Werner était un policier très efficace, père de trois enfants. Ce genre d’histoire le rendait fou. Sarah savait qu’avec lui, les deux pédophiles seraient traqués jour et nuit. Il allait laminer son personnel, les poussant au maximum pour obtenir des résultats. Une fois, elle avait vu Werner ne pas fermer l’œil de la semaine dans une affaire similaire. En cela, ils se ressemblaient. Tant qu’ils ne trouvaient pas les disparus, ils ne pouvaient dormir.

Sarah se fit un café, la nuit allait être longue et pas que pour elle. Elle revit le château. Il y avait sur le toit d’une tour une girouette. Elle essaya d’en faire un croquis qu’elle scanna et envoya à l’équipe de recherches. Vers cinq heures du matin, personne ne l’avait rappelée, et elle n’avait aucune nouvelle.

Elle rappela Werner :

— Tu peux m’envoyer un hélico, je vais venir vous donner un coup de main.

— Je te l’envoie. On n’a toujours aucune piste et pourtant on a réveillé tous les agents immobiliers de la région. On examine les pistes une à une. Tu patientes, je te dis à quelle heure je peux te l’envoyer.

Trois minutes plus tard :

— On a de la chance dans notre malheur, un hélico viendra te prendre à six heures trente.

— Dans le champ en face de ma maison ?

— Oui, je leur ai expliqué. À tout à l’heure.

Sarah fila préparer sa petite valise avec le strict nécessaire. Elle avait l’habitude. À 6 h 30, elle entendit l’hélicoptère préparer sa descente au-dessus de sa maison. Elle sortit, verrouilla la porte, passa par le portail et sortit de sa propriété. Elle se dirigea vers le champ d’en face, heureusement vide. L’hélicoptère se posa sans problème. Elle monta. En décollant, elle aperçut son voisin sur son cheval qui les observait. Il était bien matinal.

Au commissariat de Bourges, c’était l’effervescence. Des policiers au téléphone — ou pianotant sur les ordinateurs — cherchaient des indices. La gendarmerie sillonnait les environs. Mais toujours rien. L’angoisse était montée d’un cran. Des psychologues avaient été appelés en renfort pour soutenir la famille.

Sarah voulait voir la chambre des filles, cela pouvait déclencher d’autres visions. Un policier l’emmena dans l’appartement de la famille Dubois. Elle salua les parents, mais évita leur regard, pour ne pas ressentir leur souffrance. Cela risquait d’entraver les autres émotions qui pouvaient surgir. La chambre avait une tapisserie rose pâle avec des lits superposés, des poupées et des jouets divers étaient restés bien en évidence. Julie et Marie avaient chacune un petit bureau. Sarah s’assit à un des bureaux. Elle feuilleta les cahiers et les livres qui s’y trouvaient. Elle regarda la poubelle en dessous et y trouva un tas de papiers de bonbons, au moins tout un paquet avait été mangé. Cela l’intrigua. Elle descendit avec la poubelle dans les mains et demanda à la maman :

— Vous leur aviez acheté un paquet de bonbons récemment ?

— Euh non, pas que je sache. En fait, j’évite d’en acheter à cause des caries.

— La poubelle est pleine de papiers de bonbons, regardez.

— C’est bizarre…

Elle se mit à pleurer.

— On va prendre cette poubelle pour y analyser les papiers, on ne sait jamais.

— Si seulement il pouvait y avoir une empreinte sur ces fichus papiers, grommela le père.

— Nous l’espérons, Monsieur. On va les retrouver, les rassura Sarah avant de prendre congé.

Au QG, Sarah se sentit épuisée. Elle s’isola un instant dans une salle, pour faire le point dans sa tête. L’image d’une girouette se superposa dans son esprit aux visages des fillettes. « Il faut que je trouve ce manoir » se dit Sarah « cette girouette m’intrigue ! Je vais regarder sur Internet. »

Elle trouva un PC disponible et se connecta pour commencer ses recherches. Elle ne trouva pratiquement rien sur les girouettes. Au départ, installées pour désigner le sens du vent, les girouettes étaient par la suite devenues le symbole de la noblesse, c’est ainsi que sur tous les châteaux de France apparurent des girouettes au blason du seigneur.

Autant trouver une aiguille dans une meule de foin ! Sarah se dit qu’elle devait trouver un syndicat d’initiative, des photographies des châteaux des alentours pouvaient y être. Et elle pourrait peut-être le reconnaître. Un des policiers de la région lui indiqua où était le syndicat d’initiative. Elle s’y rendit à pied, ce n’était pas très loin. Le château était la clef. Elle en était persuadée. Effectivement, à l’accueil, elle trouva accrochée au mur une carte avec tous les châteaux de la région. Mais voilà tous les châteaux inscrits pouvaient être visités par le public. Elle demanda à l’hôtesse :