Triste navigo - Alain Olivier - E-Book

Triste navigo E-Book

Alain Olivier

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Beschreibung

Tous les jours, le train emporte des personnes indifférentes… Un jour, deux solitudes, perdues dans des vies pas faites pour elles, se rencontrent et leur union illumine en un instant les rails de la vie. Triste navigo est une fable contemporaine et poétique à la recherche de l’amour éternel.


À PROPOS DE L'AUTEUR


Joueur de mots, Alain Olivier a rêvé petit de voir un jour ses écrits voleter. Des mots aux pinceaux, il cultive chaque jour sa soif d’existence. Il habille de couleurs ses messages d’alerte contre la misère et la solitude qui étouffent notre société.

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Seitenzahl: 97

Veröffentlichungsjahr: 2023

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Alain Olivier

Triste navigo

Roman

© Lys Bleu Éditions – Alain Olivier

ISBN : 979-10-377-8029-4

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122- 5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122- 4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335- 2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé n’est pas complètement fortuite.

Le document a fait l’objet de fuites non contrôlées. L’auteur n’en est peut-être pas marri.

Prologue

On naît, on vit seul, à deux, à trois, à quatre, à plus, et on meurt seul.

Tous les jours, nous rencontrons des gens qui nous laissent totalement indifférents…

Un jour, on rencontre celle ou celui qui change notre vie.

Vendredi, 23 décembre 19 h03 : « Mesdames, Messieurs, toute votre attention s’il vous plaît, un accident à la personne a eu lieu à la station Miromesnil. Le trafic est momentanément interrompu. Nous vous informerons de la reprise de la circulation ».

— Allo Sylvie ? Oui c’est moi, qui veux-tu que ce soit. Je ne vais pas rentrer tôt ce jour. Pourquoi ? Deux tarés se sont jetés sur la voie.

Où je suis ? Mais à Miromesnil. Quoi ? À pied jusqu’à Invalides ? Mais tu es sortie ? Tu as vu le temps ? Non je vais attendre… Tu manges, tu ne manges pas, tu fais comme tu veux avec les enfants.

Allez, à plus tard !

— Allo Émilie ? Ça te dirait de boire un verre à l’Esplanade à Invalides ? J’ai une heure ou deux devant moi. À tout de suite !

Le train s’est arrêté au milieu d’une gare sans nom

Ce soir-là entre deux cigarettes

J’avais perdu le mien

Quelqu’un que j’aimais m’attendait dans une ville

Que je n’aimais pas

La nuit engloutissait les wagons

Les rails ont frissonné si fort

Quand les lumières furent vaincues

Le train s’est arrêté au milieu d’un après-midi sans couleur

La nuit a mis des moufles

Son baume de girofle sur les quais sans voyageurs

Il faut dire aussi qu’un type venait de se jeter sous la locomotive

Le puzzle de ses membres a pris des heures

Je pensais sans cesse au métro, contrairement à toi

Il ne m’attendrait pas

Et j’ai eu du mal au milieu de cette gare sans béton, sans rire

Et sans odeurs

J’ai cru que tu n’existais plus

Je me suis dit je vais arriver sur le pallier

La porte ne s’ouvrira pas

Il faudra se faufiler dans l’escalier

Dormir dans les ornières du couloir

Le train s’est arrêté au milieu d’une gare sans nom

Les contrôleurs ont fumé

Les miettes des sandwichs recouvraient les strapontins

Et l’homme en morceaux sous la chaleur du train

Je ne la connais pas

C’était un mercredi de décembre

Un mercredi habillé pour l’hiver

Couchée sous le néon

J’ai bâillé

Je n’ai pas su m’endormir.

Extraits d’un blog. 1er novembre 2013 www.recourssaupoeme.fr

Celui qui a perdu tout espoir d’être heureux ne peut songer au bonheur

19 décembre, 6 h 30, la mélodie quotidienne Greenfields résonne dans la chambre sombre et froide.

Natéo1… se tourne, se retourne pour atteindre ce mauvais briseur de songes. Son doigt arrive sur la touche du réveil au moment où sa femme éructe bruyamment.

— Alors…

— Oui, répond-il la tête dans le traversin.

Il s’assied au bord du lit, les pieds pendants et essaie de se remémorer son rêve de la nuit ou du matin.

Dans son souvenir, il folâtre sur la plage de sable noir de Tautira.

Il s’adonne au surf avec Gauguin et deux jolies vahinés seins nus.

Il secoue la tête, ne comprend pas du tout cet égarement en Polynésie.

Il n’y est jamais allé.

Ce qui le relie à cette île, c’est son prénom, Natéo.

Sa mère lui a conté l’histoire de son prénom et rappelé des milliers de fois et encore et encore aujourd’hui.

Le pourquoi de ce bizarre prénom venu de Bora Bora a une explication.

Son père, grand rêveur devant l’éternel, ouvrier chez Renault à l’île Seguin, avait, un jour de grève trop arrosée, choisi ce prénom.

Il ne connaissait qu’un peintre après s’être rendu pendant ses vacances au camping de Pont-Aven, tombé sous le charme du pinceau de l’ami Paul et de la Polynésie, là où il ne mettrait jamais l’ombre d’un pied.

Ce rêve inaccessible l’a accompagné jusque dans son cercueil.

Sa mère lui a accroché une couronne de fleurs autour du cou dans son cercueil, pour aller rêver plus loin, plus haut.

Entre la Polynésie et les critiques sur la soupe de la mère de Natéo, son père était en boucle sur les événements de Mai 68.

Le 16 mai était une date gravée dans sa mémoire, elle ne la quittait pas, elle l’obsédait.

Dès qu’il évoquait cette date, son visage se transformait, il rayonnait.

Natéo se souvient.

Son père, les yeux dans le vague, la fumée de la roulée lui confère une auréole.

Tel Jean Jaurès à l’assemblée, son plaidoyer prend forme et les paroles se bousculent.

Après Cléon, Flins, Le Mans, Billancourt sous l’impulsion de jeunes grévistes de son âge, les portes se ferment.

Le syndicat CGT n’a pas encore pris les choses en main.

L’euphorie de l’action fait rêver ces jeunes à une vie différente où rien n’est interdit.

À Billancourt, portes fermées, ouvriers, étudiants, filles et garçons échevelés se heurtent aux cerbères du syndicat.

Les discours des dirigeants syndicaux, qui se méfient ou craignent les jeunes enragés, vomissent de violentes diatribes sur les anarchistes trotskystes, katangais, etc.

Son récit suspend son vol.

Le verre se remplit d’un nectar qu’il s’offre le dimanche, un Côtes-du-Rhône qu’il cache dans le placard de la cuisine.

Après avoir avalé d’un trait son breuvage préféré, le cours des événements reprend.

La grand-mère dort au bout de la table.

L’oncle tient la bouteille de peur que sa mère ne l’enlève. Sa sœur souffle, une fesse sur la chaise, l’autre prête à s’échapper…

L’écoute d’un homme touché par les souvenirs heureux est souvent pénible pour ceux qui sont indifférents ou pas concernés par les événements. Il faut quelquefois faire de très, très gros efforts pour prendre part à son récit… Sauf pour Natéo, fasciné et suspendu aux lèvres de son géniteur.

Sa mère pose le gâteau sur la table, son père au sommet de sa diatribe hurle « L’imagination au pouvoir » !

Il arrive à Charléty ce 27 mai pour la grande manifestation.

La République tremble, le monde nouveau est là, la plage apparaît sous les pavés.

Les révoltés du consumérisme ne sont plus sur le chemin du bonheur, mais ils touchent le bonheur.

Il faut arroser le Graal. Roger se sert un autre verre.

Soudainement, un cri jaillit des grottes d’Hadès et paralyse la table.

Le ronflement sourd de la grand-mère cesse dans un râle profond.

— Ça suffit ! hurle sa femme. Tu as assez déliré aujourd’hui.

Le père ne se démonte pas.

Il se lève, avale son verre et termine dans une envolée lyrique l’odyssée de sa triste existence.

Accords de Grenelle, syndicats pourris et complices du gouvernement, reprise du travail, têtes basses et cocus.

Avant de se refermer dans un mutisme abscons, son père se dresse, le poing levé et déclame que la seule victoire de cette lutte où les ouvriers ont été trahis par ceux qui étaient censés les représenter fut l’abolition du pointage qui, pour lui, équivaut à celle de la peine de mort de monsieur Badinter.

Roger n’a plus le sens de la mesure, les effluves du Châteauneuf-du-Pape en sont en partie responsables.

La sœur se lève et s’échappe.

La grand-mère se rendort.

L’oncle réclame un autre verre et la mère s’affaire dans la cuisine.

Le spectacle offert par l’ajusteur-outilleur est terminé, les décors étaient de… les costumes de...

Le jour se lève

Natéo, en ce matin de décembre, est enfin debout après cette longue digression.

Il cherche ses pantoufles, il en trouve une, mais l’autre lui échappe.

Il n’a pas envie de chercher en général.

Il n’aime pas chercher, « comme tous les hommes », lui répète en boucle son épouse…

Une sortie en aveugle de la chambre et le voilà dans les toilettes.

Elles sont tellement étroites avec ce lavabo trop grand en travers, qu’il lui faut passer de profil pour atteindre, après deux ou trois contorsions, l’oasis promise.

En ce matin froid, il n’a pas de considérations métaphysiques en urinant face au miroir.

Seulement un problème physique ou de physique qu’il n’a jamais expliqué et, de peur de passer pour un malade ou un pervers, il ne l’a jamais exposé, même pas au médecin de famille, son interrogation.

Quand il urine, si jamais il vesse, cela accélère le jet, question existentielle s’il en est…

Après tout, que faire dans cette position qui ne rend pas créatif dans l’instant ?

La suite se déroule à pas ouatés pour ne pas réveiller sa femme. Quotidienne banalité, la douche, le choix de la chemise et de la cravate pour compléter la tenue du cadre actif et respectueux, comme il se doit, de l’entreprise de service public qui le rémunère.

Le miroir lui renvoie l’image d’un homme de 40 ans et quelques mois de nourrice, svelte, abdominaux saillants, avec des fesses qui font se retourner les femmes.

Cheveux broussailleux, nez busqué, barbe à la David Beckham et yeux noir de jais troublants complètent le portrait de Natéo.

Le chat miaule, il attend sa pâtée

La capsule de café reste coincée dans la machine et les aiguilles de la pendule ne veulent pas faire de pause.

Le café est trop chaud. La tasse lui échappe des mains. Un nuage assombrit le blanc de sa chemise.

Retour au premier étage, nouvelle chemise repassée cherche son propriétaire…

Que nenni, il faut en extirper une du tas sorti du sèche-linge la veille.

Aujourd’hui, Natéo va ressembler à un cadre fripé qui va froisser sa hiérarchie.

Les aiguilles de la pendule continuent inexorablement leur lente montée vers l’heure fatidique.

Les dieux de l’Olympe l’abandonnent.

Après avoir rassemblé ses affaires, cherché longuement sa carte Navigo, être sorti, revenu, avoir retrouvé ses clés, il sort enfin, ferme la porte et se presse vers l’arrêt du bus.

Il ne s’aperçoit pas que la pluie redouble et qu’il a oublié son parapluie, il est trempé. Entre deux flaques paresseusement allongées sur la terre du trottoir, il finit par glisser et laisse s’enfoncer son mocassin dans un trou sans fond.

Lui, d’ordinaire réservé, laisse échapper un tonitruant « Pu… n » sous le regard inquisiteur des habitués du 6 h 52 entassés dans l’abri bus embué.

La montée dans le double serpentin tient d’un exploit athlétique.

Poussant, ânonnant, étouffant, il finit par se stabiliser au centre de deux rangées de sièges où règnent en souverains quatre passagers aux regards courroucés.

Dix minutes sur un pied, puis dix minutes sur l’autre, ce déplacement lui paraît interminable. Dans un éclair de lucidité, il relativise.

N’est-ce pas ainsi tous les matins ?

Ce constat est amer, tous les jours, tous les mois, ou presque, toute l’année, toutes les années qui fuient sans espoir de retour.