Troubled Hearts - Tome 3 - Marie Anjoy - E-Book

Troubled Hearts - Tome 3 E-Book

Marie Anjoy

0,0
9,99 €

oder
-100%
Sammeln Sie Punkte in unserem Gutscheinprogramm und kaufen Sie E-Books und Hörbücher mit bis zu 100% Rabatt.
Mehr erfahren.
Beschreibung

Qui du libertin notoire ou du séduisant œnologue arrivera à séduire la farouche Clémence ?

Lorsque Clémence, brillante avocate à Paris, retrouve ses amis dans leur propriété bordelaise, elle n’imaginait pas croiser la route de deux mâles aussi séduisants que différents l’un de l’autre.
L’un est une relation de Robert, juge réputé, libertin notoire, adepte de jeux érotiques très particuliers dont elle-même est friande. L’autre, le trop sage œnologue qui officie sur le vignoble de Suzie, réveille en elle autant de blessures que d’espoirs si longtemps dissimulés.
Alors, entre plaisirs charnels débridés et l’opportunité d’une forme de stabilité, qui de Lucas ou Mateo saura toucher son cœur ?

Retrouvez avec un grand plaisir la bande de Suzy et de Robert en suivant la vie de Clémence, éprise de liberté, dans ce troisième tome qui vous tiendra en haleine !

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

"C'est un véritable coup de cœur, une romance travaillée et addictive écrite par une auteure de talent." - Des Pages et moi.

"Une histoire addictive, pleine de rebondissements" - Accro2newromance .

À PROPOS DE L'AUTEURE

Marie Anjoy vit dans le Sud de la France. Désormais à la retraite, elle était infirmière. Rêveuse, elle écrit pour son plaisir depuis l’enfance, des histoires pour faire rêver, avec de beaux happy-ends, des romances à l’image de celles qui lui permettent de décompresser après des journées difficiles.

Das E-Book können Sie in Legimi-Apps oder einer beliebigen App lesen, die das folgende Format unterstützen:

EPUB
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



À vous, lecteurs

Parfois, tu as seulement besoin de respirer, de faire confiance à la vie et de lâcher prise.

- Auteur anonyme

Avertissement sur le contenu

Ce roman est une œuvre de fiction. Si certains lieux sont réels, les situations et les personnages décrits proviennent uniquement de l’imagination de l’auteure. Par conséquent, toute ressemblance avec des personnes et des faits existants, ou ayant existé, serait purement fortuite.

Ce livre contient quelques scènes susceptibles de heurter la sensibilité des plus jeunes et des personnes non averties. Il ne convient donc pas aux mineurs. L’auteure décline toute responsabilité dans le cas où ce récit serait lu par un public non adapté.

Bonne lecture !

- Marie Anjoy

Prologue Clémence

J’arpente la pièce depuis un quart d’heure, toujours en sous-vêtements, quand la porte s’ouvre sur Suzie et Meg. Je les ignore et continue ma déambulation en marmonnant dans ma barbe.

— Clémence, qu’est-ce que tu fais ? s’enquiert Meg.

— Ça ne se voit pas ? Je réfléchis.

— Euh, OK, mais…

— Mais quoi ? m’emporté-je en la toisant.

Suzie me dévisage sans émettre le moindre commentaire, elle ne me connaît que trop bien et sait qu’il vaut mieux ne pas me pousser dans mes retranchements. Elle se contente de s’asseoir sur le lit, près de la robe que j’ai prévu de porter pour la cérémonie à laquelle nous sommes censées nous rendre. La femme de mon ex arbore une tenue mettant en valeur sa splendide silhouette à faire baver d’envie les jeunes filles rêvant de mannequinat. À trente-six ans et malgré ses grossesses, elle peut encore aujourd’hui, sans gêne, exposer son corps de déesse dans des robes cintrées qui dessinent les courbes subtiles de son anatomie. Suzie possède une classe folle et un port de tête aristocratique qui lui donnent un air guindé et froid de prime abord, mais qui est loin de l’être. Elle est même tout l’opposé de ce qu’elle laisse paraître lors d’une première rencontre.

— Tu es d’une élégance folle, comme toujours. Tu vas faire de l’ombre à la reine de la fête, ne puis-je m’empêcher de lui dire.

Elle me fixe, petit sourire narquois aux lèvres.

— Tu crois qu’elle va s’en offusquer ? réplique-t-elle.

Je hausse les épaules et m’installe sur le tabouret face au miroir de ma coiffeuse.

— Va savoir !

— Elle ne devrait pas. Après tout, n’a-t-elle pas choisi nos tenues ? glousse Meg, tout aussi chic dans son vêtement aux reflets moirés qui rehaussent l’éclat de ses yeux verts.

À travers la glace, je contemple le mien que Meg tient à bout de bras et que je ne me résigne pas à enfiler.

Incapable de tenir en place, je me lève, soupire et me poste devant la fenêtre qui offre un panorama magnifique sur des vignes à perte de vue. Habituellement, ce décor m’enchante et m’apaise. Cette demeure est une petite merveille, un havre de paix perdu au milieu de nulle part dans ce Médoc que l’on apprend vite à aimer, loin des villes bruyantes. Un espace de vie dans lequel les enfants s’épanouissent. Je les aperçois sagement installés sur les chaises de jardin, sous la surveillance attentive de leurs pères respectifs. Les faire tenir en place est une gageure. D’ailleurs, Julian, deux ans, court vers les vignes de sa démarche incertaine. Eva gigote sur son siège. Nina, sa cousine Emma sur les genoux, lui chantonne probablement une comptine, tandis que Robert, suivi d’Enzo, se précipite à la poursuite de son bambin fuyard. Nick, quant à lui, agenouillé aux pieds de sa deuxième fille, rajuste ses sandales. Un homme dans un costume gris anthracite vient les rejoindre. Mon cœur se serre à sa vue. Bon sang de bonsoir, qu’il est beau !

— Bon, alors, on fait quoi, là ? m’interroge Meg. L’heure tourne.

Ma décision est prise : je ne peux m’y résoudre. Aussitôt décidée, je me campe devant l’armoire, en sors un jeans et un t-shirt que j’enfile à la hâte sous les regards consternés de mes amies.

— Mais qu’est-ce que tu fais ? panique Meg tandis que j’attrape mon sac et mon téléphone.

— Je peux pas, lui réponds-je.

— Non ! s’insurge-t-elle en m’attrapant le bras.

Je me dégage d’un coup sec, me dirige vers la sortie, retirant les épingles qui maintiennent ma coiffure élaborée pour la circonstance, et me heurte à Marie sur le point de toquer à la porte. Elle me dévisage, abasourdie.

— Clémence ! hurle Meg, tandis que Suzie l’exhorte à me laisser partir. Je n’entends pas la fin de sa phrase, mais cela n’a aucune importance.

Partir, ou plutôt fuir, incognito de préférence, c’est mon souhait le plus cher. J’ai de grandes chances d’y parvenir, les femmes de la maison étant toutes dans ma chambre, les enfants et les hommes dans le jardin. Sauf qu’un de ceux que je voulais éviter se dresse au bas des escaliers et m’observe. Je marque un temps d’arrêt devant son regard qui me déstabilise et confirme que je fais le bon choix. Pour preuve, il n’intervient pas, et, bien que visiblement surpris, s’abstient de tout commentaire. Des larmes contenues trop longtemps m’échappent à la seconde où je passe la porte de la résidence des Chambard.

Chapitre 1 : Des rencontres intéressantes Clémence

3 ans plus tôt

Je me demande bien pourquoi j’ai accepté de venir à cet anniversaire ! Je n’y connais personne en dehors de celui dont on fête aujourd’hui les trente-deux ans, de Suzie, sans oublier Nick et sa femme rencontrée lors de circonstances fâcheuses.1 Certes, je suis ravie d’être là, n’ayant pas revu mes amis depuis au moins six mois. Mais au milieu de tous ces Bordelais qui ne parlent que de grands crus, d’intempéries, de mildiou, d’oïdium2 et de leurs conséquences tragiques sur la production, je me sens perdue.

Je dois reconnaître que l’endroit est plaisant. La demeure cernée de vignes possède un certain charme, un peu désuet cependant, mais offre néanmoins tout le confort moderne malgré son grand âge.

Mais que de monde ! Je n’aurais pas imaginé que Robert apprécie ce genre d’évènement. Mais je suppose que Suzie, talentueuse organisatrice de réception en tout genre, en est l’instigatrice. Je présume qu’elle profite de l’occasion pour se glisser subrepticement dans la bonne société bordelaise et approcher les personnes les plus en vue de ce milieu auquel elle souhaite s’intégrer. Castelgraves, petit domaine viticole à faire connaître, vaut bien quelques efforts. Je l’ai bien compris au cours du dîner de la veille durant lequel nous avons fêté, dans l’intimité et en famille, notre cher Robert et ses trente-deux printemps. Voir les miens approcher ne me réjouit pas. Ils sonnent le glas des ans qui passent et d’une vie que je veux distrayante, mais loin de me rendre réellement heureuse. Malgré mes tentatives pour me convaincre, clamer haut et fort être satisfaite de relations éphémères — fugaces et juste suffisantes à combler mes pulsions sexuelles —, je me sens totalement vide. Bien plus vide dès que mon regard glisse sur le ventre rond de la femme de Nick et lorsque Éléonore se réjouit d’entrer dans son deuxième trimestre, malgré quelques appréhensions, ayant fait deux fausses couches.

Accoudée au comptoir du bar dressé pour l’occasion dans le jardin arboré qui fait dos à la façade joliment ornée de lierre, je vis une véritable torture. Des gosses hurlent, nous tournent autour et m’insupportent ! Pour tout dire, mon seuil de tolérance avoisine le zéro pointé ; cinq minutes, c'est le temps maximum que je peux passer en leur compagnie.

Je soupire d’ennui et de mal-être. Par comble de malchance, la nièce de Robert, qui répond au doux nom de Nina, il me semble, et une autre gamine bien plus turbulente qu’elle, me bousculent sans ménagement. Ma coupe de champagne s’écrase à mes pieds. Mes magnifiques chaussures échappent au désastre. Pas celles de mon voisin.

— Sale môme, marmonné-je entre mes dents.

— Il n’y a pas de mal. Juste un peu de vin renversé, me répond le propriétaire des Richelieu tout en se penchant pour récupérer, à l’aide d’une serviette en papier, les débris de verre et éponger ses chaussures.

Je le regarde s’activer sans intervenir, de plus en plus irritée. Lors de réunions festives, je suis plutôt à l’aise et, en général, en mode prédatrice à la recherche d’un homme à dévorer tout cru. Mais aujourd’hui, je suis d’humeur morose, sans raison particulière. Enfin si, mais je repousse la cause de mon tourment au plus profond de mon âme. Même après avoir scanné la foule à la recherche de mecs sexy, mon moral reste en berne. Et pourtant, mes amis m’ont présenté plusieurs de leurs connaissances masculines célibataires. Nick, qui me connaît parfaitement, n’a pas manqué de me mettre en garde, me demandant d’oublier momentanément mes penchants exotiques — si l’on peut les nommer ainsi — que j’affectionne. Le saligaud n’ignore pas mes préférences sexuelles, et pour cause ! Pourtant, une partie de jambes en l’air musclée quelque part dans la maison me rendrait ma bonne humeur.

Je soupire à nouveau au souvenir d’une rencontre insolite3 lors d’une fête similaire narrée par Nick et Meg ; mon regard se porte sur eux, et je me demande si, vu les circonstances, ils se remémorent cette journée. Sans nul doute que oui.

— Ça va ? s’enquiert mon voisin de comptoir que j’ai totalement ignoré malgré l’incident de la coupe échouée à ses pieds.

J’aurais peut-être dû m’excuser ? Mais toute à ma mélancolie, je l’ai occulté de mon horizon qui se résume, pour l’heure, à ma bande d’amis. Je m’oblige à détourner les yeux pour les porter sur l’individu face à moi et croiser les siens. Je reste un instant, abasourdie, éblouie par ses prunelles azurées marquées d’un filet bleu marine qui borde la pupille et le bord de l’iris. L’intensité du regard en est plus accentuée. Si troublant que je peine à le soutenir. Et moi, Clémence, celle que rien ne dérange, déstabilisée, baisse la tête sur mes Louboutin.

L’inconnu aux yeux hypnotiques éclate de rire.

— Désolé pour l’effet que je fais sur les femmes !

Bien évidemment, sa remarque m’insupporte. Je me redresse pour le toiser et lui lancer une réplique mordante. J’en profite pour le détailler de la tête aux pieds. Un malotru plutôt bel homme, très élégant ! Sa chemise blanche cintrée laisse deviner une silhouette galbée, un ventre plat. Une mâchoire carrée, rasée de près, met en valeur une bouche bien dessinée que surmonte un nez aquilin. Ses cheveux bruns, à la coupe courte parfaite, sont parsemés de quelques fils argentés. La quarantaine, peut-être. Tout à fait mon type. Sexy en diable. Sauf que j’exècre les prétentieux.

— Pas dans le sens que vous imaginez, tente-t-il de se justifier. La couleur de mes yeux déconcerte et met souvent mes interlocutrices mal à l’aise. De ce fait, je porte des verres de contact la plupart du temps, et plus particulièrement dans le cadre de mes activités professionnelles. Je ne peux me permettre de les troubler, reprend le fanfaron.

Je pense plutôt qu’il joue de son attrait sur la gent féminine, même s’il faut reconnaître que ce bleu profond qui ourle ses prunelles rend son regard… gênant… déstabilisant… particulier. Je ne saurais définir la sensation éprouvée. Devant cette teinte peu commune, je me demande s’il ne se fiche pas de moi. Des yeux de ce bleu, ça n’existe pas ! Il ne peut que porter des lentilles colorées, délibérément choisies pour son jeu de séduction.

— Et vous exercez quel métier au point de troubler les femmes et les hommes ? demandé-je, insistant sur le mot « troubler ».

— Juge d’instruction.

Ah, l’ignorant qui croit m’impressionner, alors que j’en ai mis, plus d’un, au pas des « juges d’instruction » !

— Oh, un ami de Nicolas, je suppose ?

— Plutôt de Robert. Nous n’avons pas été présentés. Lucas Berthelier, pour vous servir, annonce-t-il en me tendant la main.

Je souris devant cet air cérémonieux et accepte sa poigne virile.

— Clémence Dubreuil, avocate au barreau de Paris.

Eh oui, très cher, nous évoluons dans la même sphère ! Alors tu repasseras avec ton statut censé m’éblouir…

Son visage impassible ne laisse entrevoir aucun signe éventuel de surprise.

— Du genre à squatter le bureau de votre juge ?

— Cela m’arrive.

Il m’observe à son tour, effrontément, me déshabillant du regard. Je crois bien avoir déniché le coup d’un soir répondant à mes aspirations. Mais ce soir, je mènerai la danse, malgré mon faible pour les dominants.

— Je ne doute pas un instant qu’il goûte à vos visites impromptues.

— Et vous, Lucas, appréciez-vous les magistrates qui viennent perturber votre travail ?

— Tout dépend de qui vient et pourquoi, me réplique-t-il en s’approchant jusqu’à m’acculer contre le bar.

Je perçois les effluves de son parfum boisé, son souffle dans mon oreille quand il ajoute :

— Je négligerai volontiers quelques dossiers pour quelques instants en votre compagnie.

Hum, la soirée prenant un nouveau tournant s’annonce sous de bien meilleurs auspices !

— Ah, te voilà !

Une jeune blonde, la vingtaine — peut-être plus —, aux atouts physiques indéniables, vient interrompre notre flirt. Sa sœur ? Très rapidement, je devine que non. Son intérêt pour le bel Apollon s’avère des plus évidents. Qui n’en aurait pas pour ce séduisant et attirant mâle alpha ?

— Oh, Marie, j’allais te rejoindre quand nous avons, Clémence et moi, été victimes d’un petit incident.

La prénommée Marie nous dévisage tour à tour, fronçant les sourcils de son joli minois.

— Une amie de longue date de Robert et Nick, me présenté-je.

— La secrétaire de Rob. Ravie de vous rencontrer.

Voici donc la perle rare dont mon ex — oui, je considère toujours mon premier amour comme mon ex, malgré la longue liste de prétendants à ce titre qui ont suivi —, ne cesse de vanter les compétences !

— Moi de même, déclaré-je, alors que je n’en pense pas un mot, agacée par son intrusion et craignant qu’elle ne vienne contrecarrer mes projets.

— J’ai repéré nos places sur le plan de table. J’y ai vu votre nom. Nous partageons donc la même, car je présume que vous êtes la seule Clémence dans cette assemblée.

Tout bien considéré, l’espoir de conclure plaisamment cette soirée ne semble pas compromis.

— Super ! me contenté-je de commenter en leur emboîtant le pas.

Chemin faisant, nous croisons Robert.

— Je m’inquiétais, ne te voyant plus dans les parages.

— Ah oui ? Pour moi ou pour les hommes que je pourrais séduire ? Sache que ton jumeau de cœur m’a déjà fait la leçon, ajouté-je devant son air déconfit. Promis, je serai sage comme une image. Sauf si j’en trouve un à ma mesure. J’espère que ta maison est bien insonorisée ?

— Clem !

— Oh, je t’en prie ! Je constate que ton sens de l’humour ne s’améliore pas au fil des ans.

— C’est ça ! Comme si tu plaisantais !

— Aurais-tu peur que je dévergonde tes relations coincées du c…

Robert m’empoigne par le coude et m’entraîne à l’écart de Lucas et Marie, me coupant au milieu de ma phrase.

— On se calme. OK ?

— Quoi ? Je ne peux plus rigoler ? Si tu n’apprécies pas mes manières, tu aurais dû t’abstenir de m’inviter. Et j’y suis pour rien si tes fréquentations sont super collet monté ! Quoique Lucas me semble suffisamment déluré pour répondre à mes besoins. Mais je ne voudrais pas empiéter sur les platebandes de la petite, donc est-ce que elle et lui… ? m’informé-je.

— Marie n’est pas son type. Par contre toi, oui. Vous devriez bien vous entendre.

— Eh bien, voilà ! Je te remercie de nous avoir placés à la même table.

— Tâche cependant de bien te tenir. Ne va pas faire étalage de tes prouesses sexuelles et de ton fameux top 10. Garde-le pour un cercle plus intime.

Je m’approche et lisse la chemise du plat de la main de mon ex toujours aussi beau qu’au premier jour de notre rencontre, quinze ans plus tôt. Voire encore plus sexy. À la place de Suzie, je serais jalouse de toutes les nanas qu’il côtoie, même si nul n’ignore l’amour sans limites qu’il éprouve pour elle. Malgré celui qu’il ressentait pour moi du temps de notre vie commune, j’ai conscience de n’avoir pas été aimée aussi intensément. Pour preuve : son peu d’enthousiasme à me reconquérir. OK ! Pour être honnête, le pauvre n’en a pas vraiment eu l’opportunité face à mon comportement de peste. Pour autant, notre relation amoureuse, muée en une amitié indéfectible, perdure depuis toutes ces années. L’affection que nous portions à Eve nous unit pour toujours. J’imagine qu’elle doit s’en réjouir, où qu’elle soit ! Décidément, de sombres souvenirs polluent mon cerveau, aujourd’hui. Je me reconcentre sur l’instant présent et ajuste mon masque.

— Pas d’inquiétude, mon petit cœur. Personne ne t’a détrôné du podium. Mais promis, je tiendrai ma langue ou, tout au moins, en ferai un autre usage dans l’intimité de ma chambre.

— Clem, tu es insupportable. Tu ne penses qu’à ça !

— Eh ! Qui a mis le sujet sur le tapis ? Toi, que je sache !

Mon ami lève les bras en signe de reddition et me souhaite un bon après-midi. Je l’abandonne pour rejoindre ma table, tout émoustillée à la perspective d’une fin de soirée avec le sexy Lucas. J’userai de tous les artifices pour quelques heures torrides en sa compagnie, dans mon lit ou ailleurs. Distraite par ce projet et la tête dans les nuages, fantasmant à des scènes indécentes, j’entre en collision avec un mur de béton.

En réalité, je découvre un torse bien sculpté sur lequel ma main s’égare avant que je ne lève les yeux sur son propriétaire et croise ceux d’un brun, de type hispanique, au regard noisette. Contrairement à la majorité des invités, il ne porte pas de chemise, mais un t-shirt, blanc ajusté, soulignant sa plastique plus qu’appétissante, sans parler de sa bouche qui appelle les baisers.

— Désolée, m’excusé-je.

— Il n’y a pas de mal.

Derrière lui, Lucas me hèle de la main. Je lui réponds en retour d’un geste similaire, ce qui incite mon bel inconnu à se tourner.

— Ah, je vois que vous êtes en compagnie du juge, déclare-t-il d’un ton soudain plus froid.

— Nous partageons la même table. En réalité, je viens à peine de faire sa connaissance. Moi, c’est Clémence, une amie des mousquetaires, déclaré-je en désignant le quatuor discutant un peu plus loin. Et vous ?

— La Parisienne.

— Oh, vous avez entendu parler de moi ?

— On ne parle que de vous. Vous ne passez pas inaperçue.

— Vraiment ? minaudé-je.

— Clémence !

— Le juge Berthelier vous réclame. Hâtez-vous de le rejoindre. Il n’apprécie pas qu’on le fasse attendre ni que les femmes lui résistent. Amusez-vous bien, Clémence.

— Et si je préfère passer la soirée avec vous ?

— Il semble que vous ne soyez plus disponible, monsieur Berthelier vient récupérer sa proie.

Il se trompe, c’est moi la prédatrice !

Avant que mon futur joujou ne m’ait rejoint, mon inconnu tourne les talons. Je ne peux m’empêcher de reluquer ses fesses moulées dans un jeans noir et d’éprouver quelques regrets. Sa beauté brute contraste avec celle de Lucas, bien plus raffinée, et stimule ma gourmandise. J’en ferais bien mon quatre-heures, si je parviens à découvrir son identité.

1. Voir Troubled Hearts, tome 1.

2. Maladies de la vigne.

3. Voir Troubled Hearts, tome 1.

Chapitre 2 : Plaisirs de lendemain Clémence

Je sirote mon café, installée sur la terrasse qui surplombe le domaine vinicole. Bien que citadine dans l’âme, Parisienne de naissance et n’ayant jamais envisagé de vivre ailleurs que dans la ville de lumière, j’apprécie l’ambiance de cette résidence secondaire, tout en ayant une préférence pour l’appartement dont disposent mes amis en centre-ville de Bordeaux.

Suzie, très investie dans son exploitation agricole, passe désormais la majorité de son temps sur la propriété. Elle y produit un vin de qualité. Pas un grand cru, pour l’instant, bien que vanté comme prometteur par les amateurs de Bordeaux lors du repas de la veille. Personnellement, je n’y connais rien en œnologie, je peux juste assurer qu’une fois bu ses effets secondaires sont dévastateurs. Quoique la sensation d’ivresse n’était peut-être pas due à la quantité ingurgitée sans modération, mais plutôt au beau brun aux yeux azur avec lequel j’ai partagé mes draps. Non sans avoir testé, en guise de préliminaires, le capot de sa Porsche, l’abri de jardin et de la piscine, à deux doigts de nous y faire surprendre. Je glousse à ce souvenir. Ce mec, une vraie bête de sexe, vient de bouleverser tout mon classement basculant au bas des marches les trois premiers du podium pour lui laisser la place. Toute la place. Il en occupe désormais les trois gradins à lui tout seul. Aucun futur candidat au trône ne parviendra jamais à égaler cet étalon. Décidée dans un premier temps à mener la danse, je lui ai rapidement cédé les rênes pour un résultat dépassant mes espérances les plus folles, chassant aussitôt de mes pensées le brun typé croisé quelques heures plus tôt.

Suzie me sort de mes divagations érotiques.

— Déjà debout ? Bien dormi ?

— Si on veut !

Un sourire de satisfaction étire mes lèvres en songeant à celui qui m’attend dans mon lit.

— Oh ! Surtout, ne me raconte rien !

— Je n’en avais pas l’intention, m’insurgé-je.

— Étonnant ! Lucas ne serait donc pas à la hauteur des rumeurs à son propos ?

— Je croyais que tu ne voulais pas savoir ?

— Je ne veux pas que tu entres dans les détails comme tu en as l’habitude ; je suis simplement surprise que tu ne clames pas haut et fort sa place dans le classement.

— Tout simplement parce qu’il est hors concours. Tu vois ma tête ? Je suis lessivée et rassasiée de sexe pour le mois à venir.

Suzie éclate de rire.

— Ah non, je ne peux pas y croire ! Te connaissant, je pense plutôt que tu aimerais bien en redemander du « Lucas ». L’ennui, ma chérie, c’est que Monsieur le Juge prône, tout comme toi, les relations éphémères. Très éphémères.

— Parfait ! Il suffit que je prenne une petite avance jusqu’à la prochaine séance. Et lui, je suis persuadée qu’il appréciera ma petite gâterie matinale avant que nous ne nous séparions.

— Je crains que cela ne soit pas possible.

— Et pourquoi donc ?

— Parce que je viens de le croiser alors qu’il regagnait sa voiture. Comme je reviens des vignes, il n’a pas pu m’éviter, malgré ses tentatives pour s’éclipser discrètement.

Je ne sais pas ce qui me surprend le plus : que Lucas ait profité de mon absence pour s’enfuir — je ne peux lui reprocher, j’agis de même — ou de découvrir que Suzie, Suzie la citadine que je connais depuis des lustres, arpente ses terres à l’aube — enfin l’aube, de mon point de vue —.

— Qu’est-ce que tu fichais dehors à une heure aussi matinale ?

— Huit heures, c’est matinal pour toi ?

— C’est les vacances, Suze !

— Pour toi ! D’ailleurs, pourquoi es-tu debout si tôt, alors qu’un homme squattait ton lit ?

— Baiser toute la nuit ouvre l’appétit, je suis venue reprendre des forces avant un deuxième round. Donc toi, tous les matins, tu sillonnes la propriété quand tu viens ici ?

— Oui, pas de dimanche ni de jours fériés pour la vigne. Qu’il pleuve ou qu’il vente, sur le pont dès sept heures du matin. Et j’ai beaucoup à apprendre.

Je la fixe d’un œil torve tant je ne la reconnais pas. OK, elle administre un domaine vinicole, mais je l’imaginais le faire derrière un bureau ! Je réalise soudain qu’elle a troqué ses robes de créateur contre une tenue confortable et une paire de baskets. Ses cheveux blonds sont maintenus en une simple queue de cheval et son visage exempt de maquillage. Une trace de boue lui barre la joue ; je me penche pour la lui retirer avec une serviette.

— Qu’est-ce que tu fais ?

— Tu avais un peu de terre sur le visage.

— Oh, les risques de ce métier. On ne revient pas toujours très propre…

— Mais tu fabriques quoi dans tes vignes ?

— Tout dépend. Parfois, je me contente de suivre Matthias et de l’écouter faire le point. D’autres fois, je participe à la taille ou aux soins à prodiguer aux ceps, pour ce qui concerne le volet viticole. Mateo, mon maitre chai, m’instruit quant à lui pour tout ce qui touche à la partie vinicole. Exercice moins fatigant, moins salissant et plus fascinant.

— Viticole, vinicole ? Il y a une différence ? Cela semble complexe. Moi, je croyais que tu manageais ton équipe et qu’elle gérait le reste. Je n’aurais jamais imaginé que tu t’investisses à ce point. On est loin du jardinage et de la composition de bouquets de fleurs.

— En effet ! Mais tu sais, j’ai toujours souhaité m’occuper, pas simplement faire de la figuration et voilà que Mateo, véritable puits de science sur la question, me transmet sa passion pour l’élaboration du vin. Notre Lion de Castelgraves se place doucement dans la liste des deuxièmes vins et nous travaillons d’arrache-pied pour lui offrir une place honorable. J’espère que de nos efforts combinés et de nos cépages naîtra, dans quelques années, un grand Bordeaux.

Je suis soufflée et, face à son sérieux, j’ai presque envie de hurler : « Rendez-moi Suzie ! ». Mais la femme face à moi respire la joie de vivre. L’air du Médoc lui va bien au teint.

— Vu que ton amant d’un soir t’a fait faux bond, tu veux venir avec moi jusqu’au chai ? Tu y feras la connaissance de Mateo. Tu vas voir, il est fascinant.

Et vieux, je suppose.

— Pourquoi pas.

— OK ! Pendant que tu enfiles une paire de baskets, je vais donner à Lucie les consignes pour le repas de midi.

— Ah, eh bien, je n’envisageais pas de faire du footing, mais plutôt de glander dans un transat pour peaufiner mon bronzage… et écumer les boutiques rue Sainte-Catherine. Mais j’ai une paire de tongs dans ma valise.

— Pas très adapté pour le sentier qui mène aux dépendances. Nous avons la même pointure, il me semble. Je vais te dépanner.

Suzie possède réellement plus d’une paire de chaussures de sport ? Je peine à y croire. Aussi loin que remontent mes souvenirs, j’ai toujours bavé d’envie devant la centaine d’escarpins de son dressing. Je ne me souviens pas y avoir vu autre chose que ce type de chaussures hormis d’élégantes bottines ! De plus, Suzie, pas sportive pour deux sous, ne doit son corps de rêve qu’à la génétique, tandis que je dois m’astreindre à des séances régulières en club de gym. La vie est injuste !

Arrivée dans ma chambre, je constate la vacuité de mon lit. Bien que Lucas et moi n’ayons rien projeté de plus qu’une partie de jambes en l’air le temps d’une nuit, je suis déçue. Voire contrariée qu’il ait filé à l’anglaise, comportement qui m’est pourtant familier, agissant de même la plupart du temps. De plus, je n’envisageais pas d’entretenir une relation, même épisodique. Encore moins gérable quand huit cents kilomètres nous séparent. Lorsque l’amour s’en mêle, cela s’avère compliqué, comme j’ai pu le constater avec Meg et Nick. Alors quand seules les relations sexuelles unissent deux personnes… De toute façon, je n’en demande pas plus, d’autant que j’ignore quand et si je reviendrai dans la région.

Un sourire de satisfaction s’affiche sur mes lèvres à la vue d’un petit mot près de mon téléphone en charge.

« J’ai entré mon numéro dans ton répertoire, appelle-moi quand tu es dispo pour remettre ça ».

J’avoue que la perspective de le revoir durant mon séjour m’enchante. C’est donc toute guillerette que je descends les escaliers en chantonnant. Suzie m’attend, une paire de chaussures à la main.

— Vous êtes tombées du lit, constate Robert qui apparaît sur le palier. Vous allez où de si bon matin ? s’enquiert-il tandis que je lace mes baskets, assise sur la dernière marche.

— Faire visiter l’exploitation à Clémence.

— Tu t’intéresses au vin, toi ? me demande mon ami, sceptique, tout en s’accoudant à la rambarde.

Je hausse les épaules.

— Bah, pas plus que ça, mais ta femme, très fière de son acquisition, m’a suggéré de l’accompagner jusqu’au chai...

— Hum, ne va pas faire du gringue à Mateo, s’il te plaît.

— Oh, ça va ! Je ne drague pas tous les hommes que je croise, répliqué-je en le toisant, les mains sur les hanches.

— Non, mais tous ceux que tu trouves à ton goût, oui, me rétorque-t-il en descendant nonchalamment de l’étage.

OK ! Le Mateo ne doit pas être un vieillard comme je l’imagine.

— Elle a eu sa dose de sexe, cette nuit, précise sa femme en se coulant dans ses bras. Avec Lucas, ajoute-t-elle.

— Eh, pas besoin de raconter ma vie sexuelle ! m’indigné-je.

— Habituellement, c’est toi qui nous abreuves de détails croustillants, alors ne viens pas faire croire que ça te gêne.

— Non, TU es celui que ça dérange.

— Je suis un de tes ex, Clem !

— Oh, Seigneur ! Tu n’as pas dépassé tout ça ! De l’eau a coulé sous les ponts depuis quinze ans ; tu es mon ami, maintenant, un frère en quelque sorte.

— Un frère inscrit dans ton top des… des… bafouille-t-il.

— Meilleurs coups de sa vie, complète Suzie en gloussant dans son cou.

— Suzie ! s’agace-t-il.

— Quoi ? Je confirme, des miens aussi, réplique-t-elle, légèrement grivoise.

— Non, mais vraiment, cette conversation est d’un glauque !

— Tout simplement parce que tu manques d’humour. Et pour info, tu as quitté le top 10. Même le top 3.

— Non ! s’exclame Suzie. Donc Lucas…

— Suzie, pitié, arrête, la coupe Robert, ne va pas alimenter cette discussion. Je ne veux rien entendre !

Mon amie me pousse vers l’extérieur tandis que son mari se dirige vers la terrasse pour y déjeuner.

— Donc les rumeurs confirment l’adage : « Pas de fumée sans feu ».

— Faut croire. Je peux te l’assurer.

— Pauvre petite Marie.

— Pourquoi plains-tu cette fille ? Rob m’a assuré qu’elle n’est pas son genre.

— Exact. Pas du tout même, ce qui ne l’empêche pas d’espérer tant elle est dingue de lui.

— Et ?

— Eh bien, elle voudrait se glisser également ailleurs que dans son lit.

— Quoi ? Elle voudrait se faire épouser ? Tristement démodé ! Et lui, un peu trop vieux pour elle, non ?

— Est-ce important quand on s’aime ?

— Non, bien sûr que non. Enfin, j’imagine. Et tu connais l’âge de Lucas ?

— Entre trente-huit et quarante, je pense.

— Une quarantaine qu’il porte bien. Il pète la forme. Et quelle endurance ! Et donc, Marie et lui ?

— Oh, sa réputation de libertin notoire le précède. Quant à Marie, Rob s’efforce de la tenir à distance de ce Don Juan tant elle lui rappelle Meg.

— Rob ne change pas, toujours aussi protecteur à ce que je constate. Il devrait laisser la gamine tenter sa chance. Et vu la fin heureuse de l’aventure entre Meg et le play-boy, qui sait si la belle ne pourrait pas, elle aussi, séduire le bad-boy. De plus il n’existe rien de plus divertissant que de jouer à la bête à deux dos.

— Non, je ne pense pas. Il serait colérique et fréquenterait des clubs… un peu particuliers. Je n’imagine pas Marie prisant ce genre de vie. Il est donc préférable qu’elle l’oublie.

— Hum, un hédoniste !

Je ne peux pas mieux tomber.

— Oui, mais là, on suggère des comportements à la limite de la perversion. Et pour un juge…

— Peut-on qualifier de perverses des pratiques sexuelles, quelles qu’elles soient, consenties par les deux partenaires ?

— Houlà ! Je ne peux débattre de ce sujet, manquant d’ouverture d’esprit dans ce domaine !

— Quoi ? Serais-tu incapable d’être amie avec des personnes qui ne rentrent pas dans le moule, au point de leur retirer ton amitié ?

— Non, bien sûr que non ! Je ne me permettrais jamais de juger les modes de vie de qui que ce soit, n’ayant pas été, moi-même, très exemplaire non plus. J’ai… j’ai eu un amant, un temps.

— Un ? Plusieurs, il me semble.

— Oh, ceux-là ne comptent pas. Ce que je veux dire, c’est que j’ai trompé Robert. Alors que nous étions mariés.

Je m’arrête quelques secondes, sous le choc de la révélation.

— Il le sait ?

— Il l’a toujours su.

Je ne sais que répliquer et nous poursuivons notre chemin en silence. Je me demande si Suzie regrette cette soudaine confidence.

— Je te choque ?

— Eh bien… non, oui… je n’en sais rien, en fait. D’une certaine manière, oui. Mais après tout, que sais-je de la vie de couple et de l’amour éternel ? Je suis célibataire et fuis toute relation sérieuse, depuis Léo. N’ayant jamais vécu avec quelqu’un sur du long terme, je ne peux qu’imaginer que l’amour s’étiole au cours du temps qui passe. À vivre constamment avec la même personne, à la longue, on ne doit plus supporter les petits travers de l’autre, au point qu’ils deviennent insupportables. Enfin, je suppose, d’où…

— Comment ça, tu supposes ? m’interrompt Suzie en me stoppant par le bras. Les petits défauts horripilants, c’est bien l’argument que tu nous as vendu pour justifier ta rupture avec Rob que tu fréquentais depuis presque deux ans ? reprend-elle.

Comment me sortir de ce mauvais pas ? Hors de question que j’avoue la vraie raison, à elle plus qu’à tout autre.

— Oh, oui, bien sûr ! Je voulais dire que je comprends ton envie d’échapper à ces tics agaçants et qu’elle t’a probablement poussée dans les bras d’un autre homme. Un besoin de nouveauté, de fuir le quotidien ennuyeux.

— Peut-être, répond-elle en reprenant la marche, l’air morose.

— Une de nos connaissances ? m’enquiers-je craignant qu’elle ne revienne sur les raisons de ma séparation.

— Peut-être, répète-t-elle.

Ce nouveau « peut-être » me laisse perplexe, laisse conjecturer que je le connais probablement. D’autant qu’en règle générale, les statistiques prouvent que les relations adultérines sont fréquentes dans la sphère familiale ou amicale. Après un petit tour rapide de notre entourage commun, j’en conclus qu’il s’agit de… Nick ! Mais mon cerveau refuse cette éventualité, devant leur passé commun, leurs liens presque fraternels et un Nick fou amoureux d’Eve au point d’être anéanti par son décès. Sauf si…

Clémence, tu t’incrustes dans des secrets qui ne te regardent pas, me morigéné-je intérieurement.

— Rien de simple, en réalité. Car on peut aimer quelqu’un et pourtant avoir besoin d’un autre.

— Tu pollues mon cerveau avec cette confidence. Comment en sommes-nous arrivées là ?

— Nous parlions de tolérance, de nos imperfections, de nos erreurs.

— Robert en a souffert ? ne puis-je m’empêcher de demander.

— Oui, même s’il comprenait. Jusqu’à l’accepter. Plus ou moins.

— J’avoue que rien ne laisse penser que votre couple ait pu vivre des moments difficiles. Hormis la mort d’Eve et le sentiment de culpabilité de Robert pour n’avoir pu la sauver, alors que lui s’en est sorti avec juste quelques cicatrices.

— En effet, la culpabilité, très prégnante, nous a fait vivre d’affreux moments. Une période difficile et douloureuse que nous nous efforçons d’oublier, sans pour autant effacer Eve de nos souvenirs. Ah, nous voilà arrivées, annonce Suzie, coupant court à cette discussion somme toute quelque peu gênante avec une révélation dont je me serais bien passée.

Un homme, jeans, chemisette ouverte sur un marcel blanc épousant ses abdos, nous accueille sur le pas de porte d’un bâtiment que j’imagine être le « chai ».

Tiens, tiens, tiens, comme on se retrouve !

Me voici donc face au prénommé Mateo sur lequel je suis censé n’entreprendre aucun rentre-dedans. Ce qui va être très, très difficile. Ce ténébreux aux yeux noisette, celui dont je voulais faire mon goûter, m’adresse un magnifique sourire. Je remercie le destin de l’avoir remis sur mon chemin.

Chapitre 3 :Retrouvailles Clémence

— Mateo, je te présente mon amie Clémence. Elle souhaite en apprendre un peu plus sur notre activité.

Je ne démens pas, parce que j’aime bien faire plaisir à Suzie. Quoique, maintenant que je viens officiellement de rencontrer le fameux Mateo, je ne rechigne pas à subir un cours sur la vivi ou vini…, bref sur le vin. Je suis prête à écouter le maitre m’instruire, recevoir une petite tape sur les fesses s’il m’estime trop dissipée. Le bel hidalgo peut bien me torturer avec des explications mortellement ennuyeuses tant que l’issue de la leçon se termine par l’union de nos bouches.

Mateo me sourit d’un air canaille encourageant et je lui adresse en retour mon plus éblouissant sourire. Il nous suggère d’entrer et nous nous engageons à sa suite dans la bâtisse. Mon regard se porte sur deux rangées de cuves en inox qui se font face.

— Cette première salle s’appelle le cuvier, m’informe Suzie.

— Et que contiennent ces bacs ?

— À ton avis ?

Je la regarde de travers ; cela semble évident pour elle, mais pas pour moi. Mateo, quelques pas devant nous, m’explique :

— Une fois le raisin pressé, on le recueille dans ces cuves pour l’étape de fermentation.

— Ah bon, pas dans des tonneaux ?

— Pas au début, précise mon amie. La mise en fûts est une des dernières étapes. À ce moment-là, ils sont entreposés dans une pièce appelée « cuvier à barriques ». Nous nous y rendons justement.

— Ah, OK, cela semble moderne, ton bazar.

— Autrefois, les cuves que tu vois là étaient en béton et le sont encore dans certaines exploitations. Aujourd’hui, quelques-unes optent pour le bois, mais au prix affreusement exorbitant. Seuls quelques grands propriétaires peuvent se le permettre. Pas nous.

OK ! Parlez-moi d’injonction, de mise en examen, de gardes à vue, de recours… Là, je maîtrise ! Mais en ce qui concerne l’élaboration du vin, à vrai dire, personnellement, seul le résultat compte. En quelques minutes, Suzie m’a perdue avec toutes sortes d’explications sur la fermentation ou la clarification, et je suppose qu’elle va au plus simple. Je l’écoute d’une oreille distraite, plus concentrée sur le fessier de Mateo, juste devant mon nez, sur lequel je fantasme plus que de raison !

— Mateo cumule deux fonctions : maitre chai et œnologue. Aujourd’hui, nous allons évaluer quelques échantillons.

— Ce n’est pas un peu tôt pour boire ? m’étonné-je.

— On le goûte, Clem, se marre Suzie.

Je ne comprends pas très bien ce qu’elle veut me dire et, avec ma gueule de bois, j’espère ne pas être mise à contribution pour tester quoi que ce soit, petit ou grand cru en devenir. D’ailleurs, cette visite de la cave m’ennuie déjà et seule la présence du séduisant Mateo me retient de m’enfuir à toutes jambes vers la piscine ou autre lieu plus attractif, comme le centre de Bordeaux.

Nous pénétrons dans une salle plus conforme à l’idée de ce que j’imaginais être une cave. D’un côté des fûts, de chêne, je suppose, et de l’autre des bouteilles parfaitement alignées. Une pièce pas très grande, à la taille du domaine, je présume. En son centre, une table sur laquelle s’alignent des verres étiquetés. L’œnologue entreprend de siroter leur contenu, s’abstient de tout commentaire, se contente de prendre quelques notes, puis incite Suzie à faire de même.

Cette dernière suit toutes les étapes comme il l’a fait précédemment. Elle évalue la couleur, le hume et qualifie le vin de tout un vocabulaire spécifique. Elle conclut en lui attribuant le terme de « fruité » avec son goût framboise prononcé. Je me demande où elle va chercher tout ça ! Mateo la félicite. Ses yeux pétillent d’admiration. Il me paraît très fier de son apprentie.

La vache ! Que sa bouche est tentante lorsqu’il sourit.

Je ne suis peut-être pas douée en œnologie, mais je suis certaine de trouver les mots adaptés s’il me laisse faire la dégustation à même son corps. Dans ce domaine, mes compétences ne sont plus à démontrer.

Malheureusement, il m’ignore, tout comme Suzie, tous deux concentrés, épaule contre épaule, sur la cuvée à tester. Le moment me semble malvenu pour attirer l’attention du séduisant jeune homme. Mais je ne désespère pas de « tester » sur lui mes talents de séductrice. Mon séjour débute à peine et en règle générale les hommes ne me résistent pas. Faute d’obtenir l’attention immédiate de l’œnologue, je comblerai mes attentes dans les bras de Lucas, disposé à me revoir.

D’ailleurs, mon téléphone vibre dans ma poche. Je l’en extirpe et, avec ma maladresse légendaire, le laisse tomber. Étonnamment, alors que Mateo semblait se désintéresser de ma personne, il s’en saisit avant même qu’il ne touche le sol et me le tend dans un froncement de sourcils.

Oh, merde !

— Euh, je vous abandonne. Peut-être que, plus tard dans la journée, Mateo pourra m’expliquer en détail la vinification, déclaré-je.

— Je ne pense pas, j’ai beaucoup à faire, me répond froidement ce dernier.

Pas de doutes, il a bien visualisé, tout comme moi, la photo affichée en même temps que « bon coup » en guise d’identifiant de contact !

— Demain, alors. Je suis en vacances encore quelques jours.

— Je n’aurai pas plus de temps libre à vous consacrer.

À la mine de Suzie, je devine qu’elle s’étonne du comportement de son employé devant ce manque flagrant d’engouement à me servir de guide. Personnellement, j’en suspecte la soudaine raison.

— Tu trouveras bien un moment, ne serait-ce qu’une petite heure, insiste-t-elle.

— Pas sûr. Tu n’as qu’à t’en charger.

— Oh, mais personne ne connaît la propriété aussi bien que toi ! De plus, ce serait l’occasion de t’entraîner avant l’ouverture du domaine aux visiteurs.

— Tu connais mon point de vue sur la question, Suzie. Tu devrais confier cette mission à Matthias.

— Tu sais bien qu’elle te revient en tant qu’œnologue. Toi seul peux présenter nos vins et en vanter les qualités.

Mateo ne renchérit pas et semble excédé par son insistance.

— Demain, sept heures, ici. Soyez à l’heure parce que je n’ai pas que ça à foutre, crache-t-il, manifestement contrarié.

Disparus les sourires chaleureux de la veille et d’une demi-heure plus tôt !