Un ange fleurira vos tombes ! - Mathieu Tusterre - E-Book

Un ange fleurira vos tombes ! E-Book

Mathieu Tusterre

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  • Herausgeber: Encre Rouge
  • Kategorie: Krimi
  • Sprache: Französisch
  • Veröffentlichungsjahr: 2022
Beschreibung

Enquête menée par un service spécial de la police.
Le commissaire Jourdain se croyait en vacances… Lorsque le Directeur Général de la Police Nationale le dérange, il s’inquiète… au ton employé, il craint le pire…
Enfin, la convocation imminente sur Paris ne permet plus aucun doute. Si le Directeur Général de la Police Nationale demande la prise en charge de l’affaire par l’unité de Jourdain, c’est parce qu’il y a du beau linge…
Cinq corps de S.D.F. déposés devant des villas et cinq douzaines de Baccara plus tard, il pourrait en rire… Le mot sur les cartes l’en dissuade.
« Vous êtes cordialement invité à vos obsèques, mardi matin 15 mai, au cimetière de Montparnasse ».
Encore une enquête hors normes pour le Service National de Police Spéciale.


À PROPOS DE L'AUTEUR


Né en 1961 en région centre, Mathieu Tusterre s’oriente avec un cursus technique puis artistique vers le monde de la papeterie. Après une carrière dans l’industrie papetière puis numérique, il exerce pendant une dizaine d’années la profession de consultant avant de se tourner vers la rédaction d’ouvrages techniques. Il redécouvre ainsi l’écriture.
Passionné par la lecture d’auteurs tels Eugène Sue et Maurice Leblanc, mais aussi Mickael Connelly, John Grisham ou Harlan Coben, à l’aube de la soixantaine, il se lance dans l’écriture de romans policiers.









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7 rue du 11 Novembre – 66680 Canohes

Mail : [email protected]

Prologue

Paris, Bureau de Georges Panizzi. D.G.P.N{1}. 14/05/2007.09h00.

Le Commissaire Jourdain est impatient. Impatient et énervé ! Lui qui d’habitude se lève en douceur et de bonne humeur quelles que soient les circonstances a été surpris, ce matin tôt, par un appel rarissime. Le patron l’a appelé de toute urgence. Ni bonjour, ni aucune forme de politesse. À peine a-t-il décroché que la voix rocailleuse de Georges Panizzi, le directeur général de la police nationale a retentit.

⸺ Stéphane !

⸺ Oui ? Bonjour Georges.

⸺ Tu es sur Paris ?

⸺ Non, Anet ! Je suis en vacances… encore aujourd’hui… enfin je croyais…

⸺ Ok, il est sept heures trente… neuf heures dans mon bureau !

Et aussi sec, il avait raccroché ! Tout à fait le genre de plaisanteries très peu appréciées par Stéphane…

⸺ Mathilde ? Je te laisse remonter sur Paris avec le Break, je rentre de toute urgence !

⸺ Grave ? Fait Mathilde en arrivant, leur petit Marc, deux mois, accroché au sein…

⸺ Georges fait un caca nerveux !

Stéphane avait pris une douche rapide, enfilé un costume gris clair sur un tee-shirt bleu vif sans chemise, une paire de baskets et sauté dans son Audi RS4. La route entre Anet et Paris avait été avalée à toute allure, les vingt derniers kilomètres assistés par la sirène et le gyro… Et voilà, cela faisait plus de dix minutes qu’il glandait dans le salon d’attente devant le bureau du boss.

Solène, la collaboratrice de Panizzi lui a bien offert un café, un croissant. Belle attention, mais en attendant…

Enfin, cinq minutes plus tard, la porte de Panizzi s’ouvre et laisse sortir deux personnes. Le ministre de l’intérieur et un illustre inconnu.

⸺ Comptez sur moi ! L’affaire est surement une supercherie, mais bon… par sécurité…

Chapitre 1. La menace faite aux bourgeois.

Paris, Bureau de Georges Panizzi. D.G.P.N.* 14/05/2007.09h30.

⸺ Stéphane, l’interpelle le patron après avoir raccompagné ses invités. Entre !

⸺ Bonjour Georges !

⸺ Bonjour, oui, excuses-moi, mais ces deux connards…

Dès qu’ils sont installés dans le bureau, Stéphane le questionne…

⸺ Les connards, ce sont eux ? demande-t-il en faisant un signe du pouce vers la porte.

⸺ Oui ! Y compris Bergeron ! Surtout Bergeron. J’en ai vu des ministres à la noix… des buses… mais alors lui !

⸺ Racontez ? L’invite Stéphane d’une voix calme. Maintenant que je suis là… autant entendre toute l’histoire.

⸺ Alors, voilà, hier soir, à dix-huit heures précises, un coursier s’est présenté devant la villa d’un client de Maitre Singetti…

⸺ Singetti ?

⸺ Le nain avec le ministre…

⸺ Sa trombine me disait bien quelque chose…

⸺ Tu penses ! L’avocat le plus pourri de Paris… et surement même de France… donc, chez son client, mais aussi chez quatre autres charlots du même genre. Un dimanche soir…

⸺ Mouais… et évidemment, il y avait un message identique pour tous ! Un message qui est, je le devine, la raison de cette convocation.

⸺ Exactement. Tiens lis ! Ah, je précise, ce petit message a été soigneusement déposé dans un bouquet de roses rouges… Des Baccara. Douze pour chacun ! Tendre attention…

Stéphane s’empare du mot tendu par Panizzi.

« Vous êtes cordialement invité à vos obsèques, mardi matin 15 mai, au cimetière de Montparnasse ».

⸺ C’est tout ?

⸺ Maigre hein !

⸺ Sans déconner Patron ? C’est pour cela que j’ai risqué ma vie sur la route ?

⸺ Non ! là, les pandores se seraient démerdés… Toi, c’est pour ça !

Panizzi dépose devant Stéphane cinq photographies. Sur chacune, on voit un corps posé, devant un portail avec un écriteau autour du cou.

« C’est la mort d’un innocent que vous paierez ! »

⸺ Et ça, c’était ce matin six heures devant les cinq villas !

⸺ Devant les cinq ? En même temps ?

⸺ Enfin, les appels prévenant les cinq gendarmeries ont été passés quasi simultanément. Et de cinq cabines publiques… Eh oui, il en reste.

⸺ Bon, donc, si je comprends bien, le S.N.P.S. récupère l’affaire ?

⸺ Oui. Décision du conseil !

En 2002 suite à diverses intrusions néo-nazies en France, une tentative de coup d’état et le pourrissement d’une partie de la classe politique, les deux présidents de chambre, soit la Chambre haute autrement dit le Sénat et la chambre basse, l’Assemblée Nationale, ont été pressentis pour, en collaboration avec le président du Conseil Constitutionnel et le président du Conseil d’État, fonder le Comité Supérieur d’Éthique et de Morale Républicaine. Un nom certes un peu pompeux, mais qui résume parfaitement leur raison d’être.

 Leur premier acte a été, immédiatement après s’être adjoint les services du président de la cour de cassation, de constituer un nouveau service de police indépendant.

Cette unité, préalablement nommée S.I.C.T.S. Service d’Investigation Criminelle Territorial Spécial et fraichement renommée Service National de Police Spéciale, bien que hiérarchiquement placé sous les ordres du D.G.P.N. Georges Panizzi, travaille en marge. Trois procureurs spéciaux lui sont dédiés en permanence et répondent directement à ce comité. Ceci garantit une totale autonomie à ce service et lui permet d’enquêter là ou d’autres services se font barrer la route par les appuis politiques, des personnalités de tout ordre, régulièrement impliquées.

Dirigé à sa création par Marc Levallois, père de Mathilde, son décès tragique a porté à sa direction son second, le commissaire Stéphane Jourdain.

Pour mener à bien ses missions, le S.N.P.S. est doté d’une quarantaine de policiers et de moyens considérables. Certains détracteurs se sont essayés à les donner à la solde de l’un ou de l’autre, mais leur situation et l’organisation parfaitement transparente du service ont rapidement balayées toutes les critiques. Par soucis d’indépendance encore, ils sont basés sur les quais de la Seine, à Suresnes dans une ancienne entreprise nommée « la Ruche ».

C’est donc cette unité qui se voit confier les enquêtes qui dérangent. Celles où il faut avancer sans faire de vagues visibles mais aussi ou toute action est directe et sans ambiguïtés.

Ils enquêtent selon des méthodes bien définies et selon les décisions validées par l’un des trois magistrats et uniquement ainsi.

Suresnes. Siège du S.P.N.S.14/05/2007 10h30.

Dans la salle de réunion de la Ruche, Stéphane est assis à droite de Marie, la responsable Informatique et Renseignements, épouse de Philippe Lillon, numéro deux du service assis à ses côtés. Ce dernier tapote avec son stylo sur la table. Debout face au tableau, Anne-Lise Saint-Esprit, jeune analyste criminologue dotée de facultés exceptionnelles que tous attribuent à son syndrome d’Asperger. Tous, sauf Stéphane qui la trouve juste « un peu particulière ». Face à eux les six responsables de groupes de policiers de l’unité et le procureur spécial en charge de l’affaire. Ce matin, c’est Martial Couderc, ancien rugbyman à la stature imposante qui s’y colle.

⸺ Voila ! Commence Anne-Lise en désignant sur l’écran les cinq photos des corps. Ce matin, six heures, simultanément, la gendarmerie nationale a reçu cinq appels en provenance de cabines publiques annonçant qu’un corps avait été vu devant une propriété. Le texte des cinq messages est exactement le même. Cinq voix d’hommes, intonation neutre sans accent. Alors que savons-nous ?En premier, les cinq habitants des villas concernés ont reçu, la veille en début de soirée un bouquet de douze roses Baccara comprenant un mot : « Vous êtes cordialement invité à vos obsèques mardi matin 15 mai au cimetière de Montparnasse ».Ces cinq villas se situent à moins de dix kilomètres autour des petites agglomérations de St Léger en Yvelines, Nogent le Roi, Dourdan, Milly la Foret et Veneux-les-Sablons.

Un homme, assis au fond, lève la main.

⸺ Denis ? Quelque chose à ajouter ?

Anne-Lise passe la parole à Denis Charmant, le nouveau responsable technique et scientifique de l’unité.

⸺ Merci. Donc, pour les bouquets, papiers neutres, aucunes empreintes sauf celles des destinataires et celles, probables, des fleuristes, cartes de distribution industrielle en supermarché, encre de stylo bille bleue, écriture bâton. Peu d’indices à espérer de ce côté-là.

⸺ Et les corps ? Demande le capitaine Frédéric Moulins responsable du groupe Faucon.

⸺ De ce côté là non plus, pas de piste. Ce sont apparemment des SDF. Enfin, c’est ce que laissent supposer les premiers examens. Les autopsies seront réalisées cet après-midi. Ceci dit, s’ils ne sont pas dans les fichiers… les identifications seront probablement compliquées…

⸺ Sur ! intervient Stéphane.

⸺ Oui ! J’ai mis la pression aux services de gendarmerie. Et même s’ils sont un peu énervés de s’être fait piquer l’affaire, ils ont promis d’aller vite.

⸺ OK !

⸺ On a quoi sur les proprios des baraques ? Taz, alias le capitaine Stéphanie Bertin, responsable du groupe Aigle pose la question sans même se signaler.

⸺ Concernant, les propriétaires, intervient Marie, les premières informations sont peu engageantes. Bon, tous sont des notables, mais tous sont aussi des personnages discrets. D’ailleurs, lorsque je les ai contactés pour que nous allions recueillir leur témoignage, tous ont préféré se déplacer plutôt que de voir arriver encore des véhicules avec gyrophares et sirènes dans leur petit univers bourgeois.

⸺ Tu peux remercier les pandores… plaisante Lucile Beauchamps, la responsable du groupe Vautour. Ces crétins ont dû faire un sacré bordel !

⸺ Exactement. Donc, en dehors de M et Madame Gérand‑Dutheil, qui ont un rendez-vous chez un cardiologue et ne viendront que demain, les quatre autres propriétaires viendront déposer cet après-midi sur Paris.

Philippe Lillon prend la parole.

⸺ Taz ! Tu recevras Monsieur Albert Orgerus. Veuf et retraité, à quatorze heures trente.

⸺ OK !

⸺ Fred ?

⸺ C’est lui !

⸺ Tu recevras les époux Groux de Nogent le Roy à quatorze heures.

⸺ Anne, tu recevras le Docteur Marly de Milly la Foret

⸺ Quelle heure ?

⸺ Quinze heures. Enfin, Valérie, toi, je te laisse les époux Gérand-Dutheil de Dourdan. Demain, neuf heures trente.

⸺ En attendant, lance Martial en levant souplement son impressionnante carcasse… En attendant, faites établir des portraits de chacun des personnages par vos équipiers… Stéphane, tu seras d’accord avec moi que pour mériter de telles attentions, il faut avoir quelque chose à se reprocher non ?

⸺ Parfaitement ! Donc, vous me fouillez le passé de ces notables et je ne veux pas entendre une casserole tomber sans que l’un de vous lui ai léché le cul ! D’accord ?

Tous se lèvent et partent rejoindre leurs groupes. Seules Lucile et Marine, les deux dernières cheffes de groupes attendent encore.

⸺ Et nous ? Questionne Marine.

⸺ Tu aides les groupes avec les éventuelles recherches financières… m’étonnerai pas…

⸺ Lucile, propose Philippe. J’aimerai que ton groupe et toi, alliez assister aux autopsies, possible ? Et cherche aussi pourquoi les époux Chevrier, de St Léger en Yvelines ont annulé il y a dix minutes leur venue sur Paris.

⸺ Tu penses, un lundi matin… du bonheur… enfin, on va allez casser la croute avant alors…

Lucile Beauchamps est une ancienne de la D.S.T. alors, elle est endurcie. En revanche, ses lieutenants, Alice et Léo eux sont plus tendres… même si Alice a quelques années de service derrière elle. Léo, quant à lui, vient de l’armée. Même s’il a déjà côtoyé la mort, la vue d’un corps ouvert et charcuté sur une table d’autopsie reste un spectacle particulièrement impressionnant.

Paris, Bureau de Georges Panizzi. 14/05/2007.11h30.

⸺ Patron ? l’intérieur, le « boss » !

Solène la collaboratrice du Directeur Général de la Police Nationale, a une façon très personnelle d’annoncer les communications à Georges Panizzi. Mais, comme pour lui, peu importe le style, ceci encourage presque sa collaboratrice à insister.

⸺ Je prends… Monsieur le ministre ?

⸺ Quoi de neuf ?

⸺ En deux heures ? Vous allez être déçu… rien !

⸺ Attendez, Panizzi, je vous ai confié personnellement cette enquête… Alors remuez-vous mon vieux…

Panizzi est un dur… mais, pas comme son prédécesseur, Alexandre Le Guenn. Celui-ci y allait avec des gants… Lui, pas !

⸺ On va remplacer les choses dans le contexte… voulez-vous ?

⸺ Mais…

⸺ Vous avez contacté la D.G.P.J.{2} ! Eux, après m’en avoir informé m’ont dit qu’ils ne prenaient pas l’enquête… Et, ils vous ont envoyé vers moi ! D’accord ?

⸺ Oui, justement…

⸺ Très justement. Comme l’enquête est à nous, j’ai confié son suivi au commissaire Jourdain et au S.N.P.S. Correct ?

⸺ Attendez… que me racontez-vous ?

⸺ Je ne vous raconte rien, je vous répète la succession des faits. Cette enquête touche des notables, apparemment, des amis à vous… donc, c’est le S.N.P.S. qui s’en occupe et donc le directeur en charge, c’est Jourdain !

⸺ Vous rigolez ? C’est un électron libre… on ne peut rien lui dire !

⸺ C’est là l’intérêt… Personne ne peut rien lui dire… pas même vous !

⸺ Mais…

⸺ Désolé mon cher… le coupe Panizzi, depuis 2002, c’est ainsi… Et vous le saviez parfaitement… Donc, désolé, mais je ne peux que vous renvoyer vers lui… Je vous souhaite la bonne journée…

Et Panizzi raccroche, assez fier de lui pour le coup.

Paris, Hôtel Matignon. 14/05/2007.11h35.

À l’autre bout du combiné, le ministre fulmine… Quel gros con… ce Panizzi… il va te le virer avec perte et fracas… de toute façon, il doit approcher de l’âge de la retraite… alors, à un ou deux ans près !

⸺ Mais il me fait chi… et il se rend compte que face à lui, deux personnages le regardent, circonspect alors qu’il repose le combiné sur son socle. Un petit souci de commandement… Je règle le problème immédiatement…

Il bipe son assistante et lui demande de lui passer le directeur du S.N.P.S. séance tenante.

⸺ Ne vous inquiétez pas, messieurs, nous allons savoir d’où vient cette mauvaise plaisanterie.

Face à lui, les avocats du couple Gérand-Dutheil le regardent quelque peu amusés de l’imbroglio dans lequel ce « ministre de papier », comme ils se plaisent tous deux à le rappeler fréquemment, est plongé.

Au bout de quelques longues minutes d’un silence qui met le ministre très mal à l’aise, silence qu’il met à profit pour installer ses visiteurs dans les fauteuils du coin salon de son immense bureau, sa collaboratrice lui annonce la liaison avec le S.N.P.S. Il s’assied face au combiné de salon.

⸺ Le commissaire Jourdain, Monsieur.

⸺ Parfait ! Il se dresse comme un coq et prend un ton hautain. Il appuie sur le bouton du haut-parleur sur la table basse.

⸺ Alors Jourdain, où en êtes-vous ?

⸺ Bonjour, à qui ai-je l’honneur ? Et de quoi me parlez-vous ?

Le ministre blêmit devant l’affront. Lui qui a mis le haut-parleur pour impressionner se trouve pour le coup très mal à l’aise…

⸺ Bergeron ! Le ministre de l’intérieur… Vous vous croyez où ?

⸺ Dans mon bureau ! reprend Stéphane très calme… je travaille !

⸺ Pas assez vite… Je vous ai confié une affaire !

⸺ Vous ? Ah, je suis désolé monsieur le ministre, je ne suis pas au courant… Les affaires que je traite me sont directement transmises par monsieur le directeur général de la police nationale et personne d’autre. Et vous m’excuserez, mais on me demande de toute urgence. Et Stéphane raccroche lui aussi au nez du ministre…

⸺ Le con ! Il est viré ! Viré ! Mais…

Les deux avocats se regardent et se lèvent…

⸺ Bon, dites, nous aussi, nous avons un métier ! Alors, Bergeron, si cela ne vous gêne pas, nous retournons travailler… Vous nous tiendrez informés lorsque vous aurez réglé vos petites histoires internes n’est-ce-pas ? Enfin, si vous avez encore quelque autorité sur vos hommes…

Le ministre, rouge de colère, bredouille de vagues excuses et se lève pour les raccompagner à la porte de son bureau…

⸺ Ne vous donnez pas cette peine. Nous connaissons parfaitement le chemin.

Et sans le saluer, ils quittent son bureau.

À peine les deux hommes sont-ils sortis qu’il bondit face à sa collaboratrice :

⸺ Estelle, vous me convoquez immédiatement Panizzi et son guignol ! Je les veux à… Il regarde sa montre…

La jeune et jolie femme lui jette un œil par-dessus ses lunettes…

⸺ Oui ?

⸺ 14h00… Et aucune excuse… S’ils ne sont pas là à 14h00 pile, vous m’appelez le premier.

⸺ Le premier ? Vous voulez dire le premier ministre…

⸺ Évidemment… Mais qu’est ce qui m’a foutu des idiots pareils aujourd’hui ! Bien sûr, le premier ministre… vous en connaissez tant que cela vous, des premiers ?

Il retourne dans son bureau en claquant la porte… Estelle secoue la tête un sourire aux lèvres… Elle décroche son téléphone et appuie sur un numéro pré-enregistré. Quelques secondes plus tard, la communication est établie.

⸺ Solène ?

⸺ Salut Estelle, comment va ?

⸺ Moi, bien, mais l’autre pingouin, ton boss me l’a retourné… Bon, dis, il est convoqué à 13h45… Avec Jourdain, tu transmets ?

⸺ Si tu veux, mais, il ne viendra pas !

⸺ Non ! Ne déconne pas, l’autre, il est prêt à exploser…

⸺ Je te dis non parce qu’il est en réunion avec le premier ministre de 14 à 17h… Alors ton pingouin, il peut se brosser…

⸺ Zut… et je lui dis quoi ?

⸺ Ben la vérité… dis on déjeune ensemble demain ?

⸺ Ok… à la brasserie, alors. Bon… merci du cadeau… Estelle raccroche, déjà anxieuse a l’idée de la colère que va encore piquer Bruno Bergeron 

Suresnes. Siège du S.P.N.S.14/05/2007 11h45.

Dans la grande salle des lieutenants, c’est la folie, tout le monde cherche qui, parmi les noms cités ce matin a un loup… Pourtant, personne ne trouve. Rien ! Ils sont blancs comme neige… Certains, agacés décident d’aller déjeuner d’autre s’acharnent à rechercher dans les archives ce qui pourrait être le grain de sable…

Au premier, leurs responsables vivent les mêmes affres.

⸺ Fred ?

⸺ Présent !

⸺ Tu bouffes ?

Taz est devant son bureau, debout, vêtue de longues cuissardes et d’un Short d’un même cuir fauve… Un bustier rouge complète une tenue surprenante.

⸺ Ouais ! Mais pas avec toi, j’aurais trop peur de passer pour un mac !

⸺ Crétin, t’es vraiment con quand tu t’y mets… Non, sérieux tu rentres chez toi ?

⸺ Madame m’attend… le lundi aprèm, elle n’a pas cours.

Fred est un jeune marié malgré ses 43 ans. En effet, quelques mois plus tôt, il a épousé une magistrate… Et justement, l’une de ceux qui leurs étaient affectés, cela a failli créer un drame. Mais heureusement, Anne-Clarysse de Chatel-Morret, son épouse avait pris les devants en demandant sa mise en disponibilité et en acceptant un poste d’enseignante à la fac de droit de Nanterre… Ce qui a fait pousser un ouf de soulagement à toute la Ruche… La perdre elle, déjà, mais Fred en plus, cela aurait été dur… Désormais, Anne-Clarysse de Chatel-Morret-Moulins est une amie, la femme d’un collègue… Elle a, par ailleurs, été remplacée par la procureure Sandrine Montaine, la cinquantaine rigide mais diablement efficace et aussi voire plus intraitable qu’Anne-Clarysse.

Tous les magistrats liés au S.N.P.S. ne le sont que sur proposition du Comité Supérieur d’Éthique et de Morale Républicaine et après un examen et une enquête approfondie par la D.G.S.I. Les sages ne plaisantent pas… Un des premiers nommés ayant été personnellement impliqué dans le scandale nazi en 2002.

⸺ Ben voyons… Le loup devenu Agneau…une vraie fable de la Fontaine ta vie, mon pote !

Taz regrette un peu l’époque ou Fred et elle faisaient les quatre-cent coups… mais, c’est la vie…  Lui est marié… elle non… Pourtant, de l’avis de ses collègues masculins et aussi de nombreuses collègues femmes elle est la plus belle de la Ruche… Mais comme le dit justement Fred… N’te prends pas pour la reine des abeilles… Tu vas grossir !

Une main se pose sur son épaule, celle de la seconde plus belle femme de l’unité…

⸺ Taz, tu es libre pour un couscous ?

Lucile est une copine fidèle, elle !

Les deux femmes descendent et retrouvent devant la salle des lieutenants une Camille et un Arnaud, les deux lieutenants de Fred esseulés…

⸺ Eh ben les pitchouns ? Vous êtes punis ? Les autres vous ont abandonnés… et votre papa mange avec maman !

⸺ Ouaip ! Lance Arnaud… mais nous, on a trouvé un loup !

⸺ Alors, réponds Taz, on vous invite…

⸺ Sur, confirme Lucile… On paie et vous parlez…

⸺ C’est de la corruption de fonctionnaire ça non ? plaisante Camille.

⸺ Non… Des remerciements… Allez, montez ! fait Taz en leur ouvrant la portière de la Golf de service.

⸺ Alors, voilà, commence Camille. On a trouvé un truc sur les Groux…

⸺ Bien gras, j’espère ! s’inquiète Lucile déjà intéressée…

⸺ Tu parles… Les Groux, pour monsieur tout le monde, ce sont des nouveaux riches… La légende, c’est qu’ils ont monté une boite en Argentine, photos de pub, reportages animaliers, etc. Puis, ils ont soi-disant fait fortune, revendu la boite et sont rentrés en France à cinquante piges pour se la couler douce, fatigués de l’Amérique du Sud en 1992.

⸺ Et en vrai ?

⸺ En vrai, ils étaient les dirigeants d’une grosse affaire de pain de fesse en Thaïlande !

⸺ Oups ! Et ça ferait tache dans le quartier cela…

⸺ Surtout, reprend Arnaud, que de ce qu’on a trouvé, ils travaillaient avec des mineurs là-bas… Tourisme sexuel ! Vous avez entendu parler ? Parfois des mômes de moins de dix ans ! Et il y a un mandat international sur leurs têtes. Ils sont recherchés comme les timbres-poste.

⸺ Ben oui ! Je connais le sujet, j’ai commencé comme cela précise Lucile…

Les trois visages se retourne vers elle au moment où Taz stoppe sur le parking du resto… Elle les regarde puis fait une grimace…

⸺ Bande de cons ! C’est terrible dans cette boite ! On ne peut jamais rien dire de sérieux sans que cela déclenche une connerie ! Ma première enquête…enfin, presque ! C’était pour chopper des bons gros dégueux de Français qui allaient se vider les couilles dans le cul de petits thaïlandais en toute impunité…

⸺ Ah ! j’ai eu peur… rigole Arnaud… quoique cela n’enlève pas le drame que ces mômes ont vécu.

⸺ Tu peux… Mais pourquoi avez-vous mis tant de temps à trouver ?

⸺ Eh ben, ils ne s’appelaient pas du même nom là-bas ! Ils avaient pris le nom de Madame… Jollias ! D’où le mandat sans suites.

⸺ Putain ! Mes aïeux… Les Jollias… ricane Lucile…Tu parles que je connais… Mais officiellement, ils étaient suisses et disparus en mer… lors d’une tempête en ...bref !

⸺ Ouaip ! Mais Madame est suisse, elle, et ils sont remontés… et ce coup-ci sous le nom de Groux. Celui de monsieur… Français… officiellement photographe en Amérique du sud…

⸺ Houlà… va falloir vérifier tout ça… et plutôt deux fois qu’une, parce que ça sent le coup fourré… s’inquiète Taz en distribuant les menus...

⸺ Déjà fait ! On a le dossier d’Interpol !

Chacun choisit son plat en silence puis Lucile revient à la charge…

⸺ Et légalement ils vivent de quoi ? De leurs royalties ?

⸺ Eh bien, ils ont un compte en banque aux Caïmans et un virement est fait tous les mois à la B.N.P. de grosso-modo cinq mille euros sur le compte de monsieur…

⸺ Tout de même… ça rapporte…

⸺ Officiellement, il vit de ses droits sur ses photos… et ses reportages au Brésil, États-Unis et Argentine… Ceci géré par une agence de Pub aux Caïmans. Bien sûr tout ceci est parfaitement invérifiable.

⸺ L’enfoiré !

⸺ Bon, et tout cela, c’est sur ?

⸺ Tu parles… on a même des photos prises par un touriste dans le dossier…

⸺ Quel dossier ? Interpol ?

⸺ Non. Eux ils n’ont pas ça. Alors, ensuite, j’ai appelé la D.G.S.E. et les gars de Simon Berthier, comme on se connait bien… Max !

⸺ Ah oui, Max… Il va ?

⸺ Mieux… Donc, il nous a filé le pot merdeux…

⸺ Pas qu’un peu… Bon c’est un atout…

⸺ C’est Fred qui va se les fader ? Questionne Taz.

⸺ Il les reçoit à 14h00. On fait fissa. Il faut le prévenir avant…

Les quatre policiers finissent leur repas et après quatre petits cafés serrés, rentrent à la Ruche… Dès son arrivée, Fred est happé par ses quatre collègues et briffé en détail sur les activités des deux petits retraités...

Forêt de Fontainebleau. Domaine des Cèdres. 14/05/2007 13h30.

⸺ Monsieur ?

⸺ Oui ?

⸺ Ils sont là…

⸺ Bien, faites-les entrer… La voix de l’homme est comme lui, usée… caverneuse… derrière son masque impassible et usé.

Cinq hommes dont deux possèdent des visages encore très jeunes pénètrent dans le salon occupé par le personnage qui les a recrutés…

⸺ Alors ? fait ce dernier de son fauteuil sans les inviter à s’asseoir.

⸺ C’est fait monsieur, commence le plus petit, le crâne rasé, les sourcils épais… Un air néandertalien.

⸺ Oui ! Je sais, j’ai vu les journaux… Qui est chargé de l’enquête ?

⸺ Au début, la gendarmerie, mais apparemment, c’est la police qui a récupéré l’affaire…

⸺ La P.J. ?

⸺ Nous ne savons pas encore…

⸺ Eh bien fouillez ! poursuit l’homme dans un souffle…

⸺ Vous avez lu les journaux ? Donc, cela vous convient…

⸺ Oui… c’est fait…

⸺ On peut récupérer nos affaires ?

⸺ Je n’ai pas compris…

Un homme, le plus jeune se redresse.

⸺ Eh vous aviez promis !

⸺ J’ai promis !

⸺ Alors… Faudrait pas nous la faire à l’envers… sinon…

⸺ Sinon quoi ? Et l’homme appuie sur un bouton dissimulé sur le côté de son fauteuil. Immédiatement, deux hommes de forte stature et armés de pistolets mitrailleurs UZI font leur entrée et mettent l’homme en joue…

⸺ Sinon quoi ? Répète-t-il.

⸺ Vous êtes un salaud ! Je ne marche plus !

⸺ Pfff ! Moi, un salaud… Thibaud, Alban, veuillez raccompagner monsieur Sylvain et lui rendre ses affaires, il ne fait plus partie de nos amis…

Le dénommé Sylvain tressaille. L’homme a prononcé son nom devant les autres…

Les deux gorilles, de leur arme font signe au dénommé Sylvain de les suivre… Immédiatement remplacés auprès de l’homme par deux autres de même apparence, ils ferment la porte derrière eux…

Dans le couloir, ils conduisent le jeune homme à un bureau et l’un d’eux lui dit.

⸺ Prends ton dossier ! Là, sur la table… et ton fric…

Effectivement, sur la table, sont déposés cinq dossiers… L’homme cherche le sien, le prend et le consulte tranquillement.

⸺ Tout est là ?

⸺ Même les négatifs de photos… Tu as ce que tu voulais… Mais, prends ton temps… vérifie ! On veut être certains de ne pas te léser…

Dès qu’il a tout contrôlé, compté l’argent, il reprend un peu de sa superbe…

⸺ Allez, file… et qu’on ne te revoie pas… et les deux hommes le raccompagnent à la porte, ils traversent le couloir et passent devant la porte-fenêtre du salon en sa compagnie…

L’homme salue les quatre autres au passage, montrant son dossier tenu d’une main ferme…

⸺ On ne te raccompagne pas ? Tu connais le chemin ? Lance le plus enveloppé des deux chiens de garde…

⸺ T’as raison mon gros… trop d’exercice te ferait du mal, frime le jeune homme.

Quelques mètres plus loin, il remonte dans une Alfa 156 GTA et démarre en faisant crisser les graviers de l’allée… Le V6 feule et rapidement il quitte la propriété.

Pendant ce temps dans le salon, les quatre autres regardent l’homme assis.

⸺ Alors ?

⸺ Alors quoi ? Vous voulez continuer, ou pas ?

⸺ Ça dépend… questionne Neandertal.

L’homme les regarde tous quatre et ajoute :

⸺ Oh ! Oui, mais de vous uniquement. J’ai offert 20 000 € pour cette action ! La prochaine est à 30 000 €. Des clients ?

⸺ Ben et nos dossiers…

⸺ Je vous les rendrais… Votre copain a eu le sien. Alors, ayez confiance…

Après quelques secondes les quatre hommes répondent positivement…

⸺ Bien sûr, vous aurez un nouveau collaborateur… Celui-ci fait‑il en montrant le parc, nous ayant fait faux bond, je vais devoir ajouter un nouvel élément au groupe…

Sur la route, au milieu de la foret, Sylvain roule bon train… Si ce vieux con a cru l’impressionner… Quelques kilomètres sont passés lorsqu’il avise une 206 en warning et une femme le bras tendu. La trentaine, un peu ronde… mais mignonne ! Il ralentit, s’arrête à sa hauteur. Il descend sa vitre en affichant un large sourire.

⸺ En panne ?

⸺ D’essence… ma jauge déconne…

⸺ Allez ! Montez, je vais vous emmener, vous avez un bidon ?

⸺ Même pas…

⸺ Alors, je vous l’offrirai… À une condition…

⸺ Laquelle ? fait la blonde un peu effarouchée en reculant de deux pas…

⸺ Vous déjeunez avec moi, j’ai faim !

Elle lui renvoie un sourire éclatant…

⸺ Super ! Moi aussi, ça fait une demi-heure au moins que je galère sur cette route déserte…

Elle monte dans la voiture et laisse généreusement remonter sa jupe sur ses cuisses nues… Sylvain la détaille et pense de nouveau… Ronde, mais vraiment mignonne… Au bout de trois autres kilomètres elle lui fait signe…

⸺ Là, tournez à droite, il y a un village à deux bornes… et un resto super !

⸺ Vous connaissez…

⸺ Très bien… Par contre… désolée, mais si vous pouviez vous arrêter…j’ai…enfin… j’aurais dû, avant, mais toute seule…

Sylvain rigole. Ces gonzesses, toujours envie de pisser… Il se gare et tourne la tête vers la fille. Elle tient dans la main droite un pistolet avec un réducteur de bruit…

Sylvain pense encore… Ronde mais… et le souffle de l’arme appuyée sur sa poitrine fait éclater son cœur. La jeune femme descend de voiture et quelques minutes plus tard une Clio arrive. Après avoir légèrement basculé le corps dans le coffre, son compagnon et elle reculent le véhicule dans le chemin sur une dizaine de mètres. Ensuite, elle monte dans la Clio et ils retournent récupérer la 206.

⸺ Ça va, petite sœur ?

⸺ Tu parles, les mecs ça frime et au moindre courant d’air…fini !

⸺ Et je te félicite, tu n’as pas eu peur…

⸺ De descendre un vicelard de cette espèce ?

Le conducteur éclate de rire…

⸺ Tu as l’enveloppe ?

⸺ Bien sûr… 20 000 euros pour buter un guignol… c’est cool !

Dans la villa, les quatre hommes restés sur place sont rejoints par un nouvel arrivant qui, comme deux autres, avaient été convoqué en cas de besoin… Celui-ci est anxieux. Il a été briffé au préalable et désormais fait partie des membres actifs du commando. À lui de s’intégrer.

⸺ Messieurs, reprend l’homme depuis son fauteuil, derrière vous, sur la desserte, il y a cinq enveloppes. Toutes contiennent l’avance de 10 000 € pour votre nouvelle mission. Les quatre rouges sont celles de ceux qui en sont à leur seconde mission. Naturellement, vous y trouverez les 20 000€ annoncés précédemment.

Les hommes se déplacent tous vers la desserte et chacun attrape une enveloppe et l’ouvre.

⸺ Naturellement, je prends la bleue ? Commente le nouveau.

⸺ Vous m’obligeriez… Messieurs, rangez votre argent et prenez place s’il vous plait…

Tous choisissent qui un fauteuil, qui de partager le canapé.

⸺ Ouvrez les dossiers… Les cibles et les instructions sont dedans. Ainsi, bien sûr, que les éléments qui nous ont amenés à nous rencontrer. Dès que vous aurez tout lu, sortez, récupérez vos véhicules et retrouvons-nous dans une semaine. Des objections ?

⸺ Je peux échanger ma cible avec une autre ? Questionne Néandertal.

⸺ Motif ?

⸺ J’ai habité dans le bled en question !

⸺ Fâcheux, effectivement. Si l’un de vos collègues est d’accord, lui répond son hôte en insistant sur le terme collègue, je n’y vois aucun inconvénient. Autre chose ?

L’un des autres tend son dossier à l’homme des cavernes et accepte l’autre en retour. Les quatre hommes déjà présents au départ ne disent rien et disparaissent chacun leur tour…

Le cinquième regarde la photo dans le dossier une nouvelle fois et demande la parole. Il est seul face à son interlocuteur, mais, comme une marque de respect reste son obligé.

⸺ Oui ? Numéro 6 ?

⸺ Monsieur, vous me demandez de déposer un bouquet de rose rouges baccara devant une villa dimanche à dix-huit heures et d’y déposer un cadavre lundi matin avant six heures ? C’est bien cela ?

⸺ Non ! Pas tout à fait. Je vous demande soit de déposer, soit de faire déposer un bouquet de roses, pas de le faire vous-même, à moins que votre visage n’intéresse pas la police… ce en quoi je me trompe, non ?

⸺ Oui, pardon ! Mais le corps ?

⸺ Là, oui, vous ne pourrez déléguer cette tâche… Seul vous pouvez l’accomplir.

⸺ Je le prends où ?

⸺ Il vous sera fourni et présenté comme je l’entend. Pour le reste, débrouillez-vous comme vous le voulez.

⸺ Et vous me rendrez le dossier que vous possédez sur moi ?

⸺ Bien sûr ! Vous avez vu ? Vos collègues ont récupéré ce qui les concernait.

⸺ Et je serai libre ?

⸺ Oui ! Libre de continuer à travailler pour moi ou de nous quitter.

L’homme regarde son vis-à-vis et quitte la pièce. Dès qu’il est remonté dans son véhicule, la porte s’ouvre et la jeune femme blonde et son frère, l’un des hommes armés qui avaient reconduit le truand abattu, entrent…

⸺ Alors, très chère ? Demande l’homme assis à la jeune femme.

⸺ Comme prévu, il s’est arrêté et nous avons conclu l’affaire…

⸺ Exactement où nous l’avions décidé ?

⸺ À un mètre près… Mais, nous avons poussé la voiture pour que cela soit parfait et que de la route elle se voie moins. C’est con pour lui !

⸺ Votre frère a donc réussi à vous rattraper à temps.

⸺ Exactement… Elle voulait connaitre le frisson procuré lorsqu’on tue un autre être vivant… Mais il n’est pas nécessaire de le répéter… Ce sera leur secret, à elle et son frère.

Suresnes. Siège du S.N.P.S. 14/05/2007 14h00.

Dans la salle de pause, Fred vient de recevoir les informations glanées par ses lieutenants. Il gagne ensuite la salle d’interrogatoire ou l’attendent le couple Guy et Marcelle Groux.

Les salles d’interrogatoires du S.N.P.S. se situent au sous-sol. C’est volontaire, cela impressionne les prévenus et déstabilise les témoins qui auraient envie de passer certains éléments sous silence… Comme s’ils risquaient de ne plus ressortir de cet endroit.

⸺ Madame, Monsieur, je vous remercie de vous être déplacés.

Guy Groux regarde autour de lui, aperçoit la caméra et les micros.

⸺ Dites ? On dirait une salle d’interrogatoire ?

⸺ S’en est une ! Réponds Fred sans lever le nez de ses documents. Vous en avez déjà fréquenté ?

⸺ Oh non ! Bien sûr que non, mais avec la télé, les feuilletons…

⸺ Ah ! Les séries policières ? Non, rassurez-vous. C’est simplement que nous avons décidé, en raison d’une question d’éthique que toutes nos entrevues seraient filmées dans ces salles. Ceci, afin de permettre à des témoins parfois délicats, de comprendre l’intérêt de dire la vérité et surtout de tester le comportement modéré des policiers envers d’honnêtes gens.

⸺ Et nous ?

⸺ Mais vous, vous êtes juste des victimes… C’est bien cela ?

⸺ Oui ! Oui !

⸺ Alors tout va bien. D’ailleurs, vous savez, la vidéo es aussi là pour vous protéger des abus de pouvoir de certains policiers indélicats !

⸺ Ah oui, évidemment.

⸺ Bon, le lieutenant Camille Lambert, ici présente, va enregistrer vos dépositions en direct et ainsi, vous pourrez les relire et signer en fin d’entrevue… Ceci afin d’aller vite et de ne pas vous faire perdre tout votre après-midi. Êtes-vous d’accord ?

⸺ Bien sûr. Et toi Marcelle ?

⸺ Moi aussi.

⸺ Parfait… Donc, en premier, je vais vous demander Madame et ensuite Monsieur de nous décliner vos identités, âges, date et lieu de naissance, adresse et situation professionnelle et familiale. Madame ?

Marcelle Groux commence et Camille tape au fur et à mesure sans jamais s’arrêter les éléments que lui transmet la femme dodue qui se tortille sur sa chaise.

⸺ Monsieur ? Poursuit Fred dès que Marcelle Groux a terminé…

Son mari s’acquitte à son tour de ces formalités.

⸺ Bien. Pouvez-vous me dire exactement comment s’est passé la livraison des fleurs…

C’est Marcelle qui prend la parole et commence en des termes choisis et quelque peu sucrés à raconter son aventure…

⸺ Alors voilà, il était dix-huit heures, lorsqu’on a sonné à la porte du domaine…

⸺ Dix-huit heures précises ? La question de Fred la surprend.

⸺ Oui ! Mais alors, à la minute près… Je dois vous dire, continue-elle minaudant tant que possible… Mon mari nous a offert une horloge magnifique, elle est d’une précision … et justement, elle venait de donner le premier coup de dix-huit heures quand j’ai entendu la sonnette !

⸺ Bien. Ensuite.

⸺ Alors, bon, je me suis levée, mon mari regardait un documentaire sur la chaine Seasons… il est passionné de chasse…

⸺ Et ? Encore une fois, Fred lui coupe l’herbe sous le pied…

⸺ Ben ! Je suis allée ouvrir. Il y avait une camionnette de fleuriste. Je le connais, il fait le marché le dimanche matin et je lui achète so…

⸺ Ok ! On s’en fout un peu… enfin, je dis cela pour vous… vous n’allez pas passer l’après-midi ici… Non ?

⸺ Oui, donc, il a déposé les fleurs, et je lui ai donné dix euros… Ensuite je suis rentrée et j’ai demandé… non, Guy m’a demandé qui m’envoyait des fleurs un dimanche… Des roses !

⸺ Et ? Poursuit Fred inlassable…

⸺ Ben rien, on n’a rien fait… C’est plus tard… Quand je les ai mises dans le vase, j’ai vu la carte et oh mon dieu !

⸺ Laissez-le tranquille, ce n’est pas de sa faute ! Et quoi ?

Fred lui fait signe de dérouler un peu plus vite…

⸺ Oui, pardon. Donc, nous avons lu la carte et on a cru à une plaisanterie… Ce texte nous invitant à nos obsèques… irréel ! Mais, le lendemain matin… le corps devant le portail… Nous avons immédiatement prévenu la gendarmerie…

⸺ Bien ! Lance Fred d’une voix bien plus forte d’un coup… Avez-vous des ennemis ?

⸺ Nous ? demande Groux l’air choqué.

⸺ Oui ! Pas moi…

⸺ Eh bien non, j’ai passé plus de vingt ans en Amérique du Sud, comme photographe animalier pour des revues de tous ordres… Mon épouse était ma collaboratrice… et… non, je ne vois pas.

⸺ Donc, vous êtes des gens honnêtes sans passé louche et sans ennemis ?

⸺ Eh bien oui… Qu’insinuez-vous ?

⸺ Rien ! Vous êtes sûrs ?

⸺ Mais oui ! Grands dieux… je le jure… Notez-le mademoiselle ! Je n’aime pas beaucoup votre ton, inspecteur…

⸺ Capitaine… je vous remercie…

⸺ Et alors ? Cela ne vous donne pas le droit de nous traiter comme des suspects…

⸺ C’est vrai ? Bon ! Et le corps, vous l’avez vu quand ?

⸺ On ne l’a pas vu ! Lance Marcelle énervée elle aussi. Notre domestique, lui, oui et ensuite, les gendarmes qui l’ont mis dans un sac et ont sonné après… Ce sont eux qui nous ont interrogé en premier…

⸺ Avez-vous un chien ?

⸺ Non ! Nous avons un système d’alarme ! C’est plus sûr !

⸺ Et cela ne perd pas ses poils… Mais cela ne sent pas les rôdeurs et n’aboie pas à chaque voiture qui s’arrête ! Bon, je vais vous demander de signer votre déposition dès qu’elle sera imprimée. Ensuite, vous pourrez partir…

⸺ Vous savez, Capitaine…je vous ai trouvé un peu sec !

Fred regarde Groux dans les yeux et c’est ce dernier qui baisse le regard en premier…

⸺ Allez-y ! Lui dit Camille en présentant le stylo et les deux feuillets…

Les deux époux, relisent et signent leur déposition. Ensuite, ils quittent les locaux de la police assez rapidement…

Fred rejoint Abdel et Martial Couderc, tous deux placés derrière les écrans dans la salle de suivi en face de celle où il interrogeait les Groux.

⸺ Alors ? Demande-t-il au procureur.

⸺ Eh bé Pays ! fait Martial en prenant la copie du P.V. que ce dernier lui tend.

⸺ Alors ? Insiste son copain d’enfance.

⸺ Eh ben… on les laisse filer, et dès que tout est vérifié en Thaïlande, donc normalement demain matin, on les saute ! Enfin, pas nous. Mais oui.

⸺ C’est tout ?

⸺ Ben ? Le faux témoignage et le mandat d’arrêt international suffisent, tu veux quoi de plus ?

⸺ Ben tu vois, Coucou, cela me fait chier de les laisser partir…

⸺ De toute façon, ce ne sont pas nos clients… on va les refiler à la B.R.P. C’est du boulot pour eux…

⸺ Sans les cuisiner… Tu sais, avec ce que l’on avait dans le tuyau…

⸺ Fred ? Tu imagines ces deux limaces qui ont réussi à se faire oublier, aller monter une histoire comme celle des corps devant le portail ?

⸺ Ouais… Bon, allez on passe aux suivants. Je reste ?

⸺ Si tu veux. Et Abdel joint Taz.

⸺ À toi, si ton client est arrivé… salle deux.

Taz se lève de son bureau et descend. Elle fait signe à Dominique de lui faire descendre Albert Orgerus. Dès que l’homme arrive, elle le sent sur la défensive.

⸺ Entrez, monsieur Orgerus ! Asseyez-vous. Vous excuserez les lieux… Les salles de réunions sont prises. Cela ne vous gêne pas ?

⸺ C’est quoi cette salle ? demande l’homme âgé assis désormais en face d’elle.

⸺ Une salle d’interrogatoire ! Cela vous impressionne ?

⸺ Pensez donc ? Je suis un ancien gendarme ! Alors les conneries de la police…

⸺ Parfait. Je suis donc la capitaine Bertin. Si vous le permettez, le lieutenant Dalfonceca va enregistrer votre déposition.

⸺ Ben oui ! C’est filmé ? Demande l’homme un sourire aux lèvres ?

⸺ Vous acceptez ?

⸺ J’m’en fous ! J’n’ai rien à me reprocher… Mais dites ?

⸺ Oui ?

⸺ Vous êtes vraiment flic ?

⸺ Pourquoi ? Lui demande Taz étonnée de la question.

⸺ Ben… Il regarde la grande femme rousse en face de lui, short et cuissardes de cuir fauve et d’un coup… J’suis con ! C’est un déguisement, vous êtes déguisée en pute ! Ben bravo… c’est bien fait !

⸺ Bien ! Coupe Taz énervée… Je vois que vous êtes observateur !

Ensuite, elle lui demande comme l’a fait Fred précédemment, ses références. Ceci fait, le vieil homme est assez décontracté.

⸺ Alors dites-moi, que s’est-il passé ?

⸺ Eh bien dimanche, à dix-huit heures, un gars en mobylette est venu, avec une caisse derrière lui. J’ai cru qu’il livrait des pizzas… J’aime bien, moi, les pizzas. Depuis la mort de ma femme, j’en mange deux fois par mois. Pas plus !

Taz comprend vite que ce monsieur, il va falloir le manœuvrer en douceur…

⸺ Bien… c’est raisonnable. Donc il ne livrait pas de pizza ?

⸺ Malheureusement… Non ! de toute façon, je n’en avais pas commandé. Et puis je les prends au gars en camion sur la place de la mairie… elles sont bonnes et pas trop grasses…

⸺ Donc, pas de pizza !

⸺ Non ! Mais des roses… Douze… Au début j’ai pensé à ma petite fille, rapport à mon anniversaire. C’est demain… Soixante-dix-sept !

⸺ Félicitations… Et ce n’était pas elle ?

⸺ Non ! Elle, c’est toujours un nombre impair et des jaunes… j’aime bien les jaunes… comme ma femme les achetait… bien grosses et pas trop ouvertes… là, c’étaient des Baccara ! je les connais ! Mais je n’aime pas, ça fait vulgaire ce rouge… Il regarde Taz.

Et toc ! Prends encore ça dans les dents…

⸺ Et vous avez vu la carte !

⸺ Non ? Il y avait une carte ?

⸺ Dans les roses !

⸺ Ah ! Non ! c’est Marianne… ma femme de ménage. Depuis la mort de ma femme, elle vient tous les mardis, les jeudis et le samedi aussi.

⸺ Mais hier nous étions dimanche ?

⸺ Oui, elle passe aussi le dimanche soir, savoir comment je vais… elle est brave… juive... mais brave.

Encore un qui ne pèse pas ses mots, pense Taz. Bien que pour certaines personnes, traiter ou plutôt qualifier quelqu’un de « Juif » ne soit pas une insulte, mais, un adjectif comme chauve ou gros !

⸺ Oui… C’est elle qui l’a vu…je les avait mis dans un seau dehors et lorsqu’elle est arrivée, elle a proposé de les mettre dans un vase. Alors, elle a ôté le plastique et là, elle a vu le mot !

⸺ Elle vous l’a montré ?

⸺ Non ! Elle m’a dit que c’était honteux et elle a appelé la gendarmerie…

⸺ Ils sont venus ?

⸺ Pour des roses ? Non ! Évidemment. Mais elle leur a emmené le bout de papier. Elle habite juste en face. Et moi, j’ai regardé la télé, j’ai mangé devant… Marianne m’avait apporté de la soupe… Aux choux ! J’aime…

⸺ Et ce matin ?

⸺ Là ! J’ai tout vu… je me lève à cinq heures. À mon âge, on a le sommeil léger et bon… Comme je l’ai dit aux gendarmes, je vais pisser dans le jardin. Ma femme râlait toujours… maintenant…

⸺ Vous avez tout vu ?

⸺ Oui ! Le vieillard sort un carnet de sa poche de veste… je regardais les oiseaux avec mes jumelles. C’est une Alfa-Roméo grise et bruyante, immatriculée AD-751-CK. Avec des jantes en forme de trèfle… en alu, je crois. Elle a fait demi-tour, le gars est descendu, il a ouvert le coffre. Et il a eu du mal à sortir son gros sac… Ensuite, je me suis fâché. J’ai cru que ce saligaud allait foutre ses ordures dans mon parterre. L’année dernière, ils ont jeté des pneus ! Et il y a trois mois un matelas ! Juste devant mon portail ! Vous ne faites rien contre ces salauds, alors, ils se croient tout permis ! Mais bon, avec ma hanche quand je suis arrivé, il était parti et il y avait le corps…

⸺ Vous avez vu le conducteur ?

⸺ Un moins que rien ! Un grand, maigre avec des moustaches même pas taillées… Et un blouson ridicule… Rouge !

Décidément…

⸺ En cuir ?

⸺ Non ! Ça vous aurait plu ?

⸺ Pourquoi ?

⸺ Ben pour votre déguisement…

⸺ Monsieur Orgerus ! En quoi, son blouson ?

⸺ Comme une combinaison de plongée…

⸺ En caoutchouc ?

⸺ Non, le truc qui protège du froid ! Épais ! Comme les Waders pour la truite !

⸺ Du néoprène ! intervient Thibault.

⸺ Ouais c’est ça !

⸺ Merci monsieur… Autre chose ?

⸺ Ben non… j’ai appelé les collègues ! Ils ont mis un temps… J’ai trouvé le corps à six heures, ils sont arrivés à huit. Deux heures pour faire trois kilomètres… Ils seraient venus à pied, ils seraient arrivés avant eux ! plaisante le bonhomme… C’est Coluche qui disait ça. J’aimais bien Coluche… Qu’est-ce qu’il leur balançait aux collègues !

⸺ Oui, je l’adore aussi… Bon Monsieur Orgerus, avez-vous autre chose à ajouter à votre déclaration ?

⸺ Ben non. Ce n’est pas assez ?

⸺ Si ! Je vais vous demander de patienter un peu. On imprime et je vous fais signer… voulez-vous un café ?

Le veuf regarde sa montre… Trois heures dix…

⸺ Non ! trop tard. Une autre fois. Dites… il vous va bien votre déguisement… Mais, ça ne vous serre pas un peu trop aux fesses ?

Taz ne répond évidemment pas à la réflexion de l’ancien gendarme. Après le départ du vieil homme raccompagné par Thibault, Taz rejoint le groupe dans la salle. À son arrivée, elle découvre les trois hommes les larmes aux yeux…

⸺ Alors ? Tes fesses ? éclate Fred !

⸺ Elles t’emmerdent mes fesses ! Et occupe-toi plutôt des tiennes…

⸺ Sérieusement, tu en penses quoi ?

⸺ Moi ? On n’a rien trouvé sur lui, Militaire, puis gendarme pendant trente-cinq ans, retraité, veuf depuis cinq, pas un problème dans sa vie… pas d’engagements d’aucune sorte à part sa carte de pêche et un abonnement au Chasseur Français depuis trente-trois ans… Une vie longue… et surement ennuyeuse…

⸺ Pour toi ? Lui, il n’a pas trop l’air de se faire chier… Alors ?

⸺ Alors ? Je le classerai dans les victimes… mais bon, on continue à creuser quand même…

⸺ C’est qui maintenant ?

⸺ Anne, et le Docteur Marly !

⸺ Pas bien blanc celui-là…

⸺ Non, apparemment, monsieur est un adepte de la bouteille…

⸺ Radié de la faculté de médecine en 2001…

⸺ Voyons ce qu’il raconte…

Anne reçoit le toubib et dès l’arrivée dans la salle, ses collègues derrière les écrans, comme elle, constatent que l’addiction du toubib ne s’est pas calmée en six ans… Le gaillard est déjà saoul ! Martial se lève et vole au secours de Anne et Luis au moment où le docteur s’endort sur la table. À peine entré dans la salle, il décide de laisser la porte ouverte.

⸺ Il pue !

⸺ Tu crois ? Interdiction de fumer ou on va se vaporiser… à trois heures… tu imagines ce soir ? Rigoles Anne !

⸺ Bon, on le fout en cellule jusqu’à demain, ce soir un sandwich et une vittel ! Ça va le dégriser…

Anne rigole et demande de l’aide à Karim et son équipe de permanence de venir aider Luis à le remonter.

⸺ Eh ! Non, attendez… il s’est pissé dessus ! C’est dégueu ! râle Luis, moi, je n’y touche pas !

Éclats de rire de Martial.

⸺ Les gars ! Amenez un seau et une serpillère… et de la javel aussi ! Redemande Anne aux bleus…

⸺ Une serpillière ? Y’a un malade ?

⸺ Oui, si vous voulez… et elle raccroche en laissant Karim ronchonner à l’autre bout.

⸺ Bon, allez, on le laisse dessaouler une nuit mais on le garde alors ?

⸺ OK !

Chapitre 2. Balade forestière.

Suresnes. Siège du S.N.P.S. 15/05/2007 08h00.

La matinée commence doucement. La veille au soir, les investigations n’ont rien apporté de plus. En dehors des époux Groux, les autres semblent bien être des personnes sans reproches. Y compris le couple Chevrier qui a pourtant annulé au dernier moment son déplacement sur Paris. Lucile a réussi à les joindre et ils viennent ce matin même déposer. Ils se sentaient, selon leurs propres mots, trop anxieux la veille pour entreprendre le déplacement.

Ce matin, donc, les époux Chevrier et Gérand-Dutheil se retrouvent quasiment au même moment devant l’entrée de la Ruche. Si Estève Gérand-Dutheil et son épouse semblent calmes, au contraire, les Chevrier en découvrant qu’ils ne sont pas seuls semblent surpris, nerveux. Pourtant, ils ne se regardent pas… ou peu. Comme Lucile doit encore assister à une autopsie, Léo et Alice en ont suivi chacun une la veille, elle les confie à Marine, heureuse de mener son premier interrogatoire depuis des mois.

Venant de la brigade financière, elle vient d’abattre un travail technique colossal sur le règlement d’une enquête précédente et aime à se retrouver de nouveau au cœur de l’action. Elle conduit donc le couple dans la salle d’interrogatoire du sous-sol ou l’entretien est prévu lorsqu’un personnage haut en couleurs fait son apparition.

⸺ Capitaine Beauchamps ?

⸺ Monsieur ?

⸺ Maitre ! Maitre Paul Grimaud. Je suis l’avocat de Monsieur et Madame Chevrier et j’espère que vous ne comptiez pas commencer l’interrogatoire sans moi ?

⸺ Bonjour Maitre ! Non ! Je suis la capitaine Clément et, oui, je comptais commencer sans vous puisqu’il s’agit d’une entrevue et donc d’une déposition et non, comme vous vous plaisez à le claironner, d’un interrogatoire. Vos clients vous ont sollicité ou vous êtes ici de votre fait ?

Le couple la dévisage et les regards fuyants renseignent Marine.