Une histoire loufoque - Urs Werner Hänni - E-Book

Une histoire loufoque E-Book

Urs Werner Hänni

0,0

Beschreibung

Cette "Histoire loufoque" est le premier ouvrage de prose en langue française de l'auteur. Elle lui permet de 'mettre en action' de nombreuses contrepèteries ou calembours notés au fil des années et de dissimuler des mots comme 'algorithme' ou 'hiéroglyphe' dans le texte. Un recueil de 'textes brefs', certains écrits encore en allemand il y a des années, complète le volume. Quelques-uns de ces écrits invitent le lecteur à la réflexion sur le monde actuel, d'autres ont un caractère plus lyrique ou amusant, voire autobiographique.

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern
Kindle™-E-Readern
(für ausgewählte Pakete)

Seitenzahl: 120

Veröffentlichungsjahr: 2024

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



Mise en page – Urs W. Hänni

Couverture : « Le Génie de la Liberté »

trônant sur la Colonne de Juillet

place de la Bastille à Paris

Écrire

est une façon de parler

sans être interrompu

Jules Renard

A mon Adriana

Sommaire

Avant-propos

Introduction

Une histoire loufoque

Chapitre I

Chapitre II

Chapitre III

Chapitre IV

Chapitre V

Chapitre VI

Chapitre VII

Textes brefs

À la mémoire de Catherine

Le photographe

Le merle

La prairie naturelle

Brèves

Grand’mère

Friandises

Brève de lycée

Brève de générations

« Fortnite » live

Brève excuse

Brève coquine

Cowca Cola

Effet de serre

Chico

Vulcain

Au musée

Le 13 novembre

Cover girl

La boulangère

Le « machin »

Brève cruelle

Brève RATP

Paperasses

Concitoyens

« XL »

L’orphelin

Oraison funèbre

Le Brünig

Tourisme de haute montagne

Brève arrêt

Brève SNCF

Sue and Peggy

Le trousseau de clés

Brève nipponne

Rencontres inattendues

22 / 10 / 2021

Agnès

Le buste d’ébène

Rencontre évitable ?

Brève napolitaine

« La Mouffe »

Où il est question de fromages

Dans les rues du Paris d’antan

Paris vu par

Le canal Saint Martin

L’Hôtel du Nord

Mobilier urbain

L’art maniaque

Le Carrefour de Buci

‘Pestacles’

Brève teutonne

Au cinoche

Le prof américain

À la bonne franquette

Brève russe

Giinaquq

[B]rêve

Humour tunisien

Histoire d’amour

Le remorquage

Altercation

Au Saf Saf

Le mexicain

Vom gleichen Autor bei BoD erschienen

Avant-propos

Je me trouve face à un dilemme. Un jour je voudrais boucler mon livre avant la fin de l’année, le lendemain je doute de l’intérêt d’une telle publication. Faut-il préciser, que je ne me prends pas vraiment pour un écrivain qui mériterait le Goncourt ? Tant pis je me lance ; que le lecteur ou la lectrice intéressé[e] s’instruise davantage en lisant l’introduction.

Je tenais aussi à m’excuser par avance pour les propos de Toni et de Yorick qui pourraient parfois froisser les âmes sensibles …

Par ailleurs, vu que l’on peut s’informer de tout sur Internet, je me suis abstenu d’ajouter, à quelques exceptions près, des annotations en bas de page.

Décembre 2023 – uh

Introduction

Au début de la pandémie, je me suis mis à relire « Nouvelles du Jour » de Robert Walser (1878 – 1956), parues aux Éditions ZOE (Genève 2000). Ce sont des histoires courtes, d’à peine trois pages, écrites lors de son séjour à Berne (1921 – 1933) et publiées dans divers journaux en Allemagne et en Suisse. Marion Graf en a traduit une bonne quarantaine qui ont été réunies dans un recueil. J’eusse aimé les lire en allemand mais, à ma connaissance, l’édition n’existe pas sous cette forme. Le bouquin avait dormi de son sommeil du juste pendant presque deux décennies dans notre bibliothèque. Cette lecture m’encouragea à traduire, voir réécrire quelques ‘textes brefs’ que j’avais esquissés autrefois, certains en bernois un dialecte alémanique qui se prête merveilleusement à l’écriture. Puis j’y ai joint des textes, parfois quelques lignes, rédigés directement en français.

Pourquoi ces textes brefs ? Dans la préface aux entretiens d’Amélie Nothomb avec Michel Robert, parus sous le titre « La bouche des carpes » aux Éditions de L’Archipel (2018), Jacques De Decker écrit :

‘‘…Car si quelqu’un prend la plume, c’est le plus souvent parce qu’il préfère se taire et qu’il tient à préciser sa pensée, qu’elle soit conceptuelle ou narrative, par le biais de l’écrit …’’.

La citation me va bien, de Decker aurait pu l’écrire à mon sujet. Mais cela n’explique que le fait d’écrire à la place de parler. Pourquoi alors des textes ‘brefs’ ? Là j’ai envie de citer Saint-Exupéry qui a écrit au sujet d’un texte :

‘‘La perfection est atteinte non pas lorsqu’il n’y a plus rien à ajouter, mais lorsqu’il n’y a plus rien à retirer’’.

Cette définition me convient également tout à fait vu mon penchant pour les écrits et poèmes concis, les Haïkus et Senryūs – limités à leurs dix-sept syllabes – en tête car, depuis que je sais lire, les descriptions très développées de paysages ou les personnages aux caractères compliqués, détaillés à outrance, m’ennuient. J’adore par contre l’action, les dialogues et phrases qui vont ‘droit au but’.

Puis l’idée me vint de compléter mes textes par une « Histoire loufoque », question d’épaissir un peu le volume. Cette histoire a, petit à petit, pris de l’ampleur au point de devenir si importante qu’elle prête maintenant son titre au bouquin. Elle m’a permis de ‘mettre en action’ des calembours et contrepèteries que j’avais griffonnés au fil du temps dans de petits carnets. Ces jeux de mots ne sont pas toujours, je l’avoue ici humblement, de moi. J’y donne la parole à Antoine, dit Toni. C’est lui qui raconte l’histoire et dialogue, principalement avec son pote Yorick.

De temps à autre vous trouverez aussi des remarques (en italique et mises entre parenthèses). Ces commentaires-là sont de moi .

Réflexion faite, il y a une autre raison pour laquelle je préfère écrire à la place de parler : Quand j’écris, je n’ai pas d’accent.

Une histoire loufoque

Mieux vaut le vin d’ici

Que l’eau de là

Sagesse populaire

I

Depuis l’âge de quinze ans j’essaie de gagner, au début tant bien que mal, ma vie tout seul. J’ai commencé par aider mon frère à faire des bambalouni ; un bon boulot.

Puis j’étais employé dans un Bazar où je vendais des ustensiles de cuisine, des lampes torches et du PQ (torche aussi !), de l’outillage et des ‘pèse personne’. Je ne comprends pas pourquoi des gens achètent ce truc qui ne sert à rien – si encore quelqu’un pouvait se peser avec !

Dix années plus tard, ayant amassé assez de fric en vendant des fricassées, j’ai enfin osé faire – comme tant d’autres – le grand saut de l’autre côté de la Méditerranée.

J’ai atterri à Rennes où je me faisais d’office appeler Antoine, question de me fondre dans la couleur locale. Comme le trafic des stupéfiants avait pris des dimensions hallucinantes je me suis mis au commerce de la drogue.

Les biftons jonchaient littéralement la rue. Autant les emporter, avant que le vent d’autan ne les emporte, me suis-je dit. Mais la qualité de la schnouf laissait parfois à désirer ce qui m’obli-geait à séparer d’abord le bon grain de l’ivraie afin que je puisse livrer du bon grain. Ce trafic m’a valu rapidement le sobriquet de ‘Toni Truand’.

Nous étions installés dans une ancienne maison close, close because la loi Marthe-Richard (depuis avril 1946 – déjà !). Victime de son succès le Gang Rennais commença par être gan-gréné. Un beau matin je me suis aperçu qu’un drôle de con contrôlait le va-et-vient devant notre porte. Il avait un visage en lame de couteau ; un vrai con au profil de faucon. Faut qu’on dise les choses comme elles sont ! J’ai fait part de ma découverte au patron que nous avions surnommé Nathan car, de nature impatiente, il disait à tout bout d’champs :

– Je n’attends pas !

Alors, de là à : ‘il n’attend pas Nathan’ …

Le chef a tout de suite appelé ‘Jo la Frite’ et ‘Biceps’.

– Tu vois Toni, Jo aussi s’est aperçu d’un individu louche, louchant sur le trottoir d’en face. Puis, l’autre jour, Biceps est tombé nez à nez avec un mec bizarre au bout de la rue qui se cachait derrière le « Figaro » dernière édition.

– Bien sûr, se sachant en ligne de mire il faisait mine de lire.

(Chapeau Toni je ne t’en aurais pas cru capable !)

Jojo, jamais en mal de conneries, tentait une plaisanterie :

– Alors, si je comprends bien, nous devons nous considérer comme cons cernés.

Ne voulant passer pour un con sidéré, et ne me sentant plus vraiment concerné, j’ai préféré m’éclipser. Le boss me donna l’autorisation de filer fissa vers la capitale. Je n’avais aucune envie de me faire pincer par la maréchaussée de province.

On avait déjà bien du mal à bien se loger à Paris. Par chance j’ai pu acheter un loft quai Malaquais (avec des sous mal acquis comme disent les mauvaises langues) ; si ça s’trouve, ça ne s’trouve plus de nos jours …

II

À ce moment-là Eugénie habitait encore dans le neuf-trois. Elle avait de plus en plus marre de quitter le plumard pour sortir à l’au-rore (mais quelle horreur !) et bondir à Bondy dans un train déjà bondé. Elle songea donc à se rapprocher du travail car, bien qu’étant très en avance pour son âge, elle était souvent très en retard pour son boulot. Elle mettait un temps fou à se préparer le matin. Faut dire que la belle sortait maquillée comme une voiture volée. Commencer le travail tôt n’était pas trop son truc.

Un de ses copains d’école tenait un restau près de la ‘Bastoche’ ; une occupation très fatigante. Mal secondé, il était constamment minuté jusqu’au jour où il envoya tout balader, transformant son établissement en un bar de nuit. Aussi, quand il a proposé à Eugénie à la fois un boulot comme barmaid et un petit appart douillet à deux pas du bar, celle-ci sauta sur l’occase à pieds joints.

Elle était toute jouasse me voyant :

– Je t’annonce, qu’à partir du mois prochain je vais travailler au « Rarotonga » !

– Je croyais que cela s’appelait « Le Paravent » ?

– Auparavant.

– « Au Paravent » …

– Non, en tant que bistrot, ça s’appelait « Le Paravent », le bar s’appelle « Rarotonga », m’explique-t-elle joyeusement. Je ne l’avais que rarement vu aussi contente auparavant.

Ils ont inauguré le bar juste avant le début de la COVID 19 et quand le « passe sanitaire » est devenu obligatoire, le patron a décidé d’en faire un ‘établissement sans passe’.

– On s’en passe !

Qu’il disait.

(Un ‘clandé’ sans passes, en quelque sorte …)

Le local se trouve rue de Lappe.

C’est pour cela que j’appelle ma copine « L’Eugénie de la Bastille ».

Elle a pris l’habitude de me servir le Bora Bora ras bord ; je suis donc devenu un client assidu du « Rarotonga », d’autant plus que je pince pour pour la belle. J’ai osé lui proposer de venir habiter chez moi, mais elle n’était pas très tentée, si tant est qu’elle l’était.

Je venais d’acheter, avec mes écono-croques, un pied à terre avec jardin dans l’Yonne.

Quand j’ai demandé à la copine d’Eugénie :

– Dis, tu viendrais avec moi dans l’Yonne respirer le bon air, Sandrine ?

et que celle-ci n’était pas plus tentée qu’Eugénie (si tant est), Jo la Frite – devenu un autre ‘pilier’ du « Rarotonga » – m’a charrié en rigolant :

– Mon vieux, comme t’es pas né aux Ferres, t’es pas vraiment un cadeau pour ton entourage. Hahahahaha !

– Très drôle mon gars, je ne suis peut-être pas né aux Ferres d’accord, mais toi t’es pané comme une escalope.

Il adore semer la confusion, et se dit « confusioniste ». (Confucianiste ! Excusez-le, Jojo n’a pas fréquenté l’école de façon assidue ; il aurait dit ‘acidulé’ d’ailleurs …)

III

Yorick, mon pote âgé, s’occupe de mon potager. Le pauvre a passé une jeunesse pas très gaie. Le frère aîné est homosexuel et une de ses soeurs n’aime filer qu’avec des filles.

C’était une famille pas très homogène.

– Les homos gênent ; ça crée de sacré tensions !

– Ça gênait surtout son paternel. Il battait son benjamin prétextant que lui aussi fut gay. Alors il fuguait pour de vrai, et de plus en plus souvent, jusqu’au jour où papa l’a placé en internat. Et ce qui devait arriver, arriva :

Le filou a bâclé la philo du bac.

Je n’aime pas voir mon jardinier habiter tout seul dans cette maison, achetée avec le jardin, mais je n’ose pas trop lui parler de ça :

– Yorick, j’aimerai que …

– Oui ?

– Hhh …

– Tu aimerais … ?

– Tu aies quelqu’un !

– Hein ?!

– Mais oui, que tu ne sois pas tout seul dans cette grande baraque.

– Ouf, tu m’as fait peur !

– Dans une maison il y a toujours fort à faire.

C’est une femme, aimant s’occuper d’un intérieur, qu’il te faudrait tu ne trouves pas ?

(Je ne dis pas, que c’est pour cette raison-là que Dieu créa la femme !)

On verra, fut sa réponse évasive.

Le ménage n’est vraiment pas son fort à Yorick. Il est plus à l’aise au jardin, taillant les mauvaises herbes et arrachant les arb … d’accord – c’est le contraire ! Aussi, l’invasion des cafards ne se fit attendre. J’étais obligé de lui faire des remontrances :

– Je ne veux plus de ce capharnaüm à la maison, Yorick, fais quelque chose, s’te plaît !

– Ouais, ouais …

– Qui nettoie, si ce n’est toi, dis-moi ? Tu te ménages au lieu de faire le ménage ?

Comme il n’a pas non plus de partenaire pour jouer aux cartes, au lieu de décharger son barillet, il tue le temps en faisant des réussites qu’il préfère nettement aux échecs. Cela lui fait plus plaisir que le programme à la télé. Ne lui parlez pas de « Question pour un Champion », de « Motus », ni de « Slam » ou de – eh … ehm … cela me reviendra (c’est comme la soupe à l’oignon).

– Tous ces jeux télé, jetez-les !

Dit-il. C’est que Yorick est un peu fâché avec les médias, radio comprise. Tenez par exemple l’émission du soir « Le téléphone sonne ». Il me disait : ‘À quoi bon répéter chaque jour que le standard est tout vert ? Comme si on voyait les couleurs à la Radio !’ Mais il est content que ce soit du vert et non pas du bleu, comme chez Yves Klein (ou du noir comme chez Soulages ?) car c’est un fervent écologiste.

Je lui ai demandé :

– Pourquoi es-tu le seul à porter un gilet vert lors des manifs, alors que tous les autres sont habillés de jaune ?

– Ben oui quoi : « Europe Écolos » – gilets verts ! De toute façon j’irai où mes potes iront même fagoté différemment je t’assure.

– Tous derrière Yannick ?

– Oui, Jadot j’adore !

(Il milite, malgré ses limites.)

Un samedi matin, j’arrive avec Eugénie pour passer la fin de la semaine au vert. Nous avons tout de suite senti que quelque chose clochait, car Yorick nous accueillit la mine sombre : – Vous savez ce qu’il a fait, notre beau salaud de voisin ? Il a traité toute sa parcelle hier au gly-phosate !

J’avais déjà remarqué qu’il boitait légèrement, mas là cela ne semblait pas s’arranger :

– Qu’est-ce qui t‘arrive mon veux, pourquoi tu boites ?

– J’ai un pléonase.

– Hein ?