2031 Les sacrifiés du monde d'Après - Patrice Bègue - E-Book

2031 Les sacrifiés du monde d'Après E-Book

Patrice Bègue

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Beschreibung

Le monde s'accélère quand il s'arrête. Voici le premier constat que l'on fit le jour d'Après. L'énorme choc sanitaire qui s'est subitement abattu sur la planète, laissa la place à un remaniement social, économique et géopolitique. Un chaos qui a fait exploser des technologies prêtes et qui n'attendaient qu'un coup du sort pour se révéler. Nous sommes en 2031, dans le monde d'Après. Ce qui était impossible est devenu possible. La société s'est transformée en une plateforme d'obligations, qui ont intensifié tous les extrémismes. Une société fracturée mais qui s'est structurée par de nouveaux concepts de plus en plus insaisissables. Dans le monde d'Après, nous avons basculé subrepticement, dans cet univers où les rapports humains sont rognés par les technologies, l'isolement et les inégalités. Dans son texte, l'auteur nous offre une satire extrapolée de notre société qui tend vers l'absurde. Mais quelle que soit l'absurdité des choses, il y a et il y aura toujours la souffrance réelle que subit les plus "faibles" dans les civilisations dites avancées. Ceux que l'on sacrifie au nom d'un bien-être collectif des mieux lotis, ou au nom d'une société bien-pensante tenant à conserver coûte que coûte ses principes.

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Seitenzahl: 83

Veröffentlichungsjahr: 2021

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Sommaire

CHAPITRE 1

CHAPITRE 2

CHAPITRE 3

CHAPITRE 4

CHAPITRE 5

CHAPITRE 6

CHAPITRE 1

« … Le tribunal vous condamne à cinq ans de prison pour propagande conspirationniste, en vertu de la loi sur la diffusion de fausses informations pouvant entraîner un trouble à l’ordre public. Suite à cette condamnation et au vu des éléments de preuve démontrant le danger que peut représenter votre livre, le tribunal ordonne son retrait de la vente et en interdit toute diffusion par quelque moyen que ce soit… »

Quelques mois plus tôt, en septembre 2031, la rentrée littéraire était en pleine ébullition. Pour Philippe Berton, les nouvelles étaient bonnes : le dernier roman qu’il venait d’éditer faisait des débuts prometteurs. Le texte avait atteint si vite la barre des 5 000 ventes sur tous les types de support confondus.

La petite maison d’édition affichait une nouvelle fois sa capacité à promouvoir de nouveaux auteurs. Toutefois, dans un marché hypercompétitif où les grandes maisons font la pluie et le beau temps, notamment grâce à leurs auteurs à best-sellers, il savait qu’un bon début ne suffirait pas à garantir le succès de son poulain. D’autant qu’aujourd’hui la culture est loin d’être la priorité d’une majorité des Français.

Alors, de manière à donner un coup de pouce supplémentaire à la réussite du livre, il avait obtenu un rendez-vous avec Sébastien Fletcher, un critique reconnu. Il est l’un des plus lus de la presse écrite. Il est également un des influenceurs littéraires les plus suivis, que ce soit sur son blog et les réseaux sociaux que sur les différentes plateformes numériques.

En revanche, l’homme fait partie de ceux que l’on redoute le plus. Pour beaucoup de jeunes auteurs, il représentait une vraie bête noire. Il accorde peu de crédit au primo édité, et il n’hésite pas à descendre les textes dans des articles assassins. Il ne laisse que peu de place à l’indulgence.

Le pari de Philippe de vouloir coûte que coûte un papier de Fletcher, pouvait paraître risqué. Une mauvaise note du critique anéantirait son ambition d’en faire un best-seller.

Une relégation au rang de navet qui mettrait à mal sa maison d’édition. Cela serait un vrai coup de grâce. Depuis quelques années, il n’avait pas réussi à faire des ventes mirobolantes. Les livres ne rapportaient que tout juste de quoi survivre. Mais Philippe était prêt à relever le défi, c’est avec audace qu’il en était arrivé à tenir toutes ces années.

Après tout, il en avait vu d’autres, lui qui avait été l’un des grands dénicheurs de talents dans les plus grandes et prestigieuses maisons d’édition parisienne.

Monsieur Philippe Berton était un homme reconnu et en vue dans le monde littéraire parisien. On peut même dire dans la culture française d’avant la crise de la Covid du début des années vingt. Certains des auteurs dont il était en charge, avaient subi des attaques violentes et provoqué des polémiques à fort retentissement médiatique.

Même si cela ne plaisait pas aux éditeurs, Philippe prenait la responsabilité du « bad buzz ». Il en faisait une arme qu’il retournait, le plus souvent, contre ceux qui les avaient provoqués. Il réussissait toujours à en tirer profit en vue de promouvoir les livres incriminés.

Il est bien connu qu’une bonne polémique fait vendre et suscite l’intérêt du public.

En 2021, ce fut à la surprise générale qu’il décida de tout plaquer. La décision faisait suite à son divorce. Il évoqua un besoin de se reconcentrer sur ce qui est essentiel à sa vie.

Après ce départ fracassant, personne ne pensait le revoir dans l’édition. Tout autant que pour son départ, en 2023, il surprit tout le monde en revenant à ses premiers amours en créant sa propre maison d’édition.

Très vite, ses talents de dénicheurs de manuscrits à fort potentiel de succès, lui permirent de se refaire un nom. Il mit en place un système de promotion et un cycle vertueux de vente qui offrait à ses auteurs une opportunité de vivre de leurs écrits.

Tout allait bien, jusqu’au jour où un jeune écrivain de 18 ans fut propulsé en haut des ventes à l’été 2025. Sans tarder, son livre souleva la controverse.

Dès lors, une pression médiatique se mit en route, tel un rouleau compresseur. D’un côté, il y avait les soutiens du livre, de l’autre, beaucoup plus nombreux, ceux qui le vilipendaient. Le sujet du texte était trop sensible : « La jeunesse abandonnée par l’État durant la crise sanitaire ».

L’auteur inexpérimenté, ne supporta pas tout l’acharnement dont il fut la victime, principalement les attaques venant des réseaux sociaux. Se sentant acculé, le jeune homme mit fin à ses jours en octobre de la même année.

Sa mort fit la une des médias. Cette surexposition avait fait exploser les ventes et permettre à Philippe de rentabiliser son affaire. Sa maison d’édition eut une publicité sans commune mesure.

Pendant plusieurs années, il allait crouler sous les manuscrits.

Des textes allant du pire aux pépites, et de ces dernières, il sut tirer avantage. Certains d’entre eux auront un succès honorable, suffisamment pour conserver la dynamique positive et pérenniser son entreprise.

Malheureusement, depuis 2 ans, la magie s’était estompée. Les bons textes se faisaient rares. Ses meilleurs auteurs n’hésitaient plus à aller voir ailleurs. Ils avaient bon espoir d’obtenir plus de retombées financières.

Quand dans les derniers manuscrits, il reçut celui de Pierre Contance, une lueur d’espoir l’illumina à nouveau. À sa lecture, Philippe ressentit une excitation, comme s’il savait déjà qu’il tenait là, un futur succès.

Le colis était arrivé au mois de décembre 2030 par la poste, une chose assez rare dans un monde au tout numérique. Pierre, lui expliquera à leur première rencontre qu’il ne faisait pas confiance aux e-mails. D’autant que de nos jours tout est surveillé.

Le texte lui, sortait complètement des nouveaux standards dictés par les grandes maisons d’édition et de tous ces best-sellers programmés.

La littérature avait fini par céder à la mode des suites. Elle emboîtait le pas au cinéma qui avait initié le mouvement depuis le début du XXIe siècle : celui de faire des séries comme à la télévision et au cinéma.

On retrouve ainsi chaque année, les mêmes auteurs avec leurs suites improbables. Des textes stéréotypés où chaque personnage et toutes les situations rappellent celles de l’épisode précédent.

Mais avec Pierre, il y avait un style et un propos différents, presque comme celui de Marc le jeune auteur de 18 ans au succès fulgurant en 2025. Avec l’aide et l’expérience de Philippe, le livre avait été bonifié et est devenu publiable. Tout en gardant le fond et la substance qui avait fait frissonner Philippe à sa première lecture.

Le livre est à présent en librairie et il marche. De plus, les lecteurs aiment au point de laisser des commentaires élogieux. Malgré tout, de petits accros dans les avis donnaient à penser que le livre pouvait attiser quelques polémiques.

Ce départ canon n’empêchait pas que les critiques littéraires le boudassent. Aucun d’eux ne semblait se donner la peine de le lire. Le monde de l’édition étant une jungle si riche de textes, qu’ils n’ont que l’embarras du choix.

En général, ils font le choix des maisons offrant le plus d’avantages en nature. Des stratagèmes bien connus de Philippe dont il n’avait plus les moyens.

Toutefois, grâce au rendez-vous qu’il a obtenu avec Fletcher, Philippe avait une aubaine qu’il espérait concrétiser autour d’un bon repas.

Dans ce but, il n’a pas lésiné sur le choix du restaurant, une bonne table fort réputée de Bordeaux. Un restaurant faisant encore partie d’une petite chaîne indépendante.

Midi trente le 17 septembre 2031, Fletcher et Berton se retrouvent sur le parvis du Grand-Théâtre de Bordeaux, les deux hommes s’engouffrent dans l’allée menant au restaurant.

— Bonjour, nous avons réservé pour deux au nom de Berton.

— Oui, je vous ai. Merci de vous identifier à la borne de contrôle.

Après s’être fait flasher le QR code, sur le téléphone pour Fletcher, Philippe, lui, présenta son poignet dans lequel il avait choisi d’y insérer un implant. Ensuite, ils accédèrent à la salle du restaurant.

Derrière eux, une scène plutôt rare attira leur attention.

« — Monsieur votre scan s’affiche rouge, merci de quitter la file d’attente. Je vous prierais de partir.

— Mais je n’ai que trois jours de retard sur mon rappel ! Vous pouvez me laisser passer, je viens régulièrement ici.

— Écoutes Louis, ne fais pas de scandale, tu ne peux pas venir avec nous. Retourne au bureau et on en parle plus tard…

— Non ! Je ne vais pas partir comme ça.

— Monsieur, veuillez vous écarter, il y a des gens qui attendent… »

Cette discussion ne les concernait pas. Un homme qui n’était pas à jour de son « pass », s’emportait. Rapidement, des agents de sécurité sont venus le calmer et l’emmener à l’écart.

Le « pass-sanitaire » mis en place 10 ans plus tôt avait tout changé dans le quotidien de tout le monde. Il s’était transformé entre-temps en un « pass-vaccinal ». Un outil obligatoire, qui s’imposait à tous les citoyens.

« — Excusez-nous pour ce triste spectacle. Veuillez me suivre. »

Le major d’homme conduisait Philippe et Fletcher à leur table. Ils marchaient en silence, tous deux savaient ce qui attendait cet homme.

Tous les scanners sont reliés à un serveur central. Celui-ci est contrôlé par une intelligence artificielle, qui transmet les informations directement à la police du lieu de domiciliation du contrevenant.

Une équipe d’agents allait se rendre au plus vite chez cet homme. De sorte que lui et sa famille soient consignés à leur domicile. Ils auront 48 heures pour régulariser leur situation.

Dans le cas où il n’aurait pas les moyens de se faire vacciner, il serait donc transféré dans un centre de détention.

Il s’y rendra seul ou en compagnie de sa famille. Tout dépendra du niveau de protection vaccinale des différents membres du foyer.