À l'ombre de nos frères - Intégrale - Virginia Etxe - E-Book

À l'ombre de nos frères - Intégrale E-Book

Virginia Etxe

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Beschreibung

DÉCOUVREZ L'INTÉGRALE DE LA CÉLÈBRE SAGA À L'OMBRE DE NOS FRÈRES !

Deux êtres totalement différents, liés par un même drame...

Louise travaille depuis chez elle. Pour arrondir ses fins de mois et garder cet appartement trop grand depuis qu'il n'est plus là, elle répond au téléphone rose.
Jonas, chanteur d'un groupe de rock, a tout plaqué depuis qu'il a perdu un être cher. L'homme à femmes reste prostré dans son appartement, ne chante plus, ne touche plus à sa guitare jusqu'à ce qu'il compose un numéro de téléphone rose.
Ces deux êtres que tout sépare vont, sans le savoir, s'apprécier au bout du fil et se détester dans la vraie vie.

Découvrez sans attendre l'univers et les personnages attachants de Virginia Etxe. Une romance intense, tant par la force des sentiments de Jonas et Louise, que par les moments rock and roll et par les scènes torrides !

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

"J'ai adoré cette lecture, qui est touchante, triste, sensuelle et chaude et qui parle de sujets fort comme le décès, le pardon et la reconstruction. Je vous le conseille !" - Lecturesde_Lo, Babelio
Si vous cherchez une romance érotique à vous donner des pulsions et l'eau a la bouche, ainsi qu'un roman pour vous accompagner durant une soirée, ce roman est fait pour vous ! Qu'attendez-vous pour aller l'acheter ?! - tieslliedallan, Babelio
"J'apprécie ces romances où les personnages se détestent mais ne peuvent rester loin de l'autre car l'alchimie est telle qu'ils s'attirent comme des aimants. Après tout, entre la haine et l'amour il n'y a qu'un pas. Encore une belle découverte où deux destins brisés qui ont vécu le pire nous racontent une histoire des plus émouvante." - Addy84, Babelio

À PROPOS DE L'AUTEURE

Virginia Etxe est originaire du Pays Basque. En plus de son travail et de ses trois enfants, elle arrive à trouver du temps la nuit pour écrire et à s'octroyer des soirées concerts entre amis de temps en temps.

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Couverture

Tome 1 : Apparences trompeuses

PROLOGUE

« Tu n’es plus là où tu étais, mais tu es partout là où je suis ».

Elle

Je lis et relis encore une fois cette citation de Victor Hugo que j’ai fait graver sur sa pierre tombale il y a quelques semaines maintenant. Mes larmes dévalent sur mes joues, je ne peux les empêcher de couler malgré tous ces jours passés. Je pose une pivoine bleue (sa préférée) sur sa sépulture, fais un baiser sur ma main qui effleure son nom gravé dans la pierre.

— Pardon.

Je marche dans l’allée pour m’arrêter à quelques pas et déposer du jasmin jaune sur une autre pierre tombale. Mes larmes continuent de dévaler sur mes joues. Le même rituel, un baiser sur ma main puis sur son nom gravé dans la pierre.

— Pardon.

Lui

J’enlève les feuilles qui sont tombées sur sa pierre tombale avant d’y déposer sa fleur préférée, une branche de jasmin blanc à côté de la branche de jasmin jaune qui orne déjà la pierre. J’essuie mes larmes, j’essaie de ne pas pleurer, mais c’est trop dur de me retenir, je me laisse aller.

— Tu me manques tellement…

À quelques pas, je m’arrête devant une autre sépulture. J’y dépose une pivoine rouge, à côté de la bleue qui est déjà déposée. Je repense à ce qu’il s’est passé, il y a à peine quelques semaines et mes larmes continuent de couler.

— Pardonne-moi…

CHAPITRE 1

Jonas

Des coups frappés à la porte me font sortir de ma torpeur, je ne réponds pas. Avec un peu, non, énormément de chance, ils vont partir et me laisser tranquille cette fois. Après quelques secondes de silence où j’espère qu’ils ont changé d’avis, ils tapent encore.

— Jonas ! On sait que tu es là !

— Allez, Jonas ouvre cette porte ou on la défonce !

J’entends un éclat de rire, un bruit de clé dans la serrure et elle s’ouvre sur deux énergumènes qui n’arrêtent pas de m’énerver depuis quelques mois maintenant. Je les observe depuis mon canapé. Alors que Jim pose des courses sur le comptoir, Lily s’empresse de les ranger, ils discutent comme si de rien n’était :

— Ouvre cette porte ou on la défonce ? Non mais sérieux Lily ! lui dit Jim en éclatant de rire.

— Ben quoi ? J’ai toujours rêvé de dire un truc comme ça !

Jim rit de plus belle alors que Lily se place face à lui.

— Je peux savoir ce qui t’amuse Jim ?

— C’est juste qu’en général on dit ça lorsqu’on n’a pas de moyen d’ouvrir la porte !

Il continue de rire en lui montrant les clés de mon appartement qu’il tient entre ses doigts.

— Qu’est-ce que tu peux être rabat-joie !

Ils rient tous les deux alors que je souris en les observant. J’ai l’impression de me trouver devant ma télé et de regarder un film, l’impression que cette scène se passe à cent lieues de moi. Je suis là sans y être, d’ailleurs ils le savent, ils agissent comme si je n’existais pas. Mes potes viennent me distraire de temps en temps, me faire la morale, et ils repartent dans leur vie trépidante avant de se remémorer qu’ils doivent passer pour voir si je suis toujours vivant. Lily et Jim s’affairent dans la cuisine pour faire à manger alors que j’ai remis mon casque sur les oreilles pour ne plus entendre leurs piaillements incessants. Je regarde dehors, j’essaie de ne pas trop penser, de me vider la tête… Cela fait quelques mois maintenant que je m’entraîne tous les jours à essayer de combler son absence… vainement.

— Oh ! Jonas !

Je relève les yeux vers Lily qui hurle mon prénom. J’enlève mon casque pour me diriger vers le comptoir où sont dressées trois assiettes.

— Comment tu te sens ?

Je passe ma main sur mon visage, toujours la même question… toujours la même réponse.

— Super forme…

— Jonas…

Je me retourne vers Lily, elle est désolée de me voir comme ça, je le sais, mais je n’y peux rien.

— Ça va ! C’est bon ! Toujours vivant !

— Mais t’es nul ! me lance Jim en prenant Lily qui commence à pleurer dans ses bras.

— Bordel !

Je me lève pour la prendre à mon tour dans mes bras. Elle s’accroche à moi, me serre très fort, son nez humide dans mon cou qui renifle. Je sais que je lui fais de la peine, mais je n’arrive pas à agir autrement, je sais au fond de moi qu’il le faut, mais je n’ai pas encore retrouvé la volonté de le faire.

— Désolé, arrête de pleurer ma belle…

Elle relève vers moi ses magnifiques yeux rougis et me sourit.

— Jonas… Tu nous manques…

Je vois Jim qui lui caresse le dos, serre les lèvres et hoche la tête pour affirmer les dires de Lily. S’ils savaient à quel point j’aimerais ne plus être ainsi.

— Je sais ma belle, je sais…

— Je t’aime tant, ça me fait mal au cœur de voir que… que… que tu n’arrives pas à remonter la pente, Jonas…

Je ne sais pas quoi lui répondre. Après tout, elle a raison, je n’y arrive pas ! Plus sans lui.

— Il nous manque aussi mec, me dit Jim en me tapant sur l’épaule avant d’aller s’asseoir devant son assiette.

Nous nous asseyons à notre tour et Lily nous sert ses éternelles pâtes au thon tout en reniflant et se mouchant. Elle relève ses yeux vers nous et nous lance un petit :

— Désolée.

Je baisse les yeux sur mon assiette alors que Jim lui répète encore une fois que ce n’est pas grave. J’apprécie ces quelques minutes de silence, nous mangeons tranquillement et même si je ne le montre pas, leur présence me fait du bien. Je sais qu’ils le savent et que c’est pour cette raison qu’ils passent plusieurs fois par semaine pour me faire sortir de mon appartement.

J’ai bien essayé plusieurs fois de les suivre… Mais chaque fois, quelque chose me ramenait à lui, un lieu, une odeur, une personne, une musique… Dans ces moments-là, il fallait que je rentre pour ne pas craquer devant eux. Dès que je passais la porte de chez moi, je m’effondrais au sol à pleurer son absence.

J’ai donc décidé de ne plus sortir. C’était plutôt compliqué au début, car je tombais souvent sur des affaires à lui qui traînaient dans l’appartement, des choses qui n’ont aucune importance d’habitude, mais rien que de voir son chargeur de téléphone, je m’effondrais. Alors, Lily et Jim sont venus me rejoindre et ont rangé dans sa chambre tout ce qui pouvait me faire penser à lui.

La main de Lily qui se pose sur la mienne me fait sortir de ma torpeur.

— Viens avec nous ce soir…

— Lily…

— S’il te plaît, viens au concert avec nous, je ne te demande pas de remonter sur scène Jonas… Mais juste de nous accompagner, en backstage…

Je ferme les yeux. Même ça, je ne peux plus, même si je suis resté dans cet univers, je ne peux plus remettre un pied sur scène, ça me prend aux tripes, c’est impossible. Alors je me suis aussi éloigné des salles de concert, même si ce sont mes amis qui jouent sur scène…

— Lily…

Jim se lève et débarrasse bruyamment, je sais qu’il ne comprend pas pourquoi je reste depuis si longtemps à l’écart. Il est triste de ne plus jouer, de ne plus faire de concert avec le groupe, mais depuis qu’il n’est plus là, le groupe n’existe plus.

— On bouge ! On va être à la bourre !

Je sais qu’il est en colère contre moi, c’est moi qui le prive de sa passion, car même s’il joue encore avec Lily, je sais que son univers musical, c’était notre groupe, celui que nous avons monté ensemble. Je regarde mes guitares posées dans le coin du salon, elles prennent la poussière sur leur socle, mais je ne peux plus y toucher, je n’ai plus l’envie. Même les femmes ne me branchent plus, moi, Jonas, l’homme qui arrivait à passer la soirée avec une, voire deux femmes n’existe plus !

Lily me serre dans ses bras alors que Jim est déjà prêt à partir. Il me fait un signe de la main alors que Lily me caresse le dos.

— Tu me manques, Jonas. J’ai tellement envie que tu redeviennes celui d’avant…

— Même l’homme à femmes ?

Elle me sourit :

— Même celui-là Jonas. Du moment que tu redeviens toi.

— Lily, tu sais que pour l’instant c’est compliqué…

Elle se recule, pose un doigt sur mon torse et parle un peu fort :

— Jonas ! Ça fait trois mois !

— Je…

— Laisse-moi finir !

— …

— Ça fait trois mois qu’il est parti ! Trois mois que tu te morfonds dans cet appartement, que tu ne vis plus, que tu ne vois plus personne, que tu ne joues plus, ne chante plus ! Tu n’as pas baisé depuis quand sérieux !

— Je sais Lily, mais…

— Il n’y a pas de mais Jonas ! Je ne peux plus ! Alors tu vas te sortir les doigts et te bouger avant que je ne m’énerve vraiment !

Son doigt est toujours posé sur mon torse, appuyant chaque fois un peu plus fort alors qu’elle me hurle dessus. Jim revient dans l’appartement et me tend un papier :

— Tiens, j’ai trouvé ça dans le couloir, si ça peut t’aider !

Il ricane en repartant vers la porte.

— Lily, il faut vraiment qu’on bouge.

Elle regarde le papier que j’ai en main et lève les yeux au ciel.

— Qu’est-ce qu’il peut être con parfois !

Elle s’en va en me lançant un « Je t’aime Jonas ! ». Mes yeux se posent sur le papier que j’ai en main. Une annonce pour le téléphone rose… Comme si j’avais besoin de ça, sérieux !

CHAPITRE 2

Louise

Je me dépêche d’ouvrir la porte de mon appartement. J’entends mon téléphone qui sonne à l’intérieur. Bien sûr, je suis encombrée par toutes mes courses qui tombent à terre, suivis de mes clés et de mon sac à main. Lorsque la porte daigne enfin s’ouvrir et que je mets la main dessus, il s’éteint.

— Arrrghh !

Je vois que j’ai plusieurs appels manqués ce qui me fait de l’argent en moins pour la fin du mois. J’entreprends de ranger mes courses lorsqu’il sonne à nouveau. Je m’installe confortablement sur le canapé, me racle la gorge avant de décrocher et prends ma voix la plus sensuelle.

— Lina bonsoir, que puis-je faire pour vous satisfaire ?

Au bout du fil, c’est Georges, un habitué. Cela fait plusieurs mois qu’il m’appelle au moins une fois par semaine pour que j’assouvisse ses fantasmes qu’il n’ose demander à sa compagne. Je suis sûre qu’il s’imagine que je suis nue sur mon lit en position de levrette pour qu’il puisse me posséder brutalement. Bien sûr, je suis tranquillement installée sur mon canapé en buvant mon café. Après avoir simulé l’orgasme plusieurs fois et l’avoir encouragé à continuer, je raccroche. Plus les conversations sont longues et plus je gagne d’argent.

J’ai une voix plutôt grave, un peu rauque et très posée. Pour les hommes au bout du fil, je suis celle qu’ils imaginent. Pour la plupart d’entre eux, je suis une grande blonde avec des seins énormes, une taille fine, des fesses rebondies et bien sûr une bouche avec des lèvres pulpeuses… L’avantage, c’est que s’ils me croisent un jour dans la rue, je suis sûre qu’ils ne risquent pas de me reconnaître ! Je suis tout le contraire. Brune, les yeux couleur miel, la peau mate, de taille moyenne et plutôt bien proportionnée, mais loin d’être siliconée même si j’ai quelques atouts. Je ne suis pas taille mannequin, loin de là, mais je me dis qu’il suffit de savoir mettre en valeur mes atouts en m’habillant en fonction d’eux et le tour est joué !

Je me lève pour finir de ranger mes courses et commencer la correction d’un nouveau manuscrit. Ça, c’est mon vrai travail. Je m’installe sur le canapé, un plaid sur les genoux, Rag’n’bone man dans les oreilles et je commence à lire. J’aime entrer dans la tête de l’auteur, corriger les fautes d’orthographe, de syntaxe, etc. Mon téléphone perso vibre.

{Je peux passer dans 10 minutes ?}

{Non, je bosse. À plus.}

Je sais que ce n’est pas très sympa, mais Sarah m’énerve vraiment en ce moment. Elle croit qu’en venant me voir tous les jours, je vais sortir de ma léthargie, mais elle se trompe. En ce moment, il n’y a que les manuscrits qui me permettent de m’évader et de penser à autre chose.

{Bourrique}

{Moi aussi je t’aime !}

Mon autre téléphone sonne.

— Lina bonsoir, que puis-je faire pour vous satisfaire ?

— …. Heu.

OK. Cela arrive parfois d’avoir des hommes qui ne savent pas vraiment comment faire pour commencer notre entrevue.

— Bonsoir, quel est votre prénom ?

Cela les décoince toujours un peu…

— Le vrai ?

— C’est comme vous voulez…

— OK, alors ce sera… Arthur…

— Parfait Arthur, comment puis-je vous satisfaire ? De quoi avez-vous envie ?

Après un long silence,

— … Laissez tomber. Je ne sais même pas pourquoi j’ai appelé.

Et il me raccroche au nez. Mais je rêve ! Je n’aurais pas gagné grand-chose avec lui ce soir !

Je reprends mon manuscrit et essaie de m’imprégner de la façon d’écrire de l’auteur afin de respecter ses tournures de phrases. La correction de manuscrit me permet de gagner ma vie plutôt correctement, mais le complément avec le téléphone rose fait que je peux m’accorder quelques plaisirs de temps en temps. De plus, je n’ai pas voulu déménager après la disparition de Loukas, cela fait donc plus de 3 mois que je paie un appartement deux fois trop grand pour moi seule ; mais je ne me suis pas résolue à tourner la page et à quitter tout ce qui me rattachait à lui et à nos souvenirs communs.

Le téléphone rose (qui est rouge d’ailleurs) sonne à nouveau.

— Lina bonsoir, que puis-je faire pour vous satisfaire ?

— Bonsoir Lina. Je ne sais pas vraiment en fait…

Cette voix grave me fait frissonner. J’imagine presque l’homme qui se cache derrière. Pourtant, j’en entends tous les jours, mais celle-ci…

— Arthur, c’est bien ça ?

Tiens, tiens, il s’est ravisé finalement.

— En effet. Que faites-vous habituellement pour satisfaire les hommes qui vous appellent ?

Je souris.

— En général, j’assouvis leurs fantasmes, leurs désirs enfouis qu’ils n’osent pas demander à leur compagne. Et vous Arthur ? Quel est votre fantasme non assouvi ?

Après un long silence, il me répond très sérieusement :

— J’ai fait en sorte d’assouvir tous mes fantasmes avec de vraies femmes…

Je suis surprise :

— Mais je suis une vraie femme ! Je peux vous l’assurer !

— Ce que je veux dire c’est que, par téléphone interposé c’est impossible…

Je suis un peu vexée. Puis il me vient une idée.

— Et pourtant, vous n’imaginez pas le nombre de personnes qui m’appellent tous les jours Arthur…

Je laisse ma phrase en suspens. J’ai pris ma voix la plus sensuelle.

— En effet, j’ai du mal à imaginer.

— Alors je vous propose quelque chose. Dites-moi quel est votre fantasme ou une envie que vous avez et je vous promets que vous n’aurez pas de mal à imaginer…

J’attends quelques secondes.

— J’aimerais qu’une femme soit très entreprenante avec moi. Qu’elle me baise…

Sa voix me perturbe. Elle est si grave, rauque. Il parle lentement, crûment.

— Très bien Arthur, alors fermez les yeux. Nous sommes en boîte de nuit…

— Je n’y vais jamais.

Ça commence bien !

— Alors à un festival, à l’extérieur. Je vous ai remarqué depuis quelque temps, votre regard m’a happée. J’avance vers vous, je sens l’air passer sous ma jupe courte… Ce que le groupe joue est entraînant. Je me place discrètement devant vous et bouge au rythme de la musique, il y a énormément de monde, nous sommes presque collés les uns aux autres. Je me rapproche lentement de vous jusqu’à ce que mes fesses ondulent contre votre corps, doucement. J’attrape vos mains et les place sur ma poitrine. J’ai un bustier… Vous n’avez aucun mal à passer vos mains à l’intérieur, elles englobent mes seins. Vous sentez l’effet de vos mains sur moi, Arthur ?

— Hum…

— Mes fesses continuent d’onduler contre votre corps. Je sens une protubérance contre elles, j’ai envie de vous avoir en moi… Je prends une de vos mains qui est sur mon sein et la place sous ma jupe… Vous sentez la dentelle de mes bas ? … Votre main remonte le long de ma cuisse… Je frémis à votre toucher… Elle passe sur mes fesses, les malaxe. Je l’attrape et la place sur ma culotte… Votre main commence à bouger… Vous sentez l’effet que vous provoquez sur mon corps ?

— …

Je n’entends rien, mais je sais qu’il est attentif, sa respiration s’est accélérée et on ne peut pas le cacher lorsque l’on est au bout du fil. Moi-même, je commence à me prendre au jeu. Je m’imagine onduler contre lui, ses mains sur mon corps.

— Hum Arthur… Je veux que votre main bouge plus vite, je veux sentir vos doigts sur mon intimité… Je me retourne vers vous, j’ai envie de vous goûter. Je vous embrasse, impatiemment. Nous reculons pour pouvoir nous isoler un peu tout en nous embrassant. À l’abri des regards, vous vous asseyez contre un arbre, je me mets à genoux devant vous, entre vos jambes… J’ouvre votre pantalon et le descends avec votre boxer. Je me baisse pour prendre en bouche votre masculinité qui s’érige fièrement devant moi… Ma bouche coulisse dessus, ma main vous caresse. J’ai envie de vous sentir en moi. Lorsque vous êtes bien vigoureux, je me relève, me place au-dessus de vous. Je remonte ma jupe, décale ma culotte et le place à l’entrée de mon intimité… Vous sentez la chaleur que je ressens ? Je le fais coulisser, je me caresse avec sans jamais l’introduire en moi… Vos mains ont descendu mon bustier, elles sont sur ma poitrine, votre bouche aussi. J’ai envie de vous sentir en moi… J’ai envie de vous baiser… Brutalement… Êtes-vous prêt, Arthur ?

— Oui…

Il a grogné plus qu’autre chose…

— Alors je descends doucement, vous sentez la chaleur de mon corps autour du vôtre ? Je monte et descends lentement, puis j’accélère le mouvement. Je vous sens en moi, je veux que vous alliez plus profondément… Votre main fait des cercles sur mon intimité pendant que je vous baise. Je vous regarde dans les yeux et je vois que vous allez jouir, Arthur… Je monte et descends plus vite… Nos corps claquent l’un contre l’autre, mes fesses rebondissent sur vos cuisses… Je sens une vague de chaleur en moi… Je me contracte autour de vous, vous sentez mes spasmes de plaisir Arthur ?

— Hum…

— Je me relève pour vous prendre en bouche à nouveau, jusqu’à ce que votre semence envahisse ma bouche…

Je ne l’entends pas. J’ai tellement bien imaginé la scène que je suis moi-même tout émoustillée.

— Arthur ?

— Je suis là…

Sa voix est encore plus rauque que tout à l’heure.

— Et ?

— Vous m’avez donné envie de sortir pour aller baiser quelqu’un.

— Bien, j’espère que vous vous amuserez bien. Bonne soirée Arthur…

— Ouais…

— Ho ! Et la prochaine fois, essayez de participer un peu…

— Merci, mais il n’y aura pas de prochaine fois.

Il raccroche. Je suis vexée, d’habitude, lorsqu’ils ne disent rien, c’est qu’ils ont apprécié. Au moins, il va sortir pour se faire plaisir et faire plaisir à quelqu’un aussi, j’espère…

CHAPITRE 3

Jonas

Non, mais je rêve ! Comment j’ai pu me laisser avoir par des conneries pareilles ? Comme si j’avais besoin de ça ! Faut dire que les relations humaines ce n’est pas mon truc en ce moment. Mais cette femme au téléphone… Sa voix, si sensuelle. Mais c’est son boulot après tout, je suis sûr qu’elle doit raconter cette histoire à tous les hommes qu’elle a au bout du fil. Mais quelle idée j’ai eue ! En tous cas, c’était la première et dernière fois pour moi. Bon, maintenant il faut que je sorte de mon appartement. Il faut que j’aille me soulager, ça fait tellement longtemps que je suis enfermé ici que je suis à l’étroit dans mon pantalon avec ses histoires.

Je sors et m’arrête au premier bar que je croise. Je retrouve pas mal de connaissances qui ne m’ont pas vu depuis une éternité. Je n’ai pas envie de m’éterniser avec eux, je ne suis pas là pour ça. J’ai repéré une femme qui n’a d’yeux que pour moi, il faut dire que mon côté mauvais garçon avec mes piercings et mes tatouages attire toujours deux ou trois femmes dans une soirée. Là, j’ai pris la première qui est venue vers moi. Ce n’est pas du tout mon genre. Elle est blonde siliconée, mais a de belles jambes et une jupe assez courte pour que je puisse passer mes mains dessous. Après lui avoir payé un verre et discuté de tout et de rien, je me rends compte qu’elle attend la même chose que moi. Une histoire sans lendemain. Nous nous dirigeons vers l’extérieur pour être un peu plus tranquilles et à l’abri des regards. Alors que je la plaque contre le mur et la soulève pour qu’elle entoure ma taille de ses jambes, je ferme les yeux et repense à ce que m’a dit cette femme au téléphone. Sa voix me hante, sa façon de me dire les choses, si lentement, je l’entends encore me susurrer la façon dont elle prend mon sexe en bouche, la façon qu’elle a de me murmurer qu’elle descend sur lui. Je jouis en repensant à sa voix si sexy.

Je me débarrasse du préservatif et le jette dans une poubelle. La femme me fait un sourire entendu et une bise sur la joue en me disant merci et à une prochaine. Je ne suis pas sûre qu’il y ait une prochaine, mais ça fait partie de mon image… Je suis le mauvais garçon, certaines femmes rêvent de passer du bon temps avec moi pour avoir une histoire à raconter à leurs copines.

Lorsque je rentre à l’appartement, Jim est déjà là à m’attendre.

— Une bière ?

Je prends celle qu’il me tend et commence à boire directement au goulot.

— T’étais où ?

Je souris en lui répondant :

— Un besoin urgent…

— Non ! Ça y est ? Tu es de retour ? Sérieux ?

Je lui fais un clin d’œil.

— On dirait bien…

— Alors tu viens avec moi ce soir ?

— Pourquoi pas ?

— Trop cool ! Attention mesdames ! Jonas est de retour parmi nous !

Qu’est-ce qu’il est con, j’éclate de rire avec lui. Je prends mes affaires, mets mon bonnet sur la tête et nous filons à la salle de concert. Ce soir, ce sont des potes qui jouent. Je prépare la scène et vérifie tout le matos. Il n’y a pas si longtemps, c’est moi qui jouais sur cette même scène, mais depuis quelques mois, je ne peux plus. Plus sans lui. Ça m’est foncièrement impossible. Alors je bosse avec d’autres groupes pour rester dans mon univers. Lorsqu’ils se mettent en place pour la répétition j’ai quand même un pincement au cœur. Cela me démange de remonter sur scène et de reprendre ma guitare. Mais non. Lorsque Lily s’approche du micro pour tester sa voix, mon esprit s’égare vers cette voix au bout du fil tout à l’heure. Quand je pense qu’une femme a réussi à me faire bander en me racontant un fantasme par téléphone ! Ce n’est juste pas croyable. Je me demande si elle ne fait que ça toute la journée. Parler de sexe à longueur de temps, ce doit être pas mal ça.

— Jonas ! Viens bouffer !

Je me rends compte qu’ils ont terminé et m’attendent pour aller au restau du coin avant le concert. Nous discutons de plein de choses, notamment de musique, mais tous évitent de me parler directement du groupe que nous formions auparavant. On commençait à être connus, mais le destin en a décidé autrement. Il n’y a que Lily qui ose me parler directement de tout ce qui est arrivé il y a quelques mois. Elle n’hésite pas à me rentrer dedans, elle est comme ma petite sœur. Nos parents étaient très amis plus jeunes, du coup, nous nous sommes vus très souvent pendant les repas festifs qu’ils organisaient. Ensuite, lorsque j’ai commencé la guitare, elle a commencé à chanter pour m’accompagner. Puis nous avons chanté tous les deux. Ensuite au lycée, d’autres nous ont rejoints : Jim, Jack, Stan. Puis, nous avons eu des divergences musicales. Lily a monté son propre groupe et nous avons continué avec le nôtre. Mais le nôtre n’existe plus…

Lily me fixe avec un petit sourire en coin.

— Alors ? Tu as trouvé une nana ce soir ? Une envie pressante ou tu as décidé de retourner à la civilisation pour de vrai ?

Je me retourne vers Jim qui me sourit à pleines dents.

— À ce que je vois, la pipelette a encore frappé !

— Allez, me dit Lily, il faut bien que tu ailles tremper ton biscuit de temps en temps sinon elle va sécher !

Tout le monde éclate de rire. Je me demande comment une nana si belle peut parler si mal.

— Lily ! Merde ! Ton langage !

Elle boit une gorgée de bière et me répond en souriant :

— Oh ! Pardonnez-moi très cher. Je disais donc qu’il faut bien que vous ayez des relations sexuelles avec la gent féminine de temps en temps pour ne pas que votre attribut se dessèche…

Nous rions tous ensemble de sa répartie. Elle a pris ses grands airs (chose qu’elle ne fait jamais) pour me parler. C’est une magnifique femme, très grande, avec ses éternels talons, de longs cheveux roux, des taches de rousseur sur le visage et de grands yeux verts. C’est une bombe que je considère comme ma petite sœur.

— Tu m’emmerdes ! Et non ! Je retournerai à la civilisation lorsque je l’aurai décidé et pas avant.

— Quand je pense que tu viens de me demander de surveiller mon langage ! Alors cette nana ?

— Quoi ?

— Elle devait avoir de sacrés atouts pour t’avoir fait sortir de ta léthargie…

Je pense tout de suite à cette voix grave et sensuelle au bout du fil. J’ai du mal à l’imaginer, mais sa voix a su me faire sortir de mon appart. Elle m’a redonné envie de voir une femme.

— Huston ! Ici la terre !

Lily passe sa main devant mes yeux.

— Alors ? C’était si bien que tu repenses à elle ?

— Arrête ! Juste une pulsion suivie d’un coup entre deux portes…

Je lève mon verre en lui faisant un clin d’œil. Lily a toujours détesté que je traite les femmes comme des objets. Mais ce qu’elle ne comprend pas, c’est qu’elles font de même avec moi ! Nous devons retourner à la salle de concert.

Le groupe investit les loges afin de se concentrer. Je vais sur scène pour poser les instruments et les tester. J’aime me retrouver sur scène juste avant que le public entre. Je suis seul au monde. Qu’est-ce que je ne donnerai pas pour retourner en arrière…

À la fin du concert, nous allons boire une bière au bar de la salle. Lily en profite pour rencontrer son public. Je sais qu’elle adore ça. Je la vois avec un homme qui a l’air de l’intéresser. Elle est comme moi, elle n’a pas envie de se caser. Elle veut s’amuser et profite de sa notoriété pour changer de partenaire aussi souvent qu’elle le souhaite. Elle joue sur les deux tableaux, elle peut repartir avec un homme ou bien une femme pour la soirée, voire les deux lorsque cela est possible. Elle est libre et c’est ce que j’aime chez elle. Elle se dirige vers moi.

— Alors ? Laquelle ?

Je suis son regard qui tombe sur trois femmes habillées en noir et maquillées comme des camions repeints. Pas du tout mon style. Malgré tout ce que l’on peut penser de moi, j’aime bien les femmes discrètes. Je me retourne vers Lily :

— Sans moi…

— Quoi ? Ça y est ! Tu me lâches ! Tu as baisé une fois dans la journée et tu ne peux plus rien donner. Mon pauvre petit chat…

Elle me caresse la joue. Je lève les yeux au ciel et me lève. J’ai envie de rentrer et de décrocher mon téléphone pour entendre sa voix.

— À plus Little Lil !

J’ai besoin d’air. Je décide de marcher un peu pour rentrer chez moi. J’ai envie d’entendre cette voix, mais d’un autre côté, je me dis que c’est du gros n’importe quoi ! J’ai envie d’entendre la voix d’une femme que je n’ai jamais rencontrée.

CHAPITRE 4

Louise

Une sonnerie me réveille. Je me retourne dans mon lit et regarde l’heure. Je rêve ! Il est trois heures du mat ! J’attrape mon téléphone rouge qui sonne, je regarde le numéro et hésite avant de répondre. De toute façon, il me faut plus d’argent.

— Lina bonjour, que puis-je faire pour vous satisfaire ?

Ma voix est enrouée.

— Bonsoir, je vous réveille ?

Cette voix me donne des frissons. Arthur. Je me demande bien ce qu’il veut, après tout, je l’ai eu au téléphone il y a quelques heures à peine. J’hésite entre le renvoyer bouler gentiment ou lui répondre franchement. Mais j’ai besoin d’engranger plus d’argent, alors je vais y aller gentiment, je décide de ne pas répondre à sa question complètement nulle, autrement je risquerais de m’emporter.

— Arthur… Que me vaut ce plaisir ?

— Pour être franc… Aucune idée.

Ben ça alors. C’est nouveau ! Il m’appelle à trois heures du mat pour rien ! Garde ton calme… Respire… Je me mets de dos sur mon lit et regarde le plafond…

— Bien, alors lorsque vous aurez une idée, rappelez-moi !

Je m’apprête à raccrocher, mais sa magnifique voix m’interpelle.

— Attendez !... Je… Tout à l’heure, après notre conversation… Je suis sorti et…

— Oh ! Avez-vous trouvé une partenaire pour assouvir votre fantasme ?

— Oui et non…

— Comment ça ?

— J’ai trouvé une partenaire dont je me suis occupée, mais pas en réalisant mon fantasme…

— Et bien au moins, vous avez passé la soirée avec quelqu’un…

Contrairement à moi, je pense.

— Oui, en effet, mais pas la soirée, j’ai dû passer 30 minutes avec elle.

— Ha oui ! Trente minutes, pour assouvir un fantasme, ce n’est pas énorme !

— Bière et baise compris !

Il éclate de rire et je ris à mon tour. J’ai l’impression de parler à un pote de toujours.

— Au moins, vous ne perdez pas de temps !

— Lorsque j’ai envie de quelque chose, je fais en sorte de l’obtenir…

Sa phrase est pleine de sous-entendus, j’aimerais en savoir plus.

— Et de quoi avez-vous envie cette nuit, Arthur ? J’ai repris ma voix sensuelle.

— …

— Arthur ? Vous savez, vous pouvez tout me demander…

— Alors, décrivez-vous…

— Je suis celle que voulez que je sois Arthur… Quel est votre type de femme idéale ?

— Vous savez bien que la femme idéale n’existe pas !

— On va dire que je n’ai rien entendu. Comment l’imaginez-vous ?

— Brune. Des cheveux longs. Des courbes, des seins qui épousent mes mains, un cul rebondi. Plus petite que moi…

— Alors dites-vous que je suis cette femme cette nuit. Il a presque tout juste sur ma description… Mais pouvez-vous vous décrire physiquement ?

— Je suis un gars normal quoi !

— Oh. Alors vous êtes un grand blond avec costume et cravate ? Grand brun avec jean et baskets ? Petit bedonnant avec une moustache ?

Il éclate de rire…

— J’ai compris le message. Je suis brun, plutôt grand et proportionné normalement.

— Bien, on avance. Et si je passais mes mains sous votre tee-shirt… Est-ce que je sentirai des poils sous ma main ?

— Très peu…

— Et si votre bouche se retrouvait entre mes cuisses, est-ce que votre barbe de quelques jours me ferait de l’effet ?

— En effet… Ma langue percée pourrait vous faire plein de choses aussi… Imaginez sentir la chaleur de ma langue sur votre intimité, la fraîcheur de mon piercing en même temps…

— Hum… Je n’ai pas de mal à l’imaginer en effet. Je n’ai jamais fait l’amour avec un homme percé, mais ça pourrait être intéressant… Et votre langue sait faire d’autres choses ?

— Ma langue peut parcourir tout votre corps, s’arrêter sur votre poitrine, titiller vos tétons érigés vers moi. Elle peut s’immiscer dans votre bouche, elle peut parcourir la peau de votre cou… Ma langue peut vous faire ressentir énormément de choses Lina…

Ma main est maintenant sur mon intimité à me caresser. Il est doué !

— Oui… J’imagine très bien Arthur…

— Alors, imaginez ma langue qui titille vos seins, mon piercing qui les fait se dresser… Ma main qui caresse votre intimité. Lorsque je sens que vous êtes prête à m’accueillir, mes doigts s’immiscent en vous de plus en plus rapidement. Ma bouche descend le long de votre ventre pour rejoindre ma main. Ma langue suce, aspire votre clitoris de plus en plus vite. Je relève les yeux vers vous, vous êtes magnifique… Je veux vous voir jouir Lina, je veux que vous jouissiez sous mes doigts…

Mes doigts ont pris la place des siens et s’activent sur mon intimité. Je l’imagine très bien, trop bien. Je sens une vague de chaleur se propager en moi en entendant sa voix si sensuelle… Ça ne m’est jamais arrivé avec un autre homme auparavant, j’ai été excitée parfois, mais je ne me suis jamais touchée en pensant à ce que pourrait me faire un homme à l’autre bout du fil… je ne peux retenir un gémissement…

— Oooooooh ! Oups. C’est mon vrai moi qui a parlé, Louise et non Lina.

— Est-ce que je dois comprendre que vous avez apprécié ?

— Je dois vous avouer que oui. Énormément. Vous êtes doué pour faire travailler mon imagination…

— Alors imaginez-vous ce que je peux faire dans la réalité…

Sa voix reste en suspens. J’imagine très bien oui. Avec un homme comme ça, tu restes au lit toute la journée !

— Je pense pouvoir deviner Arthur…

Je regarde l’heure : 4 h 30. Ça va être compliqué pour me lever, et lui va avoir une note salée c’est sûr.

— Arthur, que puis-je faire pour vous ?

— Vous m’avez permis de m’évader Lina. C’est beaucoup déjà… Bonne fin de nuit.

— Bonne fin de nuit Arthur…

Après avoir raccroché, je n’arrive pas à m’endormir. J’imagine cet homme me faire l’amour toute la fin de la nuit. Lorsque je me lève le matin, je n’ai dormi que quelques heures alors que sa voix hante encore mes pensées.

Je dois me lever, passer à la maison d’édition pour récupérer d’autres manuscrits et rendre ceux que j’ai terminés. Mon contrat stipule le nombre que je dois faire chaque mois et je n’ai pas le temps de faire autre chose !

Lorsque je sors de chez moi, il est déjà 8 h 30. Je file à pied jusqu’aux bureaux. J’aime beaucoup marcher, c’est mon sport quotidien étant donné que je ne bouge pas beaucoup avec mon travail. Après 20 bonnes minutes de marche avec mes écouteurs dans les oreilles, j’arrive enfin. L’ascenseur s’ouvre sur Lily, une collègue de boulot complètement déjantée que j’adore.

— Hey ! Salut ma jolie ! Ça va en ce bon matin ?

J’adore, elle est toujours de bonne humeur. Elle est arrivée il y a deux ou trois mois ici, elle gère tous les appels et les rendez-vous.

— Salut ! Bien et toi ?

— Bah la nuit a été courte, mais on fait aller !

— À qui le dis-tu !

— Pas bien dormi ?

— Pas assez longtemps non plus. Comment fais-tu pour ne pas avoir l’air fatigué ?

— L’habitude ma belle ! L’entraînement ! Je te montrerai un de ces soirs !

Elle file pour répondre au téléphone. Je sors de l’ascenseur après avoir passé plusieurs heures à discuter avec mon responsable. Lily me fait un signe de la main pour que je la rejoigne. Mon sac est beaucoup plus lourd qu’à l’aller. Si j’avais su, j’aurais pris ma voiture !

— Tu rentres chez toi ?

Je lui montre mes manuscrits.

— Oui ! Direct !

— Rassure-moi, tu es en voiture j’espère ?

— Non, j’avais envie de marcher…

Elle attrape son sac et sort avec moi.

— Je vais manger, tu viens avec moi ? Je dois rejoindre un pote qui n’a pas vraiment le moral en ce moment…

— Je ne veux pas vous déranger Lily…

— Allez viens ! Ça nous fera du bien de nous poser un peu !

Nous arrivons devant une brasserie qui est pleine de monde. Lily se dirige vers deux hommes qui sont attablés à la terrasse. Après leur avoir fait la bise, elle me lance :

— Viens, n’aie pas peur ! Ils ont l’air féroces, mais sont très gentils quand ils veulent !

Elle me fait un clin d’œil et s’assoit entre les deux. Je fais de même et essaie de cacher mon malaise.

— Tu veux boire quelque chose ? me demande l’un d’eux, on a commandé des bières.

Je hoche la tête pour lui répondre, Lily ne nous a même pas présentés. Je suis de plus en plus mal à l’aise. J’observe les hommes de notre table discrètement alors que Lily continue de discuter avec celui qui m’a parlé. Il a un sourire à tomber par terre. Il a les cheveux châtains un peu longs qui lui retombent dans ses yeux bleu très clair. L’autre est très fermé, il m’a à peine dit bonjour. Un brun avec les cheveux plus courts sur les côtés et longs sur le dessus. Il a un piercing sur l’arcade sourcilière, je n’ai pas encore vu ses yeux. Il est habillé avec des habits sombres et j’essaie de deviner une partie de ses nombreux tatouages qui dépassent de son tee-shirt, mais il y en a beaucoup trop. Lily n’arrête pas de parler, même après avoir commandé, elle n’arrête pas de nous raconter ses déboires avec les clients et les auteurs. Elle me présente enfin comme étant une collègue de boulot. Celui que j’ai surnommé Monsieur sourire me pose quelques questions quant à l’autre, il n’a pas daigné ouvrir la bouche. J’ai l’impression que je le dérange.

Lorsque nous avons terminé, je prends mon sac en soufflant et me motive pour rentrer. J’en ai bien pour trois quarts d’heure vu le tas de manuscrits que je me traîne ! Monsieur sourire me laisse passer devant lui en me tenant la porte, Lily et Monsieur Ronchon suivent derrière en discutant tranquillement. Je n’entends pas leur conversation. Je me rapproche de Lily pour la remercier et lui souhaiter une bonne journée, mais elle en a décidé autrement.

— Hey ! Tu rentres à pied ?

— Oui. Je n’ai pas pensé que je reprendrais plus de manuscrits que j’en ai rendu, mais ça va me faire du bien. Je vais y aller tranquillement.

— OK. Comme tu veux. À plus ma belle.

— À la prochaine Lily.

Je commence à marcher en me maudissant d’avoir été aussi bête, lorsque je sens une présence à côté de moi. Monsieur sourire me tend une main.

— Qu’est-ce qu’il y a ?

— Donne-moi ton sac, on va te déposer.

Je me retourne et vois Monsieur Ronchon. Il a les bras croisés sur sa poitrine et n’hésite pas à me détailler des pieds à la tête. Je suis super mal à l’aise, ses yeux couleur ciel d’orage s’ancrent dans les miens. J’ai l’impression d’être un morceau de viande qu’il évalue avant de me sauter dessus et me dévorer. Il m’inspire de la peur alors que des frissons me parcourent le dos.

— C’est bon, j’ai l’habitude.

Il me prend le sac des mains et m’invite à le suivre. Je n’ai pas le choix, il me fait monter dans un range rover noir. Monsieur Ronchon se met au volant, il regarde Monsieur sourire et lui fait un signe en lui montrant sa montre.

— C’est bon ! On va être à l’heure ! Ma belle, où est-ce qu’on te dépose ?

Je lui donne l’adresse.

— Ça tombe bien ! Nous n’allons pas trop loin.

Je m’installe derrière le siège conducteur. Quelle erreur ! Monsieur Ronchon n’arrête pas de me fixer dans son rétro. Gris. Ses yeux sont gris, il me semble. Je ferme les yeux, mets mes écouteurs dans les oreilles et pose ma tête sur le dossier du siège. Un brusque coup de frein me réveille en sursaut, je me suis endormie ! Monsieur Ronchon a un petit sourire en coin. Il est pas mal quand il daigne sourire, même si c’est pour se moquer de moi. J’enlève mes écouteurs et sors de la voiture. Monsieur sourire me raccompagne devant chez moi en portant mon sac.

— Voilà ma belle ! Ne t’inquiète pas pour l’ours au volant. Il est dans une mauvaise période.

Il me fait un clin d’œil.

— Je comprends, ça m’arrive aussi tous les mois… !

Je lui fais un clin d’œil et il explose de rire. Je l’ai dit assez fort pour que l’ours l’entende. Étant donné son regard, je préfère filer sans demander mon reste.

— Merci ! À plus !

— Hey ! Jim ! Je m’appelle Jim !

— Cool. Louise.

Je passe vite la porte de mon immeuble, car je sens le regard de Monsieur Ronchon dans mon dos et n’ose pas me retourner, je n’ai pas envie de me plonger dans son regard assassin. Il démarre la voiture en mettant la musique à fond.

CHAPITRE 5

Jonas

Je regarde Jim qui a le sourire jusqu’aux oreilles, on dirait le chat d’Alice au pays des merveilles. Il est pénible, dès qu’il voit une belle nana, il faut qu’il fasse le joli cœur, le chevalier servant.

— Ferme la bouche, tu vas avaler une mouche !

— Arrête !

— Tu es sérieux ? Depuis qu’on est reparti, tu n’arrêtes pas de sourire comme un niais.

— Ben quoi ! Je crois que je suis tombé amoureux !

— C’est ce que je dis : arrête ! Tu la connais depuis quoi ? Trente minutes ? Et tu es déjà amoureux ! Pfft… Je vais encore te ramasser à la petite cuillère…

— C’est sûr que ça ne va pas t’arriver à toi ! Tu n’as pas eu de relations avec une femme depuis quand ?

— Hier soir.

Je lui fais un clin d’œil.

— Je parle d’une vraie relation, Jonas, pas d’un coup dans un bar. Je te parle d’avoir une discussion sérieuse avec une femme, de parler de vos goûts, de votre journée, de ce que vous voulez faire le lendemain ou le prochain week-end. La vraie vie quoi !

— Laisse tomber…

— Sérieux, il va falloir que tu commences à sortir, à voir d’autres personnes. Ça fait presque trois mois merde ! Bouge !

J’arrête la voiture devant le studio d’enregistrement et descends. Je ne veux plus l’entendre déblatérer n’importe quoi. Je dépanne le studio de temps en temps en jouant de la guitare ou de la basse pour compléter un groupe. Jim me suit de loin. Je m’enferme dans le bocal avant que tout le monde s’installe, branche ma guitare et mets mon casque sur les oreilles.

Je ferme les yeux et pense à ce que m’a redit Jim dans la voiture. Sortir, rencontrer d’autres personnes, discuter avec une femme. Tout à coup, je repense à sa voix. Finalement, je me rends compte que je discute avec cette Lina, enfin, nous discutons plutôt de sexe, mais cela me détend, aucun tabou. Ce n’est pas comme cette nana qui est arrivée à midi avec Little Lil. Avec ses manuscrits, ses cheveux attachés comme la première de la classe, son petit chemisier blanc et son pantalon à pinces noir, on aurait dit une vieille bibliothécaire ! Comment Lily peut-elle supporter une femme comme elle ? Je ne comprends pas.

Les gars du groupe arrivent enfin et on se met à bosser. Lorsque nous sortons du studio, il fait nuit. Je n’ai pas envie de sortir manger avec les autres, j’ai besoin de me retrouver seul. Je pense à Lina, mon esprit a beau me dire que cette femme est payée pour me parler comme ça, je ne sais pas, j’ai l’impression qu’elle m’apaise. Arrivé chez moi, je prends ma guitare sur le siège arrière lorsque quelque chose tombe. L’iPod de la fille de ce midi ! Louise. Je le prends avec moi et monte à la maison. Je prends une bière au frigo et décide d’écouter ce qu’il y a dedans. Je m’attends à trouver des trucs niais comme elle, genre Céline Dion ou autre, mais je suis très surpris ! Dès les premières notes, je reconnais la musique des Pogues, en avançant un peu, je me rends compte qu’il n’y a, pour les trois quarts que du rock. Est-ce que je me suis trompé sur cette Louise ? Non… Étant donné son apparence… Je passerais voir Lily pour lui rendre et elle lui remettra. Après avoir grignoté et bu quelques bières, j’attrape mon téléphone et appelle Lina. Lorsqu’elle décroche, je souris.

— Lina bonjour, que puis-je faire pour vous satisfaire Arthur ?

Ça me fait toujours quelque chose qu’elle m’appelle ainsi, c’est mon deuxième prénom.

— Bonsoir Lina.

— Comment allez-vous Arthur aujourd’hui ? Que puis-je faire pour vous ?

— Pour tout vous dire, je ne sais toujours pas.

Je l’entends rire au téléphone. Ce son est magnifique, j’ai l’impression que c’est le vrai elle.

— Dites-moi Lina, me direz-vous votre nom un jour ?

— Mon très cher Arthur, je ne pense pas non ! Ce serait trop dangereux pour moi. Imaginez que vous soyez un dangereux psychopathe, que vous découvriez mon adresse, que vous veniez chez moi…

Je souris.

— J’aimerais beaucoup venir chez vous Lina, mais pas pour vous tuer ou plutôt si, vous tuer de plaisir, à petit feu… Je vous ferais jouir si souvent que vous ne tiendriez pas…

— La petite mort…

— C’est exactement ça… La petite mort… L’avez-vous déjà ressentie un jour, Lina ? Le moment ou votre état de jouissance est tel que vous avez l’impression que votre cœur s’arrête…

— J’en ai l’eau à la bouche Arthur. Mais nous savons tous les deux que c’est impossible. Je dois préserver ma vie privée.

— Je comprends. Pouvez-vous me donner un indice sur vous ?

— Quel genre d’indice ?

— Un indice physique. Si un jour je vois cet indice sur vous, je saurais qui vous êtes…

— Hum… Très bien, même si vous savez que nous n’avons aucune chance de nous rencontrer un jour, Arthur… Et je veux que vous fassiez la même chose…

— Sans problème Lina.

— OK. J’ai un tatouage…

— Il va falloir m’en dire plus Lina…

— Un lutin des bois. À vous.

Je souris. J’ai tellement de tatouages !

— J’ai une boussole, sur mon bras gauche (perdue au milieu d’autres, plus importants)

— Pour ne pas perdre le Nord ?

— Pour ne plus le perdre en effet.

— De quoi avez-vous envie ce soir, Arthur ?

— Est-ce qu’on peut juste... Discuter ? Votre voix m’apaise…

— Alors voilà ce que nous allons faire Arthur, je vais m’allonger et ensuite vous allez vous allonger sur moi et poser votre tête sur mon ventre.

— Sans oublier ma main sur un de vos seins…

— Bien sûr. Quant à moi, je vais passer une main dans vos cheveux et l’autre sur votre bras. Je vous masse le cuir chevelu et vous caresse le bras. Fermez les yeux Arthur…

Cette voix ! Elle est magnifique… Elle me chante du Pink, il me semble. The Great Escape. J’imagine sa main qui me masse les cheveux, ses arabesques sur mon bras. Elle s’arrête.

— Une autre Lina. Votre voix est magnifique.

— Soporifique plutôt !

— S’il vous plaît. Encore…

— Parfait Arthur. On se réinstalle…

Elle reprend une chanson de Rag’n’bone man : Die Easy puis elle enchaîne sur une chanson de Radiohead : Creep. Lorsqu’elle s’arrête, je suis plus qu’apaisé. Sa voix est grave et rauque à la fois. Elle a raté sa vocation de chanteuse. Elle me chuchote :

— Arthur ?

— Vous savez que vous avez raté votre vocation de chanteuse ?

— Laissez-moi rire ! Je suis bien loin de tout cet univers…

— Oh ! Et est-ce que je peux en connaître un peu plus sur votre univers ?

— Vous venez d’avoir plusieurs indices Arthur, il se fait tard, je vous souhaite une bonne nuit.

— À bientôt.

Je suis allongé sur mon canapé, reposé, calme. Cette femme a le don de me détendre. Est-ce que c’est sa voix ? Sa façon de me parler ? Le fait qu’on ne se voit pas ? Qu’on ne sache pas à quoi ressemble l’autre ? J’attrape ma guitare et commence à chanter à mon tour. Elle m’en a donné envie. La première fois depuis plus de trois mois…

CHAPITRE 6

Louise

Je suis vidée. Complètement. Je ne sais plus depuis combien de temps je n’ai pas chanté pour quelqu’un. Arthur est le seul pour l’instant qui m’en ait donné envie. C’est marrant, je lui ai demandé de se mettre dans la même position que nous prenions Loukas et moi lorsque nous étions seuls le soir. Arthur fait remonter en moi des sentiments que je n’avais pas ressentis depuis longtemps. Je me lève pour attraper mon iPod. Je prends mes écouteurs et vois qu’il n’y a rien au bout. Oh non ! J’ai dû le laisser tomber dans la voiture de Monsieur Ronchon lorsqu’il a freiné comme un fou. Il faut que je le récupère absolument. C’était celui de Loukas et j’y tiens énormément. Je passerai dès demain matin à la maison d’édition pour demander à Lily qu’elle demande à Monsieur Ronchon de me le rendre.

Le lendemain matin à la première heure, je me dirige d’un pas décidé vers la maison d’édition pour voir Lily. En entrant, je vois qu’elle n’est pas là. Une femme est assise à sa place.

— Salut ! Je viens voir Lily. Tu sais où je peux la trouver ?

— Salut ! Oui, elle est à la salle de concert. Elle avait une répétition aujourd’hui, il me semble.

— Une répétition ?

— Ben oui ! Elle chante dans un groupe. Tu ne le savais pas ?

— Heu… Non.

— Bon, je te laisse, j’ai du boulot !

Je repars comme je suis venue et vais à la salle de concert. Je me dirige vers le premier café en terrasse proche de la salle après avoir constaté qu’elle était fermée et ouvre un manuscrit pour attendre Lily.

— Arrête de raconter n’importe quoi !

Cette voix grave et ce rire me font lever la tête. Arthur. Un groupe d’hommes passe devant moi suivi de près par Lily et Monsieur Ronchon. Peut-être qu’Arthur fait partie de ce groupe ? Si ça se trouve, je viens de le croiser sans le savoir. Je m’avance vers Lily et Monsieur Ronchon qui pose ses yeux sur moi. Ils me foudroient sur place, je n’ose plus faire ou dire quoi que ce soit. Lily me saute au cou.

— Hey ma belle ! Que fais-tu ici de si bonne heure ?

— Je voulais te voir pour te demander le numéro de Monsieur Ronchon…

— Monsieur Ronchon ?

Oups ! J’ai encore gaffé. Je pose ma main sur ma bouche, mais c’est trop tard. Je suis tellement habituée à l’appeler comme ça dans ma tête que mes mots ont été plus rapides que mes pensées. Je sens le rouge me monter aux joues. Je relève lentement les yeux vers l’homme face à moi. Il a les bras croisés sur son torse et me toise de toute sa hauteur. Je me sens encore comme un bout de viande, je me tasse un peu sur moi-même. Après un silence interminable, Lily éclate de rire. Nous nous tournons tous les deux vers elle :

— Sérieux Jonas, Monsieur Ronchon ! Trop bien pour te définir en ce moment non ? Tape-m’en cinq ! me dit-elle en me tendant sa main.

Je souris en lui tendant la mienne. Elle tape dedans et s’exclame :

— Allez, Monsieur Ronchon ! Souris !

Il souffle, secoue la tête de droite à gauche et lève les yeux au ciel en avançant devant nous. Lily passe son bras sous le mien.

— Tu m’attendais ?

— Oui, je voulais que tu me donnes le numéro de Monsieur Ron… Heu, de Jonas ! J’ai dû faire tomber mon iPod dans sa voiture hier et je voulais savoir s’il l’avait trouvé. J’y tiens énormément…

— Jonas !

Il se retourne vers nous.

— Tu as trouvé un iPod dans ta voiture sur le siège arrière ? Louise a dû le laisser tomber hier lorsque vous l’avez ramenée.

Il me toise encore de haut en bas. Et tourne la tête de droite à gauche. Mais où l’ai-je mis ? Et surtout où je l’ai-je perdu ? Il faut que j’aille voir dans la rue devant chez moi, il est peut-être tombé là-bas.

— Tu en es sûr ? Je veux dire, on peut aller vérifier encore ?

Il me tend les clés de sa voiture.

— Jonas ! lui hurle Lily. Un peu de compassion ! Elle y tient à son truc !

Il hausse les épaules et nous tourne le dos.

— Ma belle, je dois y aller. Rejoins-nous à la salle, je dis à Marc que tu arrives, il t’ouvrira. C’est bon ? On est garé sur la place plus loin. À tout de suite !

C’est une blague ! Mais quel connard ! Il a décidé de ne pas me parler parce que je l’ai traité de Monsieur Ronchon ? Mais il a quel âge ? Je me dirige vers la place et appuie sur les clés pour repérer la voiture. Je ne suis pas étonnée de voir qu’elle est garée n’importe comment sur un trottoir. Je monte à l’intérieur, regarde sous les sièges et bien sûr, il n’y a rien. Même pas un peu de poussière qui traîne. Elle est sûrement neuve, ce n’est pas possible. Je monte à l’avant côté passager pour vérifier encore sous les sièges. Ma curiosité prend le dessus. J’ouvre le vide-poche et découvre énormément de CD. Du rock pour la plupart, je n’en connais que la moitié, et encore ! Bon, pas d’iPod en vue.

Je repars et me dirige vers la salle de concert. Le fameux Marc me laisse passer sans soucis. Lorsque j’entre, c’est le choc. Lily et Jonas sont sur scène, elle est debout, micro à la main alors que lui est assis sur une chaise à l’accompagner avec sa guitare. Il a les yeux dans le vide. Il n’est plus sur scène, il est parti, loin de nous, très loin. En l’observant, je me rends compte qu’il est beau, une beauté sauvage, abrupte. Lorsque son visage n’est pas fermé, il est magnifique. Lily s’arrête de chanter, ils se regardent longuement sans rien dire, j’ai l’impression qu’il se passe entre eux quelque chose que je ne pourrais jamais comprendre. Elle s’agenouille devant lui.

— Tu veux bien ? Il n’y a que nous… Comme avant.

Elle lui parle comme à un petit garçon. Il ne dit rien et hoche la tête, inspire de l’air et souffle d’un coup. Il commence à gratter les cordes de sa guitare, je connais cette chanson. Loukas l’écoutait, elle est dans l’iPod. Done All Wrong de Black Rebel Motorcycle Club. Je ne peux plus bouger, sa voix si douce, cassée. Je ferme les yeux, je me laisse envahir par le son de sa voix, des frissons me parcourent le corps. Lorsque Lily l’accompagne, c’est encore plus beau. Je suis subjuguée, je m’assois par terre, je n’arrive pas à les quitter des yeux. Lui surtout. Lorsqu’ils ont terminé, ils se fixent tous les deux. Lily s’approche de lui et le prend dans ses bras. Elle s’accroupit devant lui et le serre fort. Est-ce que ce sont des larmes qu’elle essuie sur le visage de Jonas ? Elle lui prend le visage en coupe et le fixe plusieurs minutes. Ils se sourient.

— Je t’aime plus que tout Jonas. Tu le sais, n’est-ce pas ?

Il hoche la tête.

— Alors, s’il te plaît, pour moi, pour nous, pour tous ceux qui te connaissent, relève la tête, sois fier et fort, comme avant… Et Putain ! Mais remets-toi à chanter. Tu as tellement de talent !

Il ferme les yeux, elle le prend dans ses bras. Il niche sa tête dans son cou et la serre. Je suis gênée d’assister à cette scène. Je me lève discrètement et pousse la porte lorsque mon téléphone se met à sonner. Je me dépêche de partir pour me retrouver sur le trottoir devant la salle. J’ai décroché. Oh non ! Sarah !

— Oui ma belle ?

— Ha quand même ! Je pensais que tu étais morte !

— Toujours là. Écoute, je suis désolée, mais j’ai toujours autant de boulot et…

— Et tes pervers t’appellent toujours autant ?

— Oui, mais que veux-tu, ça me paie mon loyer !

— Eh bien, déménage ! Et trouve quelque chose de plus petit !

— Sarah ! lui hurlé-je. Arrête avec ça OK ? Je suis bien dans cet appart, et si je dois bosser jour et nuit pour y rester, je le ferai tu m’entends ? Je n’ai pas besoin d’une rabat-joie pour me rappeler tous les jours que je dois partir et laisser mes souvenirs derrière moi ! J’ai déjà perdu son iPod alors…

Je m’assois sur le trottoir. Les larmes affluent dans mes yeux, il ne manquait plus que ça… Je pleure sur un trottoir en pleine rue.

— Je suis désolée ma belle. Tu ne peux pas le retrouver ? Tu te souviens des chansons qu’il y avait dessus non ?

— Sérieux, tu ne comprends rien… C’était le sien, l’ordre des musiques, les titres et tout ça je n’en sais rien moi ! Tu me saoules avec toutes tes questions.

Et je raccroche.

J’ai juste envie de hurler. De crier au monde entier que rien ne va en ce moment. Je sursaute lorsque quelqu’un vient s’asseoir près de moi. Lily. Elle me tend un mouchoir.

— Allez viens. Je ne sais pas ce qu’il se passe dans ta vie, mais je n’aurais pas aimé être la personne au bout du fil !

— C’est… Enfin, c’était, ma meilleure amie…

Elle éclate de rire.

— Eh bien ! Rappelle-moi de ne jamais le devenir alors !

Je ris aussi entre deux reniflements.

— Sans faute promis. J’ai juste envie de hurler.

Elle me prend par le bras et me conduit à la salle.

— Viens, j’ai ce qu’il te faut…

Nous avançons vers la scène. Je croise le regard de Jonas. Ses yeux sont rougis, tout comme les miens doivent l’être aussi. Lily me regarde :

— Tu sais chanter ?

Automatiquement, je repense à hier soir et à Arthur. Je souris.

— Tout dépend quoi…

— Tu as envie de hurler ?

Je hoche la tête.

— Alors, voilà le micro, là tu as la table de mix avec toutes les musiques que tu veux. Nous, on te laisse te défouler.

Ils s’avancent vers les coulisses et me laissent seule. J’hésite entre un titre de Muse et un autre de System of a Down. Je dois me défouler. Dès que la musique commence, je me lâche. Je suis seule dans ma bulle. Hypnotise. Lorsque la musique s’arrête, j’envoie valser mes chaussures ainsi que ma veste. Je suis en débardeur. Je n’en ai pas assez. Comme personne ne vient, je continue avec MuseButterflies and Hurricanes. C’est trop le pied ! Je m’éclate. Vraiment. Je saute dans tous les sens. Lorsque la musique se termine, je suis morte et en sueur.

Je sursaute lorsque j’entends quelqu’un qui frappe lentement dans ses mains. Je me retourne et croise le regard de Jim. Jonas et Lily arrivent quelques minutes plus tard. Alors que Jonas me fixe encore, je me souviens que j’ai encore ses clés de voiture. Je file les chercher dans mon sac qui est resté au sol. Je me penche en avant pour les attraper jusqu’à ce que je me rende compte que j’ai trois paires d’yeux qui me matent les fesses. Lily compris. Je tends les clés à Jonas.

— Merci. Je ne l’ai pas trouvé. Je dois y aller. Merci pour le défouloir ! Je file.

Alors que je me dirige vers la sortie, Jim me rattrape et me tend ma veste.

— Tu as oublié ça. Attends, je vais te raccompagner.

Il me tend son bras que j’attrape et nous filons chez moi. Je lui explique pour mon iPod. Pas tous les détails bien sûr, mais juste le fait que j’y tiens beaucoup, car il appartenait à une personne qui m’était chère. Il m’aide à chercher devant chez moi en vain. Lorsqu’il me demande les musiques qu’il y avait dessus, j’éclate de rire en lui expliquant que c’était du rock pour la plupart et que pour certaines d’entre elles, je connais les chansons, mais pas du tout le titre et encore moins le nom des groupes…

— OK, on est mal barré, mais après je pense qu’on va pouvoir t’aider.

— Comment ça, on ?

— Jonas et moi.

— Tu m’expliques ?

— Nous sommes des fans de musique et nous gardons tout ce que nous avons écouté et aimé un jour. Du rock en général. Je pense que Jonas en a plus que moi, mais on va commencer par les miens et ensuite s’il t’en manque, on ira piocher chez lui… Ça te va ?

J’en ai les larmes aux yeux. Si je pouvais refaire une clé avec toutes les musiques de Loukas, ce serait vraiment génial. Je lui saute au cou et lui fais une bise sur la joue. Il rit et me fait voler. Lorsqu’il me repose, nous sommes gênés tous les deux.

— Bon, pour commencer, note-moi tout ce dont tu te souviens, groupe ou paroles… Ça marche, ma belle ?

Je le serre dans mes bras. Il n’imagine pas à quel point c’est important pour moi.

— OK. On peut faire ça tout de suite ?

Il a l’air étonné.

— Alors c’est vraiment important ?

— Tu n’imagines même pas !