A seductive taste - M. Scarlett Ecoffet - E-Book

A seductive taste E-Book

M. Scarlett Ecoffet

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Beschreibung

/*DARKROMANCE - MAFIA - AMOUR INTERDIT - AGE GAP - HE FALL FIRST*/
L’empire de Leo Conti dit L'Imperatore, vacille. Pour restaurer l’ordre et sa domination sur la Camorra, il convoque les Dévots et fait appel à La mystérieuse Signorina: Giuseppina Verdi.

Son retour dans sa vie ébranle toutes ses certitudes, réveillant en lui des désirs du passé qui menacent de le consumer. L’interdit qu’elle incarne devient son obsession, et leur lien, aussi passionnel que destructeur pourrait tout embraser.

Ensemble, envers le monde qui les entoure, et surtout l’un pour l’autre ils seront implacables.

ATTENTION TW : Ce roman est une darkromance, abordant du langage cru/grossier, des scènes de sexe explicites, de la torture physique, psychologique, des abus sexuels, du blasphème, de la manipulation, des relations abusives, du sang, des meurtres et d’autres thématiques. Des scènes, des propos, peuvent heurter la sensibilité d’un lecteur non averti.

Il n'est pas nécessaire d'avoir lu le tome compagnon précédent pour aborder cette histoire.


À PROPOS DE L'AUTRICE  

M. Scarlett Ecoffet - Née en 1986, passionnée d'écriture depuis l'adolescence, rêveuse intempestive, toujours dans son imaginaire, elle est une créatrice dans l'âme. Son parcours scolaire est composé de littérature et d'une carrière créative en tant que Designer-Web. 

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Veröffentlichungsjahr: 2025

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Correction par Emilie Diaz

© 2025 Ie Éditions

© 2025 Ecoffet M.Scarlett

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés.

Le code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou production intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

ISBN : 9782385721374

AVERTISSEMENT

Ce roman est une darkromance, abordant du langage cru/grossier, des scènes de sexe explicites, de la torture physique, psychologique, des abus sexuels, du blasphème, de la manipulation, des relations abusives, du sang, des meurtres et d’autres thématiques. Des scènes, des propos, peuvent heurter la sensibilité d’un lecteur non averti. Les mots utilisés dans ce récit ne sont là que pour servir la fiction et ne sont en aucun cas une promotion de ce type de violence, que ce soit de la part de l’auteure ou de la maison d’édition.

Ce roman est interdit aux -18 ans.

PROLOGUE

Ses pas résonnaient. Dans un claquement distinct, cela frappait les murs du couloir étroit et carrelé où des portes anonymes en fer l’observaient. L’air chargé de poussières recelait une forte odeur d’éther, de métal et de mort. Voilà bien le problème avec ce type de planques, les fragrances de cadavres ne disparaissaient jamais. Un peu comme des relents de foutre sur une pute ayant dépassé la quarantaine…

Les néons dilapidaient leur lueur pâle, découpant les pourtours de sa silhouette et l’étendaient le long des artères souterraines qu’il empruntait. Dans les tréfonds de cette bâtisse, il pensait à son empire et au rythme de sa vie qui désormais se fracassait contre les vagues du chaos.

Il était Leo Conti. Il était L’Imperatore1, quarante années lui avaient été nécessaires pour consolider son monde, pour le construire et le façonner à sa volonté. Son fils avait soigneusement éclaté toutes les fondations en dix ans. Ce fond de burnes, cet incapable, avait donc enfin réussi quelque chose. Cela aurait pu être une fierté si ce n’était pas aussi pitoyable. Se le jouer traître capricieux voulant et volant les affaires de Papa… quelle sous-merde!

Ce petit enculé lui faisait perdre un temps précieux. Non, rectification, ce petit connard et sa pute lui faisaient perdre un temps précieux. Et cela l’exaspérait.

De tempérament calme, paisible et impérial, Leo Conti n’était pas du style à s’agiter. Pour cela, son aîné lui ressemblait. Gabriel était son portrait craché, les vices qui l’habitaient étaient un peu les siens, bien qu’il ne soit pas de nature sodomite. Comme tout jeune individu curieux des années 70, il avait tenté de goûter ces plaisirs, mais ces parfums n’étaient pas pour lui. Il appréciait la chair ferme d’une femme, aux cuisses galbées et aux nibards à damner un Saint. Sa passion allait sur les abricots juteux, les chattes voluptueuses et les tailles marquées. Sans parler des culs ronds et rebondis, prompts à accueillir une fessée bien méritée.

Comme tout homme, il avait aimé. Une fois, follement, une innocente à son univers, malheureusement. Elle lui avait donné un fils : Gabriel. Elle avait été la seule créature qui ne lui avait pas cédé, qui n’avait pas rejoint ses flancs, la seule qui avait préféré fuir la Camorra et son Maître : Alessia. Et tout cela, en emportant le fruit de leur passion amoureuse, un garçon, un bâtard…

Sans prendre le temps d’en souffrir, il avait fait ce qui devait être. Comme tout mâle impérial digne de ce nom, il avait épousé une princesse pour solidifier son royaume. Une femelle intéressante qui s’était lentement transformée en un être insipide, acariâtre et mauvais. Peut-être que c’était de sa faute, il l’avait trompée, bafouée et en général cela ne pousse pas les dames à avoir de bonnes dispositions. Certes, il ne l’avait jamais réellement portée dans son cœur. Elle n’avait été qu’une alliance nécessaire, rien de plus. Le pire dans toute cette histoire, c’est qu’elle lui avait donné un héritier inapte, vindicatif, caractériel, tout aussi nerveux et fourbe qu’elle. Un enfant légitime pour lequel il n’avait jamais eu de véritable intérêt.

Quoique cela soit faux. Au début, au tout début, il avait apprécié Leandro. Il l’avait aimé. Puis le gamin s’était montré vaniteux, capricieux, colérique et l’avait exaspéré. Les mandales n’avaient jamais servi pour lui faire entendre raison et Leo, étant du genre à se lasser des choses indisciplinées, le négligea comme il l’avait fait avec la mère. Ainsi son épouse, Giorgia, avait répandu sa haine dans le corps et l’esprit de sa progéniture…

Il récoltait aujourd’hui les mauvaises graines qu’il avait lui-même semées. Seul restait un Empire sans Impératrice, sans héritier, et un chaos sournois mené par des fils de putes. Une armada construite par son cadet, fait de traîtres, de sbires et autres carcasses médiocres, certains de pouvoir gagner et obtenir son Univers. Ils se gouraient tous, personne n’aurait jamais son Monde, pas tant qu’il aurait assez d’air dans ses poumons pour les baiser et leur remémorer qui était le Maître de La Camorra.

Alors qu’il poursuivait son avancée, la silhouette agile d’un rondouillard apparut à l’extrémité du couloir. La calvitie couronnait son crâne et la sueur nappait son front. Vittorio Lucchese pressait le pas, se dépêchant d’aller à l’encontre de son Seigneur, l’expression préoccupée et contrariée.

— Tu es en avance, je t’ai dit que je t’appellerai…

Sa voix convenait parfaitement à son physique : un timbre gras, lent, minutieux. S’il ne payait pas de mine comparée au dirigeant de ce monde, le rondouillard aux tournures de pâte à pizza bien reposée était un artiste. L’art et la manière pour faire avouer, en usant et abusant de tout ce qu’il pouvait inventer. Vittorio Lucchese était un génie de la souffrance, un amoureux du sadisme et un virtuose de la douleur. La seule personne qui l’égalait demeurait son fils, probablement resté auprès de la victime.

— Elle résiste toujours?

Le son nasal de son subalterne suffit. Il comprenait que la Demoiselle n’avait pas encore choisi de se mettre à table. En même temps, fallait-il s’attendre à autre chose de la part de cette Lilliputienne?

Elle avait une sacrée paire de couilles, il fallait lui reconnaître ce détail-là.

Leo saisissait l’agacement du Maestro2. La liste de ceux qui lui avaient tenu tête tenait sur un post-it. Chacun avait ses faiblesses et le mafieux pouvait les trouver, il suffisait d’étudier lentement l’autre. Le problème, c’est que sa victime avait une tare, une sorte d’incapacité à exister. Comme si elle avait été formatée à n’être rien de plus qu’une chose obéissante, ce qui était certainement le cas. Un tel diamant noir se façonnait. Il n’apparaissait pas d’un coup de baguette magique, d’un abracadabra sorti du cul d’une licorne. Non… c’était bien plus lent. Une éducation du plus jeune âge, un chien qu’on faisait plier dès les premiers jours de vie…

— La suite nuptiale est prête, signifia L’Imperatore à son subalterne.

Derrière ses lunettes rondes, il détailla celui qui le surplombait. Vittorio renifla, piqué au vif à l’idée de déjà en venir là…

— Bien, nous l’amenons.

Le démon eut un rictus digne du Diable, son œil pétilla de plaisir quant à l’idée de la suite. Il tira de l’intérieur de son costume un étui en argent et prit soin de choisir le cigarillo qu’il allait porter à ses lèvres. Avec nonchalance, il tourna le bâton brun et sentit sous la pulpe de ses doigts ses contours.

Ses pensées filèrent sur ce qui était arrivé, la trahison lente de son cadet et le bordel déclenché au sein de la Camorra. Leandro avait tant désiré obtenir sa place, rêvant de le destituer. Hélas, le fils s’était fait étaler par l’enfant prodigue et sa bande de bras cassés se retrouvait le nez dans la merde.

Leo ne sous-estimait pas les faits, rien n’était réellement arrangé. Le chaos engendrait rarement quelque chose de convenable. Et pour l’heure, il régnait encore mordillant la chair blessée de l’Empire. Des rongeurs sournois aiguisant leurs dents sur les os à vif de la Camorra.

Il se remit en marche, allumant le tabac pour son plaisir et couvrit ainsi le parfum malodorant des artères labyrinthiques de l’Hôtel. Un surnom lancé à la cantonade jadis qui était resté. Ici, dans les entrailles, on retenait des gens, des ennemis, des pauvres hères parfois et on le faisait bien.

Ce n’était pas une sinécure et la suite ne le serait pas pour Carmilla Parelli.

CHAPITRE 1

Le sol en ciment se confondait avec les murs de béton brut. Sur l’un d’entre eux, engloutit par les ténèbres, un miroir luisait d’un reflet sinistre, relatant la scène qui se jouait sous ses yeux. Au plafond, les néons diffusaient une lumière pâle. Ils clignotaient parfois dans un grésillement désagréable avant de se stabiliser. Leo Conti attendait là, siégeant sur une chaise en métal. Les jambes croisées, l’œil fixé sur la porte encore fermée. Il patientait le temps qu’on lui amène l’objet de sa convoitise.

Son amour pour les tortures était semblable aux goûts des esthètes pour l’Art. Cela en était par ailleurs. Les pinceaux changeaient de forme certes, mais la finalité restait la même. L’on travaillait une base pour en faire un chef-d’œuvre, ici, elle était pétrie de souffrance et vidée de toute humanité.

Le tourment métamorphosait une personne, il la transformait en autre chose, lui léguant des séquelles longues et douloureuses. Chaque bourreau était un artiste, un maestro et cette notion de la violence le ravissait.

Aujourd’hui, ils allaient façonner une nouvelle sculpture : la pute de son fils deviendrait une pièce maîtresse de sa propre collection. Seule une incertitude continuait à l’habiter : cèderait-elle? Il en doutait, cette salope était sans âme.

La porte s’ouvrit.

Se détachant de la lumière, la silhouette filiforme de la diablesse apparut. Un instant, il se demanda si son cadet n’avait pas les mêmes penchants que son aîné ? Après tout, la distinction entre elle et un homme ne sautait pas aux yeux. Qu’ils enfilent des culs masculins ne dérangeait clairement pas Leo, chacun ses mœurs, il avait l’intellect assez élevé pour se foutre de qui se trouvait dans les lits des autres. Mais Carmilla n’avait rien de charmant. Petite, fine, sans formes, elle était de ce style garçon manqué qu’il détestait.

Les bras attachés dans le dos, des chaînes reliant ses chevilles, un homme la forçait à avancer en tenant son cou grâce à une perche de capture, la même qui était utilisée pour les clebs. Ceci dit, cela lui allait comme un gant puisqu’elle ne valait pas mieux. Le fil s’incrustait profondément dans sa peau et entamait sa chair, laissant apparaître le sang écarlate qui courait dans ses veines.

Elle ne se débattait pas, tout en elle exprimait une foutue dignité qu’elle gardait alors que sa gueule tuméfiée possédait des airs semblables à la vieille chatte d’une pute ramonée depuis trop d’années.

— Je t’en prie Carmilla, assied-toi.

Mal accoutumée aux lumières, elle qui avait été plongée depuis plusieurs semaines dans une pièce à peine éclairée, plissa les paupières à l’entente de cette voix. Le brun, paisiblement installé, tira sur son cigarillo et continua de la détailler. Méfiante, la créature s’approcha dans sa direction. Se raidissant de plus belle, la bras droit de son fils prit sur elle et se laissa envahir par son propre orgueil. Son être en souffrance se tint droit, affichant une fierté des plus inutiles. Elle était tout de même nu-pieds, dans des vêtements crasseux, puant des odeurs désagréables.

Ainsi elle a conservé tout son entêtement… constata le patron avec amusement.

Avec une force solennelle, elle obéit, prenant place sur la chaise sans un mot. Dans un petit excès de zèle, le mafieux à sa charge tira sur la perche et la força à pencher le cou vers l’arrière. D’un geste de la main, Leo l’intima de cesser.

— Tu ne demandes pas à tes sbires de mieux m’attacher? demanda Carmilla alors qu’elle ne voyait rien de tel arriver. Je pourrais facilement te tuer.

Ses paroles le divertirent, elle désirait jouer de provocation, elle espérait peut-être qu’il agirait aussi stupidement que Leandro, ne prenant pas garde aux autres pour s’agiter comme un capricieux trop colérique. Pourtant Leo ne sourcilla pas, il détailla plutôt l’extrémité consumée de son cigarillo.

— Je me suis demandé, très chère, comment nous pourrions te faire cracher le morceau. Ce qui te ferait céder, Vittorio a tout tenté sur toi…

— Presque, précisa-t-elle avec un amusement glaçant.

Il ne fallait pas être dupe pour piger de quoi elle parlait, Vittorio ne pratiquait pas les abus sexuels, les trouvant platement insipides dans ce genre de choses. Si elle en était friande avec son amant, ce n’était pas le cas de ceux qui la possédaient aujourd’hui.

— Allons, nous savons toi comme moi que tu ne sourcillerais même pas si une telle tentative se produisait. Et je ne suis pas mon fils, je n’ai aucun goût à ce type de méthodes. Elles ne sont utilisées qu’en dernier recours, quand les dispositions sont là, lorsque cela est nécessaire et encore…

Leo Conti n’éprouvait aucun plaisir à certaines formes de douleurs, les abus physiques étaient moins intéressants que les retombées psychologiques des mots. Il se doutait par ailleurs que Carmilla n’était pas une femme comme les autres.

— C’est comme pour tout, il faut savoir sortir ses cartes aux bons moments.

— Et tu crois en avoir contre moi? Il me manque des dents, des ongles, j’ai des plaies en train de pourrir. Je me suis pissé et chiée dessus à force des électrocutions…

— Je l’avais senti, coupa-t-il en gardant ce ton étrangement courtois. Je ne voulais pas te gêner en te le signifiant.

Le silence s’abattit alors que leurs yeux se rencontraient. L’affrontement électrisa l’air, bourreau et victime se lorgnaient avec sérénité, jouant des mots sans les cracher, simplement en les faisant glisser entre eux comme des cartes que l’on retournait lentement dans une partie de poker. Ils auraient presque ressemblé à deux politiciens en plein débat, mais ni l’un ni l’autre ne possédait une allure de roquets suffisants. Ils étaient superbes. La puissance de deux inhumains en face à face.

Un rire secoua les épaules malingres de la jeune femme, ses yeux s’irradièrent d’une indécente envie de combattre encore, de se dresser quand Leo se releva. Elle réunit des forces qu’elle n’avait plus pour l’imiter et le confronter.

— Tu veux tenter de me faire du mal? susurra-t-il en se rapprochant.

L’Imperatore la dominait de sa stature, du haut de son mètre quatre-vingt-huit, il ne pouvait en être autrement. Trente bons centimètres les distanciaient. Face à face puéril de prime abord, elle esquissa un rictus maudit, comme si les enfers l’habitaient.

— Essaye ma belle, mais avant réfléchis à la raison pour laquelle tu es dans la suite nuptiale.

Il se régala de la voir changer de face, de distinguer ses traits se durcir. Sans le quitter du regard, elle suivit ses mouvements et Leo se déplaça. Il recula et se tourna doucement, les lueurs des néons s’accentuèrent.

— Tu sais pourquoi on surnomme cet endroit l’Hôtel n’est-ce pas?

Ses chaussures résonnaient, claquant sur le sol avec lenteur et troublant la sérénité étrange du lieu. Il posait une question qui n’en était pas réellement une. Après tout, elle avait été un membre de la Camorra, elle connaissait les détails, les secrets, les sites importants… et celui-ci…

— Chaque pièce de ce sous-sol à une spécificité en fonction de celui ou celle qui y est détenu.

— Et la suite nuptiale est réservée…

Elle s’arrêta.

Cette fois, le sourire qu’il offrit fit le plus beau des effets. Il se retourna et la toisa. Carmilla tituba, déglutissant avec mal, il savoura de voir ses appuis tanguer, sa carcasse manquer de fermeté.

Leo Conti aimait provoquer cela, inspirer l’inquiétude, la peur, posséder un coup d’avance sur les autres et les surprendre. Il n’était pas devenu L’Imperatore sans raison, bien au contraire. Il avait longuement bataillé pour cela, mis au point un esprit profondément sombre. Les gens qui l’entouraient comprenaient combien ils avaient peu de choix : le camp de l’Empereur ou celui des perdants.

La Camorra avait ainsi lentement abandonné sa forme clanique pour muter en Empire avec ses territoires gouvernés par des régents à qui l’on avait concédé une place. Le moindre faux pas signifiait la destitution de la famille entière puis la mort.

Le mur à la vitre sans âme s’éclaira. Les néons de la cellule diminuèrent, révélant l’autre côté de cet étrange portail. Leo Conti s’en approcha, jeta son mégot après l’avoir éteint en roulant le bâton entre ses doigts et dévoila un cache dans la paroi. Une série de boutons se divulgua, et le son lent d’un rythme cardiaque sur un monitor résonna.

Ce fut soudain. Une mélopée lugubre qui vibra autour d’eux. De l’autre côté, blafard, inerte et cathartique, la silhouette désormais plus que malingre de cet enfant capricieux. Leo le dévisagea dans un mélange d’amusement et de dégoût. Ses yeux étaient grands-ouverts, s’agitant avec mollesse pour voir ce qu’il se tramait. Il était encore couché, trop, pour pouvoir discerner ceux qui le regardaient.

Cette progéniture…

Il n’avait eu de cesse de le décevoir, arguant une volonté d’être le digne fils de son père, il ne s’était montré qu’un affable minable constamment inquiet de l’ombre que d’autres lui faisaient. Sa mère l’avait nourri de l’idée qu’un bâtard qui le précédait ne désirait que sa vie. Il avait voué ses hargnes sur Gabriel, lassant Leo.

Si L’Imperatore se connaissait coupable, l’importance de ses fautes lui passait au-dessus. Maintenant, il avait l’avenir devant lui.

— Leandro a toujours été un enfant horrible, capable pourtant de trouver des gosses souhaitant jouer à ses jeux et les entraînant alors sur des chemins désastreux. Je me souviens, l’année de ses six ans, comment il a souri quand le petit fils Tessitori s’est fait déchiqueter par les chiens de chasse de son grand-père. Sais-tu les raisons qui l’ont poussé à faire cela?

Carmilla s’était rabaissée, ses jambes courbées trahissaient l’absence de force dans les membres inférieurs. Il n’était pas certain qu’elle puisse tenir longtemps. Le patient de l’autre côté lui arrachait le cœur de sa simple présence. S’il avait appris une chose en les regardant vivre ensemble ces dernières années, c’est bien la force de leur lien. Leandro lui avait donné l’attention et la tendresse dont elle avait terriblement manqué…

— Plaisir d’ascendance. Il ne l’a pas formulé ainsi, bien entendu, il m’a seulement dit qu’il aimait avoir le dessus sur les inférieurs. J’avoue, à cette époque j’ai espéré découvrir un prince pour mon empire, or la cruauté allait de pair avec ses facultés. Et une absence certaine d’humanité.

— Parce que vous l’êtes, vous, humain? cracha la brune les yeux injectés de fureur. Dans son esprit, elle vivait les hurlements du dégoût, elle vociférait sa vindicte que sa fierté tentait pourtant de conserver intacte. Faiblir devant lui, c’était céder et cela elle s’y refusait.

— Je l’ai été autrefois et puis j’ai épousé Giorgia.

Son rictus déforma son visage séduisant et lui conféra un air espiègle de diable. Une femme, ça vous change un homme et sa défunte compagne l’avait cruellement modifié. En mieux, en pire, quelle importance? Elle n’était toutefois pas la seule responsable, la vie, le milieu, la pourriture de la criminalité, sa propre fratrie… il n’avait cessé qu’un temps. Celui de créer Gabriel… étrangement, il aurait eu l’opportunité de retourner dans ce passé, il n’en aurait rien remplacé, heureux de ce qu’il était à l’heure actuelle.

— J’aurais pu être fier de lui, mais vouloir voler la place de son père… quel intérêt? Quelle valeur même? Des caprices encore et toujours…

— Vous ignorez ce qu’il a fait, ce que nous avons conçu pendant des années. Il sera trop tard, quand vous vous rendrez compte de tout.

Voilà qu’elle lui tenait tête, ses yeux irradiant de plaisir comme une putain de furie en pleine crise d’overdose. Leo inspira, laissa la pièce médicale dans son dos et choisit de ramener la chaise. Carmilla vacillait, elle perdit l’énergie violente qui l’habitait pour s’appuyer contre la séparation. Son front contre la vitre, elle ne pouvait rien louper de la sordide mise en scène.

Un lit simple, des tuyaux, des machines, elle était certaine d’avoir vu Leandro s’effondrer, pourtant elle savait aussi que le patriarche Conti appréciait de garder ses proies en vie, jusqu’à ce qu’il en ait obtenu tout ce qu’il voulait.

— Ne comptez pas sur moi pour parler…

— Pour l’instant.

Posant sa main sur son épaule, il la força à s’asseoir. Cela faisait quelques semaines désormais que la créature était assujettie à la torture. Elle sentait la mort, l’épuisement et toutes ces choses qui relataient ses souffrances. Avec une extrême douceur, Leo arrangea ses cheveux, réunissant ses poignets dans les crochets des menottes, il s’accroupit derrière elle et lui murmura :

— Je sais pertinemment ce qui te lie à lui, c’est le seul homme qui a daigné te regarder, t’offrant une étrange tendresse Carmilla Parelli.

La belle se raidit, amusée, il poursuivit son chuchotement chargé d’intimité.

— Quoi? Tu pensais que j’ignorais d’où tu venais ? Allons… je finis toujours par tout apprendre. Je connais déjà quelques détails importants, ma chère.

— Comment? articula-t-elle, ses yeux fixant leur reflet réciproque.

Il haussa les épaules…

— Les langues des perdants se délient aisément quand on use de ce qu’il faut. Lorsqu’il arrivera ton tour de l’ouvrir, espérons que je n’ai pas d’abord tout découvert, ce serait dommage que tu deviennes inutile.

Il se redressa, son esprit occupé à la contemplation du corps de son cadet dont on relevait le lit.

La mort n’avait pas été fort sympathique en se refusant à lui, les balles qu’il s’était pris avaient détruit beaucoup de son cadavre, laissant des traces indélébiles dans ses chairs. Il ne marcherait jamais plus ni ne bougerait grand-chose. Conscient et emprisonné dans sa propre masse, voilà le cadeau le plus cruel qu’un père pouvait offrir. Ainsi se payait le parricide.

— Regarde comme il est heureux de te revoir, souligna L’Imperatore en tapotant l’épaule de la brune. J’ai été à son chevet tous les jours, je lui ai parlé de toi, je n’ai eu de cesse de lui raconter tout ce qu’il se passait. Il sait tout et je pense qu’il t’aime réellement assez pour souffrir de la vérité. Je me suis dit qu’il était temps qu’il contemple le fruit de son labeur.

Tout ceci n’était pas qu’un jeu pervers, Leo reconnaissait la valeur de leurs sentiments nécrosés. Étrangement, son fils n’appréciait pas que son propre reflet. Il y avait cette salope aussi et cela demeurait un mystère pour le quinquagénaire. Une chose était certaine, il allait pouvoir utiliser ce lien pour la suite. Combien de temps tiendrait-elle alors?

Il en avait terminé, donc il s’éloigna.

— Imperatore, héla-t-elle avec dureté.

Il s’arrêta, le silence engagé régna quelques secondes.

— Tout ça, ce n’est que le commencement! promit-elle entre ses dents…

CHAPITRE 2

Les Romano, dit La Famiglia3, se tenaient vêtus de noir dans le plus grand des deuils. Sur les visages patibulaires des gangsters se posaient la frustration et la colère. Des larmes bordées les prunelles ténébreuses de Marco Romano. On le désignait comme Il Nipote4, second désormais du nouveau dirigeant : Lucciano Romano ou Lo Zio5. Le groupuscule était mené à présent par quatre hommes qui avaient eu une femme en commun : La Mamma6. Décédée pour l’heure. Elle symbolisait un vestige, celui d’une époque révolue et elle laissait son rival Paulo Tessitori lui survivre.

Elle ne pourrait donc jamais cracher sur sa tombe comme elle l’avait toujours annoncé.

Nimbé par la lumière qui pénétrait les vitraux derrière l’autel, le quatuor de Musclor demeurait digne, la gueule fermée et l’air grave face à l’assemblée de criminels parfaitement alignés. Une toute dernière fois, ils présentaient la carcasse de Faustina Romano, ou presque.

La mère de la petite vertu avait été abattue sauvagement. Un travail d’orfèvre rondement mené : criblée de balles alors qu’elle prenait un peu de bon temps avec son gigoloen bords de mer, le massacre l’avait rendue méconnaissable. Pour ces raisons, le corps n’était pas exposé. Le cercueil parfaitement scellé gisait au cœur de l’édifice religieux, des fleurs débordant de son couvercle en des teintes sanglantes.

Du monde, il y en avait. C’était un monument qu’on enterrait aujourd’hui, une salope de l’enfer qui avait survécu à bien de choses. Elle avait éduqué ses petits avec la fermeté d’une garce.

Tout au long de son existence, elle s’était méfiée de ses semblables et les avait évincés. Que ce soit sa fille, ses belles-filles, ses nièces… elle estimait que les sexes fendus étaient de la saleté sournoise, pire que les détenteurs de couilles. Ainsi elle avait rendu orphelins ses petits-fils, veufs ses gamins et veillé à ce qu’aucune pute ne leur retourne le cerveau. Selon elle, les mâles étaient dociles avec la figure maternelle, dépendants de la matriarche, et de son avis. Seul le sien avait compté durant des années et étrangement aucun ne lui en avait voulu pour ces meurtres. Probablement parce que son éducation et le façonnement de leurs esprits n’auraient pas envisagé de réagir autrement que par la plus servile des obéissances.

En ce moment, ils pleuraient comme des vierges naïves balancées au sacrifice d’un dieu lubrique venu les baiser telles des chiennes. Dans la bâtisse religieuse, tout le beau monde gardait l’air grave et sérieux, car chacun savait que l’Empire Camorriste vibrait sur ses fondations, mis en perdition par le prince lui-même.

Malgré le danger, tous étaient là. Aucun n’aurait pris le risque de jouer au pleutre et, quel que soit le péril, ils se tenaient droits et impeccables. Quel drôle de spectacle : tous des enfants de salauds bien habillés comme des premiers de la classe. Chacun, lucide, comprenait qu’entre la gouvernance de L’Imperatore et la rébellion de son fils, c’était du pareil au même. La peste ou le choléra n’étaient pas un choix. Enfin, le choléra cachait aussi la vérole et la lèpre, car ils pouvaient perdre gros à cause des intentions du gamin capricieux. La preuve était sous leurs iris : La Mamma était morte.

Personne ne se trouvait à l’abri de ces vindicatifs rebelles, décidés à détrôner et prendre. Quelles que soient les raisons de ces hommes ou femmes, le sang et autres liquides peu ragoûtants seraient la réponse.

Pour l’instant, ils se pressaient tous, serrés comme des putes au bois. L’encens leur griffait, la gorge, les pleureuses gémissaient leurs peines, le vieux prêtre, quasi aveugle, psalmodiait la messe de sa voix lente et éteinte. Quand il prononça un dernier Amen chevrotant, les ouailles s’agitèrent. Il était drôle de discerner les regards que l’on se jetait, les méfiances que les pupilles exprimaient et les airs coincés que les bouches arboraient.

Un brouhaha tomba alors que tous se redressaient à l’annonce du recueillement. Les ultimes hommages allaient être offerts à la défunte et sa famille.

S’avança des premiers rangs, une créature sylphide d’une quarantaine d’années. Ses cheveux blonds se réunissaient sur le côté dans une natte lourde et complexe. Une voilette sombre couvrait le haut de son visage et ne rendait que plus attrayante ses lèvres rosées ornées d’un grain de beauté. Idéalement posé sur le sommet droit de sa bouche avec discrétion.

Elle hocha la tête pour remercier l’homme de foi et essuya une larme qui coulait de son œil. Un tremblement, dont tout le monde se foutait, l’habitait. Au sein de cette meute de clébards dangereux, elle était la seule véritable lady. Une dame qui n’aurait pas dû se trouver là, pourtant un refus de sa part n’aurait pas été toléré. Après tout, n’était-elle pas la compagne officielle de L’Imperatore? Le jour où elle avait cédé à ses séductions, elle aurait mieux fait de se faire renverser par une voiture…

Le piano commença ses notes, la divine ingénue se força d’un sourire triste, calmant ses inquiétudes en croisant le regard de Leo. Il siégeait au premier rang, imperturbable. D’un mouvement de tête, il lui permit de comprendre qu’il était temps de débuter. Aucune hésitation n’était admissible.

Elle ouvrit la bouche lorsque la porte principale grinça. La foule se retourna à l’unisson et dévisagea les cinq hommes en noir qui s’engouffraient.

Sur leur tronche était marqué qu’ils ne plaisantaient pas. Encore moins ce morceau féminin tout en courbe qui se signa après avoir dépassé les mâles. Ce fut à cet instant que Leo se leva et que Louise Riqueti de Mirabeau commença à chanter.

Ave Maria, piena di grazia, eletta

fra le spose e le vergini sei tu,

sia benedetto il frutto, o benedetta,

di tue materne viscere, Gesù.

L’Imperatore ne regardait pas sa femme, il souriait plutôt à celle qui se trouvait à l’entrée de l’église la dévorant d’un œil fauve. La rousse, droite, les pupilles sur l’autel, semblait attendre tout comme ses comparses. Ses iris de métal soutenaient le monarque sans dévoiler aucune faille.

Un murmure traversa l’assemblée. C’est Giuseppina Verdi? La fille de Galliano? Que fait-elle ici? Pourquoi est-elle avec Mancini?

Une simple œillade de l’empereur fit taire les piailleurs, le calme reprit sa place et chacun s’avança pour l’hommage. Aucun ne tenta le diable pourtant bien installé dans la maison de Dieu en ce jour.

Prega per chi adorando a te si prostra,

prega nel peccator, per l'innocente,

e pel debole oppresso e pel possente,

misero anch'esso, tua pietà dimostra.

Le timbre de Louise enveloppa Leo, son cœur se mit à battre plus vivement. Entendre celle que l’on nommait La Regina7 placer sa voix sur l’Ave Maria de Verdi l’aurait presque fait bander. Ce n’était ni le lieu ni le moment… qui plus est, ce n’était pas réellement elle la responsable de cette tension virile. Mais plutôt cette succube tout au fond de la bâtisse divine. Cette créature de l’enfer, revenue du silence pour le tourmenter. Hélas, il avait besoin d’elle. Et sous cette évidence, il la dévisageait, admirant cette enchanteresse damnée.

Prega per chi sotto l'oltraggio piega

la fronte e sotto la malvagia sorte;

per noi, per noi tu prega, prega

sempre e nell'ora della morte nostra,

Leo Conti abandonna ses contemplations et se plaça dans la file, se faisant emporter par les vibratos de sa compagne. Il savait qu’elle tremblait d’être ici. Effrayée par ce monde et par les détails qui le composaient. En tant que future Impératrice, elle ne pouvait laisser s’épanouir ses inquiétudes. De par son pédigrée, elle serait celle qui pourrait siéger à ses côtés. Elle serait parfaite en temps qu’épouse, sa docilité lui convenait et son obéissance tout autant. Ses airs d’agnelle le séduisaient. Il aimait qu’elle soit émotionnellement fragile.

Il ne se leurrait pourtant pas, elle finirait par perdre cette peur sournoise qui l’habitait, car le mal ne laisse personne de côté et vient embrasser pleinement tous les cœurs qui frôlent sa présence. Bientôt, elle deviendrait la sua Imperatrice8. Il l’avait décidé et les choses se dérouleraient selon sa volonté.

La voix de la blonde poursuivait sa course, résonnant dans l’enceinte cléricale. Les tableaux religieux prenaient vie sous son emprise et semblaient observer avec bienveillance les merdes malfaisantes qui se trouvaient rassemblées pour l’enterrement d’une démone retournée en son territoire sous terrain.

D’un geste, Leo empoigna l’avant-bras de Lucciano, posa son front contre le sien et sa paume se plaça sur la nuque de l’être endeuillé. Dans une étreinte virile, les hommes d’un âge presque similaire se saluèrent en silence, partageant une sorte de peine. Si le nouveau dirigeant de la branche pleurait réellement celle qu’il considérait comme une mère, Leo portait quant à lui le chagrin d’une image, d’un respect plutôt qu’une véritable affliction. Il reconnaissait qu’aucun mot n’aurait pu présenter le tourment d’une telle perte. Cela était probablement hypocrite : une salope mourrait, un enculé prenait sa place, tel était le cycle de leur vie.

Les émotions retenues, le brun abandonna le récent patron et d’une gestuelle paternelle attrapa le second. Marco un peu hagard se laissa faire et remercia L’Imperatore de sa présence. Quelques mots tombèrent, des politesses sans intérêt et Leo se présenta au dernier.

Son regard perçant sombra sur le plus jeune, il observa de ses yeux ténébreux le garçon qu’il ne connaissait pas plus que cela. Il avait fait la fierté de La Mamma, un bon gars, un excellent petit. C’était le seul que l’on pouvait traiter de fils de pute sans que cela sonne faux. Il était le résultat d’un vidage de burnes en bonne et due forme sur une fille ramenée de l’Est et expérimentée par le frère de la matriarche. Un rejeton qu’on avait élevé au rang de légitime après avoir saisi qu’il serait l’unique du paternel. Une chance pour lui.

— Quand Faustina t’a récupéré, tu avais quel âge déjà?

— Sept ans.

— Tu perds une mère une nouvelle fois.

Georgio demeura immobile un instant avant de se forcer à sourire. Il hocha la tête, l’aigre de son expression ne manqua pas de satisfaire Leo. Lui, l’enfant arraché du corps assassiné d’une génitrice aimante n’osait pas contredire le grand maître. Il en avait tant envie, ceci dit, L’Imperatore le voyait.

Observant ces scènes d’une œillade grave, la cantatrice ne rêvait que d’en finir, de quitter ce regroupement malsain et de courir loin. Ses yeux naviguaient de visage en visage et aucun ne lui paraissait avenant. Elle les jugeait parce qu’elle savait les ordures qu’ils étaient.

La fin de son lyrisme approcha. Ses iris s’accrochèrent sur une silhouette sombre, celle d’un homme installé dans la tribune où trônait l’orgue majestueux. Une arme dans sa main, il la brandissait à leur encontre. Son cri perça quelques secondes avant la détonation, or ce n’était pas dû à ce diable-là.

Lui, engagea son ultime geste tandis qu’une balle traversait son crâne par la gorge et éclatait sa cervelle sur l’instrument de musique imperturbable malgré les morceaux sanguinolents qui le recouvraient désormais. La gravité poussa la carcasse du pauvre gars vers le sol et, en une fraction de seconde, tout vacilla…

Leo demeura immobile, gardant avec fermeté la main de celui qu’il était en train de saluer. Les hurlements qui résonnèrent lui donnèrent envie de rire, il se retint, n’arborant qu’un rictus pernicieux. La satisfaction avait un goût de perfection.

Au sein de la résidence du divin, la valse du feu s’intensifia. Ceux qui étaient arrivés en retardfaisaient claironner la sentence quasi céleste du dirigeant. Alors oui, les gardes du corps attrapèrent les importants, firent front de leur silhouette massive pour planquer les carcasses qui devaient rester en vie et d’autres s’engagèrent dans la débâcle. Il ne manquait qu’un air convenable d’opéra pour accompagner le tout. La cantatrice était malheureusement recroquevillée sous l’autel en larmes, couvrant ses oreilles de ses paumes, priant la Madone de la sortir de là.

La cacophonie atteint son apogée lorsque plusieurs assaillants s’effondrèrent sous les tirs des hommes et que des cadavres reposèrent en une paix relative. Abasourdis, les mafieux qui se tenaient en joue leur pistolet se figèrent, observant ceux sur qui ils n’avaient pas osé entreprendre la frappe. Après tout, la succube incendiaire, Giuseppina Verdi, et ses sbires n’étaient pas n’importe qui et les plus intelligents le savaient.

Ils étaient Il Devoti. Les dévots… une unité d’élite, œuvrant pour la Camorra et ses dirigeants depuis une dizaine de générations. Des êtres formés et dévoués à l’exécution des sentences, désormais aux mains d’un seul homme : Leo Conti. Et Giussepina Verdi était La Signorina9, la femme de l’ombre, l’héritière, le bourreau impitoyable. Elle avait déjà travaillé pour le bien de l’Empereur dans les coulisses, cela n’était un secret pour personne. Aucun cas dont elle s’était chargée n’était en vie pour l’affirmer, pourtant chaque défunt, mort soudainement dans l’intérêt du groupuscule, aurait pu témoigner qu’elle était la chienne fidèle de Leo Conti.

Son oncle était Il Devoto10, le meneur, faciès connu de tous que les dernières années avaient marqué. Le retour de sa nièce signifiait tellement et ceux désormais sans souffle dans la bâtisse le criaient indirectement. L’ordre allait être remis sous l’inquisition des dévots. La guerre était déclarée et la chasse aux mécréants lancée.

Leo observait l’homme dont il tenait toujours la pogne. Son regard horrifié le ravissait. C’était d’une jouissance époustouflante que de le voir tressaillir, conscient de ce qui allait lui arriver. L’Imperatore ne se poussa qu’à peine, un geste imperceptible quand le nouveau coup de feu retentit. Le vacarme résonna dans toute la bâtisse et le garçon s’effondra. Le monarque sentit une brûlure microscopique sur sa joue et la trace écarlate qui striait son derme le surprit, il se retourna vers Giussepina qui, de son air innocent, le détailla.

Garce, pensa-t-il soudainement excité par cette aura insolente qui couronnait sa silhouette.

Dans tout son corps, il ressentit l’impulsion d’un désir, d’une frénésie, d’une cruauté malicieuse revenir à pas de loup. Qui ignorait dans l’assistance combien la fille de Galliano avait été une drogue pour le dirigeant? L’on racontait le pire à leurs égards, on murmurait tant de choses… et ils étaient tous si loin de la vérité.

— Ceci est un premier nettoyage, annonça Leo avant de retourner vers la famille. Et tu me vois navré, Lucciano, de l’avoir fait aujourd’hui. Malheureusement, les traîtres voulaient agir en premier.

Ses mains claquèrent, faisant sursauter les esprits perdus devant la réalité. Il progressa dans l’allée centrale, poursuivant ses propos d’une voix de maestro :

— J’ai bien conscience de tout ce qu’il se passe, des cœurs qui doutent et de ceux qui ont arrêté d’hésiter pour accomplir leur choix. Ne pensez pas que j’ignore quoi que ce soit, vous me connaissez. Je finis toujours par avoir assez d’avance sur vous, pour agir. Ainsi donc, voyez les cadavres qui vous entourent, notez parfaitement qu’ils étaient des traîtres et que je les ai spécifiquement sélectionnés pour divulguer un premier message. Si vous faites partie des rangs de mon fils, songez à une chose, je vous offre une chance. Une petite chance pour que tout rentre dans l’ordre. Mon premier conseil est donc de ne pas la laisser filer. Sinon, advienne que pourra.

À mesure de ses propos, il dévisageait La Signorina, splendide, sculpturale, intraitable. Venant à son encontre, il dévorait de ses iris sa personne et se plaisait à imaginer les outrages du passé. Une aura électrique crépitait autours de ces anciens amants et projetait à toutes les gueules cette évidence sordide. Quand ils se firent face, le cinquantenaire prit la main de celle qui n’avait pas encore trente ans et lui fit un baise-main un peu trop appuyé.

Le souffle de la rousse s’approfondit, ses yeux d’un gris, pareil à l’acier le contemplaient. Des envies dérangeantes venaient batifoler dans sa pensée, la poussant à sourire avec d’autant plus de complicité. Elle n’était que gage de volupté, d’une taille inférieure, mais de quelques rondeurs suaves, elle s’épanouissait. Sa jeunesse était traîtresse, tout le monde avait conscience de ce qu’il se cachait en elle : la cruauté d’une diablesse.

— Vous m’avez fait rappeler La Signorina au grand jour, ainsi que mes dévots. Alors attendez-vous à ce que l’ordre soit rétabli et que tout redevienne comme avant, avec quelques carcasses merdiques en moins, bien entendu.

Il la lâcha à contrecœur? Que n’aurait-il pas donné pour suivre le contour de sa hanche, glisser sa main dans le creux de ses reins. Avait-il cru que son éloignement avait calmé son addiction à son égard? Oui, mais ce n’était visiblement que des foutaises. Une dépendance ne disparaissait jamais. Il dirait tôt ou tard adieu à son jeton de sobriété.

— Est-ce lui?

La voix de Lucciano s’éleva dans la bâtisse, Leo se rapprochant hocha la tête, affirmant une seule chose. Celui qui avait fait tuer La Mamma n’était autre qu’un fils. Lucciano cracha sans attendre sur la carcasse en train de refroidir et son second l’imita. Conti alla soigneusement chercher sa compagne, laissant les gens s’affairaient dans tous les sens pour restituer un peu d’ordre dans ce merdier. Le prêtre, stoïque, patientait. Ce n’était pas le premier enterrement qu’il faisait pour eux, ce ne serait pas le dernier et il avait encore survécu à un massacre. Dieu était forcément en accord avec son pupille.

— Allons, il faut te reprendre, si tu te donnes un spectacle, tu sais ce qu’il va se passer, murmura Leo à l’oreille de la cantatrice qui essuyait maladroitement son visage mouillé.

Il devrait sévir si elle n’agissait pas comme attendu et au fond, elle détestait quand le Maître la dressait à devenir parfaite. Elle l’était presque déjà. Lorsqu’elle esquissa un rictus se voulant léger, elle peina à dissimuler son émotivité bancale, alors elle délaissa son regard. Louise eut un mouvement de recul en voyant l’œillade abyssale d’une rousse incendiaire toujours immobile, défiante et profondément sans âme.

Leo sourit, Giuseppina aussi, Louise trembla.

— Elle aurait adoré cette dernière danse… souligna le patron de La Famiglia.

— Sans nul doute, ricana le dirigeant absolu.

Retournant à leur place, il fit asseoir sa femme, imaginant bien qu’elle tenait à peine sur ses jambes. Sa pâleur signifiait tant, quoi qu’elle ne soit pas très colorée de base… il reporta son attention sur Lucciano et son second.

Le premier saisit l’avant-bras de Leo et posa sa main pour le garder, Conti l’imita.

— Sous le regard de la Madone et de son fils, je te suis fidèle ainsi que tous les miens, Leo Conti.

Son second fit de même, et à chacun, le cinquantenaire répondit la même chose.

— Sous leurs pupilles, je reçois ton engagement et celui des tiens avec honneur. Si tu me fais défaut, c’est la Madone et son fils que tu trahiras.

CHAPITRE 3

Les monuments mortuaires s’élevaient au-dessus du sol, symboles de richesses familiales. Dernières demeures d’enveloppes pourrissantes, ils siégeaient là, dans le chuchotement de la fin du jour. Sous les attentions austères des anges de pierre qui se dressaient dans des volutes de granit fantasmagoriques, sous les larmes de roches des madones torturées par le chagrin et sous tous les autres protecteurs de marbre, Giuseppina dévisageait la sépulture de son père.

Aucune tristesse ne souillait son regard, l’affection pour l’homme qui l’avait engendré ne quémandait pas d’étalage de peine. Le perdre lui laissait un vide immense, elle gardait de lui un sourire, un air rieur et une admiration paternelle sans égale. Il avait tout compris de ses choix et de ses envies. Quel intérêt de se voiler la face? Elle savait qu’il l’avait aimée plus que quiconque. Personne ne l’égalerait jamais. Il avait menti pour elle, avançant des études de droit à Londres pour parfaire sa disparition et sous cette duplicité, il l’avait aidé à grandir et s’épanouir.

Tout comme il l’avait fait avec son frère…

Une expression amusée s’empara de ses traits en pensant à son petit frère. Heureusement que sa génitrice ne la voyait pas exposer un tel sourire. Elle lui aurait intimé l’ordre de cesser.

Cela ne se fait pas Giuseppina! entendait-elle dans son esprit, la voix intransigeante de la matrone soupirant d’agacement. Son père lui manquait, lui qui avait su l’utilité qu’il avait représentée pour son épouse, comme elle l’avait été pour lui.

Si Galliano Verdi désirait les hommes, se contraignant à une union bien vue, l’épousée avait exploité son mari pour perdurer la famille des dévots et obtenir une descendance où le paternel ne ferait point trop d’ingérence. Un pari risqué, mais convenable in fine. C’était ainsi que procédaient les Mancini, depuis toujours, ils offraient deux enfants, l’un était exposé, l’autre caché. Ce second, éduqué aux principes familiaux, épousait alors quelqu’un qui lui assurerait sa lignée, personne ne savait sa généalogie et le jour venu, un héritier prenait son rôle. Une mesure de protection simpliste et étrangement efficace.

L’avenir s’annonçait toutefois compromis, puisque cette génération n’avait plus de descendant dissimulé. Cela la faisait sourire, un peu pernicieuse, si elle adorait son statut, elle adorait aussi se jouer des échecs. Ce n’était pas son rôle de trouver une solution, plutôt à sa tante pour le coup.

Le soleil déclinait, jetant sur le cimetière un voile orangé. Il faisait chaud au point que coulaient dans son dos quelques notes de sueurs. Sa robe noire ne l’aidait pas, soulignant ses courbes, elle collait à sa peau tant par la jupe sirène que par le corsage emprisonnant sa nature féminine et généreuse. Le gilet qu’elle arborait dans l’église pendait dans sa main et ses cheveux tenaient par miracle grâce à une pince banale. Cela ne suffisait pas à lui lever l’impression de chaleur qui lui vrillait au corps.

Sa solitude ne tarda pas à cesser quand elle entendit la démarche masculine d’un complice. Son esprit, éduqué pour tout analyser ne manqua pas l’arrivée de cet autre à ce pas qu’elle aurait reconnu entre mille. Quand le vent faible lui ramena quelques fragrances d’ambre, son torse se souleva dans un soupir de plaisir. Nul autre homme ne portait cette teinte : entêtante, séduisante, presque divine.

Elle se souvenait du parfum qui la hantait durant son adolescence, collant sa chair, éveillant son âme aux lubricités les plus absolues. Sa bouche agrandie en un rictus nostalgique, rêveur et gourmand alors que la présence devenait plus importante.

Leo Conti … diavolo mio11, se chuchota-t-elle en pensées.

Giuseppina ne lui dédaigna aucun regard, ne concéda à aucun mouvement vers lui, demeurant fière et immobile. Quand était la dernière fois qu’ils s’étaient vus seul à seul? Quand avaient-ils prononcé leurs ultimes mots de connivences?

Croisant ses mains devant lui, il se recueillit à son côté, ce qui la poussa à rire. Une note cristalline lui échappa, il haussa un sourcil, intrigué, tournant son buste dans sa direction. Ainsi, ce fut lui qui posa ses pupilles en premier sur elle.

— Diablesse… réalisa-t-il.

L’homme reconnut s’être fait avoir, aussi aisément qu’autrefois. Comment une gamine pouvait porter une telle emprise sur lui? Elle paraissait être née pour convenir à ses frasques, faite pour lui plaire, créée pour lui seul. Leurs âges étaient si différents, du haut de ses 58 ans, il lui semblait presque risible de désirer si ardemment une courtisane comme elle. Ou plutôt qu’il la désire encore. Or tout revenait, frappant en des salves successives sa chair. Et elle, à peine 30 ans, parvenait à le conquérir sans mal.

— Toujours, bel diavolo12. Je t’ai eu ainsi il y a plus de dix ans, je t’aurai de la même manière dans dix autres années.

— Ne commence pas.

La sentence, il l’offrit sans cérémonie, durement.

Leurs iris s’accrochèrent. Naquit une dualité luxurieuse, brûlant d’un feu ardent réciproque. Giuseppina le défiait, Leo se contrôlait. S’il cédait une seule fois à cette créature, il deviendrait davantage fou et ce n’était pas ce qu’il fallait faire. Ils ne pouvaient revivre le passé. Elle était une faiblesse et une force. Cela dit, Louise n’était pas sa défunte femme, et ils avaient, Giuseppina et lui, consenti à un pacte jadis. Ils se devaient de le respecter.

Cessant de le dévisager, elle eut encore ce rire léger et regarda la tombe paternelle. Le tombeau des Verdi était si grand, combien des siens étaient enterrés là-dedans? Combien de générations? Et combien n’y étaient pas?

Sa propre mère ne demeurait pas là, un Mancini reposait dans le caveau anonyme de la famille. Sur sa tombe, elle n’irait jamais…

— J’aurais aimé être là pour sa mise en terre, énonça-t-elle.

— Pour quoi faire? Pleurer? Tu fais ça maintenant?

Le mafieux lorgna dans sa direction, lui jetant sa condescendance au visage. L’incendiaire haussa les épaules.

— Pour lui dire au revoir au bon moment.

— Une fois qu’on meurt, il n’y a pas de bons moments.

Giuseppina concéda à cette vérité dans une approbation sonore, un hum discret qui ne s’opposa pas à ces paroles censées.

La mort prenait et emportait. N’en savait-elle pas quelque chose