Adriani - George Sand - E-Book

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George Sand

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Extrait : "Ma chère épouse, la présente est pour te dire que j'ai quitté le service de monsieur le comte. C'est un homme quinteux qui ne pouvait me convenir, et je l'ai quitté sans regret, je peux dire. Il m'a fait une scène dans laquelle il m'a dit des mots, et j'ai cherché de mauvaises raisons."

À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN :

Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de grands classiques de la littérature ainsi que des livres rares, dans les domaines suivants :

• Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin.
• Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.

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Seitenzahl: 302

Veröffentlichungsjahr: 2016

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À MADAME ALBERT BIGNON.

Quand je commence un livre, j’ai besoin de chercher la sanction de la pensée qui me le dicte, dans un cœur ami, non en l’importunant de mon projet, mais en pensant à lui et en contemplant, pour ainsi dire, l’âme que je sais la mieux disposée à entrer dans mon sentiment.

Vous qui avez exprimé sur la scène tant de fortes et touchantes nuances de la passion, vous n’êtes pas seulement à mes yeux une artiste célèbre, vous êtes, comme femme de cœur et de mérite, le meilleur juge des sentiments élevés et chaleureux que je voudrais savoir peindre.

C’est donc à vous que je songe comme au lecteur le plus capable d’apprécier la sincérité de mon essai et d’y porter l’encouragement d’une foi semblable à la mienne. Quand vous lirez ce roman, quand il sera écrit, il est bien certain que l’exécution ne me satisfera pas, et que, comme d’habitude, je n’aurai pas réalisé la conception qui m’apparaît vive et riante au début. C’est pourquoi je veux vous en dédier l’intention, qui en fera probablement toute la valeur.

Cette intention, la voici. Si je m’en éloigne, j’aurai mal rempli mon but.

L’amour est l’intarissable thème qui a servi, qui servira toujours, je crois, aux créations du roman et du théâtre. Pourquoi s’épuiserait-il ? Il y a autant de manières de comprendre et de sentir l’amour qu’il y a de types humains sur la terre. L’amour du poète, l’amour du savant, l’amour du pauvre et celui du riche, celui de l’homme cultivé et celui de l’ignorant ; l’amour sensuel et l’amour idéaliste, tous les amours de ce monde enfin ont chacun sa théorie ou sa fatalité.

Les belles âmes peuvent seules approcher de la plénitude des affections. Je ne les crois pas tellement rares, que leur puissance paraisse invraisemblable.

Cependant, on voit souvent, dans les romans, les grands amours naître dans des types trop exceptionnels ou dans des situations trop particulières. On n’admet pas souvent que l’homme vivant dans le monde et jouissant de toute la manifestation de ses facultés s’attache à un sentiment unique. On choisit les amoureux dans la classe des rêveurs, des solitaires, des enthousiastes sans expérience, des natures incomplètes ou excessives. C’est le scepticisme et la raillerie du siècle qui causent souvent cette timidité d’auteur.

Surmontons-la, me suis-je dit, et osons croire ce que beaucoup de sceptiques savent, ce que nous savions nous-même être vrai, au milieu et en dépit des doutes chagrins de la jeunesse : c’est que l’amour n’est pas une infirmité, l’amère ou la pâle compensation de l’impuissance intellectuelle, de l’inaptitude à la vie collective et sociale. Ce n’est pas non plus une virginité tremblante, un appétit violent qui se cache sous les fleurs de la poésie. C’est bien plutôt une maturité jeune, mais solide, de l’esprit et du cœur ; une force éprouvée, une plage où les flots montent avec énergie, mais qu’ils n’entraînent pas dans les abîmes.

Quoi qu’il résulte de ce dessein, que ma plume le trahisse ou le complète, sachez, noble et chère amie, que je l’ai formé en songeant à vous.

GEORGE SAND.

 

Nohant, septembre 1853.

Chapitre premier
Lettre de Comtois à sa femme

« Lyon, 12 août 18…

Ma chère épouse, la présente est pour te dire que j’ai quitté le service de monsieur le comte. C’est un homme quinteux qui ne pouvait me convenir, et je l’ai quitté sans regret, je peux dire. Il m’a fait une scène dans laquelle il m’a dit des mots, et cherché de mauvaises raisons. Mais je suis déjà replacé, et je n’ai pas été seulement une heure sur le pavé. Dans l’hôtel où nous logions, il s’est trouvé un gentilhomme qui cherchait un valet de chambre. Malgré que je ne le connaissais pas et que je n’avais pas le plus petit renseignement sur lui, je me suis présenté pour voir au moins à sa mine si je pourrais m’en arranger. Son air m’est revenu tout de suite, et il paraît que le mien lui a plu aussi, car il s’est contenté de jeter les yeux dessus mon certificat en me disant : – Je sais que le comte de Milly faisait cas de vous et que vous vous quittez à la suite d’une vivacité de sa part sur laquelle il ne veut pas revenir. Il m’a dit que vous écriviez lisiblement, que vous mettiez assez bien l’orthographe et que vous aviez l’habitude de copier. Vous me serez donc utile et je vous prends pour le prix qu’il vous donnait : je ne me souviens plus du chiffre, rappelez-le-moi.

Là-dessus, me voilà engagé, car puisque mon nouveau maître connaît mon ancien, chose que j’ignorais, ça ne peut être qu’un homme comme il faut, et, à sa garde-robe de voyage, éparpillée dans sa chambre, ainsi qu’à ses bijoux et à la manière dont les gens de l’hôtel le servaient, j’ai bien vite vu qu’il était passablement riche, ou qu’il savait vivre en homme du monde. J’ai bien demandé aussi dans la maison, mais on m’a dit qu’on ne le connaissait pas autrement, et qu’il se faisait appeler monsieur d’Argères tout court.

Ça m’a bien un peu contrarié, parce que c’est pour la première fois que je sers une personne sans titre. Mais j’ai dans mon idée que c’est une fantaisie qu’il a peut-être de cacher le sien, car je me connais en gens de qualité, et je t’assure que jamais je n’ai vu une plus belle tournure et de plus jolies manières. En outre, il paraît très doux et fait l’avance de mes déboursés. Enfin, je pense que je n’aurai pas de désagrément avec lui. Nous avons quitté Genève, et, à présent, nous sommes à Lyon, d’où je t’écris ces lignes pour te dire que je me porte bien et que je ne sais pas encore où nous allons. Tout ce que monsieur m’a dit, c’est que nous serions à Paris dans deux mois au plus tard. Ne sois donc pas en peine de moi, et écris-moi des nouvelles de nos enfants, et si tu es toujours contente de la maison où tu es. Je te ferai savoir bientôt où il faudra m’adresser ça. Je ne te donnerai pas grands détails, mais tu les auras plus tard par mon journal, que j’ai toujours l’habitude de tenir jour par jour pour mon amusement et pour l’utilité de ma mémoire.

Adieu donc, ma chère Céleste ; je t’embrasse de toute l’amitié que je te porte, ainsi que ta sœur et notre petite famille.

Ton mari pour la vie.

COMTOIS »

Journal de Comtois

Lyon, 15 août 18…

Me voilà, comme dans un roman, au service d’un homme que je ne connais pas du tout, et qui me mène je ne sais pas où. Monsieur ne reçoit pas de lettres dont je puisse voir l’adresse. Il va les prendre lui-même à la poste, bureau restant. Il sort et voit du monde dehors ; mais il ne reçoit personne à l’hôtel, et paraît très occupé à lire ou à marcher dans sa chambre, le peu de temps qu’il y reste dans la journée. Il se nourrit bien ; ses habits sont d’un bon tailleur, et il se chausse on ne peut pas mieux. Il parle peu, et ne commande rien qu’avec honnêteté. Il ne paraît pas porté à l’impatience, ni à aucun autre défaut, si ce n’est que je lui crois peu d’esprit. C’est un fort bel homme, qui n’a pas plus de vingt-cinq à trente ans. Il a la barbe et le cheveu superbes, et prononce si bien, qu’on entend tout ce qu’il dit, même quand il parle très bas. C’est un grand avantage pour le service ; mais il dit les choses en si peu de paroles, qu’on voit bien qu’il manque d’idées.

*

19 août, Tournon.

Nous voilà dans une petite ville au bord du Rhône, soit que monsieur y ait des affaires, soit qu’il lui ait pris fantaisie de s’arrêter ici. Nous sommes venus par le vapeur. Monsieur y a causé avec des personnes qui le connaissaient sans doute ; mais comme il faisait un grand vent, je n’ai pu entendre comment et de quoi on lui parlait, à moins de m’approcher avec indiscrétion, ce qui serait mauvaise société. J’ai vu que les messieurs qui parlaient à monsieur étaient distingués. Je n’ai pas pu me permettre de les interroger.

Monsieur m’a prié, ce soir, de lui faire du café. Il l’a trouvé bon et s’est enfermé pour écrire ou pour lire, je ne sais pas.

*

20 août.

Me voilà toujours dans cette petite ville, attendant que monsieur soit rentré. Il a pris un bateau ce matin, et j’ai entendu que c’était pour une promenade. J’ai eu de l’humeur parce que, voyant que j’allais être seul toute la journée et m’ennuyer dans un endroit qui n’est guère beau, j’ai demandé à monsieur si nous y resterions longtemps.

– Pourquoi me demandez-vous cela ? qu’il m’a dit d’un air indifférent.

Je me suis enhardi à lui dire que c’était pour pouvoir recevoir des nouvelles de ma famille, et que, si je savais où nous allions, je donnerais mon adresse à ma femme.

– Tiens, monsieur Comtois ! qu’il a dit, vous êtes marié ?

– Oui, monsieur le comte, que je me suis hasardé à lui répondre.

– Pourquoi m’appelez-vous monsieur le comte ?

Et alors moi :

– C’est par l’habitude que j’avais avec mon ancien maître. Si je savais comment je dois parler à monsieur…

– Et vous avez des enfants peut-être ?

– J’en ai trois, deux garçons et une demoiselle.

– Et où est votre famille ?

– À Paris, monsieur le marquis.

– Pourquoi m’appelez-vous monsieur le marquis ?

– Parce que mon avant-dernier maître…

– C’est bien, c’est bien, qu’il a dit ; je vous apprendrai où nous allons quand je le saurai moi-même.

Là-dessus, il a tourné les talons et le voilà parti. Je ne sais pas si c’est un original qui ne pense pas à ce qu’il fait, ou s’il a eu l’idée de se moquer de moi, mais je commence à être inquiet. On voit tant d’aventuriers sur les chemins, que j’aurais bien pu me tromper sur sa mine de grand seigneur. Il faudra que je l’observe de près. Ce n’est pas tant pour le risque à courir du côté des gages que pour la honte d’être commandé par un homme sans aveu. Il y a du monde fait pour commander aux domestiques, mais il y en a aussi qui mériteraient de servir ceux qui servent, et c’est une grande mortification d’être dupé par ces canailles-là.

*

Mauzères, 22 août.

Nous voilà dans un joli château, ou plutôt une jolie maison de campagne, chez un ami de monsieur, qui est auteur et baron. Ce n’est pas très riche, mais c’est confortable, comme disait mon milord, et la manière dont on a reçu monsieur, ce soir, me raccommode un peu avec lui. Il était temps, car il me donnait bien des doutes. Et puis, c’est un homme qui a l’esprit superficiel, qui n’a aucune conversation avec les gens, et qui est si distrait par moments, que les talents qu’on a sont en pure perte. Il n’y fait pas seulement attention, et sa politesse n’a rien de flatteur.

Je n’ai pourtant rien pu savoir de lui par les gens de la maison. Ils sont tous du pays et ne le connaissent pas. C’est d’ailleurs des gens fort simples et sans éducation qui leur facilite de causer.

Je saurai demain à quoi m’en tenir, car je servirai à table. Ce soir, j’avais un grand mal de dents, et monsieur m’a dit : « Reposez-vous, Comtois. » C’est ce que je vas faire.

Narration

L’espoir de monsieur Comtois fut trompé. Il servit à table, le lendemain ; mais le baron de West s’était absenté. Monsieur d’Argères n’avait pas l’habitude de parler seul en mangeant : aussi Comtois ne fut-il pas plus avancé que le premier jour.

Le baron de West était effectivement un littérateur assez distingué. Il paraît qu’il regardait son hôte comme un excellent juge, car il le reçut à bras ouverts et se fit une fête de le garder toute une semaine. Une lettre reçue dès le matin du second jour le forçant d’aller passer vingt-quatre heures à Lyon pour des affaires importantes, il lui fit donner sa parole d’honneur qu’il l’attendrait et se constituerait maître de la maison en son absence.

D’Argères ne se fit guère prier, bien qu’il ne fût pas étroitement lié avec son hôte. Il savait qu’en usant et abusant au besoin de son hospitalité, il pourrait toujours considérer le baron comme son obligé. Le baron voulait lui lire un manuscrit, et l’on verra plus tard combien il lui importait que d’Argères en goûtât le fond et la forme, et s’associât complètement à la pensée qui avait dicté cet ouvrage.

Lettre de d’Argères

« Château de Mauzères, par Tournon (Ardèche).

Mon bon camarade, sache enfin où je suis. J’ai bien employé mon temps de repos et de liberté. J’ai parcouru la Suisse, j’ai gravi des glaciers, je ne me suis rien cassé. J’ai laissé pousser ma barbe, je l’ai coupée ; je n’ai rien lu, rien écrit, rien étudié. Je n’ai pensé à rien, pas même aux belles Suissesses, qui, par parenthèse, ne sont belles que de santé, et montrent de grosses vilaines jambes au bout de leurs jupons courts. Je suis revenu par Genève et Lyon. J’ai renvoyé Clodius qui me volait, j’ai pris un domestique qui ne fait que m’ennuyer par sa figure de pédant. Je me suis mis en route pour la Méditerranée, et je m’arrête chez notre baron, qui se trouve sur mon chemin. J’y suis seul pour le moment, et je ne m’en plains pas. C’est toujours le plus galant homme du monde, mais quand il m’a parlé beaux-arts et qu’il m’a montré ses cahiers, j’ai eu bien de la peine à cacher une grimace abominable. Il faudra pourtant s’exécuter, entendre, juger, promettre. Ce ne sera certainement pas mauvais ce qu’il va me lire, mais ce serait du Virgile tout pur, que ça ne vaudrait pas les arbres, le soleil, le mouvement, l’imprévu, enfin le délicieux rien faire, si rare et si précieux dans une vie agitée et souvent assujettie.

J’ai encore deux jours de répit, parce qu’il a été forcé de s’absenter, et j’en vais profiter pour m’abrutir encore un peu à la chasse. Mais je t’entends d’ici me dire : – Pourquoi chasser ? Pourquoi te donner un prétexte, quand tu as le droit et le temps de battre les bois et de t’égarer dans les sentiers ? » Tu as bien raison. C’est lourd, un fusil, et ça ne tue pas ; du moins je n’en ai jamais rencontré un qui fût assez juste pour moi. Peut-être qu’il y en a un dans l’arsenal du baron, mais j’ai si peu de nez que je ne saurais jamais mettre la main dessus.

« Parlons de nos affaires. Tu placeras comme tu l’entendras, etc. »

Nous supprimons cette partie de la lettre de d’Argères, qui ne contenait qu’un détail d’intérêts matériels, et nous passerons au journal de Comtois.

Journal de Comtois

Mauzères, 23 août.

J’éprouverai ici beaucoup d’ennuis si ça continue. Monsieur m’avait dit qu’il me ferait copier, et il ne me donne rien à faire. Sans doute qu’il a un emploi quelconque à Paris ; mais, en attendant, il fait tout seul sa correspondance, et, autant que j’en peux juger, elle n’est pas conséquente. Il est fumeur et flâneur. Il a toujours l’air de rêver, et je crois qu’il ne pense à rien. Il se sert lui-même, ce qui me donne l’idée qu’il est égoïste et ne veut dépendre de personne. Le pays où nous sommes est fort vilain. On y perd ses chaussures. C’est un désert où il n’y a que des rochers, des bois, des eaux qui tombent des rochers, et pas une âme à qui parler, car il règne dans le pays une espèce de patois, et les gens sont tout à fait sauvages.

La maison est agréable et bien tenue. Le vin est rude. Le cocher est très grossier. Monsieur de West est assez riche et fait des ouvrages pour son plaisir. On dit qu’il y met beaucoup d’amour-propre. Sans doute que monsieur se mêle d’écrire aussi, car le valet de chambre m’a dit que son maître lui avait dit :

« Vous me donnerez des conseils. » Mais je ne crois pas monsieur capable d’écrire avec esprit. Il aime trop à courir, et d’ailleurs il parle trop simplement.

C’est toujours un travers de vouloir écrire après monsieur Helvétius, monsieur Voltaire et monsieur Pigault-Lebrun, qui ont fait la gloire de leur siècle. Tout ce qui peut être écrit a été écrit par des gens très illustres, et comme disait une dame de beaucoup de talent, dont je faisais les lettres à ses amis, il n’y a plus rien de nouveau à imprimer. Au moins si ces messieurs s’occupaient de politique ! C’est un horizon qui change et qui vous présente toujours du neuf. Mais, pour juger la politique, il faut aller à la cour, et je ne crois pas que monsieur soit assez considérable pour y être reçu. Le mieux, c’est de cultiver la philosophie quand on a le moyen. Ce serait mon goût si j’avais des rentes, et si ma femme ne dépensait pas tout.

Narration

Pendant que monsieur Comtois regrettait de ne pouvoir être philosophe, son maître se promenait. Il revenait, à l’entrée de la nuit, en compagnie d’un garde-chasse qu’il avait rencontré et qui lui était fort utile pour retrouver le chemin du manoir de Mauzères, lorsqu’en passant au bas d’un petit coteau couvert de vignes, il remarqua une faible lueur qui blanchissait ce court horizon.

– Est-ce la lune qui se lève ? demanda-t-il à son guide.

Le guide sourit.

– Je ne crois pas, dit-il, que la lune se lève du côté où le soleil se couche.

– C’est juste, dit d’Argères en riant tout à fait de son inattention. Qu’est-ce donc que cette clarté ?

– Ce n’est rien. C’est une maison qui est par là, tout juste au revers du coteau. C’est la maison de la Désolade.

– Désolade ? voilà un nom bien triste.

– Dame ! c’est un nom qu’on lui a donné comme ça dans le pays, à cause de la pauvre dame qui y reste. C’est une jeune femme très jolie, ma foi, qui a perdu son mari après six mois de mariage et qui ne peut pas se consoler. Elle est malade et comme égarée par moments. On a même peur qu’elle ne devienne folle tout à fait.

– Attendez ! reprit d’Argères, qui, en suivant son guide sur le sentier, s’était un peu rapproché de la demeure invisible, je crois que j’entends de la musique.

Ils s’arrêtèrent et firent silence. Une voix de femme et un piano sonore faisaient entendre quelques sons, emportés à chaque instant par la brise. Dans les membres de phrase qui parvinrent à l’oreille exercée de d’Argères, il reconnut l’air admirable du gondolier dans Otello :

Nessun maggior dolore, etc.

« Il n’est pas de plus grande douleur que de se rappeler le temps heureux dans l’infortune. »

D’Argères, avec son air insouciant et son besoin momentané d’oublier l’art, était artiste de la tête aux pieds. Il fut vivement impressionné par ces trois circonstances : le nom de Désolade donné à la maison ou à la personne qui l’habitait, le choix de la chanson, et la voix, l’accent de la chanteuse, qui, soit en réalité, soit par l’effet de la distance, exprimaient avec un charme infini la plainte d’une âme brisée. Un moment il faillit laisser là son guide et courir vers cette maison, vers cette plainte, vers cette femme ; mais il fut retenu par la crainte de voir une folle. Il avait, pour le spectacle de l’aliénation, cette peur douloureuse qu’éprouvent les imaginations vives.

D’ailleurs, il était harassé de fatigue, il mourait de faim ; et après tout, se dit-il, je n’ai plus dix-huit ans pour rêver l’honneur, souvent trop facile, de consoler une veuve inconsolable.

Il retourna donc au manoir très philosophiquement. Néanmoins, il ne se sentit plus disposé à interroger le garde-chasse. Il lui semblait que la prose de ce bonhomme ferait envoler la rapide impression poétique qu’il venait de recueillir.

Journal de Comtois

24 août.

Monsieur est beau chanteur, car, en se couchant, il lui a pris fantaisie de répétailler un air italien, qu’il dit, ma foi, aussi bien que les bouffons du théâtre de Paris. Je lui en ai fait la remarque, ce qui était un peu déplacé ; mais c’était exprès pour voir si je le ferais causer. Il m’a regardé comme si je le sortais d’un rêve, m’a ri au nez et n’a pas lâché une parole. J’ai bien vu par là que monsieur est bête.

Chapitre II
Narration

D’Argères, s’étant beaucoup fatigué, et subissant les fréquentes souffrances des organisations nerveuses, dormit peu et mal. Il eut un rêve obstiné qui lui fit entendre à satiété la romance du gondolier, et qui fit passer en même temps devant lui l’image, à chaque instant transformée, de la désolée. Tantôt c’était un ange du ciel, tantôt une péri, une fée ou un monstre.

Lassé de ce malaise, il se leva avec le jour et prit machinalement le chemin de la maison dont il avait aperçu la lueur aux premières clartés des étoiles. Je veux tâcher de savoir, se disait-il, si c’est vraiment une folle qui chantait si bien. Dans ce cas, je m’éloignerai toujours de cet endroit, je ne passerai plus par ce sentier. Je me suis toujours figuré que la folie était contagieuse pour moi, et ce que j’ai éprouvé cette nuit me fait croire que j’ai une prédisposition… Il se trouva au sommet du coteau de vignes et au niveau du toit de la maison qui s’élevait, ou plutôt s’abaissait devant lui, sur les terrains inclinés en sens contraire.

Le jour commençait à blanchir le paysage et mêlait ses tons roses aux tons bleuâtres de la nuit. Les terrains environnants, largement arrosés d’eaux courantes, exhalaient des masses de brume argentée qui donnaient une apparence fantastique à toutes choses. Les ondulations du sol, exagérées par ces vapeurs flottantes, semblaient s’ouvrir en profondeurs immenses, et, dans toutes ces formes douteuses, l’imagination pouvait voir des lacs à la place des prairies, des précipices où il n’y avait que de paisibles vallées.

Au premier abord, le site parut splendide à notre voyageur. En réalité, c’était un ensemble de lignes douces et de détails charmants comme il s’en trouve partout, même dans les pays les plus largement accidentés.

À mesure qu’on descend le Rhône, après Lyon, on parcourt une série de tableaux d’une apparence grandiose. Des monts dont la situation au bord des flots rapides, les formes hardies et les tons tranchés, tantôt blancs comme des ossements polis, tantôt sombres sous la végétation, augmentent l’importance et rendent l’aspect menaçant ou sévère ; des pics déchiquetés, couronnés de vieilles forteresses qui se profilent sur un ciel déjà bleu et dur comme celui de la Méditerranée ; des vallées largement échancrées et qui s’abaissent majestueusement vers le rivage, tout paraît imposant dans ce panorama du fleuve qui vous rapproche de la Provence.

Mais, derrière cette ceinture de rochers, la nature, tout en conservant dans son ensemble l’âpre caractère des bouleversements volcaniques, offre mille recoins charmants où l’on peut vivre en pleine idylle ; des prairies verdoyantes, des châtaigniers aussi beaux que ceux du Limousin, des noyers aussi ronds que ceux de la Creuse, enfin des pampres et des buissons sous lesquels disparaissent les antiques laves et les sombres basaltes dont le sol est semé.

Dans les vallées qui s’ouvrent sur le Rhône, passent des vents terribles ou tombent des soleils brûlants ; mais, à mesure qu’on remonte le cours des rivières qui s’épanchent dans le fleuve, on s’élève, vers les Cévennes, dans une atmosphère différente, et, en une journée de voyage, on pourrait, du fleuve à la montagne, quitter une région brûlante pour une tout à fait froide, et un soleil de feu pour des neiges presque éternelles.

C’est entre ces deux extrêmes, dans une des plus fertiles parties du Vivarais, que se trouvait notre voyageur, et le vallon qui s’offrait à ses regards était riant et paisible. Pourtant, du point où il se trouvait placé, outre les caprices de la brume qui transformait tous les objets, les premiers plans conservaient le caractère étrange et rude qui est propre aux lieux bouleversés par les premiers efforts de la formation terrestre. Par un de ces accidents géologiques qui se rencontrent souvent, le coteau des vignes se déchirait brusquement à son sommet, et la maison de la Désolade, adossée à cette déchirure, s’appuyait sur une terrasse naturelle de roches volcaniques assez escarpée. Une pente rapide, semée de débris et, pour ainsi dire, pavée de scories, conduisait de l’habitation à la prairie, traversée de ruisseaux grouillants et semée de belles masses d’arbres. D’autres vignobles garnissaient les coteaux environnants qui se relevaient vite vers le nord et enfermaient le ciel dans un cadre d’horizons de peu d’étendue. C’était une retraite naturelle et comme un grand jardin fermé de grands murs, que cette vallée gracieuse, entourée de collines riantes, dont les flancs abrupts se montraient pourtant çà et là sous la verdure, et semblaient dire : Restez ici, c’est un paradis, mais n’oubliez pas que c’est une prison.

Telle fut, du moins, l’impression de d’Argères, et la tristesse le saisit au milieu de son admiration. L’aspect de la demeure située immédiatement sous ses pieds n’y contribua pas peu. C’était une de ces petites constructions indéfinissables que des transformations successives ont rendues mystérieuses en les rendant contrefaites. Le vrai nom de cette maison était le Temple, dénomination répandue à foison dans tous les coins et recoins de la France, l’ordre des Templiers ayant possédé partout et bâti partout. J’ignore si cette propriété avait eu de l’importance et si le petit bâtiment auquel la tradition avait conservé son nom solennel était le corps principal ou le dernier vestige de constructions plus étendues. La base massive annonçait des temps reculés. Le premier étage signalait l’intention de quelques embellissements au temps de la Renaissance ; le sommet, couronné de lourdes mansardes en œil-de-bœuf à mascarons éraillés du temps de Louis XIV, formait un contraste absurde ; mais ces disparates se fondaient, autant que possible, dans un ton général de gris verdâtre et sous des masses de lierre qui annonçaient l’abandon dans le passé, l’indifférence dans le présent.

Le jardin qui entourait la maison et ses minces dépendances, à savoir un pigeonnier sans pigeons, une cour sans chiens et une basse-cour sans volailles, avec quelques hangars vides et des celliers en ruine, était assez vaste et bien planté. Des roses et des œillets y fleurissaient encore avec beaucoup d’éclat dans des corbeilles de gazon desséché. Quelque prédécesseur, moins apathique que la désolée, avait soigné ces allées et planté ces bosquets ; mais ils étaient à peu près livrés à eux-mêmes sous la main d’un vieux paysan qui cultivait des légumes dans les carrés, et qui, n’ayant aucune prétention à l’horticulture, venait là une ou deux fois par semaine donner un coup de bêche et un regard, quand il n’avait rien de mieux à faire. L’herbe poussait donc au milieu du sable des allées, et, le long des murs, les gravats et le ciment écroulés blanchissaient l’herbe. Les branches, chargées de fruits, barraient le passage, les fruits jonchaient la terre, l’eau était verte dans les bassins. La bourrache et le chardon s’en donnaient à cœur joie d’étouffer les violettes ; les fraisiers traçaient autour d’eux d’une manière véritablement échevelée, étendant, à grande distance de leurs pieds touffus, ces longues tiges qui se replantent d’elles-mêmes et forment d’immenses réseaux improductifs quand on les abandonne à leur folle santé.

D’Argères vit tout cela en faisant le tour de l’établissement. Il put même entrer dans le jardin qui n’avait pas de porte et dont la clôture avait disparu en beaucoup d’endroits. Le jour se fit tout à fait et le soleil parut, sans qu’aucun bruit troublât dans la maison ou dans l’enclos le morne silence de la désolation.

L’espèce de curiosité qui poussait d’Argères à cet examen ne put lutter contre l’accablement d’une journée de fatigue et d’une nuit sans sommeil, augmenté du sentiment d’horrible ennui que distillait pour ainsi dire le lieu où il se trouvait. Assis sur les débris informes de statues antiques que quelque propriétaire, à moitié indifférent, avait fait poser sur le gazon dans un angle du jardin, il se promit de s’en aller sans chercher à voir personne. Mais, en se levant, il se trouva en face d’une vieille femme qu’il n’avait pas entendue venir.

C’était une camériste prétentieuse, communicative, assez dévouée pour supporter l’ennui de ce séjour, pas assez pour ne pas s’en plaindre au premier venu. Un étranger, un passant, un être humain quel qu’il fût, était une bonne fortune pour elle, et, loin de signaler le délit d’indiscrétion où d’Argères s’effrayait d’être surpris, elle l’accueillit avec toutes les grâces dont elle était encore capable.

Elle avait été jolie ; elle était mise avec aussi peu de recherche que le comportaient l’abandon d’une telle retraite et l’heure matinale, et pourtant son jupon de soie usé n’avait pas une seule tache, et sa camisole blanche était irréprochable. Ses cheveux blonds, qui tournaient au gris jaunâtre, étaient bien lissés sous sa cornette de nuit. Elle avait de longs doigts blancs et pointus qui sortaient de gants coupés et qui décelaient, par leur forme particulière, la femme curieuse, vivant de projets, et portée à l’intrigue par besoin d’imagination. Cette femme, frottée aux lambris et aux meubles où s’agite le monde, avait une apparence de distinction qui pouvait abuser pendant quelques instants. D’Argères y fut pris, et, croyant avoir affaire à une mère, il se leva et salua très respectueusement, bien que cette figure flétrie et problématiquement rosée dès le matin lui parût assez hétéroclite.

Antoinette Muiron (c’était son nom, que sa jeune maîtresse abrégeait en l’appelant Toinette depuis l’enfance) avait élevé mademoiselle de Larnac avec une véritable tendresse. Romanesque sans intelligence, remuante, nerveuse, coquette sans passion, amoureuse sans objet, Toinette était devenue vieille fille sans trop s’en apercevoir. Elle avait oublié de vivre pour elle-même, à force de vouloir faire vivre les autres à sa guise. C’était une bonne et douce créature au fond, car son idée fixe était d’arranger le bonheur des êtres qu’elle chérissait et soignait sans relâche. Mais cette prétention la rendait obsédante, et elle exerçait une sorte de tyrannie secrète et cachée sur quiconque n’était point en garde contre ses innocentes et dangereuses insinuations.

D’Argères apprit bien vite, et presque malgré lui, tout le roman de la désolée. Mademoiselle Muiron, frappée du bon air et de la belle figure de cet auditeur inespéré, s’empara de lui comme d’une proie. Elle était de ces personnes qui, sans avoir beaucoup de jugement, ont une certaine pénétration superficielle. Dès le premier salut échangé avec lui, elle comprit fort bien que l’inconnu éprouvait un secret embarras et ne cherchait qu’une échappatoire pour se dérober bien vite au reproche qu’il méritait. Ce n’était pas le compte de la bonne Muiron. Elle alla au-devant de ses scrupules et lui fournit, avec une rare présence d’esprit, le prétexte qu’il eût en vain cherché pour motiver sa présence à pareille heure dans le jardin.

– Monsieur était curieux de voir nos antiques ? lui dit-elle d’un air prévenant. Oh ! mon Dieu, nous ne les cachons pas, et je voudrais qu’ils méritassent la peine qu’il a prise d’entrer ici.

D’Argères, frappé de la jolie et facile prononciation de celle qu’il s’obstinait à prendre pour une mère, crut voir une épigramme bien décochée dans cette avance naïve, et se confondit en excuses.

– En effet, dit-il en jetant un regard sur les torses brisés qui lui avaient servi de sièges et dont il ne se souciait pas le moins du monde, je suis amateur passionné… occupé de recherches… et fort distrait de mon naturel. Je n’aurais pas dû me permettre, chez des femmes… Entrer ainsi, je suis impardonnable… Je me retire désolé…

– Mais non, mais non ! s’écria Toinette en lui barrant le passage de l’allée étroite dans laquelle il voulait s’élancer ; restez et regardez à votre aise, monsieur ! Il paraît que c’est très beau, quoique bien abîmé. Moi, je n’y connais rien, je le confesse, mais ce sont des curiosités. C’est le grand-oncle de madame de Monteluz, un homme instruit, qui demeurait ici autrefois, et qui avait recueilli cela aux environs. Il paraît que c’est du temps des Romains.

– Oui, en effet, c’est romain, dit d’Argères d’un air capable dont il riait en lui-même.

– Il y en a qui prétendent que c’est même du temps des Gaulois.

– Ma foi, oui, reprit d’Argères, ça pourrait bien être gaulois !

– Si monsieur veut les dessiner…

– Oh ! je craindrais d’abuser…

– Nullement, monsieur ; madame n’est pas levée et vous ne gênerez personne.

D’Argères, comprenant enfin qu’il n’était pas en présence d’une autorité supérieure, se sentit tout à coup fort à l’aise.

– Merci, dit-il un peu brusquement, je ne dessine pas.

– Ah ! je comprends, monsieur écrit !

– Non plus, je vous jure.

– Sans doute, sans doute ! écrire sur des choses si peu certaines… Monsieur a le goût des collections ? monsieur se compose un musée ?…

– Pas davantage.

– Ah ! monsieur a bien raison, c’est ruineux ; monsieur se contente d’être savant et de s’y connaître c’est le mieux, bien certainement.

« Oui-dà, pensa le voyageur, je suis venu ici par curiosité, mais voici une suivante qui veut m’en punir en exerçant la sienne sur moi avec usure ! » Et comme il ne répondait pas, Toinette reprit :

– Monsieur est de Paris, cela se voit.

– Vous trouvez ?

– Cela se sent tout de suite. L’accent, l’habillement… Oh ! certainement, vous n’êtes pas un provincial. Monsieur est en visite probablement chez le baron de West ? C’est à deux pas d’ici. C’est un homme fort honorable, d’un âge mûr, et qui serait pour madame un bon voisin et un véritable ami, j’en suis sûre, si elle ne s’obstinait pas à ne recevoir personne.

– Après tout, pensa encore d’Argères, puisque je suis venu pour savoir à quoi m’en tenir sur l’état mental de cette voisine, et qu’il m’est si facile de me satisfaire, pourquoi ne contenterais-je pas cette babillarde de soubrette en l’écoutant ? Questionner et répondre sont un seul et même plaisir pour ces sortes de natures. – Comment appelez-vous votre maîtresse ? dit-il d’un ton doucement familier, en se rasseyant sur les blocs de marbre.

Toinette, charmée du procédé, ne se le fit pas demander deux fois et s’asseyant aussi sur une grosse boule qui avait bien pu représenter la tête d’un dieu.

– Mais je vous l’ai déjà nommée ! s’écria-t-elle : c’est madame de Monteluz !

– Qui était mademoiselle de ?… fit d’Argères de l’air d’un homme qui connaît toutes les femmes du grand monde et qui cherche à se remémorer.

– C’était mademoiselle Laure de Larnac.

– Une famille languedocienne ? Tous les noms en ac…

– Oui, monsieur, Languedocienne d’origine ; mais depuis longtemps les Larnac étaient fixés en Provence, du côté de Vaucluse. Un beau pays, monsieur ! les amours de Pétrarque ! Et des propriétés ! madame a là un château… Si elle voulait l’habiter, au lieu de cette affreuse masure, de ce pays sauvage ! De tout temps, monsieur, les Larnac ont fait honneur à leur fortune. Les Monteluz aussi, car ce sont deux familles d’égale volée. Il y a eu un marquis de Monteluz, grand-père du marquis dont madame est veuve, qui n’allait jamais à Paris et à la cour, par conséquent sans dépenser…

– Quel âge avait le mari de madame ? demanda d’Argères, qui craignit une généalogie.

– Hélas ! monsieur, vingt ans ! l’âge de madame. Deux beaux, deux bons enfants qui avaient été élevés ensemble ! Ils étaient cousins germains. Les Larnac et les Monteluz…

– Et madame a maintenant ?…

– Vingt-trois ans, monsieur, tout au juste. Monsieur le marquis n’a vécu que six mois après son mariage. Il s’est tué à la chasse… un accident affreux. En sautant un fossé, son fusil…

– Pourquoi diable allait-il à la chasse ? dit brusquement d’Argères ; après six mois de mariage, il n’était donc déjà plus amoureux de sa femme ?

– Oh ! que si fait, monsieur ! Amoureux comme un fou, comme un ange qu’il était, le pauvre enfant !

– Alors il était bête, dit d’Argères, entraîné fatalement par je ne sais quel instinct de jalousie à dénigrer le défunt.

– Non, monsieur, reprit Toinette. Il n’était pas bête, il savait se faire aimer.