Aladdin - Jérôme Lefort - E-Book

Aladdin E-Book

Jérôme Lefort

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Beschreibung

Vous croyez connaître l’histoire d’Aladdin et de la lampe magique ? En êtes-vous bien sûrs ?

Qui était la mère de Jasmine, d’où vient le génie, pourquoi Jafar est-il ainsi… et surtout, d’où vient Aladdin lui-même ?

Découvrez tous les secrets du conte et apprenez à réellement connaître les personnages de cette célèbre légende. Vous n’êtes pas au bout de vos surprises !


À PROPOS DE L'AUTEUR

Jérôme Lefort nous emmène dans un voyage épique où les personnages emblématiques prennent vie et où les intrigues se dévoilent sous un tout autre angle. Son ouvrage Aladdin – L’orphelin du désert marque le début d’une saga palpitante, entremêlant aventures et magie.

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Jérôme Lefort

Aladdin

L’orphelin du désert

© Lys Bleu Éditions – Jérôme Lefort

ISBN : 979-10-422-0416-7

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

À ma mère, correctrice en chef,

À mes petits montagnards,

Inès, Maëva, Timothée et Lilou,

Qui me demandent de faire travailler

mon imagination,

À chaque fois que nous devons randonner,

Je leur dédie cette histoire.

Livre premier

Naissance d’une légende

Prologue

Il était une fois, dans un pays fort, fort lointain, là où le soleil et le sable se rejoignent sur une seule et même ligne brûlante, un royaume puissant, magnifique, incroyable.

Au milieu du désert implacable, grâce à d’importantes nappes d’eau souterraines, se tenait une ville luxuriante, colorée, et remplie de vie.

En se promenant entre les maisons colorées, les palais imposants des notables et les jardins ombragés, on pouvait croiser une foule hétéroclite : des marchands qui présentaient mille et mille choses toutes plus incroyables les unes que les autres ; des soldats dans leur tenue impeccable, arborant les armes de leur seigneur sur leur bouclier ; des femmes qui cachaient leurs mystères derrière des voiles faits de la soie la plus fine ; ainsi que quantité de passants et autres badauds, venus admirer la plus belle cité de l’Orient.

Les voyageurs venaient des quatre coins du monde pour échanger, vendre, troquer des marchandises dans le plus beau marché qu’on ait vu de mémoire d’homme. Les senteurs d’épices aux mille couleurs faisaient tourner la tête des acheteurs ; et ceux qui résistaient encore aux magnificences des étals, finissaient par succomber au charme envoûtant des sublimes danseuses, qui, juchées sur des estrades, dans des tenues faites d’or et de pierres précieuses, les hypnotisaient de leurs mouvements langoureux.

Au cœur de cette incroyable cité, juché sur une montagne se tenait le palais du maître absolu de ce royaume, le sultan Salaam El Sahadin. Il y avait en son sein plus de cent chambres et deux cents jardins ornés de fontaines et pièces d’eau contenant des poissons tous plus rares les uns que les autres. Mille serviteurs étaient là pour tenir le palais et servir les maîtres.

Les murs du palais étaient d’une blancheur si éclatante, qu’il fallait se voiler les yeux si on les regardait en plein soleil. De hautes tours avaient toutes leurs coupoles recouvertes d’or, et se terminaient par une flèche où volaient fièrement les étendards avec le symbole de l’empire : un Sabre d’or croisant un Soleil Rouge.

On pouvait apercevoir le palais briller à deux mille lieues à la ronde dans le désert brûlant et mortel qui l’entourait.

Le Sultan aurait pu posséder mille femmes, mais il n’en avait choisi qu’une : la belle Jasmine qu’il avait épousée et faite Reine. Le Sultan possédait tout ce dont un homme peut rêver, mais son plus grand trésor, c’était sa femme qui lui avait donné : un fils qu’ils avaient prénommé Ali, et qui du haut de ses 2 ans se tenait déjà debout, fier comme Artaban.

Le jeune Prince avait la plus belle chambre du palais, si grande et si haute, qu’on aurait pu y faire tenir un éléphant sans problème. Les sols étaient faits des bois les plus nobles, les meubles d’un blanc étincelant étaient d’ivoire, les rideaux, de la soie la plus fine, dansaient sous la moindre brise du shamal1. Enfin les murs étaient recouverts des velours les plus doux, de couleur ocre rouge, tous agrémentés de fines frises entrelacées en véritables fils d’or.

Le Sultan, bon et juste était aimé de son peuple, car il gouvernait en ayant à cœur le bien de la population. Le royaume vivait dans l’opulence, la paix et la joie.

Il était aidé dans sa tâche, par son frère qu’il adorait, le Grand Vizir Malik El Sahadin ; mais ce dernier, en secret, jalousait le pouvoir du Sultan, et complotait à sa perte.

Le malheur te montre ceux qui ne sont pas vraiment tes amis.

Aristote

I

La montagne des dieux

« Exceptionnel, merveilleux, une féérie pour les yeux », ce sont les termes qu’avait employé le Grand Vizir pour attirer son frère le Sultan dans un endroit inconnu dans le désert…

La caravane, composée de centaines de suivants : soldats, serviteurs, danseuses… cheminait depuis une semaine dans le désert quand la Sultane se tourna vers son mari.

— Mon doux époux, arrivons-nous bientôt ? Notre jeune Ali est encore bien petit, et ce voyage est éprouvant pour lui !

— N’ayez crainte, Ô ma Reine, rétorqua le Grand Vizir, nous arriverons ce soir en une magnifique oasis, nous serons très proches du but de notre voyage. Le jeune prince pourra se reposer.

Quelques heures plus tard, la caravane arrivait en une oasis réellement fabuleuse. Le soleil couchant projetait ses rayons en de magnifiques sarabandes mordorées sur le reflet de l’eau. L’ombre des feuilles de palmiers, sous la brise légère, semblait danser sous les yeux émerveillés du Sultan et de sa suite.

À quelque distance de là, une puissante montagne dominait cette oasis, tel un colosse protégeant son enfant.

On aurait dit que ce lieu avait été créé par les Dieux eux-mêmes.

— Par ma barbe, mon frère, cet endroit est enchanteur et vaut déjà à lui seul notre éprouvant voyage, s’exclama le Sultan.

— Attends demain à l’aube, Ô mon frère et Seigneur, à côté de l’endroit où je t’emmènerai, cette oasis fera bien pâle figure, répondit Malik, le Grand Vizir, en s’inclinant.

Le lendemain matin, le Grand Vizir et sa femme allèrent réveiller le Sultan avant même le lever du Soleil.

— Viens, Ô mon frère, l’endroit où je t’emmène, doit être vu avec les premiers rayons du soleil pour dévoiler toute sa splendeur. Mais, le spectacle est tel qu’il ne doit pas être vu par le simple commun des mortels.

Ils partirent donc à cinq : Le Sultan, sa femme, le jeune prince, son frère le Grand Vizir et la femme de ce dernier, Esmeralda.

Tous ensemble, ils cheminèrent le long d’un sentier escarpé, et gravirent l’imposant roc dans un silence quasi religieux, comme si la majestueuse montagne imposait un respect, tant sa puissance était écrasante.

Durant l’ascension, ils croisèrent de nombreuses grottes, d’où provenaient d’étranges bruits, comme des plaintes ou des cris étouffés, qui se mélangeaient au mugissement discontinu du vent.

— Ne vous arrêtez pas, cria le Grand Vizir, ce sont les âmes des damnés qui cherchent à attirer les mortels en leur royaume, mais ne craignez rien, seuls les plus puissants seigneurs ont le droit d’accéder en haut de la montagne, ils nous laisseront passer.

Deux heures plus tard, exténués d’avoir marché dans la pénombre, ils arrivaient enfin au but de leur ascension : le sommet du Roc.

Étonnamment, le sommet était plat et rond, comme une assiette, et recouvert de sable sombre. Le Soleil commençait à poindre à l’horizon, mais le paysage en contrebas était encore dans le noir absolu.

— Vite, Ô mon frère et Seigneur, place-toi au centre de cet espace avec ta femme et ton fils, le soleil va apparaître, le spectacle que tu contempleras, jamais tu ne l’oublieras.

Le Sultan et sa reine qui tenait le jeune prince Ali dans ses bras allèrent se placer en plein milieu de la rotonde, tandis que Malik et sa femme Esmeralda attendaient sur le bord.

L’instant d’après le soleil illumina l’horizon.

Aussitôt, le sable, noir comme la nuit l’instant d’auparavant, se mit à briller, étinceler, de mille feux. Les éclats de quartz et mica qui garnissaient le sol sablonneux reflétaient chacun des rayons du soleil au centuple. Le sultan se voilà les yeux, tandis que la reine couvrait la tête du jeune prince, tout en fermant les siens.

Au bout de quelques secondes, qui parurent une éternité, l’éclat diminua, puis le phénomène cessa. Les rayons de l’astre ardent ne rasaient plus le sol, et le sable redevint sable.

Le Sultan et sa famille purent enfin rouvrir les yeux. Ils tournèrent simultanément leur regard vers l’immense vallée qui était baignée par la lumière solaire, en contrebas de la montagne, et purent enfin contempler le paysage féérique promis par le Grand Vizir Malik…

— Quelle est cette plaisanterie ? s’exclama le Sultan. Il n’y a rien ci-dessous ?

La vallée qui s’offrait à leurs yeux n’était que dunes et sable. Il n’y avait rien hormis ce sable terne à l’infini.

— Mais ce n’est pas une plaisanterie, Salaam, je te garantis que le spectacle va être inoubliable. Le ton du grand Vizir s’était durci, et il n’y avait plus aucune sympathie dans sa voix.

Le Sultan voulut alors rejoindre son frère pour avoir des explications, mais il ne put bouger ses pieds.

C’est alors qu’il s’aperçut que ses jambes, ainsi que celles de sa femme étaient enfoncées dans le sable jusqu’aux genoux.

— Mais…. Qu’est-ce que…

— Tu n’imagines pas comment j’ai pu attendre ce moment, pauvre niais, éructa le Grand Vizir, l’air mauvais et triomphant

— Je ne comprends pas, mon frère, dit le Sultan, que t’arrive-t-il ?

— Ô mon frère et Seigneur, répondit Malik d’une voix ironiquement mielleuse, c’est fini tout cela, dorénavant c’est Moi le Seigneur. Avec ta mort je deviendrai le Sultan Malik El Sahadin, et tous s’agenouilleront devant moi. Et il partit d’un grand rire sonore : ah, ah, ah, ah, ah

Tétanisés, le Sultan et sa femme s’enfonçaient inexorablement dans le sable. Plus ils se débattaient, plus leurs corps disparaissaient vite dans ce sable froid et mouvant.

Alors le Sultan comprit. Il comprit la jalousie et la soif insatiable de pouvoir de son frère. C’est comme si on venait de lui enlever des œillères et que soudain tout devenait clair. Malik, son frère, n’avait vécu que pour cet instant. Son but ultime était de détenir le pouvoir absolu, et ce, quel qu’en soit le prix, fut-ce sa mort et celle de sa famille.

— Je t’en prie, dit la reine, tu ne peux pas faire cela, nous sommes ta famille.

— Laisse ! Ô mon épouse, lui dit le Sultan, ce scélérat a pris sa décision, il a décidé notre mort pour s’approprier le pouvoir, et rien ne le fera changer d’avis.

La reine se tourna vers Esméralda : Tu es une femme toi aussi. Mon enfant est innocent de tout cela, sauve-le, au moins lui, c’est ton neveu !

— Non, hurla le monstre en s’interposant entre les deux femmes. Il ne peut être question de garder le Prince Ali, héritier de la couronne, en vie.

— Envoie-le-moi, dit Esméralda ! Puis se tournant vers son époux : Je ne te laisserai pas tuer cet enfant. Il est si jeune, si innocent, nous n’aurons qu’à le cacher puis le confier à un inconnu qui ne saura jamais qui il est. Si tu refuses, je te quitte et dévoile tout à tout le monde !

Malik le fourbe, sembla réfléchir. Il aurait pu se débarrasser de sa femme Esméralda, mais cela aurait semblé louche, et puis il l’aimait, du moins, encore un peu. Alors il dit : Très bien, vous avez gagné, je ne tuerai pas l’enfant.

La reine jeta le jeune Prince Ali dans les bras d’Esméralda, alors que seuls sa tête et ses bras dépassaient encore du sol.

Puis, sans un bruit, sans un mot, le Sultan Salaam El Sahadin et sa Sultane s’enfoncèrent doucement dans le sable, sans jamais se quitter des yeux, tout doucement, tout doucement… un dernier regard tendre… puis, tout devint noir.

Le sable redevint lisse et plat, calme, comme si rien ne s’était passé, comme si le temps s’était arrêté en même temps que leur souffle de vie…

Ce sont les grands menteurs qui font les grands serments.

Proverbe oriental, 1778

II

Le retour

Malik et Esmeralda restèrent longtemps à regarder le sable. Le Grand Vizir éprouvait des sentiments aussi terrifiants que contradictoires : Une grande joie, et une grande crainte, une grande lassitude en même temps qu’une énergie formidable.

Soudain, un cri le tira de sa torpeur : Le jeune Ali pleurait et réclamait certainement le sein de sa mère.

— Allons-y, cria Le grand Vizir à sa femme. Et arrange-toi pour que ce gosse ne crie pas.

Esmeralda berça alors tendrement le jeune prince Ali en lui chantant une ancienne berceuse qu’elle connaissait de sa propre mère.

La descente se fit dans le calme, et Esmeralda souriait en regardant le jeune bambin qui s’était endormi dans ses bras.

Ils passaient devant une des grottes d’où émanaient les lugubres cris, quand soudainement, l’horrible Malik arracha l’enfant des bras de sa femme en le saisissant par les pieds, et le jeta dans la profonde noirceur d’une de ces gueules béantes.

Puis agrippant Esmeralda par le bras, il partit dans une course démente, l’entraînant de force dans sa folle descente.

— Qu’as-tu fait mon époux ? hurla sa femme

— Tais-toi, femme. Répondit Malik. Que crois-tu qu’il se serait passé ? Les nobles de la caravane, en voyant le jeune prince, l’auraient immédiatement protégé, et l’auraient couronné Roi ! Jamais ! C’est moi le Sultan, le Maître absolu, et nul ne remettra en cause ce fait ; pas même un bébé, fut-il ton neveu.

Et je ne veux pas t’entendre, ni pleurer, ni te plaindre, je ne veux qu’aucun son sort de ta bouche. Tu te comporteras dorénavant comme une bonne épouse, sinon gare à toi, car des femmes pour te remplacer, je n’aurais aucun mal à en trouver.

Soudain il s’arrêta, et se mit à déchirer ses vêtements et ceux de sa femme, à se frapper et griffer devant les yeux horrifiés d’Esmeralda, qui le croyait devenu totalement fou.

— Ne me regarde pas comme un dément,femme, ragea-t-il entre deux coups, j’ai un plan !

Deux heures plus tard, ils arrivaient au campement, les cheveux en bataille, les vêtements en lambeaux, les visages en pleurs et le corps couverts de coups et ecchymoses.

Mon Dieu, que s’est-il passé seigneur ? s’exclamèrent les gens de la caravane en accourant.

Feignant une terrible douleur, le Grand Vizir tomba alors à genoux et d’une voix brisée, répondit, en sanglotant : C’est horrible, trop horrible, mon cher frère, le Grand Sultan, sa femme et leur fils, ils sont… morts !

— Morts ? S’horrifièrent ses interlocuteurs. Mais, ce n’est pas possible ? Comment cela a-t-il pu arriver ?

— Des démons, dans les grottes, nous ont attaqués, et nous ont tous entraînés vers des sables mouvants. Mais je me suis battu, j’ai lutté avec ma femme pour aider notre Maître, mais hélas, trois fois hélas, ils étaient trop forts.

Dans sa grandeur mon frère a réussi, dans un dernier effort, à nous jeter hors de la grotte, et il m’a demandé de veiller sur le Royaume. Je l’ai vu alors disparaître totalement dans le sable avec sa femme et son fils. Il n’y avait plus aucun espoir, ils sont tous les trois morts, et ensevelis.

Se relevant brusquement, il regarda les membres de l’assistance droit dans les yeux et déclara, d’une voix forte : Mais, en tant que nouveau Sultan, je jure devant Dieu de protéger notre peuple de tout mon cœur et toute mon âme, comme l’a toujours fait mon frère. Ce sont ses dernières volontés… c’est ma mission sacrée.

Puis, baissant la tête : Maintenant partons, cette montagne est maudite. Nous mourrons tous si nous restons.

Personne n’osa rétorquer ni même lever la voix, c’était le Grand Vizir, non, c’était le Sultan ! Sa parole était intouchable, irrévocable.

Les serviteurs plièrent donc les tentes, levèrent le campement, dételèrent les chevaux et les dromadaires, et tous repartirent, le cœur en pièces d’avoir perdu leur si bon seigneur ainsi que sa famille.

Un des hommes se retourna et dans un souffle dit adieu, mon bon seigneur…

Adieu…

Quoi qu’on dise, en rendant la tendresse plus familière, les animaux m’ont appris à mieux aimer les hommes.

François Nourissier

III

La tribu des Sapajous

Dans la sombre grotte, le jeune Ali avait atterri, par miracle, entre deux rochers, sur du sable fin et souple. Il n’avait pas été blessé dans sa chute, mais le choc l’avait toutefois assommé.

Une éternité passa, ou peut-être un simple instant, et l’enfant s’éveilla. Reprenant doucement ses sens, ses yeux ne perçurent rien d’autre que le noir. Il ne pleurait pas. Le jeune prince, contrairement à nombre d’enfants de son âge, ne craignait pas le noir.

Dans la grotte il n’y avait plus aucun bruit, à peine le mugissement léger du simoun s’engouffrant par vagues.

Scrutant le noir, le prince finit par percevoir comme de petites lumières dansantes. Non, elles ne dansaient pas, elles étaient fixes, puis de déplaçaient par à coup vers un autre point de l’espace.

Tel un Dieu, l’enfant semblait être au centre de l’univers et contrôler les astres de la voûte céleste.

Les étoiles se rapprochaient doucement, mais sûrement, Ali se rendit compte qu’elles se déplaçaient toutes par paire ; toutes sauf une seule, située au sommet des autres, restant, elle, totalement immobile. Était-ce l’étoile du Nord, dominant toutes les autres de sa placide sagesse ?

Soudain, une lumière aveuglante illumina la grotte et éblouit l’enfant. Les rais du soleil levant, lors de l’aube naissante, rasaient le sol et illuminaient chaque grain de sable de mille feux. Face à cet éclat insoutenable, le jeune prince se cacha les yeux dans ses petites mains.

Puis, cet éclat s’estompa aussi vite qu’il était venu pour laisser une lumière mordorée baigner la grotte dans sa totalité.

Ali baissa ses mains et regarda autour de lui. L’univers noir et sombre, constellé d’étoiles quelques minutes auparavant avait laissé la place à une vaste grotte voûtée. C’est alors qu’il les vit ! Il était entouré d’une multitude de petits singes qui le fixaient de leurs regards brillants. Il réalisa que c’étaient les paires d’yeux étincelants de ces primates qu’il avait pris pour des étoiles.

Les petits singes, des sapajous, observaient l’enfant sans bouger. Il y avait un aspect menaçant dans cette fixité et cet immobilisme, peut-être était-ce simplement de la crainte, mais c’en fut trop pour un si jeune enfant, et Ali fondit en larmes.

Les cris et pleurs affolèrent immédiatement la tribu des sapajous qui se mirent à leur tour à crier, à gesticuler, et à sauter partout. Certains même prirent des pierres dans les mains afin de les lancer sur l’intrus ; mais avant qu’ils ne réalisent cet acte irréparable, un cri plus fort que les autres parvint du plus haut rocher. Tous les singes s’arrêtèrent alors de bouger et regardèrent avec crainte vers le sommet de la grotte.

Un très vieux sapajou se tenait courbé sur le plus haut rocher de la grotte. Il était voûté et s’aidait d’un bâton pour se maintenir. Une large cicatrice descendait du haut des poils blancs de sa tête jusqu’au bas de ses babines, en passant par l’œil gauche. Il était borgne, mais de son œil droit émanait une autorité indiscutable.

Le vieil animal descendit en boitant doucement du rocher. Tous les autres singes s’écartaient en courbant l’échine devant son passage.

Parvenu devant l’enfant, il le regarda de son œil vif. Ce dernier s’était calmé et, tout en reniflant, observait également cet étrange animal qui le dominait. Leurs regards se fixèrent longuement, quand soudain le singe saisit le petit bras de l’enfant.

Instantanément les cris du bambin redoublèrent, ce qui effraya la colonie des primates qui s’égayèrent dans tous sens ; sauf le vieux chef borgne qui se contenta de reposer délicatement son bras, et qui se tourna alors vers une jeune femelle. Il lui lança un cri modulé avec un léger mouvement de tête, aussitôt cette dernière détala.

Quelques secondes plus tard, elle reparaissait les bras chargés de fruits aussi succulents que divers, des dattes, des bananes, du raisin, des grenades, des figues de barbarie. Délicatement la femelle éplucha une banane et la tendit devant le visage de l’enfant.

Entre deux pleurs, le jeune enfant aperçut la banane ; affamé, il s’en saisit de suite et l’avala goulûment, puis il attrapa les raisins tendus et les engloutit tout aussi vite. Repu, il tendit instinctivement les bras vers cette mère nourricière qui le rassurait tant par la douceur de ses gestes que par sa face affable et rassurante.

Le vieux chef fit alors un signe à la femelle. Elle prit tendrement l’enfant, qui rassuré et rassasié, se lova tendrement dans ses bras. Tous trois se dirigèrent vers une galerie sombre au fond de la grotte ; suivi bientôt par le reste de la troupe.

Après une longue marche dans le noir, qui avait fini par assoupir l’enfant, bercé dans les bras de sa protectrice ; une lueur blafarde commença à apparaître au loin. Plus ils avançaient, plus la lueur s’intensifiait, jusqu’à devenir éclatante et éblouir tous les protagonistes.

La clarté éveilla l’enfant, qui frotta ses yeux ensommeillés. Il vit alors en contrebas une vallée luxuriante au centre de laquelle se trouvait une magnifique oasis. Des arbres aussi divers que variés, en grandes quantités, et chargés de fruits, se trouvaient là dans cette vallée, cachée aux yeux des hommes par une insurmontable barrière montagneuse.

Ils avaient atteint leur jardin d’Éden…

Intermezzo

Dans la magnifique, éternelle cité d’Orient,

Le peuple heureux danse dans les rues bombées

Le bon sultan Salaam El Sahadin veille sur le bonheur de chacun

La foule circule, le visage illuminé de joie dans la plus belle cité d’Orient

Dansez les enfants, c’est le soir, l’heure où l’on fait la fête

Dans la sombre et lugubre cité d’Orient

Le peuple ne danse plus dans les rues désertes

Six ans déjà que le bon sultan Salaam et sa famille ne sont plus

Les gardes cruels pullulent, la joie a déserté l’inquiétante cité d’Orient.

Rentrez les enfants, c’est le soir, l’heure où la peur s’installe

Dans la morbide cité d’Orient

La Sultane Esmeralda El Sahadin est morte

On murmure qu’elle cachait un très lourd et terrible secret

Le sorcier noir, âme damnée du Sultan, l’a fait disparaître de la cité d’Orient

Ne sortez pas les enfants, c’est le soir, et la mort rôde.

La volonté permet de grimper sur les cimes ; sans volonté on reste au pied de la montagne.

Proverbe chinois

IV

Mouss

La montagne maudite, c’est ainsi que l’on nomme le sombre rocher duquel s’approche la longue caravane. On raconte que c’est ici qu’a disparu le précédent sultan de la capitale d’Orient.

Après avoir affronté une tempête de sables, les caravaniers sont épuisés, ils n’ont pas le choix et doivent s’arrêter et se reposer dans la magnifique oasis s’étendant aux pieds des monts maudits.

Le spectacle est grandiose : le lent mouvement des branches de palmiers dans la brise, les reflets orangés du soleil couchant dans l’eau limpide de l’oasis, les légers tourbillons de sable qui dansent tout autour du campement. Quiconque le contemplant, après une épuisante traversée du désert, ne peut être qu’hypnotisé par cette féérie.

Pourtant, autour des feux dressés du camp, l’ambiance est sombre, les regards sont bas, même l’habituel pépiement des femmes qui s’activent autour des chaudrons lors de la préparation du repas n’est plus, seul le silence est roi.

Les hommes ont peur, nul ne devrait s’approcher de cet endroit, les âmes errantes emportent ceux qui contemplent la montagne sacrée, car elle est interdite aux simples mortels, dit-on.

Seuls les enfants courent et jouent inconscients du péril qui toucherait l’innocent s’approchant de l’abominable mont et de ses esprits malins.

Assis confortablement près d’un feu, le vieux Mustapha El-Aslan se faisait tranquillement griller une brochette de poivrons. Il avait posé sa chéchia2 à côté de lui, et s’étirait les jambes après cette longue journée.

Mustapha était un vieil homme apprécié et respecté de tous. Vendeur de tapis devant l’éternel depuis l’âge de dix ans, il savait ce qu’était le travail dur et acharné. Bon vendeur, mais pas excellent, il avait eu des périodes difficiles, il avait même en quelque occasion connu la faim, l’obligation de dormir dehors, sans rien pour se couvrir, si ce n’est le ciel étoilé.

À près de soixante-dix ans, le vieux « Mouss » comme l’appelaient ses amis, n’était pas très riche, mais il se contentait de peu. Il avait un dromadaire qu’il avait appelé Toto, une tente relativement spacieuse pour dormir, de quoi manger et son stock de tapis qu’il faisait en laine de mouton, coton ou chanvre ; et puis il avait son trésor : Sept superbes tapis faits de la soie la plus pure et chacun d’une couleur de l’arc-en-ciel avec, brodé en son cœur, un incroyable tigre de la Caspienne.

On lui avait fait de nombreuses et inestimables propositions, pour ses tapis de soie, et il aurait pu être riche en acceptant, mais il avait toujours poliment refusé. Mustapha se contentait de ce qu’il avait, et était heureux ainsi.

Il répondait inlassablement à ceux qui s’étonnaient de sa vie austère

— J’ai le soleil pour me chauffer quand j’ai froid, j’ai ma tente pour dormir quand il fait nuit, et j’ai mon Toto pour me porter avec mes tapis quand je suis fatigué. Alors que demander de plus ? Je suis heureux ainsi.

Pour le vieux Mouss, le bonheur était fait de choses simples. Il connaissait les vraies valeurs de la vie. C’était un sage, et nombreux étaient ceux qui allaient lui demander des conseils.

Pourtant, Mustapha avait un secret douloureux. Jamais il n’avait trouvé de femme. Certes il était bon et sage, mais il n’était pas très beau et surtout, il était pauvre. Sans femme, il n’avait pas eu d’enfant ; c’était là sa blessure secrète qui l’empêchait d’être réellement heureux.

Perdu dans ses pensées, le vieux Mouss fut tiré de sa rêverie par un mouvement sur sa gauche. Instinctivement il tourna la tête, et là il vit un petit singe qui le dévisageait. L’animal portait son calot sur la tête.

Il fut si surpris devant ce spectacle incongru, qu’il en resta bouche bée.

Puis soudain le petit singe se sauva en direction de la montagne en emportant son calot.

— Ma chéchia ! Il m’a volé ma chéchia ! s’exclama Mouss. Il s’élança à sa poursuite. Il avait beau avoir soixante-dix ans, il avait encore de bonnes jambes, aussi réussit-il à suivre le petit singe dans la lumière rougeoyante du crépuscule.

Toutefois, le singe, bien que petit, prenait de l’avance par ses sauts rapides et souples, et il entraînait Mouss toujours plus loin sur les contreforts de la sombre montagne. Finalement, il finit par disparaître derrière un énième tournant.