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Ce roman pour la jeunesse, destiné aux 9-13 ans, se déroule dans le bourg d'Hauterives, dans le sud-est de la France, célèbre pour son Palais Idéal du Facteur Cheval. Alice, âgée de onze ans, passe pour la première fois ses vacances chez ses grands-parents maternels. Alice et son amie Agnetha font la connaissance de Teodor, un garçon de leur âge. Mais quel est donc ce mystère qui semble planer sur la vie de Teodor? Tout en découvrant les trésors de la Drôme des Collines, Alice, Agnetha et Teodor vont se lancer sur la piste d'un étrange photographe barbu, et de son complice...
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Seitenzahl: 183
Veröffentlichungsjahr: 2019
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« Entrée d'un palais imaginaire »Inscription de Joseph Ferdinand Cheval au fronton de son Palais Idéal
« Mais alors, dit Alice, si le monde n'a absolument aucun sens, qui nous empêche d'en inventer un ? Lewis Caroll
A Alice Cheval, Aux enfants que nous sommes, toujours.
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Epilogue
Alice regardait sa mère de tous ses yeux. Maman Rose avait le visage grave, les joues pâles ; un visage qu'elle essayait de ne pas montrer, mais qu'Alice surprenait assez souvent, depuis un certain temps. « Bien avant que papa soit parti travailler ailleurs », se dit Alice. Comme les grands sont compliqués ! Maman va retrouver ses parents qu'elle n'a pas revus depuis très, très longtemps, elle devrait être contente ! Hé bien, il semble que non !
Alice avait mal dormi, elle n'arrivait pas à imaginer les jours prochains chez ces personnes inconnues : ses grands-parents. Toute la nuit, elle avait écouté maman se lever, marcher dans la chambre, faire couler l'eau, ouvrir le frigo, vérifier le contenu des sacs. Apparemment, Maman ne parvenait pas non plus à trouver le sommeil...
« Elle est inquiète, elle aussi... »
A présent, elles étaient là toutes les deux, devant la gare de Saint-Rambert-d'Albon. Elles attendaient. Elles devraient se parler, faire provision de mots pour tout ce temps où elles ne se verraient pas. Mais elles ne parvenaient à échanger que des regards. Les beaux yeux de maman étaient humides. Alice se serra contre sa « mamounette », pour respirer encore le bon parfum de ses vêtements, sentir ses bras autour d'elle. Elle aurait voulu que ces minutes durent longtemps, longtemps.
— Tu n'as pas trop faim, Alice ? Tu n'as pas beaucoup déjeuné. Tu verras comme tu mangeras bien chez Vita et Marco !
— Pourquoi tu ne dis pas papa et maman, comme tout le monde ?
— Eh bien non ! Pas comme tout le monde ! Au village, tout le monde les appelle par leurs prénoms, et moi, petite fille, je faisais pareil...
— Maman...
— Oui...
— Est-ce que je peux t'appeler Rose, alors ? Et pourquoi tu ne m'as jamais beaucoup parlé de Vita et Marco ?
— C'est compliqué... Papa ne s'entendait pas trop bien avec tes grands-parents...
— Et maintenant, papa s'entend mieux avec eux ? Et pourquoi je ne passe pas mes vacances avec lui ? Est-ce qu'il arrive un jour, où les parents n'aiment plus les enfants ?
Rose serra très fort sa petite fille. Onze ans déjà ! Il lui semblait qu'elle avait tellement grandi ces derniers mois ! Mais pourtant, elle était encore si petite, si fragile.
—Écoute, mon bébé chéri... Papa et moi, on doit travailler fort, pour te faire, pour nous faire, une belle vie. On n'a pas le choix... Les affaires de papa n'ont pas marché comme on le voulait, il faut que l'on gagne beaucoup d'argent très vite.
Tu sais, c'est difficile à expliquer...
— Mais je comprends très bien ! En fait, non… je ne comprends pas pourquoi papa vient de moins en moins souvent à Lyon.
— C'est à cause de son travail qui le retient loin de nous...
— Alors, j'aurais pu partir en vacances avec Daphné, au moins, ses parents, je les connais !
— Tu ne peux pas rester pendant deux mois chez les parents de ton amie, même si vous vous entendez très bien !
— Mais justement, Daphné dit que ça ne fait pas de différence, que ses parents s'occupent de deux filles plutôt que d'une seule !
— Non ! Tu dois comprendre que je ne peux pas participer financièrement au budget de vacances de la famille de ton amie ! Et papa non plus !
Quand maman utilisait de grands mots, c'était signe que la conversation était terminée ! Cependant, Alice se risqua, d'une petite voix :
— Mais... Mes grands-parents, tu ne vas pas leur donner de sous, pour qu'ils me fassent à manger ?
— Mais si, bien sûr... Mais ce n'est pas pareil... Des vacances à Hauterives dans la Drôme, ça coûte moins cher qu'un séjour dans une station balnéaire italienne réputée, tu comprends ?
Alice aurait eu encore des tas de questions, mais maman prit la main d'Alice. La voix de Rose était rauque soudain, comme un peu rouillée :
— Les voilà.…
Une camionnette stoppa devant elles. La portière s'ouvrit, et un chien noir et blanc en jaillit, se rua vers Alice, posa ses pattes sur ses épaules, et lui lécha le visage, d'une grande langue rose.
— Geek ! Ici, Geek !
Une femme mince, avec des cheveux blonds et courts, se leva du siège passager, s'approcha.
« Quel âge a-t-elle ? » Se demanda Alice.
La dame avait la peau bronzée, elle portait un short beige et un tee-shirt rose.
Puis le conducteur les rejoignit à son tour. Il était grand, bronzé lui aussi. Ses yeux étaient cachés par des lunettes de myopie, et son crâne par un chapeau de paille.
« Ils n'ont pas l'air bien méchants... »
Il y eut une minute où chacun s'immobilisa, sauf le chien Geek, qui courait de l'un à l'autre avec de petits jappements de joie, aurait-on dit. Puis Marco ouvrit les bras, qui paraissaient très très longs, puisqu'ils attirèrent d'un même geste Rose et Alice. Vita, à son tour, serra fort contre elle les deux voyageuses. Alice contemplait tour à tour ces grandes personnes qui essuyaient discrètement leurs yeux, en échangeant des mots un peu timides.
Geek vint s'asseoir contre Alice, et elle aima tout de suite ce joli animal aux yeux d'ambre qui semblaient rire.
— C'est un chien de berger, un border collie, dit Marco. Il veille sur nos chevrettes, et aussi sur la basse-cour. Tu sais ce que c'est que la basse-cour, Mademoiselle Alice ?
— Oui, monsieur. C'est là que vivent les poules et les canards !
— Monsieur ?... qu'est-ce que j'entends là ? Appelle-moi Marco, comme tout le monde ! Et ta grand-mère que tu vois là, c'est Vita !
Il montrait sa femme, qui conversait avec Rose, un peu plus loin. Mère et fille marchaient d'un même pas lent, et le bras de Vita était passé autour de la taille de Rose.
« Elles ont l'air de bien s'aimer, pensa Alice. Pourquoi alors, elles ne viennent pas se voir plus souvent ? Peut-être que maintenant, ça va changer... »
Puis elle surprit le regard de Marco sur elle, par-dessus ses lunettes : un regard gentil, pailleté, qui ressemblait à celui de Maman. Ils échangèrent un sourire.
— Bon... fit Marco, je ne veux pas vous presser, mais si j'ai tout compris, ton train va repartir, ma fille ! On se dit au revoir, et de toute façon, on compte bien sur ta visite pour dans quinze jours, c'est ça ? Allez allez ! Les tomates farcies de Vita attendent d'être mangées ! Tu aimes les tomates farcies, petite ?
— Je ne sais pas... Marco...
Le grand-père éclata d'un rire immense, et Alice ne put s'empêcher de rire elle aussi.
L'au revoir fut un peu triste. Tous étaient très émus. Rose embrassa passionnément sa fillette, et à voix basse :
— Je t'aime très fort, ma petite fleur ! Je t'appellerai ce soir. Tu sais que je pense toujours à toi ! Je suis toujours là, même si je ne suis pas présente.
— Je vais faire un cahier, et écrire tout ce que je fais.
Comme ça, tu pourras voir comment j'occupe mes journées.
On chargea les bagages, et Geek sauta sur le siège arrière.
Un dernier baiser :
— Tu verras, les tomates farcies de Vita, c'est quelque chose ! Sourit Maman, avec une toute petite voix.
Alice agita sa main le plus longtemps possible, puis maman ne fut plus qu'une petite silhouette qui entra dans la gare presque à reculons, pour dire au revoir à sa petite fille encore et encore.
Alice se sentait un peu perdue avec ces personnes qui avaient l'air bien gentilles, mais qui l'intimidaient quand même. Comme s'il comprenait, Geek vint se serrer tout contre la fillette avec un petit gémissement.
Vita et Marco habitaient une jolie petite ferme qui surplombait le bourg de Hauterives. Il fallait pour s'y rendre, suivre la grand-rue et à la sortie du village, prendre le chemin du Château Vieux, en passant sous la voûte crénelée d’une tour de l’ancien château médiéval.
A quelques mètres de la maison, Geek demanda à sa façon qu'on lui ouvre la portière. Sautant de la voiture, il galopa au-devant d'un petit troupeau de cabrettes, qui observaient les arrivants avec curiosité, en mâchonnant de petites branches feuillues. Quelques canards se joignirent au groupe. Il y avait aussi deux moutons, deux oies qui faisaient un bruit infernal, et des lapins dont Alice n'arriva pas à déterminer le nombre exact.
La camionnette se gara devant le perron, et deux chats roux sautèrent joyeusement sur le capot.
— Alice, nous te présentons Fifi et Châtaignou !
— Je n'avais jamais vu tant d'animaux à la fois dans une maison, s'écriait Alice, enchantée, caressant les félins qui se prêtèrent de bonne grâce à ses salutations. Ils viennent vous accueillir !
— Nous accueillir ! Corrigea Vita. Chers petits amis, voici Alice, qui va passer ses vacances avec nous !
— Nous allons installer tes affaires dans ta chambre, ensuite, je vais porter le repas aux poules et aux canards, traire les chèvres et les installer avec les moutons pour la soirée, dit Vita. Voudras-tu m'accompagner, pendant que Marco décharge la voiture ?
— Oh ! Oui !
Alice battit des mains, puis se ravisa. Elle venait de se remémorer que maman était dans le train, bien seule, et elle, fille ingrate, elle ne pensait déjà qu'à s'amuser avec les animaux de la ferme...
Vita sembla lire dans ses pensées ; elle posa sa main sur la tête de la fillette :
— Ma petite Alice, ne t'inquiète pas pour ta maman. Elle sait que tu es avec nous, et même si nous ne nous sommes pas vues beaucoup ces dernières années, il y a beaucoup d'affection entre nous. Elle te sait en sécurité, et travaillera ainsi le cœur plus léger, même si ce n'est pas simple de se séparer de ceux qu'on aime. Ce que ta maman veut, c'est que tu profites bien de tes journées, et qu'elle te trouve bien portante et joyeuse quand elle viendra te voir. Et nous, nous avons une joie immense de t'accueillir dans la maison où Rose a grandi.
Ce gentil discours se termina par un baiser sur la joue de la petite fille. Spontanément, Alice se hissa sur la pointe des pieds, et rendit son baiser à sa grand-mère.
— Bon, dit Vita d'un ton un peu bourru, allons vite ! Les chevrettes doivent nous attendre !
Alice fit honneur au repas : une belle salade verte et croquante, des tomates farcies, de la tomme de chèvre, et un magnifique gâteau avec de la glace à la vanille et du coulis de fraise ! Et tout cela préparé à la maison !
Avant le dîner, Alice raconta à maman comment elle avait assisté à la traite des chèvres, à l'affinage des fromages dans le laboratoire : — tu sais ce que cela veut dire « affinage », maman ? Eh bien, il faut retourner les tommes sur des claies pour qu'elles deviennent plus matures ! J'ai appris déjà au moins deux mots nouveaux, ce soir ! Tu savais tout cela ?
Rose éclata de rire, ce qui fit plaisir à Alice :
— Bien sûr, ma petite fleur ! Je l'ai fait avant toi !
Maman était vraiment émue dans le téléphone.
— Tu es bien, mon Alice, avec Vita et Marco ?
— Oui, je crois que je vais être très très bien ici. Il y a aussi le chien de berger, Geek. Et les chats, Fifi et Châtaignou. Tu les connais ?
— Non, mais je ferai leur connaissance avec plaisir, dans quinze jours.
— Maman... Quinze jours, comme c'est long... Et toi, as-tu bien mangé ?
— Mais oui, ne t'inquiète pas ! Papa me dit de t'embrasser très très fort ! Il est dans le train pour l'Allemagne. Tu lui manques beaucoup, et il viendra te voir lui aussi, dans quinze jours.
— Il viendra avec toi ? Et... Est-ce que Vita et Marco le laisseront entrer chez eux ?
— Oui, bien sûr ! Profite bien de tes vacances et embrasse tes grands-parents pour moi !La batterie de mon téléphone est faible, je dois te dire bonne nuit, mon petit cœur !
Encore un échange de baisers et de jolis mots tendres, et la conversation se terminait. Alice contemplait son téléphone, soupira, le cœur un peu lourd, et rejoignit Vita et Marco sur la terrasse.
La nuit était tombée. Des criquets reprenaient, ou à peu près, la chanson de la cigale qui crissait tout à l'heure dans un grand arbre voisin.
— C'est parce qu'il a fait très chaud, expliqua Marco. Les cigales s'installent ici comme dans le midi !
Vita servit une infusion, et une boisson fraîche pour Alice.
— Veux-tu un peu de gâteau avec de la glace, ma Belline ?
C'est Marco qui a préparé le dessert pour toi !
Alice acquiesça avec entrain. Elle dégustait le contenu de son assiette avec Geek serré contre elle, à qui elle abandonnait de petits morceaux de biscuit et un peu de glace.
— Mamie Vita... dit soudain Alice, sans avoir pu s'en empêcher.
— Quoi donc ma fille ? Répondit Vita, que cette appellation de « Mamie Vita », toute nouvelle pour elle, émouvait beaucoup.
— Pourquoi papy Marco et toi, vous vivez toujours dans la même maison, et pas maman et papa qui ne travaillent plus ensemble ? Pourtant, vous avez une fille, comme maman et papa ? Est-ce que … Est-ce que c'est à cause de moi ?
Vita attira Alice contre elle, et la serra longuement :
— Mais qu'est-ce que tu racontes, ma petite fille ! Tout ça, ce sont des histoires de grandes personnes. Ton papa et ta maman t'aiment beaucoup ! Et nous aussi, pas vrai, Marco ? Papy Marco, ému lui aussi, s'éclaircit la voix, et dit « oui, oui », en secouant la tête énergiquement.
— Sors-toi ces idées de la tête ! Tes parents traversent une situation un peu compliquée, et ils veulent que tu sois tranquille malgré tout. Et tu vois, je ne peux pas te dire à quel point nous sommes contents de t'avoir auprès de nous !
— Et cela veut dire que ta maman et ton papa nous jugent dignes de veiller sur leur trésor, ce qu'ils ont de plus précieux : toi, ma belle ! Allez, maintenant, sois bien tranquille ! Nous allons regarder encore un peu les étoiles, et ensuite, nous irons nous coucher, parce qu'il faut se lever tôt !
— Papy Marco, reprit Vita, avec un coup d’œil vers son compagnon tout fier et ému, m'emmène demain matin au marché de Hauterives : je vais vendre nos fromages, des poteries, des paniers et des étoffes ! Je te montrerai tout cela ! Et puis, il faut absolument que tu voies le Palais du Facteur Cheval !
« Le Palais du Facteur Cheval... »
Ces mots faisaient beaucoup rêver Alice. Maman lui décrivait assez souvent ce lieu enchanteur qui avait beaucoup marqué sa jeunesse : un facteur, nommé Cheval qui de plus est, avait construit un palais, blotti au cœur du joli village de Hauterives. En arrivant, Alice avait essayé de découvrir du regard ce fameux palais. Mais apparemment, il était bien caché ! Décidément, ce bourg recelait beaucoup de mystères ! Alice se promit d'éclaircir tout cela dès demain.
Dans les draps frais, une douce torpeur envahissait la fillette. Alice tendait l'oreille vers la nuit apaisée, respirait les parfums montant du jardin, écoutait Geek farfouiller dans les touffes de thym et de lavande, à la recherche d'on ne savait quoi, ce qui le faisait éternuer copieusement. Sous la fenêtre entr'ouverte, il montait la garde. Mais Alice n'avait pas peur. A sa grande surprise, elle se sentait en sécurité chez Vita et Marco.
L’enfant se demandait comment maman avait pu se brouiller avec des personnes aussi gentilles. Était-ce la faute de papa ? Il semblait bien que c'était ce que maman avait suggéré... Pourtant, ses grands-parents ne semblaient pas en vouloir à papa et maman Rose, puisqu'ils accueillaient Alice chez eux. Et si affectueusement, encore !
Il faudrait comprendre le pourquoi de tout cela. Demain. Pour lors, les émotions ajoutées aux événements de la journée pesaient sur ses paupières. Alice remonta le drap jusque sous son menton, et le sommeil vint alors la cueillir, bien bordée dans le joli lit à courtepointe crochetée où dormait maman Rose jusqu'à ce qu'elle quitte la maison de Marco et Vita.
Pendant quelques secondes, Alice considéra ce qui l'entourait sans comprendre. La poupée et le nounours assis sur l'étagère, et le bureau sans ordinateur, et l'armoire de bois ciré, lui étaient inconnus. Mais soudain, la porte fut poussée, et Geek vint lécher la figure de la fillette. Tout à fait éveillée, elle se souvint alors qu'elle était en vacances chez ses grands-parents maternels, Vita et Marco.
Une délicieuse odeur de brioche au four lui parvint, puis la voix de baryton de son grand-père, chantant dans une langue qu'elle ne comprenait pas. Alice enfila bien vite short et tee-shirt, et se rendit à la cuisine. Un bol l'attendait, déposé sur la grande table.
— Ah ! Ah ! Rugit Marco. Il semble que nous ayons faim ! As-tu bien dormi ?
— Oh ! Oui, papy Marco ! Et Geek est venu me réveiller en me léchant la figure ! Mais Mamie Vita n'est pas là ?
— Elle est au marché ! Il faut y être très tôt ! En ce moment, avec la chaleur, les touristes font leurs courses de bonne heure, pour avoir tout le temps l'après-midi de faire la sieste et se baigner !
— Et toi, papy, tu ne vas pas au marché ?
— J'accompagne quelquefois Vita, mais il faut s'occuper de la maison, des bêtes et de la préparation des fromages. Veux-tu goûter ma brioche ? Et un chocolat chaud, ça te dirait ?
Alice battit des mains.
— Papy, je t'ai entendu chanter. En quelle langue ?
— C'est du franco-provençal, ma belle. C'est la langue que l'on parlait autrefois en Dauphiné où nous habitons. Si cela te fait plaisir, je t'apprendrai des chansons.
— Oh ! Oui ! Et, est-ce qu'on pourrait aller voir mamie Vita au marché ?
— Quand tu seras prête, ma belle, je t'y emmène. On ira à bicyclette, si tu veux. Il y a celle de ta maman sous le hangar. Veux-tu lui téléphoner, à notre Rosie ?
Alice se dit que décidément, la journée s'annonçait plaisante. Elle décrocha le récepteur d'un antique téléphone à touches, et appela Rose.
— Maman, lui dit-elle, je vais au village avec ta bicyclette !
Il y eut une exclamation à l'autre bout du fil.
— Ma bicyclette ? Comment, tes grands-parents l'ont gardée ?
— Elle est magnifique ! Rouge comme une groseille ! C'est un vrai vélo de dame ! Je l'adore déjà ! Je vais raconter tout cela à Daphné dans ma prochaine lettre. Ou plutôt, je lui enverrai une carte postale !
Alice regardait par la fenêtre Marco, qui rangeait leurs deux vélos contre le volet de la cuisine.
— Tu es bien, ma petite fille ?
— Oui, maman ! Marco et Vita sont si gentils ! Mais j'aimerais tellement que tu sois là !
— Ce sera pour bientôt, ma chérie ! Je commence mon nouveau travail, je crois que je vais m'y plaire.
— Prends bien soin de toi ! Est-ce que ton nouveau patron est gentil ?
— Eh bien, je ne l'ai pas encore rencontré, mais je crois que oui ! Sois prudente avec le vélo, et suis bien les conseils de tes grands-parents !
— Papy Marco t'embrasse, maman !
Un silence.
— Je l'embrasse aussi, mon bébé ! Très fort ! Et Vita ! Et toi aussi !
Alice fit sa toilette, s'empara de son sac à dos et ne put s'empêcher de jeter un coup d’œil à l'intérieur de l'armoire. Elle y trouva des tee-shirts, des pulls et des jeans qui avaient appartenu à la petite Rose jeune fille. Il y avait aussi de jolies robes, de petites chemises de nuit pimpantes. Découvrir des vêtements et des colifichets que maman Rose avait aimé un temps, l’enchanta.
Vita avait libéré tout un côté de l'armoire, pour qu'Alice pût y déposer ses propres vêtements sur les étagères et dans la penderie. Cette façon de partager l'espace avec les affaires de maman jeune fille lui plaisait beaucoup.
Sur la table de toilette, il y avait aussi un joli coffret à musique empli de petits bijoux, et Alice fit son choix. Elle se para d'un petit collier indien de nacre et de turquoise qui allait si bien avec ses yeux verts et ses longs cheveux auburn, tout à fait comme ceux de maman !
Marco et Alice se frayèrent un chemin jusqu'au stand de Vita. Il y avait beaucoup de monde ce matin, sur la place de la mairie et aux alentours. Le marché de Hauterives est très réputé pour ses étals alléchants proposant d'intéressantes marchandises, vêtements, maroquinerie, bijoux et quincaillerie, fruits et légumes de saison. C'est le rendez-vous des producteurs et des artisans locaux.
Vita présentait sur une nappe fleurie, ses confitures, ses poteries et ses compositions florales, et bien à l'abri d'une banque réfrigérée, les fromages des cabrettes. On se pressait devant son étal.
— Ah ! Vous êtes les bienvenus ! S'écria-t-elle en apercevant Marco et Alice. Vous allez m'aider, il y a vraiment beaucoup de monde ce matin.
— Mais qui est donc cette jolie petite fille ? Demandait une cliente.
— C'est notre petite-fille, Alice ! Répondit fièrement Vita.
— Ah ! Votre Rose est donc revenue ?
— Oh ! La petite est avec nous pour les vacances, pendant que ses parents travaillent.
— Elle est bien grandette ! Reprit la dame. Donnez-moi donc deux autres tommes, Vita, s'il vous plaît. Mais on ne la voyait pas trop par ici...