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Zac Level se languit beaucoup de son petit Dario. C'est le sort des parents séparés. Heureusement, sa nécessaire reconversion professionnelle le détourne de ses sombres pensées. Zac est"responsable d'investigations et de recherches privées": détective, si vous préférez. D'ailleurs, vous avez dû repérer son agence, pas loin du bistrot de la place... Il faut bien se remonter le moral, surtout quand il se passe de drôles de choses à Hauterives ... Drôle de drame... Drôles de dames... Aux marches du Palais...
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Seitenzahl: 187
Veröffentlichungsjahr: 2023
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« Un jour ce rocher dira bien des choses »
« Les Fées de l’Orient vont fraterniser avec celles de l’Occident ».
Inscriptions du facteur Cheval sur les parois du Palais Idéal
« ...Et si quelquefois, sur les marches d'un palais, sur l'herbe verte d'un fossé, vous vous réveillez, l'ivresse déjà diminuée ou disparue, demandez au vent, à la vague, à l'étoile, à l'oiseau, à l'horloge ... »
Charles Baudelaire
Aux marches du palais
Aux marches du palais
Y a une tant belle fille lon la
Y a une tant belle fille
…....
Aux quatre coins du lit
Aux quatre coins du lit
Quatre bouquets de pervenches lon la
Quatre bouquets de pervenches
Ballade traditionnelle – Auteurs anonymes
Chapitre I
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Epilogue
Zac Level stabilisa de son mieux la vieille Vespa. Mais une feuille morte vint virevolter contre ses lunettes et malencontreusement, il accéléra en poussant un juron. L'engin se cabra et percuta le portail de la gendarmerie, qui résonna comme un gong.
« Pfff... Ça commence bien »
L'interphone grésilla :
— Gendarmerie nationale. Je vous écoute...
— Oui, bonjour... je suis désolé... On m'a volé mon téléphone... Et aussi mon pot d'échappement...
— Vous habitez sur quel secteur ?
— Hauterives...
— Je vous ouvre...
Dans le hall du poste, sous le regard attentif d'un jeune gendarme, Zac triturait le bord du casque couleur camouflage, que lui avait remis son oncle Albert, non sans lui recommander de faire grand cas du deux roues vintage assorti. Il est vrai que le fier destrier avait belle allure ; rien n'y manquait : pin-up en décalcomanies sur les jantes rebondies, publicité pour le nougat de Montélimar customisée sur la selle à franges en skaï, et bestiole en feutrine Agip pendue à la clé de contact.
— Bon... Voilà, M. le gendarme... C'est un peu embrouillé, mais... je suis bien embêté avec tout ça, je ne peux plus conduire ma voiture pour le moment ... Un ami m'a prêté sa Vespa... Je m'excuse pour la manœuvre un peu brusque, mais je n'ai pas trop l'habitude de ce genre de monture... Mais ne vous inquiétez pas, votre portail n'a rien...
— Suivez-moi, monsieur. Expliquez-moi : quand avez-vous constaté les vols ?
Le gendarme lui indiqua un siège et Zac exposa comment on lui avait dérobé son téléphone à son domicile.
— En fait, plutôt dans mon bureau. J'ai installé mon activité au rez-de-chaussée d'un appartement, vous voyez : l'agence donne sur la rue, et mon appartement est sur l'arrière de la maison.
— Puis-je vous demander votre profession ?
Zac Level marqua une légère hésitation, puis :
— Vous allez sans doute rire... En fait, je suis... agent de recherches...
— Vous voulez dire... détective privé ?
— C'est ça... je viens de m'installer à Hauterives... « L'Agence du facteur »...
Zac tira de sa sacoche sa licence, et un flyer qu'il déposa sous les yeux du militaire.
— Vous me direz, ce n'est guère original comme intitulé mais ce bon facteur Cheval, il est incontournable quand même ! Ce n'est pas très fort pour un détective de se faire voler son téléphone, mais bon...
Le gendarme eut une moue conciliante :
— Les voleurs sont coutumiers du fait... Et bien organisés...Vous êtes installé depuis longtemps ?
— Depuis fin août. J'étais à Lyon auparavant... Je n'ai pas encore trop de clients, il faut que je me fasse connaître... Je pensais m'installer à Romans, mais finalement, un joli bourg comme Hauterives, ce n'est pas mal non plus, et puis, j'ai ma tante qui habite le village : Mme Chantal Fougères, qui autrefois était correspondante locale pour l'Impartial. Lorsque je travaille, et que j'ai la garde de mon fils, Chantal veut bien s'en occuper.
— Et vous soupçonnez un de vos clients, c'est ça ?
— A vrai dire, la seule visiteuse de la matinée : une grande femme brune, qui portait un imperméable clair, un foulard blanc et des lunettes de soleil, et un sac de grande marque au bras. Mais sans aucun doute, le nom et l'adresse qu'elle a déclinés sont faux...
— Qu'est-ce qui vous fait penser cela ?
— Eh bien, en fait, elle m'a dit s'appeler... Alice Cheval...
— Évidemment... convint le gendarme.
— Comme vous pensez, j'ai tenté de l'interroger du mieux que j'ai pu : par exemple, je lui ai demandé de me répéter son adresse, et alors, elle a tiré un bout de papier de son sac, et m'a répondu, comme si elle déchiffrait : « rue du palais, à Romans-sur-Isère.»
— Sauf erreur, dit le gendarme, il n'y a pas de rue du Palais à Romans-sur-Isère...Peut-être a-t-elle voulu dire, rue du Palais à Hauterives...
— C'est ce que je me suis dit. Et comme je le lui suggérais, elle a répondu : « non, non, à Romans-sur-Isère...
— On n'est guère avancés, avec ça...
— Comme vous dites ! Alors, j'ai décidé de venir à la gendarmerie : j'ai pris ma voiture, mais elle s'est mise à ronfler comme un bolide des 24 heures du Mans. En me baissant, j'ai vu que le pot d'échappement avait disparu...
— Si ça se trouve, reprit Zac, cette femme et ceux qui ont découpé mon pot catalytique font partie d'une même bande. Vous avouerez que ce n'est pas de chance quand même...
— C'est le moins que l'on puisse dire, M. Level...
Le gendarme pianotait sur son ordinateur :
—Il y a actuellement des réseaux qui sévissent sur Roussillon, Châteauneuf-de-Galaure et Hauterives. Ils sont bien organisés, mais le GIGN vient justement de démanteler un trafic de pots catalytiques en PACA.
— Vous voulez dire que je pourrais espérer récupérer téléphone et pot ?
— On ne peut évidemment rien promettre, mais nous y travaillons...
Zac soupira profondément. Une grande fatigue lui sembla s'abattre sur ses épaules. Son modeste chiffre d’affaires laborieusement réalisé allait se matérialiser en téléphone et pot d’échappement ! Et bien évidemment, sa voiture, ancienne, mais pas encore de collection, n’était plus assurée tous risques… « Et Dario qui vient pour les vacances de Toussaint… Bon, ben, c’est râpé pour les parcs d’attraction en tous genres… Mais j’irai voir les dames de l’Office de tourisme… Elles vont bien me dénicher des activités gratuites ou pas trop chères...»
Zac s’extirpa de ses supputations moroses.
— De toute façon, je ne me fais pas trop d'illusion... Ce qui m'embête, c'est pour mes contacts... Je me sers de mon mobile comme support professionnel... C'est un peu... gênant, vous voyez...
—Vous savez, monsieur, vos contacts n'intéressent pas les voleurs. Généralement, ils essaient de se faire quatre sous en revendant les appareils. Vous avez les références du vôtre?
De sa sacoche, Zac extirpa la boîte et les documents du téléphone.
— Cette femme, dit-il comme pour lui-même, avec son sac de prix, et ses bonnes manières, je n'aurais jamais pensé qu'elle me fasse un coup pareil...
— Donc, elle est venue pour une consultation ? C'est ça ?
— Oui. En fait, j'ai eu un peu de mal à démêler ce qu'elle souhaitait entreprendre comme démarches. Elle me parlait d'une maison où elle travaillait : il y avait un problème avec son patron. Il y avait aussi sa fille, qui lui donnait du souci. La demoiselle n'est pas malade, mais il faut s'en occuper tout le temps. Cette femme s'exprimait avec un petit accent étranger. J'ai d'abord pensé que c'était une employée de maison. Elle me l'a confirmé... De fait, elle n'avait pas trop le look, enfin, ce n'est pas que les employées de maison aient un look spécial, mais enfin, comment je pourrais dire... Elle avait un côté luxueux, assez ostentatoire... Finalement, je l'aurais plus vue... Artiste… Comédienne… Enfin, vous voyez… Ou encore… Escort girl !
— Toutes les femmes qui arborent des accessoires de luxe ne font pas forcément commerce de leurs charmes... Et puis d'ailleurs, son sac de luxe, c'était peut-être un faux... Il faut se garder des a priori...Vous n’imaginez pas l’ampleur du marché de la contrefaçon...
— Oui, oui, vous avez absolument raison... C'est vrai qu'il faut se méfier des conclusions hâtives...
— Et quand vous êtes-vous aperçu de la disparition de votre téléphone ?
— Eh bien en fait, à un moment, cette femme a sorti son portefeuille de son sac et l'a posé sur mon bureau. Elle m'a demandé combien elle me devait, je lui ai dit qu'il fallait d'abord qu'elle m'expose précisément le but de sa visite, et que j'ouvre un dossier avant d'enquêter...
— Donc, la raison de sa visite, c'était au sujet du comportement de son employeur, c'est ça ? Quelle est son activité ?
— Elle a été très évasive... Elle a dit qu'il organisait des sortes de séminaires...
— Elle a parlé de séminaires ?
— En fait, elle a mentionné des réunions de personnes pour des raisons professionnelles, mais n'a pas plus expliqué de quoi il s'agissait. Elle avait des soupçons sur la manière de travailler de son patron, mais elle n'a pas voulu me dire quel était son métier, et à quel endroit il exerçait. Elle ne voulait pas aller à la police. Elle m'a demandé le prix de mes services. Soudain, elle a regardé au dehors, a paru affolée. Elle s'est levée précipitamment, a ramassé son sac et son portefeuille et elle est sortie en disant qu'elle reviendrait. C'est un bon quart d'heure plus tard, lorsque j'ai voulu passer un coup de fil que j'ai compris qu'elle avait embarqué avec son portefeuille, mon téléphone qui était posé sur le bureau. Peut-être ne l'a-t-elle pas fait sciemment...
— En ce cas, elle vous rapportera peut-être l'objet...
— En attendant, j'ai désactivé la puce de mon téléphone.
— Alors, on ne pourra pas le tracer...
— Je dois vous dire aussi que, après qu'elle soit sortie, le temps d'allumer une cigarette, j'ai voulu voir où allait cette femme qui m'intriguait, mais elle avait disparu ! Une voiture sombre, une vieille Skoda peut-être, tournait le coin de la place pour rejoindre le quai de la Galaure, je pense qu'il devait y avoir quelqu'un qui l'attendait... J'ai couru vers la rivière pour voir quelle direction prenait la voiture, mais elle aussi avait disparu...
— Une Skoda noir, ancien modèle, dites-vous… Vous avez l’œil, ma foi…
— Je suis passionné de vieilles carrosseries...
— Bien, je vais enregistrer votre plainte. Nous vous tiendrons au courant.
— Quand même, je me disais, ils sont bien renseignés, ces gens qui piquent les pots catalytiques... Il doit bien y avoir des indics qui repèrent, non ?
Le gendarme cessa de transcrire la plainte, leva sur Zac un regard aigu :
— M. Level, permettez-moi de vous donner un petit conseil. Je comprends bien que votre activité vous porte à l'investigation, mais je ne saurais trop vous recommander de vous montrer prudent. Ces malfrats ne sont pas des enfants de chœur ! Ce sont le plus souvent des bandes organisées, avec des ramifications diverses... qui peuvent toucher d'autres secteurs que le vol, voyez-vous...
— Merci du conseil. Mais, à l'école de détectives où je me suis formé, j'ai appris à enquêter très discrètement...
— Sans aucun doute... Mais je vous disais tout à l'heure que le GIGN s'occupe de cette affaire de pots catalytiques, comprenez-vous ? — Mais certainement, M. le gendarme ! J'ai bien compris qu'il y a danger à approcher de trop près ce type de gangs... Et d'ailleurs...
Mais le gendarme jetait un coup d’œil par la fenêtre et se levait :
— Excusez-moi, M. Level...
Il appela sa consœur, qui entra dans le bureau :
— Emma, pourras-tu prendre en charge madame Demoine ?
Zac ne fut pas sans apprécier la plastique parfaite de la belle gendarme brune qui le salua et à laquelle il rendit son bonjour. On a beau être encore accro à la mère de son enfant, on n'en a pas moins besoin d'admirer ce qui est admirable.
« Je ne sais pas où ils les recrutent... supputa Zac. « Peut-être bien à l'Agence Elite... »
Mais les deux militaires se détournaient à présent du détective, pour observer le manège d'une femme qui au portail, essayait contre le vent d'affermir un grand chapeau de paille sur ses boucles blanches.
— Tu pourras raccompagner Mme Demoine à Hauterives ? soupira le gendarme.
—Mais oui, Léo, pas de souci. On va patrouiller du côté de la Galaure, on la déposera en ville.
Une fois le ventail ouvert, l'arrivante se dirigea aussi vite qu'elle le put vers l'entrée du bureau. Zac se souvint avoir déjà aperçu cette personne originale dans les rues de Hauterives et d'ailleurs, tante Chantal avait évoqué le joli brin de voix de la dame : elle se produisait de temps à autre dans les cafés du bourg, possédait tout un répertoire de chansons réalistes du siècle dernier, de Fréhel à Mistinguett.
A peine fut-elle entrée, qu’elle se précipita vers la jeune femme :
— Madame la gendarme, je l'ai encore vue...
Et entendue aussi... Ah... Je n'en peux plus...
Le gendarme lui désigna une chaise.
— Vous n'êtes pas venue à pied, quand même ?
— Oh ! Non ! Non ! Pensez-vous ! J'ai fait du stop ! Vous comprenez, ça ne pouvait pas attendre !
Les représentants de la maréchaussée échangèrent un regard résigné:
— Alors, que s'est-il passé cette fois-ci ?
— Vous pensez que je radote, n'est-ce pas ?
D'accord, ça m'arrive... Mais là, je l'ai fort bien entendue...
Et d'une jolie voix flûtée, madame Demoine se lança :
« Aux marches du palais, aux marches du palais, y'a une tant belle fille lon la, y'a une tant belle fille...
La gendarme l'arrêta d'un geste :
— Toujours la même rengaine, alors ?
— Eh bien oui ! Mais cette fois, ce n'était pas aux abords du Palais Idéal du facteur Cheval, c'était sur la rive de la Galaure, vers la passerelle rouge. Vous pensez bien que je me suis précipitée ! La lune éclairait bien ! Et je l'ai vue ! Comme je vous vois ! Enfin... Un peu plus floue, quand même... »
— Madame Demoine, s'effara le gendarme, vous vous promenez seule la nuit ? Quelle heure était-il ?
— Est-ce que je sais ? Quand il y a la pleine lune, je ne peux pas dormir ! Ce n'est pas un crime quand même ! Peut-être deux heures et demie, oui, sûrement, même ! Et comme j'allais m'engager sur la passerelle, j'ai vu deux individus qui s'enfuyaient depuis la petite place près de la rue Malraux, en direction du quai de la Galaure. Je me suis cachée dans l'ombre d'un arbre et je n'ai plus bougé !
— Ces hommes, c'était peut-être les voleurs de pots d'échappement ! s'écria Zac.
— Ah ! On vous a volé votre pot d'échappement ? Mais alors, votre pétrolette doit faire un bruit d'enfer ! J'ai toujours rêvé de faire un tour sur ce genre d'engin, comme Audrey Hepburn dans « vacances romaines » !
— C'est que, madame, je ne sais pas si je...
— Sûrement pas ! coupa le gendarme. M. Level n'a pas de casque supplémentaire pour ce faire, et d'ailleurs, mes collègues vont vous raccompagner, madame. A l'avenir, soyez plus prudente ! Moins de stop ou de promenades nocturnes, n'est-ce pas !
— Mais que voulez-vous qu'il m'arrive ? A mon âge ! Jeune homme, je ne voudrais pas être venue ici pour rien, il faut que vous sachiez ce qu'il se passe dans ce bon village de Hauterives ! Je vous prie de me croire ! La Dame Blanche est revenue ! Si ! Si ! C'est très sérieux, je vous dis ! Je l'ai vue cette nuit ! De mes yeux vue ! Étendue sur la berge de la rivière, toute blanche ! Mais...
D'un geste, Mme Demoine engagea son auditoire à se rapprocher, et après un regard suspicieux au dehors :
— Il y avait du sang... reprit-elle mezzo voce.
— Où ça du sang ?
— Mais je viens de vous le dire, sur la rive ! dans les galets ! Justement à l'endroit où la dame blanche était étendue un moment plus tôt ! Mais elle n'était plus là ! Elle avait disparu ! Il ne restait que du sang... des taches... Et … Un bouquet de pervenches ! D'un joli bleu fané ! Comme dans la chanson ! D'ailleurs, regardez ! Je vous l'ai apporté !
La dame extirpa de la poche d'un vaste tablier de jardinier, un petit bouquet qui présentait de fait, quelques taches rougeâtres.
La gendarme le prit avec précaution et le déposa sur le bureau.
— Ah ! Et aussi, il y avait une brique en verre...
— Une brique en verre...
— Oui ! Vous savez bien ! Comme celles qui composent le mur de Jean-Michel Othoniel, à l'expo du Palais Idéal ! Mais quand je suis arrivée sur la berge, la brique en verre n'y était plus ! Il faut dire que c'était une très jolie brique en verre ! Et puis, je ne marche plus si vite à présent... Vous êtes allé la voir, M. le gendarme, l'expo de M. Othoniel ?
—Pas encore, soupira le militaire. Il se trouve que nous sommes bien occupés, en ce moment à la brigade, voyez-vous, Mme Demoine...
— Ah ! Je comprends ça, jeune homme ! acquiesça gravement la dame. Mais quand même, ce cadavre, il va bien falloir le retrouver, ne pensez-vous pas ?
— Encore une fois, ne tirons pas de déductions hâtives...
— C'est que la Dame Blanche, elle ne bougeait plus, couchée comme ça, avec les mains sur la poitrine, dans sa longue robe blanche qui avait aussi des taches de sang, comme un gisant, avec ses longs cheveux bruns tout autour de son pâle visage... A quelques mètres seulement de la passerelle rouge, vous voyez ? Est-ce que vous allez entreprendre une enquête ?
Le gendarme réfléchit quelques secondes, et avec un regard vers sa collègue :
— Nous allons en avertir notre adjudant-chef. Nous vous tiendrons au courant, Mme Demoine. Merci de vous être dérangée... Au revoir, M. Level. Si nous avons du nouveau, nous vous préviendrons.
Lorsque la chanteuse des rues et le détective furent sortis, le gendarme Léo Graziani retint sa consœur :
— Emma, si tu veux bien, lorsque tu auras déposé Mme Demoine, va faire un tour sur le bord de la Galaure. Il y a les travaux, mais... on peut peut-être trouver quelque chose. Je préviens l'adjudant-chef... Ça fait tout de même deux témoins qui nous parlent de cette dame blanche. Mme Demoine vit un peu dans son monde, d'accord, mais le Directeur du Palais Idéal, lui, est bien ancré dans la réalité !
Après son dépôt de plainte, Zac estima qu'il avait bien mérité de savoureuses ravioles aux cèpes et un demi bien frais. Mais avant cela, il aurait aimé en savoir un peu plus, sur cette étrange dame blanche étendue au bord de la Galaure. A quel endroit exactement ? Ah ! Oui ! Vers la passerelle rouge...
Se pouvait-il que l'évènement, s'il n'existait pas que dans l'esprit de la chanteuse des rues, eût un rapport avec sa voleuse de téléphone ?
Rien ne le laissait penser, mais cependant, Hauterives étant un bourg tranquille, et cette série de faits inhabituels en deux jours, n'était pas forcément une coïncidence. D'ailleurs, se dit Zac, comme le proclamait Sherlock
Holmes : « je ne crois pas aux coïncidences... »
Mais où trouver Mme Demoine ? Tante Chantal devait certainement le savoir... Oui, mais Mme Fougères était à l’Église Saint-Germain pour aider ses amies à préparer le marché de Noël des Crèches, et il répugnait à la déranger, surtout à l'heure de midi. Rêveur, il gara la vespa sous les platanes de la place, et se proposa d’aller chez Gilbert. Le resto proposait justement ce dont il avait envie. Il compta mentalement le montant approximatif de l'addition. Sa fringale n'entamerait pas le projet d'achat de baskets pour Dario !
Comme il entrait, il fut accueilli par une voix féminine mélodieuse interprétant « la complainte de la butte ».
« Tiens ! Mme Demoine ... L'univers est avec moi !»
Le restaurant était bondé, mais le patron lui proposa d'attendre une table qui se libérait. Zac prit sa bière au bar, et comme les autres convives, applaudit avec chaleur la fin de la chanson réaliste. Marianne Demoine salua gracieusement et passa entre les tables avec son chapeau de paille. Dans un grand sourire, la dame héla Zac de loin :
— Ah ! L'homme à la vespa ! Les gendarmes vous ont donc libéré ?
Quelques consommateurs dévisagèrent Zac avec défiance ou curiosité, tandis que l'intéressé éclatait de rire. Il invita Mme Demoine à boire un verre et glissa quelques pièces dans le chapeau.
— Vous avez une voix merveilleuse ! Voulez-vous partager mon déjeuner, Mme Demoine ?
— C'est bien aimable, mon garçon. Mais j'ai rendez-vous avec une amie. Mais une bière fraîche, je ne dis pas non ! Merci bien !
Ils allèrent s'asseoir et après une gorgée, ils évoquèrent leur visite respective aux gendarmes.
— Ils sont bien gentils, ces jeunes gens, mais ils me prennent un peu pour une vieille folle...
— Mais je ne pense pas, madame, il me semble qu'ils ont écouté vos propos avec beaucoup d'attention...
Mme Demoine haussa les épaules.
— Peut-être... Ils ont gardé mon bouquet de pervenches séchées, en tout cas... Et vous savez, ce que j'ai raconté, je l'ai vraiment vu !
— Je vous crois, madame !
— Appelez-moi Marianne !
— Va pour Marianne ! Moi, c'est Zac... Zac Level, je suis le neveu de Mme Fougères, je ne sais pas si vous la connaissez... J'ai ouvert une agence de détective privé à côté du magasin de location de vélos ...
— Ah ! Ça alors ! Comment va cette bonne Chantal ! En voilà une qui me croirait sur parole, si je lui racontais ce que j'ai vu !
C'était une très bonne journaliste d'investigation ! Vous avez de qui tenir, alors !
— Oh ! Vous savez, je débute, mais j'aime ce que je fais. Et Chantal croit en moi ! Mais dites-moi, Marianne, pouvez-vous me dire ce que vous avez vu exactement, cette nuit ? C'est bien étrange, cette dame blanche !
— N'est-ce pas ? Oh ! Mais vous savez, c'est à demi étonnant ! Hauterives est plein de fantômes ! Il y eut autrefois, un seigneur du château féodal très désagréable qui embêtait beaucoup ses vassaux !
— Et... on peut le voir ce château ?
— Certes, mais il n'en reste que des ruines, contre la colline. Je vous aurais bien accompagné, mais je n'ai plus mes jambes de vingt ans... Eh bien, il se dit que la dame blanche descend par la rue du château, passe sous la vieille tour, et va se promener au bord de la Galaure...
— Vraiment...