Âme solitaire - Albert Lozeau - E-Book

Âme solitaire E-Book

Albert Lozeau

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Beschreibung

Extrait : "L'ATTENTE - Mon cœur est maintenant ouvert comme une porte, Il vous attend, ma Bien-Aimé : y viendrez-vous ? Que vous veniez demain ou plus tard, que m'importe ! Le jour, lointain ou proche, en sera-t-il moins doux ? Ce n'est point un vain mal que celui de l'attente ; Il conserve nouveau le plus ancien désir. L'inattendu bonheur dont la venue enchante Passe ; à peine en a--ton su goûter le plaisir,"

À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN

Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de qualité de grands livres de la littérature classique mais également des livres rares en partenariat avec la BNF. Beaucoup de soins sont apportés à ces versions ebook pour éviter les fautes que l'on trouve trop souvent dans des versions numériques de ces textes.

LIGARAN propose des grands classiques dans les domaines suivants :

• Livres rares
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• Poésies
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• Jeunesse
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Seitenzahl: 108

Veröffentlichungsjahr: 2015

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À MON PÈRE ET À MA MÈRE

Note de l’éditeur

M. Albert Lozeau est un jeune poète de Montréal, dont nous sommes heureux de présenter les vers au public lettré. Rompant avec la tradition habituelle des écrivains canadiens, il ne s’est pas inspiré d’un sentiment exclusivement religieux et national, comme celui que l’on retrouve dans Crèmazie et ses disciples. « La maladie l’a ramené chez lui », selon le mot de Maine de Biran, et pour juger sainement les vers qu’il écrivit pendant de dures années d’épreuve et de souffrances physiques, il faut se reporter à ses propres aveux. Ils permettent de comprendre le talent particulier de M. Lozeau mieux que tous les commentaires, et sous l’auteur de trouver l’homme.

« Je suis, dit-il, un ignorant. Je ne sais pas ma langue. Je balbutie en vers assez harmonieux (j’adore la musique), souples et lâches. Je n’ai pas d’idées. Je rêve et ne pense pas. J’imagine, je n’observe pas. J’exprime des sentiments que je ressentirais. Il m’est parfois arrivé d’en exprimer que j’ai ressentis. J’ai vu des arbres à travers des fenêtres. J’écris des sonnets de préférence, parce que j’ai l’haleine assez courte. Je suis absolument dénué de sens critique et ne saurais distinguer les meilleures de mes pièces des pires. Je suis irrégulier comme pas un, sincère et contradictoire, sans ambition et sans orgueil. Je suis resté neuf ans les pieds à la même hauteur que la tête : ça m’a enseigné l’humilité. J’ai rimé pour tuer le temps, qui me tuait par revanche… Je suis particulièrement abondant en faiblesses. C’est que je n’ai pas fait mon cours classique, que je ne sais pas le latin dont la connaissance est indispensable pour bien écrire le français. J’achevais un cours commercial, quand la maladie m’a jeté sur le dos. Je ne connaissais absolument rien à la littérature française, et c’est couché et très malade que j’ai appris l’existence de Chénier, Hugo, Lamartine, Musset, Gautrie, Leconte de Lisle, et de la plupart de vos grands maîtres. Je n’ai pu les goûter qu’à peine, manquant tout à fait de préparation. C’est par des bouquins que me passaient mes amis, que je me suis mis au courant et que le mal de rimer m’a pris. Je dis le mal de rimer, mais pour moi ce n’était pas un mal, c’était plutôt un bien, qui m’a, je le crois sincèrement, arraché au désespoir et à la mort. »

Ce sont donc bien réellement les rêves et les confidences d’une « Âme solitaire » que nous publions. Et nous croyons que l’œuvre de M. Lozeau comme celle de son émule Nelligan, trop tôt enlevé à la sympathie de ses amis, marque une orientation nouvelle de la jeune littérature canadienne française.

À Sir Wilfrid Laurier

Premier ministre du Canada

Si l’affection filiale ne me faisait un devoir très doux et dont l’exécution fut longtemps rêvée, d’offrir ces premiers essais poétiques à mon père et à ma mère, c’est à vous que j’en ferais hommage.

Sans vous ils seraient peut-être restés épars dans les colonnes des journaux et je ne connaîtrais point le dangereux honneur de les voir réunis en volume. Que votre modestie me pardonne de dire ici publiquement de votre main droite ce que votre main gauche ignore, et d’y joindre le témoignage de mon admiration et de ma gratitude.

A.L.

En regardant le ciel, en poursuivant mon rêve,
Qui vient, fuit et revient comme un flot sur la grève,
En voyant un oiseau rayer l’horizon bleu,
Une saison passer en nous disant adieu,
J’écris ces vers, avec pour compagne, à la brune,
Ma lampe, qui me fait de petits clairs de lune,
Ou le matin, l’esprit reposé du sommeil,
Lorsque par ma croisée entre un peu de soleil.
J’écoute aller le temps de sa marche éternelle,
Et je le suis comme un oiseau blessé d’une aile.
Je songe à mon amie et je chante, tout bas,
Sachant ainsi qu’Arvers, qu’on ne comprendrait pas…
À un poète
Toute ma clarté vient d’un bleu rayon d’espoir,
Et toute ma chanson, teinte d’un peu de soir,
Bien aisément tiendrait dans une demi-gamme.
L’immensité des cœurs humains aux grandes voix !
Moi, je ne suis qu’un tout petit oiseau des bois,
Et j’ai Musset pour maître et pour Muse la femme.
Je prends ma part des pleurs et du rire des deux,
Et, des matins bruyants aux soirs silencieux,
Je vis ce que le jour m’abandonne de rêve ;
Comme le papillon qui va de fleur en fleur,
Je vais, amant du rythme, épris de la couleur,
De la chimère blonde à l’illusion brève.
Parfois, de ce voyage, on revient le cœur las ;
Mais ayant tant frôlé de roses, de lilas,
On en garde toujours un parfum qui demeure ;
Car le rêve après lui nous laisse un souvenir
Que ne peuvent jamais entièrement ternir
Les longs ennuis du jour et les regrets de l’heure.
Poète, toi qui sais ce qu’une rime vaut,
Lorsqu’elle est à sa place, et quel plaisir nouveau,
Quoiqu’il puisse être vieux après trente minutes,
C’est d’agencer des mois usés qui font des vers,
Pourvu qu’ils sentent bon l’air pur et les bois verts,
Qu’ils éclatent en cors ou qu’ils sifflent en flûtes,
Lis les miens seulement avec les yeux du cœur ;
Épargne-leur l’affront d’un sourire moqueur :
Ils sont légers d’esprit, mais lourds de gratitude ;
Moi, je n’ai point passé par la France, et je n’ai
De Cyrano pas même un petit bout du nez ;
Et le mal m’a tenu loin des salles d’étude…
Les Heures d’Amour

Le Désir – Le Regret

Le Désir
L’attente
Mon cœur est maintenant ouvert comme une porte.
Il vous attend, ma Bien-Aimée : y viendrez-vous ?
Que vous veniez demain ou plus tard, que m’importe !
Le jour, lointain ou proche, en sera-t-il moins doux ?
Ce n’est point un vain mal que celui de l’attente ;
Il conserve nouveau le plus ancien désir.
L’inattendu bonheur dont la venue enchante
Passe ; à peine en a-t-on su goûter le plaisir,
Et l’on s’en va criant l’inanité des choses,
Pour ne s’être jamais aux choses préparé :
Insensé, qui repousse un frais bouquet de roses,
Accusant le parfum qu’il n’a pas respiré.
Une heure seulement de pure jouissance,
Pourvu que Dieu m’accorde un quart de siècle entier
De rêve intérieur et de jeune espérance,
Pour méditer sur elle et pour l’étudier,
Pour ordonner l’instant et régler la seconde,
Pour que rien ne se perde et que tout, soit joui
Jusqu’à la moindre miette, et que le temps du monde
S’envole, n’emportant que de l’évanoui !
Une heure suffira. J’aurai vécu ma vie
Aussi pleine qu’un fleuve au large de son cours,
L’ayant d’une heure, mieux que de jours fous, emplie ;
D’une heure, essence et fruit substantiel des jours !
Mon cœur est maintenant ouvert comme une porte.
Il vous attend, ma Bien-Aimée : y viendrez-vous ?
Que vous veniez demain ou plus tard, il n’importe !
Mon attente d’amour fera de telle sorte
Que mon lointain bonheur en deviendra plus doux.
Intimité
En attendant le jour où vous viendrez à moi,
Les regards pleins d’amour, de pudeur et de foi,
Je rêve à tous les mots futurs de votre bouche,
Qui sembleront un air de musique qui touche
Et dont je goûterai le charme à vos genoux…
Et ce rêve m’est cher comme un baiser de vous !
Votre beauté saura m’être indulgente et bonne,
Et vos lèvres auront le goût des fruits d’automne !
Par les longs soirs d’hiver, sous la lampe qui luit,
Douce, vous resterez près de moi, sans ennui,
Tandis que feuilletant les pages d’un vieux livre,
Dans les poètes morts je m’écouterai vivre ;
Ou que, songeant depuis des heures, revenu
D’un voyage lointain en pays inconnu,
Heureux, j’apercevrai, sereine et chaste ivresse,
À mon côté veillant, la fidèle tendresse !
Et notre amour sera comme un beau jour de mai,
Calme, plein de soleil, joyeux et parfumé !
Et nous vivrons ainsi, dans une paix profonde,
Isolés du vain bruit dont s’étourdit le monde,
Seuls comme deux amants qui n’ont besoin entre eux
Que de se regarder, pour s’aimer, dans les yeux !
Bonheur rêvé
J’aurai pour vous aimer des tendresses nouvelles,
Des sourires plus doux des lèvres et des yeux
Que vous enfermerez dans votre cœur joyeux,
Comme de blancs oiseaux qu’on prive de leurs ailes.
Et vous aurez pour moi des grâces maternelles,
Des baisers longs, divins, aux frôlements soyeux,
Et des caresses d’ange apprises dans les cieux,
Avant votre venue en nos plaines mortelles.
Nous irons l’un et l’autre en l’azur infini
D’un rêve intérieur que n’aura pas terni
La réalité sombre au malheur condamnée.
Vous me direz : Mon frère, et je dirai : Ma sœur,
En savourant l’oubli du mal et la douceur
D’être l’âme qui va par la vôtre menée.
Envoi
Ce soir, je vous envoie une de mes pensées.
Prenez-la doucement entre vos doigts jolis,
Vos longs doigts déliés, caressants et polis,
Et puis, réchauffez-la dans vos deux mains pressées.
Parmi d’autres aux tons jaunis, toutes froissées,
Qui naissent même avec aux pétales des plis,
Les cœurs mornes, déjà de vieillesse remplis,
Je l’ai trouvée éclose et triste aux délaissées.
Pour vivre, elle a besoin de timides chaleurs ;
Elle est frileuse et pâle et fleur entre les fleurs ;
Pour elle, je mendie un rayon qu’elle espère.
Faites-la seulement approcher vos doux yeux,
Afin qu’elle s’éveille à la douceur des cieux
Et boive du soleil où bat votre paupière.
Causerie féminine
Aujourd’hui, le salon est plein de jeunes filles
Aux yeux noirs, aux yeux gris, aux yeux bleus, et gentilles
Elles causent très haut de bijoux enchantés ;
Elles causent surtout de puérilités.
De cette foule monte un parfum de fleurs mortes,
Tiède et trop fort, fait d’essences de toutes sortes.
Elles causent, – leurs cœurs ne sont pas indulgents –
Et médisent avec plaisir des jeunes gens.
Elles se font des compliments sur leurs toilettes,
Et projettent toujours de nouvelles emplettes,
Et mutuellement se disent des secrets
Que chacune répète à l’autre, une heure après.
Le ton s’élève… On cause… Est-ce qu’on va se battre ?
Elles sont bien quatorze ou quinze… Elles sont quatre.
Petites filles
Ces âmes de vingt ans, ah ! ces petites filles !
Le mieux qu’on en peut dire est qu’elles sont gentilles.
Elles marchent si bien dans leur robe à longs plis ;
Leurs gestes de couvent se sont vite assouplis :
Ils volent, comme les dentelles, ils ondulent.
Leurs lèvres roses sont si drôles, qui modulent :
« Ma chère », avec le goût de mordre, sans vouloir.
Leur pose s’ennoblit d’un peu de nonchaloir.
Elles savent toucher le piano, la harpe,
Et se draper du vol gracieux d’une écharpe.
Elles connaissent tout de l’artificiel,
Mais elles ne sauront jamais aimer qu’au ciel.
Le secret des yeux
I
Si j’aime à regarder vos beaux yeux d’indulgence,
Vos yeux sombres qu’éclaire un feu d’intelligence,
Si parfois j’exagère et, jusqu’à vous gêner,
Je laisse dans vos yeux les miens se promener,
Et si même quand vous baissez le front, j’insiste,
Ah ! ne m’en veuillez pas, c’est pur amour d’artiste !
Entre deux rangs de cils, j’ai trouvé la beauté !
Dans l’ombre, comme au ciel, j’ai trouvé la clarté !
Les papillons obscurs en rond volent aux lampes ;
Homme, je cherche la lumière auprès des tempes,
Dans les yeux doux, pleins de sourire ou de langueur,
Où peut-être, à-la fin, j’aurai brûlé mon cœur !
II
Je ne vois jamais rien dans vos yeux de précis.
Il y flotte du rêve à l’état indécis.
Comme un plongeur, sous l’onde immense qui déferle,
Aventure ses jours pour trouver une perle,
Je cherche, dans vos yeux profonds comme la mer,
Ce qui ferait mon cœur joyeux, ou bien amer.
Votre intime pensée, intégrale, fidèle,
Exacte, lumineuse, où donc se cache-t-elle ?
Oh ! le rare joyau, mystérieux, hélas !
Se promettant toujours et ne se donnant pas !
Et qui, lorsqu’on l’a cru saisir avec prudence,
Trompe l’attention et trahit l’évidence !
III
Vous lisez tous les vers que j’écris, en pensant :
Hélas ! où suis-je, moi, si c’est là ce qu’il sent ?
J’ai les yeux bleus : ils sont gris ou noirs ceux qu’il chante…
– Vous devenez beaucoup jalouse, un peu méchante.
Pour ne pas me valoir le titre d’ennuyeux,
Il me faut bien changer la couleur de vos yeux,
Comme mes sentiments, renouveler mes larmes,
Pour les chanter, prêter à d’autres tous vos charmes,–
Car il paraît qu’ils sont les vôtres trop souvent –
Et, surtout, pour sembler un poète savant,
Revêtir tour à tour toutes les sortes d’âmes…
Les poètes si doux font bien souffrir les femmes.
IV
Vos yeux… Je baiserai vos yeux sans achever ;
Fort d’un si grand amour, on ose tout braver.
Vos mains… Je presserai vos mains musiciennes,