Ariion XXIII - Charley Brindley - E-Book

Ariion XXIII E-Book

Charley Brindley

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Ariion XXIII

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Ariion XXIII

Charley Brindley

[email protected]

www.charleybrindley.com

Traduit par Ishak Lamia

Édité par

Karen Boston

Website https://bit.ly/2rJDq3f

Couverture (recto)

Charley Brindley

Couverture (verso)

Niki Vukadinova

www.niki-vukadinova.com

Publié par Andalusia Publishing

andalusiapublishing.com

© 2019 by Charley Brindley Tous droits réservés

Première édition en langue anglaise : février 2019

Ce livre est dédié à Knoxx Benjamin Combs

 

Table des matières

Chapitre Un

Chapitre Deux

Chapitre Trois

Chapitre Quatre

Chapitre Cinq

Chapitre Six

Chapitre Sept

Chapitre Huit

Chapitre Neuf

Chapitre Dix

Chapitre Onze

Chapitre Douze

Chapitre Treize

Chapitre Quatorze

Chapitre Quinze

Chapitre Seize

Chapitre Dix-Sept

 

 

 

 

 

 

Chapitre Un

 

 

 

 

Deux lycéennes longeaient Park Avenue, courant dans la direction de la gare Grand Central. Elles n’arrêtaient pas de regarder derrière elles, avant de tourner dans la 34ème rue, enjambant les flaques d'eau de pluie laissées par l’orage de cet après-midi

- Arrêtez, mesdemoiselles !

Le patrouilleur de la police de New York, portant encore son ciré jaune, barra la route aux deux adolescentes.

- Est-ce que… Est-ce qu’il y a un problème, monsieur l’officier ?

Le patrouilleur inclina sa tête vers son épaule droite et parla dans son micro.

- Bonjour, Pénélope. Ici, sept-quatorze. Donne-moi la description de ces deux filles ados ?

La voix de la répartitrice sortit du micro.

- La numéro un, caucasienne, environ 1m45, cheveux bruns, chemisier vermillon et jean bleu. 

On entendit des statiques gloussant comme un poulet étranglé.

Les deux filles se regardèrent.

L’officier cliqua sur son micro.

- Vermillon ? 

- Rouge ! 

- Ah ! 

La fille numéro un, baissa ses yeux sur son chemisier rouge et son jean bleu.

- La numéro deux, reprit la répartitrice, Afro-américaine, 1m46, cheveux mi-longs, un haut chartreuse — vert pour toi — et un pantalon rose.

- Je les ai, dit l’officier dans le micro.

- On n’a pas besoin de l’afro-américaine, amène-nous seulement la fille blanche.

- Bien reçu, Pénélope.

 

* * * * *

 

Cameron s’arrêta devant une poubelle sur la 42ème rue, près de Times Square, à quelques pas de la banque de New York. Il fouilla dans les déchets trempés, dans l’espoir de trouver un journal. Ses cheveux fins et sa barbe touffue n’avaient pas été coupé depuis des mois. Avec son apparence débraillée et son imperméable usé, la plupart des gens ne croyait pas qu’il avait trente-deux ans. Il faisait soixante ans et même plus. Son manteau usé fut un jour d’un marron riche, délavé depuis longtemps. Aujourd’hui, il était de la couleur de vieux tabac à priser, avec des taches dont on ne connaissait pas l’origine. La plupart des boutons avaient disparu et les poignets étaient en lambeaux.

Ayant enfin trouvé une vieille copie du New York Times, il le secoua pour décoller un mégot trempé et feuilleta les pages.

- Ah, super, murmura-t-il. La moitié des mots croisés n’a pas été résolue.

Un camion poubelle percuta le trottoir à côté de lui et fit crisser ses pneus en s’arrêtant. Un petit homme louche, portant un large uniforme bleu, sauta de l’arrière pour récupérer la poubelle. Mais il se figea sur place, la poubelle dans les mains.

Cameron le regarda. Il avait une tête de forme bizarre, pointue sur le dessus et large au niveau des mâchoires, rappelant à Cameron une semelle avec quelques brins de cheveux roux. Ne voyant pas l’homme bouger, Cameron se dit qu’il attendait sûrement qu’il jette son journal à la poubelle.

- Non, dit Cameron en reculant d’un pas. Je n’ai pas fini…

Un grand bruit métallique venant d’une boîte d’alarme fixée à l’avant du bâtiment de la banque l’interrompit. Il tourna brusquement la tête dans la direction de la banque, pour voir une personne portant une cagoule de ski noire traverser la porte en trombe et foncer dans sa direction. Il avait dans les mains une taie d’oreiller rembourrée et un pistolet.

L’homme brandit le pistolet argenté pour disperser les piétons, lui aussi portait un imperméable marron.

Cameron, hypnotisé, resta cloué sur place, en suivant du regard le voleur foncer sur lui. Un mouvement rapide avait attiré son attention. Il tourna la tête sur sa gauche pour voir l’éboueur faire demi-tour et se précipiter derrière le camion, en trainant la poubelle.

Tel un secondeur courant vers la ligne du but, le voleur attaqua Cameron sur le côté, le culbutant dans le caniveau. Le temps que Cameron se remette debout, le voleur avait disparu.

Un grand gardien armé sortit en titubant des portes battantes de la banque.

- Hé, où est-il passé ? cria-t-il en regardant méchamment autour de lui.

Du plus profond des entrailles du camion d’ordures, les freins hydrauliques grincèrent en raclant le trottoir. On entendit un grand boum ressemblant à un coup de pistolet. Cameron sursauta. L’éboueur en uniforme était arrivé au bout de la rue. Il murmura quelque chose et un homme bien habillé, ressemblant à un agent financier, sortit de derrière le camion en ajustant sa veste et en lissant ses longs cheveux blonds avant de rejoindre l’éboueur sur le trottoir.

- Arrêtez !

Le gardien de la banque musclé haletait.

- Arrêtez cet homme !

Cameron se demandait qui devait-il arrêter. Mais avant qu’il ne fasse un pas, l’éboueur et l’agent financier le renversèrent sur le ciment. L’un d’eux lui enfonça un genou dans le dos et l’autre lui tordit le bras sur le côté.

- Mais qu’est-ce que vous faites ? hurla Cameron, en s’étirant le cou pour voir les deux hommes.

- Ne le lâchez pas, les gars ! 

Le gardien s’arrêta, le souffle coupé. Il posa une main sur son genou et essaya de reprendre sa respiration tout en pointant son arme en direction de Cameron.

- Il vient de braquer la banque.

Le gardien s’agenouilla et appuya son pistolet tremblant sur la tempe de Cameron.

- Vous vous trompez… commença Cameron.

- On l’a vu, monsieur, dit l’éboueur.

- Oui, dit l’agent financier. Il a couru vers nous dès qu’il est sorti de la banque. 

- Je ne courrais pas…

- La ferme, espèce de camé !

Le gardien sortit des menottes de l’arrière de sa ceinture.

- Menottez-le pour moi, les gars ! Vous recevrez sûrement une grande récompense pour ça.

Une voiture de patrouille s’arrêta en faisant un dérapage. Alors que la sirène gémissait, deux flics traversèrent la foule en bousculant tous ceux qui se trouvaient sur leur chemin.

- J’ai attrapé le voleur, officiers !

Le gardien se remit debout avec beaucoup de mal. 

- Il n’a même pas eu le temps de courir 50 mètres.

- Très bien, dit le premier flic en baissant les yeux vers Cameron. À qui appartiennent ces menottes ?

- À moi, répondit le gardien.

- Retirez-les. Elles ne mobiliseraient même pas un chaton pour cinq minutes. 

- Oui, monsieur.

- Henry, dit le flic. Arrête de t’amuser avec ton téléphone et mets les menottes à ce mec. 

- À vos ordres, sergent Finnegan.

Caporal Henry cliqua pour prendre une autre photo, puis rangea son téléphone. Il ferma d’un coup sec une paire de menottes robustes autour des poignées de Cameron, pendant que l’agent financier et l’éboueur lui tenaient fermement les bras dans le dos.

Sergent Finnegan saisit Cameron par les biceps et le tira pour le remettre debout, alors que l’officier Henry procédait à la fouille à corps.

- Il n’a rien sur lui, Sergent, dit Henry.

Le sergent regarda le gardien.

- Combien il a volé ? 

- Je ne sais pas. Vous devez le demander à la caissière. 

- Quoi ? Il ne lui a pas tiré dessus ? 

Le flic arracha un bonnet à Cameron, passa ses doigts dans les trous des yeux. Il remarqua également une ouverture pour la bouche.

- Non, elle s’est piss…

Le gardien jeta un coup d’œil à la foule réunie, puis ajouta à voix basse :

- Je voulais dire qu’elle a eu un petit, euh…. 

Il se pencha plus près :

- …un petit incident. 

- J’ai compris. Ce n’est pas grave. Nous vérifierons avec le directeur de la banque. Henry, embarque ce salaud à l’arrière de la voiture de patrouille.

- Dois-je lui lire ses droits, sergent Finnegan ? demanda l’officier Henry en serrant fort le bras de Cameron.

- Ouais, bien sûr, fais-toi plaisir.

- Hé ! Monsieur l’officier ! appela quelqu’un.

L’officier Henry, le sergent Finnegan et Cameron se tournèrent tous les trois vers l’homme qui descendait de la cabine du camion-poubelle. Il portait le même uniforme bleu que l’éboueur. Son nez de travers et ses oreilles en chou-fleur rappelaient à Cameron un boxeur qui s’était pris trop de coups de poings dans la figure.

- Est-ce que vous voulez bien bouger votre gyrophare ? dit le chauffeur du camion. Je dois reprendre ma ronde.

Sergent Finnegan balaya du regard la foule, puis regarda dans la direction de la banque. Il fixa le camion-poubelle un moment puis dit :

- Je crois que c’est bon, nous avons le gars. Henry, après que tu marines ce gars, enferme-le à l’arrière de la voiture. Et lorsque le camion passera, tu te gareras ici à côté du trottoir. Je vais aller vérifier à l’intérieur de la banque.

Quelques minutes plus tard, assis sur le siège-arrière de la voiture de police, Cameron regarda du coin de l’œil l’éboueur à la tête en cale monter à l’arrière du camion-poubelle qui avançait. L’homme lui avait souri et leva deux doigts à son front. L’agent financier avait disparu.

- Hé, Henry, dit Cameron.

Caporal Henry se retourna sur le siège-conducteur pour regarder Cameron à travers la grille.

- Quoi ?

- Avez-vous réalisé que je n’avais ni arme, ni argent sur moi ? 

- Attends une seconde.

L’officier Henry fourra sa main dans la poche de sa chemise.

- Ah, la voici !

Il se mit à lire une carte, « Vous avez le droit de garder le silence… »

 

* * * * *

 

Cet après-midi, au quartier général de la police, l’inspecteur Frank Wickersham était assis face à Cameron à une table grise dans la salle d’interrogation.

Wickersham le fixa un moment.

- Où est l’argent, St Laurent ? 

- L’officier Henry a dit que j’avais le droit de garder le silence.

Les sourcils broussailleux de Wickersham n’arrêtaient pas de bouger, montant et descendant telles les ailes d’une chauve-souris.

- Où t’as planqué le flingue ?

- Écoutez, dit Cameron, en posant ses coudes sur la table. Je n’avais pas de flingue. Je n’ai pas braqué la banque et je n’ai pas l’argent non plus.

- Une douzaine de personnes vous ont vu sortir de la banque en courant avec un sac rempli d’argent et un flingue. 

Il baissa ses sourcils.

- Ils ont dit avoir vu un gars me ressemblant sortir en courant de la banque. Le voleur de la banque m’a foncé dedans, m’a fait tomber et a disparu derrière le camion-poubelle. Qu’est-ce que vos témoins vous ont dit ? 

- Ils t’ont vu trébucher et tomber, ensuite deux gars t’ont sauté dessus.

- J’ai sûrement avalé le flingue et l’argent, alors ?

- Tu les as sûrement passés à ton complice.

- Comment j’aurais pu le faire avec deux gars sur mon dos ? 

- C’est ce que je te demande.

- Que vous ont dit l’éboueur et l’agent financier ?

- Qui ?

- Les deux gars qui s’étaient affalés sur moi.

- Oh, ils n’étaient plus sur les lieux à mon arrivée.

Cameron pencha sa tête en arrière et croisa ses bras sur sa poitrine.

- Eh bien, c’est à eux que vous devriez parler. Ils ont sûrement dû remarqué quelque chose. Sans le flingue et sans l’argent, je ne sais pas comment vous pourriez me coller ce braquage à la peau.

- Nous avons un témoin qui pourra te faire clouer pour un bon bout de temps. 

- Qui ? Cameron se pencha en avant.

- La caissière que tu as effrayé à mort.

 

* * * * *

 

Une heure plus tard, l’inspecteur Wickersham interrogeait la caissière de la banque.

- Miss Miller, reconnaissez-vous l’homme qui a braqué la banque ? demanda l’inspecteur en glissant sur la table une photo d’identité judiciaire.

Elle jeta un coup d’œil à la photo.

- Non, à moins qu’il s’est fait pousser une barbe et qu’il s’est mis des lentilles de contacts bleues après s’être enfui. 

Miss Miller était une jeune fille potelée, âgée d’environ 19 ans. Elle mâchait du chewing-gum et jouait avec une boucle brune lui tombant sur l’oreille.

- Vous avez dit qu’il portait une cagoule, non ?

- Oui, mais j’ai vu sa bouche, sa lèvre supérieure et son nez à travers les trous. Il avait les yeux marrons foncés, presque noirs. 

L’inspecteur Wickersham fronça des sourcils en se penchant en arrière.

- Comment savez-vous qu’il n’avait pas de barbe ? 

- Je peux vous assurer que sa lèvre supérieure était rasée de près. Ce gars sur la photo a une barbe et une moustache, à moins qu’elles ne soient fausses. 

Elle leva ses yeux de la photo pour regarder l’inspecteur.

L’inspecteur hocha la tête.

- Et ses yeux étaient marron foncé, dit-elle en reprenant la photo. Je n’oublierai jamais ces yeux. Ils ressemblaient à ceux d’un serpent. J’étais persuadée qu’il allait me tirer dessus. 

Elle tapota la photo avec un ongle pourpre.

- Les yeux de cet homme sont bleus très clair. Je suis sûre que sans cette touffe de cheveux, il est beau mec.

L’inspecteur haussa un sourcil et baissa l’autre.

- Ouais, c’est ça !

Il reprit la photo et la glissa dans le dossier.

- Très bien ! Merci, Miss Miller. 

Il se leva et la jeune fille fit de même.

- Nous vous contacterons si nous avons du nouveau. 

 

* * * * *

 

Keegan, Weef et Beatle s’étaient réunis dans l’appartement de Weef dans le Bronx, le soir même du cambriolage de la banque.

- Si on l’avait planifié, ça n’aurait pas marché aussi bien, dit Keegan.

- Ouais, dit Weef. Ce clochard avec son imperméable, il est sorti d’où ? 

Il alluma une cigarette et referma son briquet.

- On s’en fout, dit Keegan. L’important, c’est qu’il a été le pigeon parfait. 

- Ouais, il était resté inerte, dit Beatle, à regarder ce qui se passait jusqu’à ce que tu lui fonces dedans.

Keegan tira une bouffée de sa cigarette et sortit la fumée de sa bouche en formant un cercle.

- C’était parfait. 

Il enfonça un doigt dans le cercle de fumée.

- Et ces stupides de flics, dit Weef. Ils ont même pas cherché le fric.

- C’est quand qu’on aura notre pognon ? demanda Beatle.

- On doit attendre que les choses se calment un peu. On reste discrets, on suit toutes les infos sur le casse et on lit les journaux tous les jours. 

- Ouais, mais pendant combien de temps, patron ?

Beatle leva ses pieds, les posa sur la table-basse et se pencha en arrière sur le canapé.

- T’inquiète, dit Keegan. Je vous le dirai le moment venu.

- Hé, l’asticot, dit Weef.

Beatle lui lança un regard noir.

- Dégage tes Nike dégueulasses de mon canapé. 

- Mes baskets sont un honneur pour tes vieilleries du marché à puces.

Weef fit un mouvement dans sa direction.

- C’est bon, c’est bon ! dit Beatle en laissant ses pieds tomber sur le sol. Fais pas ta crise !

 

* * * * *

 

- Cameron Petit-cœur St Laurent ! appela le juge.

- Oui, monsieur ? 

Cameron se leva en joignant les mains devant lui.

Le juge Wilson étudia Cameron un moment, en insistant sur sa barbe négligée et ses vêtements miteux.

- Le nom ne va pas du tout avec la personne.

- Je n’ai pas choisi mon nom, votre honneur.

- Mais vous avez choisi votre apparence ?

- Oui, monsieur, dit Cameron.

- Petit-cœur. Je parie que les enfants à l’école se sont bien moqués de votre nom.

Cameron se rappela de toutes les railleries. Ils lui avaient donné plusieurs surnoms, du genre ‘Petite-tête’, ‘Petit-cul’ et même ‘Petit-poulet’. Il savait pourquoi les sœurs de l’orphelinat St-Laurent lui avait donné ce nom ‘Petit-coeur’, mais il s’était dit que le juge s’en foutait sûrement. Il hocha la tête en réponse à la remarque du juge Wilson.

- St-Laurent est le saint de quoi ? 

- C’est le saint patron des chefs, des bouchers, des bibliothécaires… Cameron fit une pause, puis ajouta… et des comédiens. 

Cameron entendit derrière lui des rires étouffés. Il jeta un coup d’œil sur sa droite, sans tourner la tête.

Le juge fit taire l’audience en leur lançant un regard sévère par-dessus ses lunettes.

- Choisissez-en-un, demanda-t-il à Cameron.

- Bibliothécaires. 

Le juge retira ses lunettes et se mit à les balancer en les tenant par une branche, tout en gardant les yeux fixés sur Cameron.

- Très bien, M. le saint patron des bibliothécaires, il n’y a pas d’adresse sur ce formulaire. Où habitez-vous ? 

Le juge faisait tournoyer ses lunettes en cercle.

- Au banc du Général Sherman, à Central Park.

- Où travaillez-vous ? demanda le juge Wilson.

- À la même adresse. 

- Vous êtes donc un sans-abri !

- Je préfèrerai ‘victime de la récession, temporairement déplacée’.

- Je vois que vous êtes le saint patron des comédiens.

Le juge jeta un coup d’œil à l’audience, mais personne ne rit.

Cameron haussa les épaules.

Le juge remit ses lunettes et regarda le formulaire.

- Je vois également que vous n’avez pas de pièce d’identité. Pouvez-vous me dire pourquoi ?

- Je ne savais pas que la loi m’obligeait à avoir une pièce d’identité, Cameron fit une pause puis ajouta, monsieur. 

- La plupart des gens ont au moins un permis de conduire.

- Votre honneur… Cameron écarta ses mains. Je n’ai même pas de voiture !

- Très bien, je vous condamne à trois semaines de services communautaires. Je vous suggère de vous trouver un travail et un endroit où loger après ça, sinon vous devrez quitter la ville de New York.

- Mais, votre honneur, j’ai été faussement accusé d’un braquage de banque, et maintenant vous me punissez pour avoir été dans la rue, debout, à m’occuper de mes oignons ? 

- Oui, ces accusations seront probablement abandonnées. Mais si vous continuez à faire le malin, nous reviendrons à l’accusation du braquage et je fixerai la caution à dix-mille dollars. Vous pourrez alors moisir dans une cellule pendant trois mois en attendant qu’un avocat vous soit commis d’office. Ensuite, je verrai si j’abandonne ou non les charges. Maintenant, je vous demande, aimeriez-vous vivre trois semaines faciles ou trois mois d’enfer ?

Cameron ouvrit la bouche pour répondre, mais la referma presque aussitôt et baissa les yeux vers le sol.

- Je choisis les trois semaines, murmura-t-il après un moment.

- C’est un bon choix.

Le juge donna un coup de marteau plus fort que nécessaire.

- Maintenant, disparaissez de ma vue ! 

Il griffonna sa signature sur le formulaire de Cameron et le mit sur le côté.

- Affaire suivante ! 

 

* * * * *

 

- Bonjour, petite ! Comment tu t’appelles ? demanda Cameron.

Ils étaient assis dans un couloir du sous-sol du palais de justice. Ils étaient alignés le long du mur avec une douzaine d’autres mécontents et délinquants, attendant leurs attributions de services communautaires.

- Ariion.

La fille portait une chemise vermillon et un jean bleu.

- Ariion ! C’est un prénom rare. Il vient d’où ? 

- C’est le nom de ma mère. 

- Donc tu es Ariion junior.

- Ouais, quelque chose comme ça. Et toi ? 

- Cameron Petit-coeur St-Laurent.

- Ouah, dit-elle. Ça sonne comme le nom d’une famille royale. Comment ça se fait que tes parents t’ont donné ce nom ?

- Je n’ai pas de parents. Les sœurs de l’orphelinat St-Laurent m’ont appelé ‘Petit-coeur’ à cause de ma tâche de naissance bizarre. Mon prénom vient de la Sœur Elizabeth Cameron. 

Ariion jeta un coup d’œil à sa poitrine et à ses bras.

- Non, dit Cameron en lui faisant un clin d’œil. Tu ne pourras pas voir ma tâche de naissance. Pourquoi ils t’ont arrêtée ? 

Il prit un vieux magazine de tennis de la chaise à côté de lui et se mit à tourner les pages.

- Hum… pour rien.

Ariion examinait ses ongles.

- Rien ? Tu as sûrement fait quelque chose de mal. 

Cameron se pencha plus près d’elle et baissa la voix.

- T’as braqué une banque ? 

Ariion gloussa.

- Non !

- Un meurtre ? Je parie que tu as tué quelqu’un !

Elle leva les yeux dans sa direction. Elle avait les yeux couleur feuilles d’automne presque de la même couleur que ses cheveux brun miel tombant sur ses épaules, le teint de son visage était légèrement bronzé.

- Non !

- Vandalisme ?

Elle hocha la tête, en fixant sa main droite posée à plat sur ses genoux.

- Ah, tu en prendras pour au moins 10 à 20 ans. 

Il jeta le magazine sur la chaise. Elle écarquilla des yeux.

- Vraiment ?

Il se pinça les lèvres et lui fit un clin d’œil.

- Non, je plaisantais ! 

- St Laurent ! cria une personne du fond du couloir.

- Oui, c’est moi !

Cameron se leva.

- Vous serez le premier du rang, dit l’huissier sans lever les yeux de son presse-papiers.

- Mettez-vous debout, ici, lui dit-il en pointant du doigt le sol.

Cameron obéit.

- Sanders.

- Oui, monsieur, dit Ariion en se levant d’un bond.

- Mettez-vous ici, derrière St-Laurent.

Elle se précipita pour prendre sa place.

L’huissier appela cinq autre noms. Une jeune femme, deux hommes et deux adolescents se joignirent en ligne derrière Ariion. L’huissier vérifia une deuxième fois les noms sur son formulaire. Un petit homme ventru en uniforme gris leur demanda de le suivre et les fit monter dans un minibus. Il monta avec eux et ils roulèrent jusqu’à Central Park.

- Je vais vous laisser ici, dit le chauffeur après les avoir fait descendre du minibus en leur demandant de se mettre en ligne sur le trottoir en bordure de Center Park. Le déjeuner sera distribué, ici, à midi pile. Si vous le ratez, vous n’aurez rien à manger. Je reviendrai à cinq heures pour vous emmener au poste et enregistrer vos noms. Après ça, vous serez libres jusqu’à demain, huit heure. On suivra alors le même protocole. 

Il fixa chacune des personnes pendant quelques secondes.

- Avez-vous des questions ?

- Ouais, dit l’un des jeunes hommes.  Que sommes-nous supposés faire pendant tout ce temps ?

- Ramasser les ordures et les mettre dans vos sacs poubelle.

Il se dirigea vers l’arrière du bus et ouvrit une petite porte. Il en sortit un rouleau de sacs en plastique noir et plusieurs longs bâtons ressemblant à des manches de balai munis d’un clou à une extrémité.

- Je veux voir vos sacs remplis vers 17 h.

- C’est tout ? Est-ce qu’on sera surveillés ?

L’homme ventru le fixa un instant.

- Vous surveiller ramasser des ordures ? Non !

- Super, dit le jeune homme à son partenaire. Ça va être du gâteau !

- Ouais, dit le chauffeur en distribuant les sacs en plastiques. Que la fête commence !

Cameron s’éloigna des autres et descendit un talus d’herbe menant vers le lac, où il perça une canette de Coca et un emballage de Trojan avec son clou.

 

Chapitre deux

 

 

 

 

Cameron marchait dans une allée menant au Zoo de Central Park, lorsqu’il entendit quelqu’un crier son nom. Il s’arrêta et se retourna.

- Est-ce que je peux marcher avec toi ? demanda Ariion. Les autres me font peur. 

- Peur ? Il baissa les yeux vers ses habits. Tu ne penses pas que je fais peur, moi aussi ?

- Tu ne craches pas, tu ne fais pas de remarques stupides et tu ne te grattes pas.

- Très bien. Suis-moi, je vais au zoo. Il y a toujours des choses utiles à récupérer à l’entrée. 

- Des choses utiles ? demanda-t-elle. Des ordures, tu veux dire ? 

- Euh, ouais, d’accord, des ordures.

Ils passèrent deux heures à pavaner dans le zoo, à ramasser les ordures et à regarder les animaux.

Arrivés à la cage des singes, Ariion inséra deux pièces de vingt-cinq cents dans le distributeur et un sac de cacahuètes tomba.

- Ils vivent la belle vie, eux ! dit-elle en jetant une cacahuète à un bébé singe. Supplier pour de la nourriture et dormir dans une belle cage en sécurité est une vie de rêve. 

Elle offrit le sac à Cameron.

- Merci.

Il craqua une cacahuète et en mangea l’intérieur.

- Ouais, ils vivent une vie de rêve.

Ils sortirent du zoo et longèrent le chemin menant au lac. A midi, ils récupérèrent leur déjeuner, puis s’installèrent sur une petite colline d’herbe surplombant l’eau ondulante. Leur déjeuner consistait en un sandwich au fromage et une saucisse italienne, une boisson et une pomme.

Leur repas terminé, Cameron fourra la pomme dans sa poche et ils reprirent leur travail.

Alors qu’ils marchaient dans la direction de Général Sherman Square, Cameron pointa son bâton vers un vieil homme traînant des pieds le long du chemin. 

- Hé, mais c’est La Valve !

- La Valve ?

- Il n’a plus qu’un poumon, mais il fume comme une cheminée. Il doit s’arrêter tous les deux ou trois pas pour reprendre son souffle.

Ils s’approchèrent du vieil homme et Cameron dit :

- Salut, La Valve, comment ça va ? 

- Hein ? Ah, salut, Came !

La Valve se laissa choir sur un banc, en respirant fort.

- Je vais…très bien.

Il tapota les poches de son manteau en lambeaux, mais elles étaient vides.

- T’aurais pas une…clope… par hasard ?

- Tu sais très bien que je ne fume pas. 

- Et ta… copine ?