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Mais pourquoi Caroline, Corentin, Trefflé et Pickney ont-ils eu l'idée d'échapper à leur grande soeur qui devait les surveiller pendant que les parents chinaient entre les stands de la foire de Sedan ? S'ils avaient su qu'en traversant le pont de Meuse, ils se perdraient dans le brouillard, ils auraient préféré rester dans le train fantôme. D'autant que, ces quatre As allaient rencontrer un étrange animal fort sympathique qui allait partager avec eux une étrange aventure. Ils devront alors faire montre de sang-froid et de maîtrise pour parvenir à remporter course automobile et course contre des insectes anthropophages et tenter de revenir dans leur univers.
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Seitenzahl: 204
Veröffentlichungsjahr: 2020
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DU MÊME AUTEUR
Anticipation :
La Cueillette
Albert's Brain
De Glaise et de Sang
Les Chevaliers de l'apocalypse
Chasse aux Loups
Un Monde Paisible
AdamS et Eve
La Ballade de Woinic
La Butineuse
La Caverne Oubliée
La Cité d'Arèv
Dégénérescence
Poésie :
Une vie d'Alexandre
Biographies :
Nouveau Chemin
Incarnation
Amalia
Technique :
Le stockage de l'énergie électrique
Acte 1 – La foire de Sedan
Acte 2 – Courses de voitures
Acte 3 – dans le jardin
Acte 4 – prendre les trains
Ce livre est une des deux parties d'un même ensemble. Par esprit de contrariété, je commence par décrire la seconde partie, consacrée à la consigne d'un flot de souvenirs, de sentiments, de ressentis. Il permet de faire revivre bon nombre de personnages réels qui ont marqué une partie de mon enfance : celle passée, en grande partie après l'âge de la conscience – généralement considérée survenant vers l'âge de 7 ans – et avant l'âge de l'adolescence, cette phase étrange et nécessaire dans l'évolution individuelle. Cette phase, dont la principale caractéristique consiste à considérer que tout ce qui s'est passé avant ne vaut pas plus que de la crotte de lapin, n'est donc pas décrite dans les lignes de l'ouvrage « Nouveau Chemin », publié sous le numéro 15 des Éditions du Mainate. À vous, si vous en avez l'envie, la patience et le talent, de parvenir à lire cette seconde histoire et à y retrouver – ou y découvrir – les sources qui m'ont permis de rédiger la présente narration.
Quant à cette première partie, que vous tenez entre vos mains, elle reprend les fondements présentés en seconde partie, tout en les mâchouillant à sa propre sauce. Il s'agit d'un conte, tel que nous l'a enseigné notre professeur de français en classe de Sixième, au collège Scamaroni, de Manchester, à Charleville-Mézières... Rien qu'à la lecture du nom de ces trois lieux, vous avez déjà ressenti le froid et l'humidité que certains ont associé aux Ardennes. Que nenni ! Oubliez cette fausse impression. Il y fait certes plus froid que dans le Sud de la France, puisque la différence thermique moyenne entre l'extrême Nord et l'extrême Sud de l'hexagone est de l'ordre de un à deux degrés. Mais pensez-vous vraiment qu'il gèle à pierre fendre huit mois par an en Ardennes, comme vous le ressassent les médias ? Et cela sans qu'il ne fasse un froid sibérien en Belgique ou saturnien en Allemagne et en Hollande, contrées exilées bien plus au Nord encore ?
Bref ! Rédigés d'après les conseils de l'époque de Monsieur Joseph (à noter que c'est le seul patronyme d'un protagoniste décrit dans « Nouveau Chemin » qui soit authentique, tous les autres ayant été modifiés, conformément aux bonnes mœurs), vous pourrez lire ce texte avant ou après sa source d'inspiration, à votre guise, selon vos désirs et en toute liberté, en tant qu'individu cherchant à rester naturel. Liberté, nature, individu...
Fier de porter sa casquette de capitaine, Corentin appuya sur la sonnette. C'était celle de la maison de sa copine Caroline. À chaque fois qu'il pensait à elle, il rigolait de son prénom, se souvenant d'une vieille chanson dont le refrain fredonnait : « Caroline est en colère... ». Ce à quoi son inséparable complice Trefflé ajoutait : « Car elle n'a vraiment rien pour plaire ! »
Corentin n'était pas d'accord. Elle est plutôt jolie la copine avec ses longs cheveux comme de la paille. D'ailleurs, ils en avaient effectivement la couleur et souvent la texture. Caroline aimait bien dire qu'elle est une vraie « Rasta », avec des « dreads » à la place des cheveux. Qu'est-ce que cela voulait dire exactement que d'être un vrai Rasta ? Corentin n'en savait rien du haut de ses onze ans tout juste sonnés. Et il s'en moquait ! Ses préoccupations n'étaient pas monopolisées ni par le fait de se trouver une copine pour la vie, ni par se prendre la tête avec des mots dont le sens lui échappait encore. Il n'était jamais qu'en CM2 et il s'en passera encore et encore des cours en classe et des coups dans les cours d'école avant qu'il ne passe son bac et devienne du coup quelqu'un de reconnu. En tous cas, c'était ce que lui répondait souvent sa grand-mère lorsqu'il lui demandait des explications sur une chose qu'il ne comprenait pas : « Passe ton bac d'abord, mon Titi ! Et alors, tu sauras... »
Encore tout ce temps à attendre. Pfff !!!
Et puis, Corentin trouvait que Caroline était bien plus jolie qu'Octavia, la grande sœur de Trefflé. Franchement, il fallait le faire pour avoir dégoté des prénoms pareils à ses enfants ! Mais Trefflé n'aimait pas qu'on l'embête sur ce point. Toujours à lui demander la raison de son surprenant « first name » qui lui venait en ligne directe de sa mère Canadienne, exilée dans le pays de ses ancêtres. Octavia était plus grande qu'eux d'eux, de presque vingt centimètres. Et ce, sans qu'elle ne porte de talons hauts ! Tout comme son frère, elle avait le poil noir et dense. En plus, elle arborait un long cou, presque aussi long que celui d'une femme-girafe. Comme celles qui étaient en photo dans un vieil album d'autocollants à collectionner que lui montrait parfois son père lorsqu'il était nostalgique de ses dix ans. Renforçant son allure toute en longueur, Octavia portait les cheveux courts. De loin, le sommet de sa silhouette formait comme une boule noire perchée au bout d'une longue tige, à tel point qu'on aurait cru voir la célèbre Olive, fiancée de Popeye le marin, ou pour comparer avec un personnage contemporain, elle ressemblait à Charlize Theron, mais avec des cheveux.
Et Corentin aimait bien Popeye. C'était en partie à cause de ce personnage qu'il ne quittait jamais ou presque sa casquette de capitaine. Mais, il n'était pas tout autant fan de sa compagne, la filiforme Olive Oyl. Bon... Il fallait bien reconnaître que la sœur de son pote était un peu plus en chair que le personnage créé par Elzie Crisler Segar. Surtout dans le haut du buste, où deux obus gigantesques semblent indiquer en permanence la direction vers laquelle la fille comptait se rendre, mieux dressé encore que la boussole de Jack Sprarrow !
La porte de la maison s'ouvrit. Caroline fit coucou à son copain, avant de sortir dans la cour et de descendre jusqu'au portail, avec une clef dans la main.
– Tu es en retard, Cor ! Pickney est déjà là depuis dix minutes au moins !
– Cela fait partie de mon charme naturel de me faire désirer, rétorqua le gamin en se glissant par l'ouverture de la grille.
– Ben voyons ! Tu m'en diras tant ! Allez, viens ! Tu n'as pas croisé Tréf sur la route, par hasard ?
– Non... Mais il est coutumier du fait d'être en retard !
– Comme si tu étais à l'heure, toi !
Corentin n'eut même pas le temps de répliquer qu'il entendit une voix enfantine venant de la rue. C'était le quatrième compère qui arrivait en courant.
– Vous ne saurez jamais ce qui m'est arrivé ! lança-t-il tandis que Caroline ouvrait à nouveau le portail.
– Non, quoi ? lui demanda-t-elle.
– Je ne te le dirais pas, puisque je t'ai dis que tu ne le sauras jamais !
– Et il se croit drôle ! Ah !... Les jeunes d'à c't'heure !
Pickney courrait dans la cour, d'un souffle court, de manière à arriver le premier à la porte. Il sortait visiblement du coiffeur, vu sa coupe à la mode, rasé sur les oreilles et chevelu sur le haut, de manière à donner une forme très carrée à la figure. Sans reprendre son souffle, il s'exclama :
– Cela fait partie de mes multiples qualités.
– Allez ! Rentre, gamin !
En patois jamaïcain, Pickney désignait un gamin, un gosse, quelque soit son genre. Adeptes de la théorie du même nom, ses parents voulaient uniquement un prénom asexué pour leur progéniture. Et un prénom qui rappelait les origines caribéennes de son père. Et puis, tant que les enfants restaient petits, la Jamaïque ou la Martinique, c'était pareil ! Il s'agissait d'îles situées dans les deux cas dans le Golfe du Mexique, loi là-bas au-delà des mers, en Amérique.
Dès que la bande fut réunie à son grand complet, elle fila dans le jardin, jouant sous la tonnelle recouverte de vigne vierge. Véritable pièce extérieure complémentaire, elle servait habituellement de lieu de rassemblement aux « quatre As », comme les avaient surnommés le père de Caroline. En effet, les enfants s'appelaient souvent entre eux par des diminutifs de leurs prénoms. Ainsi, les membres de cette bande des quatre s'appelaient Caro, Cor, Tréf et Pic, quasiment comme les quatre couleurs classiques d'un jeu de cartes !
Les quatre compères jouaient à des jeux de leur âge sous les feuilles de la vigne vierge qui, en deux ans à peine, avait recouvert toute l'armature de croisillons en bois. Le cube végétal se complétait par un sol en herbe. Sur trois de ses côtés, des ouvertures, semblables à des fenêtres, permettaient de laisser voir ce qui se passait dehors. Cela permettait aussi aux parents de discrètement voir depuis la maison ce qui se passait dans la tonnelle. Le quatrième côté n'était constitué que d'une grande ouverture avec juste quelques croisillons sur les bords, faisant comme si l'entrée était entourée de colonnades. Parfois Caroline arrivait à forcer ses amis de l'autre sexe à jouer à des jeux réputés plus féminins. Pour cela, elle devait utiliser un subterfuge et les présenter comme des jeux de rôles... Parfois aussi, sa cousine de deux ans sa cadette et aussi brune qu'elle était blonde, se joignait à eux, histoire de rentrer d'avantage dans les contraintes imposées par les lois sur la parité.
Toutefois, il fallait bien avouer que, le plus souvent, les jeux se résumaient soit à des combats en réseau sur telle ou telle console de jeux qu'ils possédaient tous, soit à d'autres jeux de rôles avec combats, guerre et transmutations en tous genres. En outre, ils avaient inventé tous les quatre un jeu auquel ils s'adonnaient couramment, consistant à simuler la présence d'un être démoniaque dans les chaises pliantes en bois qui agrémentaient la tonnelle. Le Malin prenait possession du corps de l'un d'entre eux qui devenait invisible – pour de faux, bien entendu – et il avait ainsi tout loisir de perturber la tranquillité de l'assistance qui cherchait à s'assister sur les sièges.
C'est au beau milieu d'une de ses séances que la mère de Caroline se présenta devant la tonnelle. Cette fois, ce n'était pas pour apporter boissons ou gâteaux, ce qu'elle faisait couramment, comblant ainsi les estomacs de sa fille et de trois enfants de ses voisins de quartier. Non ! Elle venait leur annoncer une nouvelle qui risquait fort de ne pas les enchanter spécialement.
– Demain, les enfants, c'est l'ouverture de la foire de Sedan !
– Ah ! répondit simplement sa fille, en traînant sur l'onomatopée, voyant sa mère venir, même sans ses gros sabots.
– Et demain, avec les parents de chacun d'entre vous, nous irons à Sedan !
Cela suscita en réponse la même onomatopée chez Caroline. La mère reprit :
– Et bien sûr, vous venez tous avec nous !
– Oh !...
C'était là plus un cri de résignation qu'un cri de joie. Pickney tenta de se soustraire par avance à ce qu'ils considéraient tous les quatre comme une véritable corvée :
– Mais, on s'ennuie toujours à la foire ! Il n'y a rien à faire pour nous !
– Et une bonne barbe à papa chacun, cela ne vous tente pas ?
– On peut en avoir ailleurs aussi, précisa Trefflé.
– Et puis, les parents, vous devez sans cesse nous surveiller pour qu'on ne se perde pas dans la foule ! ajouta Corentin, en guise d'argument suprême.
Pour prêter court à la discussion, la mère trancha :
– De toute façon, vous n'avez pas voix au chapitre. Vous êtes encore trop jeunes pour décider par vous-mêmes et on ne va pas vous laisser ici, livrés à vous-même, même si vous restez dans la tonnelle !
S'en suivirent en provenance des enfants quelques réclamations et arguments qui ne firent pas mouche avant que la mère ne conclut :
– Le départ est fixé à demain neuf heures et demie, devant chez nous puisque c'est le plus simple pour se garer. Et ensuite, nous nous entasserons tous dans les deux monospaces des parents de Pickney et de Trefflé.
– On va être à sept dans chaque bagnole ! remarqua Corentin. Moi, je ne veux pas être avec la petite, serré à l'arrière contre sa poussette !
– On s'organisera en direct demain. Rien ne vous interdit, tous les quatre, de monter avec Octavia à l'arrière d'une des voitures. Ainsi, vous serrez tous ensemble...
– Oh ! Octavia, Octavia... soupira Pickney ! Ce n'est plus une enfant, elle prend de la place maintenant. Et on est tous serrés quand on s'assoit à côté d'elle !
– Ouais ! Surtout tout serré dans son jean ! glissa Trefflé à l'oreille de Corentin.
– Qu'est-ce que tu dis ? demanda la mère, qui avait parfaitement saisi l'allusion.
– Non rien ! Des bêtises !
– Bon. Tant mieux ! Alors, pour faire mieux passer la pilule, qui veut de la tarte aux pommes maison ?
Tous se portèrent candidats et abandonnèrent provisoirement la tonnelle pour rentrer déguster la tarte qui les attendait toute chaude à la sortie du four, sur la table de la cuisine.
*
* *
Le père de Trefflé eut de la chance. En arrivant sur Sedan, même en cette heure assez matinale, il y avait déjà des voitures qui squattaient les bas-côtés de l'ancienne Route Nationale. Comme c'est lui qui ouvrait le convoi des deux véhicules, il décida de tenter quand même sa chance en rentrant dans la cité de Turenne. Il ne tenta pas d'aller vers Torcy et tourna devant le supermarché pour se diriger vers la gare. Et là ! Miracle ou presque : une voiture en stationnement abordaient deux belles lumières blanches sur son postérieur, juste devant le bâtiment voyageurs ! Ni une, ni deux, il mit son clignotant et se plaça en position, prêt à propulser son bolide sur l'espace libéré. Le père de Pickney arriva à sa hauteur. D'un doigt agile, les deux conducteurs ouvrirent les vitres qui vont bien pour échanger quelques mots. Accompagné du père de Caroline assis à l'avant, le père de Pickney transportait tous les enfants, sauf sa petite dernière de deux ans. Il annonça qu'il allait tenter sa chance vers Balan. Bon prince, il laissa la place de choix à son ami. Toujours bredouille d'un espace sans voiture garée, une fois passé la place Nassau, il se dit qu'il allait tenter au petit bonheur la chance les rues adjacentes. Et, il faut croire que le jour était éclairé par une bonne étoile car il trouva une place vacante presque au droit de l'avenue, sur la rue de l'Ancienne Porte de Balan. Il se gara, vérifia une fois sorti de son véhicule qu'il n'y avait pas de panneau interdisant de s'y garer, ni d'inscription « payant » gravée dans l'enrobé de la chaussée. Il avait dégoté une place encore plus proche de leur destination que celle devant la gare. Avec son téléphone, le père de Caroline annonçait déjà la bonne nouvelle à son épouse avant même que tous les enfants ne se soient extraits de l'engin. Octavia, la plus grande, avait eu le droit à un des deux sièges isolés, ce qui avait un peu chagriné Pickney qui aurait vraiment préféré se retrouver coincé contre elle, malgré son long cou de girafe qui dépassait largement au-dessus de sa tête lorsqu'ils marchaient côte à côte.
Les adultes s'étaient donné rendez-vous rue de Metz, aux pieds d'un Temple consacré. Cette rue n'était pas livrée aux commerces ambulants qui encombraient bon nombre des rues de l'ancienne principauté. En quelques minutes ils se retrouvèrent puis partir à l'assaut des rues dans lesquelles les étales temporaires s’étalaient. À voir la mine des enfants, personne n'aurait pu honnêtement prétendre qu'ils étaient ravis de se retrouver dans l'ancienne Principauté :
– Encore une belle journée de notre jeunesse de perdue ! » soupira Caroline lorsque ses parents entrèrent en longue discussion avec un vendeur d'ustensiles miracles qui promettaient de réussir une centaine de coiffures différentes en un clin d'œil.
– Trente euros pour un tel gadget ! Mais c'est limite de l'arnaque ! avait conclu son mari.
Du coup, sa femme afficha une expression qui ne se voulait pas du tout conciliante. C'est alors que la mère de Corentin la prit par le bras et lui raconta :
– Ne regrette rien ! Je connais ce soit-disant produit miracle. J'ai une amie qui s'est laissée berner l'an passé. En fait de produit miracle, dans la boîte qu'il te vend, il y a juste un dépliant mal traduit du chinois avec, sur des dessins, une dizaine de coiffures possibles et une petite dizaine de variantes possibles, en plus d'un petit truc en plastique.
– Dix coiffures et dix variantes, cela donne les cent possibilités annoncées, reprit le père de Caroline. Marie, tu me donneras l'adresse mél de ta copine. Je lui demanderai si elle peut scanner le sacré document.
– Mais cela ne me donnera toujours pas l'outil miracle ! soupira son épouse.
– Ne t'inquiètes pas. Je prendrais une chute de fil électrique et je te le fabriquerai, cet ustensile magique ! Il doit bien y avoir des morceaux de câbles à la cave. Tu veux quelle couleur ? Parce que je n'ai pas de fils roses...
Marie rigola avec lui. Elle connaissait en effet l'objet en question, simple anneau de plastique prolongé d'une tige permettant d'attraper une mèche de cheveux.
– Cela te coûtera plus cher en cuivre qu'en plastique, fit-elle encore remarquer.
– Mais, rien n'est trop beau pour ma chère et tendre, tant qu'elle ne se fait pas arnaquer !
Ce faisant, le groupe des cinq enfants et huit adultes accompagnés d'une poussette n'avait pas beaucoup progressé dans la cohue. Ils avaient tout juste pu avancer jusqu'au stand suivant. Octavia fredonnait un air bien connu de Patrick Sébastien : « Ah ! Qu'est-ce qu'on est serrés, au fond de cette boîte, comme des sardines, comme des sardines ! »
Au bout d'une demi-heure de cette compression de l'espace et du temps – en effet, plus on s'ennuie, plus le temps semble serré et s'écouler avec difficultés – le groupe de touristes était parvenu à s'enfoncer d'une rue dans la marée humaine qui avait envahi les rues sedannaises. Corentin commençait même à avoir mal aux épaules à force de faire du surplace. Malgré la variété des produits présentés, rien ne semblait attirer les enfants dans les différents présentoirs des échoppes ambulantes. Certains criaient, vociféraient, annonçaient l'affaire du siècle (oui, mais pour eux !) tandis que d'autres arrivaient tout juste à répondre à la montagne de clients agglutinés comme des mouches sur un sandwich au miel sauvagement abandonné. Un sandwich abandonné dans les étroites rues grouillantes de fourmis de toutes couleurs !
Même s'il n'était pas encore l'heure consacrée, certains estomacs commençaient à se manifester, surtout ceux de Caroline et de Pickney. Tout d'un coup, le regard du père de Trefflé fut attiré par un artefact sur un stand, placé juste devant une banque. Grand, mesurant près de deux mètres, il bénéficiait d'une vue panoramique sur les lieux environnants. Il se fraya un chemin tant bien que mal, sans être emporté par la foule qui les pressait, les compressait, les roulait et les enroulait, et tentant de les emmener au loin. Tout le groupe parvint, au complet, devant quelques tréteaux recouverts d'une nappe déjà en partie déchirée, lacérée involontairement par les brutes qui passaient devant. Pour ne pas trop montrer son intérêt pour l'objet convoité, Mathieu, le père de Trefflé, commença par montrer au brocanteur un magnifique sanglier en bronze placé au beau milieu d'un bric-à-brac composé d'anciens cadres sur pied, avec des entourages en miroir, destinés à encadrer des photos de taille standard ainsi que des gadgets souvenirs de vacances ne servant généralement qu'une fois au début et se transformant rapidement en nids à poussières. La discussion entre Mathieu et le vendeur était hachée, ce dernier étant souvent sollicité pour le prix de tel ou tel objet par un autre chaland. Et puis, à un moment, lorsque l'attention du vendeur était moins concentré sur lui, le père d'Octavia désigna l'objet de ses rêves, comme si de rien n'était.
– Ce truc-là ? Bien sûr qu'il est complet. Regardez ! Les jetons sont rangés dans deux cases dont le couvercle, en bois massif comme tout le reste, coulisse sur le côté. On peut même l'enlever ! Et regardez ! Autant d'un côté que de l'autre, il ne manque aucune pièce. Les deux caches sont pleines !
– Je crois que « cache », c'est masculin. Pas toi Cor ? demanda Caroline à son ami.
Elle pensait avoir parlé suffisamment bas pour n'être entendue que de l'autre enfant. Mais pas du tout ! Le vendeur lui répondit :
– Masculin, féminin ! C'est comme on veut, de nos jours ! Et cela ne change en rien le fait que ce jeu de dames est complet. Ce qui fait de lui une pièce de choix !
Mathieu tiqua. Si le vendeur sentait que l'objet l'intéressait, il risquait d'en gonfler le prix. Du coup, il s'intéressa à un autre bazar, rangé juste à côté. Il en demanda combien le vendeur en voulait. Jugea le prix demandé trop élevé et reposa l'objet. Puis, il revint sur le jeu de dames et demanda innocemment :
– Et le truc en bois massif, c'est le même prix ?
– Pas tout à fait. C'est une pièce unique. Et en plus, l'autre côté du plateau peut également être utilisé pour jouer aux échecs...
– Mais il est livré sans les pièces du jeu d'échec !
– Naturellement, puisque c'est un jeu de dames !
Caroline se dit que le vendeur se moquait du monde : quel que soit le côté du plateau, c'était le même damier de cases blanches et noires.
Aussi, on pouvait jouer aux dames ou aux échecs sur l'un ou l'autre des côtés. Elle regarda le vendeur d'un air moqueur si bien qu'il lui en demanda la raison. Elle lui expliqua sa vision des choses.
– C'est ta façon de voir, petite. Mais pour moi, cela reste un plateau de jeux polyvalent. Et il vaut bien le double du machin de tout à l'heure.
– Je vous en donne une fois et demi le prix de départ, proposa alors la père de Trefflé.
– Adjugé, vendu ! répliqua le commerçant, trop content de se débarrasser de ces bouts de bois encombrants et empressé de passer à un nouveau client.
C'était comme chez Mac Do, quand tu consacres trop de temps avec un client potentiel, tu fais perdre patience aux autres ! Sauf que dans le contexte concurrentiel de la foire, le client n'était pas captif. Si tu ne le retenais pas, il zappait et allait directement voir les merveilles exposées sur le stand voisin.
– Je pense que tu as fais une bonne affaire, le complimenta le père de Pickney.
– Sans doute... S'il ne manque effectivement pas une pièce. Mais pour savoir cela, il faudra attendre d'être rentrés ! Je ne vais pas le déballer par terre !
Saisissant la balle au bond, Corentin, sous sa casquette de capitaine, demanda :
– C'est quand qu'on rentre ?
– Mais on vient tout juste d'arriver, rétorqua sa mère.
– Mais nous, on s'ennuie ici ! C'est long et il n'y a même pas de jeux vidéos ou de cartes Pokémon collector ou autres dans ce coin, soupira Trefflé.
– L'année dernière, il y avait des vendeurs de ce type dans la rue d'à côté, se souvient le père de Corentin.
– On pourrait y aller, alors ? demanda Octavia. Plutôt que de vous suivre comme des moutons dans un champ de moutons qui moutonnent doucement en suivant le mouvement en marche.
– Elle fait de la politique, ta sœur ? demanda perfide Pickney à Trefflé.
De concert, les quatre mères soupirèrent et se retournèrent vers leur progéniture qui faisait bloc derrière elles.
C'est Katia, la mère de Caroline qui lâcha le morceau :
– C'est bon, les enfants... Nous avons décidé de vous lâcher la bride, comme vous dites, cette année. À la condition que vous restiez tous ensemble et sous la responsabilité d'Octavia, nous vous autorisons à partir de votre côté !
– De notre côté ! reprit en écarquillant les yeux Corentin, sans encore vraiment y croire. C'est vrai, cela ?
– Vous avez tous de l'argent de poche dans vos poches, non ?
Les enfants fouillèrent leurs pantalons de concert.
– Bon ! reprit Katia. Vous avez donc sans doute largement de quoi satisfaire vos besoins en jouets ou autre.
– Et, on vous retrouve où ? demanda, Pickney nullement inquiet, paré pour affronter l'adversité dans les rues surpeuplées.
C'est son père qui reprit :
– Si on vous récupère pour manger, vous aurez à peine le temps de faire deux rues. Donc, nous vous proposons de nous retrouver à la sortie pour quinze heures.
– À trois heures ! s'exclama Corentin. Mais, on va crever de faim d'ici là !
– C'est pour cela que l'on va vous donner, en plus de votre argent de poche, un peu d'argent pour vous acheter un big-mac ou un kebab.
– Au choix ! rebondit Caroline.