Au fil de l’hirondel - Chantal Pascal - E-Book

Au fil de l’hirondel E-Book

Chantal Pascal

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Beschreibung

Ce document poétique, empreint de fraîcheur et de simplicité, évoque avec une ferveur particulière les meilleurs moments d’une jeunesse épanouie. Il décrit magnifiquement la vie sur le plateau du Larzac, offrant de riches détails sur les activités locales. Ces souvenirs simples et joyeux aboutissent à une conclusion hautement philosophique, révélant une quête de sens et de transformation.

À PROPOS DE L'AUTRICE

Chantal Pascal est auteure de trois ouvrages, parmi lesquels "Au fil de l’hirondel" qui a été distingué en 2004 avec le prix Les traditions niçoises. Cette reconnaissance n’est pas passée inaperçue, car le livre a également été sélectionné par France Bleue, soulignant ainsi son influence marquante dans les domaines de la littérature et de la culture.

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Chantal Pascal

Au fil de l’hirondel

© Lys Bleu Éditions – Chantal Pascal

ISBN : 979-10-422-1610-8

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

À Pierre et Gabrielle

Mes grands-parents

Le train ralentit tout à coup, nous arrivons en gare de Millau par un après-midi pluvieux de novembre. Mon sac de voyage en bandoulière me scie l’épaule et c’est avec beaucoup de difficulté que je descends du train. Le froid saisit mon visage et un grand frisson parcourt tout mon corps. Décidément, je ne suis plus habituée à un climat aussi rude. Après un moment d’hésitation, j’aperçois sur le quai d’en face, la correspondance pour Saint-Beaulize. Au bout de vingt minutes d’attente environ, la micheline jaune et rouge s’ébranle tout doucement et me voilà sur la « dernière ligne droite » avant d’arriver au village de mes grands-parents.

Une bonne dizaine d’années me séparent de la dernière visite dans cette région de mon enfance. À travers la vitre de la micheline, le paysage défile lentement ce qui me permet de redécouvrir cet environnement exceptionnel. Rien n’a changé, les grandes étendues vallonnées aux couleurs qui se métamorphosent, où les jeux d’ombre et de lumière modifient le relief. Plus loin, un troupeau de brebis broute l’herbe sèche du plateau du Larzac et tout près, comme une oasis émergeant du désert, se dessine une grande mare, dont les parois sont tapissées de pierres. Elle sert à recueillir les eaux de pluie pour permettre aux animaux de se désaltérer. Ces lavognes restent très typiques de nos paysages caussenards.

Plus loin, alors que des petites routes étroites et sinueuses déroulent leur ruban de bitume émergent du sol, des bois de chênes ou de châtaigniers, si sombres, si inquiétants, mais lumineux comme des boules de feu en automne. Au fur et à mesure du parcours, se dessinent çà et là, une chapelle romane oubliée ou une croix de schiste finement ouvragée, témoin d’un passé riche et encore très présent. Le plus modeste des villages recèle un trésor auquel s’ajoute parfois une forteresse templière, un donjon féodal ou un petit château niché au creux d’un vallon, ainsi, l’étonnement et la fascination sont au rendez-vous.

L’Aveyron est le refuge d’une nature encore préservée, il séduit les amoureux de grands espaces, de solitude et de rêves. Décidément, l’Aveyron demeurera toujours un pays de contrastes et de mystères. Dans la vie, il est des choses immuables sur lesquelles le temps n’a aucune emprise, qui restent et resteront identiques même après votre mort. Cette statique a quelque chose de rassurant.

À mon arrivée, je descends de la micheline et reconnais immédiatement, non sans un pincement au cœur, la toute petite gare avec la maison du garde-barrière.

Je m’engage dans la ruelle « sous le barri » et après quelques minutes je débouche sur la place du village où tout le monde est déjà réuni pour la cérémonie. En effet, il y a trois jours, j’ai été avertie par télégramme que mon grand-père venait de mourir. Après avoir embrassé ma grand-mère et mes tantes, effondrées de douleur, je salue tous les habitants du village. Il y a vingt ans, ces paysans étaient déjà vieux, mais le temps n’a posé aucune trace supplémentaire sur ces visages, je reconnais tout le monde. Les mêmes sourires, les mêmes rides, les mêmes expressions, les mêmes regards malicieux, perçants et interrogateurs. J’ai la sensation de revenir dans mon enfance, comme si tout ce que j’ai vécu depuis s’efface. Inconsciemment, je reprends cette attitude de petite fille, qui ne correspond plus à ce que je suis devenue. Le temps paraît figé comme les visages, les souvenirs et les manières de vivre. Cette immuabilité crée un miroir dans lequel je me vois telle que je suis, sans masque, ici, vous ne trichez pas, vous redevenez immédiatement vous-même.

Durant la cérémonie, j’observe à la fois les lieux et tous ces visages déformés par la douleur et j’ai soudain la sensation d’être là comme une étrangère, une décalée par rapport à l’événement, comme si j’avais du mal à réaliser. Ce décès a pour moi quelque chose d’irréel, de non acceptable, le fait d’y réfléchir me semble très périlleux, car je le ressens comme une grande brèche dans mes fondations. Il y a des gens, des choses qui font tellement partie de votre vie que vous n’envisagez à aucun moment d’en être privé ou de les perdre. Je ne me sens pas concernée et n’arrive pas à verser une larme.

Suis-je devenue tout à coup insensible ou bien ai-je si bien travaillé à l’élaboration de ma carapace que maintenant, plus rien ne transparaît. Tout au long de mon adolescence et de l’âge adulte, je voulais atteindre la perfection ou du moins l’idée que je m’en faisais. Je m’efforçais de ne pas exprimer tout ce que je pensais, surtout le négatif, car pour moi c’était un signe de faiblesse. Mes sentiments profonds en faisaient partie. Mon tempérament exigeant m’obligeait à me surpasser, à me fixer des objectifs toujours plus élevés. Petit à petit, une carapace se forma et j’appris à tout maîtriser, surtout ne rien subir, croyant ainsi donner un sens à ma vie. Mais aujourd’hui, devant ce cercueil, devant l’inéluctable, le doute m’envahit et je prends soudain conscience de la réalité, de la vraie vie. Je suis à cet instant persuadée que la vraie vie, c’est d’abord la vivre, en savourer chaque instant, s’en imprégner et l’apprécier de manière plus réceptive. Sentir et ressentir les choses, savoir observer, écouter, trouver le bonheur et s’émerveiller au contact des choses simples, avec peut-être cette touche de naïveté si enfantine. La seule certitude que je possède actuellement, c’est que la vie est belle et qu’il faut simplement la recevoir comme un cadeau du ciel et être heureux tous les jours de garder ce petit souffle si calme et si doux.

Nous accompagnons mon grand-père au cimetière et pendant la traversée du village, l’émotion fait émerger de ma mémoire des flashes, des souvenirs qui y étaient enfouis.

Saint-Beaulize, petit village merveilleux dont la pierre reproduit le caractère original. La pierre se joue de l’uniformité et donne aux maisons les couleurs du temps. Au détour des ruelles pavées, escarpées, surgissent les traces d’un passé historique riche, le plus souvent imprimé dans les murs des maisons. Le temps n’a aucune influence voire même aucun sens pour cette nature et ces demeures qui ont vu naître et mourir tant d’êtres éphémères. C’est en cela qu’elles me rassurent et que je les trouve enviables.

Je choisis de m’immerger dans la souvenance d’un passé heureux, voici quelques anecdotes qui ont jalonné mon enfance heureuse et protégée.