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Secrets, tome 1 Il y a six ans, Ellis assistait à son premier briefing en tant que nouvelle recrue de l'unité d'élite de Londres. Son nouvel équipier, Wayne, devint rapidement son meilleur ami. Lorsque Wayne commence à remarquer des changements dans le comportement d'Ellis – son attitude imprévisible, les effets néfastes de son manque de sommeil –, il comprend qu'il doit agir avant que son ami finisse par craquer. Il lui propose alors de venir à la soirée d'inauguration d'un nouveau club BDSM, le Secrets, dont il est membre. Son objectif ? Donner l'occasion à Ellis de voir en quoi consiste ce club avant de lui faire une proposition. Wayne veut retrouver son meilleur ami et, selon lui, le meilleur moyen d'y arriver est de prendre Ellis en main et de contrôler sa vie. Cependant, il doit faire face à quelques obstacles. Ellis est hétérosexuel, borné et sexy. Wayne sait qu'il doit mettre ses propres sentiments de côté afin de venir en aide à son ami, mais il est stupéfait quand il découvre ce dont Ellis a réellement besoin.
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Seitenzahl: 651
Veröffentlichungsjahr: 2018
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Table des matières
Résumé
Dédicace
Remerciements
LEXIQUE BDSM
Prologue
I
II
III
IV
V
VI
VII
VIII
IX
X
XI
XII
XIII
XIV
XV
XVI
XVII
XVIII
XIX
XX
XXI
XXII
XXIII
XXIV
XXV
XXVI
XXVII
XXVIII
XXIX
XXX
XXXI
XXXII
XXXIII
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Droits d'auteur
Par K.C. Wells & Parker Williams
Il y a six ans, Ellis assistait à son premier briefing en tant que nouvelle recrue de l’unité d’élite de Londres. Son nouvel équipier, Wayne, devint rapidement son meilleur ami. Lorsque Wayne commence à remarquer des changements dans le comportement d’Ellis – son attitude imprévisible, les effets néfastes de son manque de sommeil –, il comprend qu’il doit agir avant que son ami finisse par craquer. Il lui propose alors de venir à la soirée d’inauguration d’un nouveau club BDSM, le Secrets, dont il est membre. Son objectif ? Donner l’occasion à Ellis de voir en quoi consiste ce club avant de lui faire une proposition. Wayne veut retrouver son meilleur ami et, selon lui, le meilleur moyen d’y arriver est de prendre Ellis en main et de contrôler sa vie.
Cependant, il doit faire face à quelques obstacles. Ellis est hétérosexuel, borné et sexy. Wayne sait qu’il doit mettre ses propres sentiments de côté afin de venir en aide à son ami, mais il est stupéfait quand il découvre ce dont Ellis a réellement besoin.
À tous ces lecteurs qui ont aimé la saga Colliers & Menottes et décidé de suivre Eli et Jarod dans leurs nouvelles aventures.
Bienvenue à bord.
COMME TOUJOURS, un grand merci à nos merveilleux bêta-lecteurs.
Nous tenons à remercier tout particulièrement Sharon D. Simpson qui nous a été d’une aide précieuse pour comprendre l’état d’esprit d’Ellis.
Nous aimerions aussi remercier LM Somerton et Pride Publishing, ainsi qu’Elizabeth North, pour nous avoir permis d’inviter Joe et Olly, de la fantastique série The Edge, à la soirée d’inauguration de Secrets.
Bear : Désigne un homme rond et poilu dans la communauté gay.
Boy : Signifie « garçon ». Surnom affectueux donné au soumis.
CBT : Signifie « cock and ball torture », autrement dit « torture des parties génitales masculines ».
Dom : Dominant. Il exerce la plus grande influence dans un couple pratiquant le BDSM.
Paddle : Instrument conçu pour la fessée, il est de forme plus ou moins rectangulaire et doté d’un manche. En français, on parlerait d’une « tapette ».
Pet : Cela signifie littéralement « animal de compagnie », mais dans le contexte BDSM, il s’agit d’un surnom affectueux donné au soumis.
Soumis : Il accepte de se soumettre au Dominant dans un couple pratiquant le BDSM.
Tawse : Instrument de punition originaire d’Écosse servant à fesser. C’est un instrument en cuir en forme de paddle, mais dont le bout est fendu en trois lanières.
Vanille : Quand on utilise ce terme pour qualifier une personne pratiquant le BDSM, ça signifie que cette personne n’aime pas pratiquer la discipline à l’extrême.
Juillet 2016
WAYNE DWYER était installé à l’arrière du véhicule d’intervention armée avec Ellis Mann à son côté et Shaun Temple au volant. Son fusil chargé était posé sur ses genoux et un pistolet était attaché à sa cuisse. L’atmosphère était humide et calme en ce début de matinée. Le convoi de sept véhicules et deux camionnettes de police ainsi qu’une ambulance avançait doucement à travers le sud de Londres, la pluie fine voilant le pare-brise.
Wayne était serein, ses pensées focalisées sur le briefing auquel ils avaient assisté une heure plus tôt. Ils étaient en chemin pour appréhender un suspect qui, selon la police, était en possession d’une arme. Cette information avait été donnée par des policiers qui avaient passé ces dernières heures à faire une reconnaissance des lieux.
— Si quelque chose se passe mal, cette nuit pourrait être longue, dit Shaun tout bas.
Près de Wayne, Ellis se crispa, serrant et desserrant son poing sur sa cuisse.
Wayne se mit à rire afin de lui donner une raison de se détendre.
— Il est aussi possible qu’il soit bordé dans son lit et endormi lorsque nous arriverons.
L’équipe de surveillance avait signalé que le suspect se trouvait à son domicile. Alors qu’ils approchaient du bâtiment où se trouvait leur cible, un véhicule d’intervention armée et un autre véhicule de police, occupé par des policiers municipaux, se séparèrent du convoi afin de couvrir l’arrière de l’immeuble.
— Dans ce cas, j’espère qu’il ne va pas se réveiller et prendre une personne en otage, marmonna Shaun.
Il gara la voiture le long du trottoir et les autres véhicules firent de même.
— Bien, tout le monde au point de rendez-vous, lança Shaun.
Wayne savait que les occupants de l’immeuble ne pouvaient ni les voir ni les entendre depuis leur appartement. Il avait étudié les images de Google Earth ainsi que les cartes à grande échelle de la propriété et de ses environs.
— Je suis d’accord avec toi, murmura Ellis. J’espère qu’il est déjà dans les bras de Morphée. Ça rendrait les choses bien plus faciles.
Ils savaient ce qui s’était passé plus tôt dans la soirée : le suspect et un autre homme – tous deux ayant des antécédents de violence – avaient menacé un individu et réclamé de l’argent en déclarant qu’il leur était dû. Le rapport signalait qu’ils étaient armés.
Les trois hommes sortirent du véhicule et furent rejoints par quatre autres agents, tous armés et équipés de casque, de lunettes de protection et de gilet pare-balles. Lewis était aux commandes.
— Vérifiez que vos téléphones et vos radios sont éteints, ordonna-t-il à voix basse. Cassidy et Phelps, surveillance armée du quatrième étage, au cas où notre homme déciderait de s’échapper par la fenêtre.
Les hommes avancèrent en file indienne resserrée vers l’immeuble de dix étages. Il était typique de cette jungle grise et déprimante de bâtiments en béton datant des années 70, avec leurs passerelles surélevées et leurs escaliers en pierre. Lewis atteignit la porte d’entrée de l’immeuble et l’ouvrit le plus silencieusement possible à l’aide d’une clé. Shaun se glissa à l’intérieur avec un bouclier pare-balles devant lui pour se protéger, son Glock à la main. Les six agents le suivirent dans les escaliers en béton et le nez de Wayne se fronça à l’odeur légère, mais caractéristique, d’urine. Peters portait le bélier.
Le bâtiment était calme alors qu’ils s’alignaient devant la porte de l’appartement. Lewis donna le signal à Peters et Derwent et le silence se brisa lorsqu’ils se précipitèrent en avant et enfoncèrent la porte d’entrée rouge. Ils se ruèrent tous à l’intérieur du domicile, arme à la main et Lewis cria :
— Unité d’intervention ! Unité d’intervention ! Rendez-vous. Gardez vos mains bien en évidence.
Wayne pointa son fusil vers la porte de la chambre alors qu’elle s’ouvrait et qu’un jeune homme vêtu d’un boxer en sortait, chancelant. Il cligna des yeux, bouche bée.
— Bien, bien, dit-il en agitant ses mains en l’air. Je ne suis pas armé, d’accord ?
Sa respiration était laborieuse.
— Trouvez de quoi le couvrir avant de l’emmener à l’extérieur, ordonna Lewis.
Shaun lui passa les menottes tout en lui récitant ses droits. Wayne se précipita dans la chambre et attrapa le dessus-de-lit noir. Il retourna dans le salon, le jeta par-dessus les épaules du suspect et regarda Shaun l’accompagner hors de l’appartement.
Ellis se précipita vers la porte de la deuxième chambre et se figea lorsqu’une petite fille apparut, se frottant les yeux et les ouvrant en grand lorsqu’elle vit les agents. Elle se mit à hurler et une autre enfant ainsi qu’une femme sortirent de la pièce.
— Qu’est-ce que vous foutez dans ma maison ? hurla la femme, indiquant aux filles de rester derrière elle avant d’enfiler sa robe de chambre.
Lewis ignora ses cris indignés.
— Peters, accompagne ces personnes en bas, au troisième étage.
Peters s’exécuta et Ellis les accompagna jusqu’à la porte. Une fois qu’ils furent hors de l’appartement, Lewis attrapa sa radio.
— Amenez Troy.
Wayne resta immobile en attendant Troy, le chien policier, et son maître. Il regarda Ellis lorsque celui-ci revint dans l’appartement. C’était la partie angoissante d’une telle opération : la fouille méticuleuse des lieux pour s’assurer qu’il n’y ait pas un deuxième homme armé qui se cache quelque part. Maintenant que le suspect et sa famille étaient entre de bonnes mains, les sept agents et le chien vérifièrent chaque recoin de l’appartement pendant vingt minutes. Lorsqu’ils furent certains que le domicile était vide, ils quittèrent les lieux. Les policiers municipaux prendraient le relais pour chercher de possibles armes.
Ils sortirent chacun leur tour de l’appartement et rejoignirent leurs véhicules.
— Debriefing au central, annonça Lewis.
Wayne savait que ce serait court ; tout s’était passé sans incident. Il ne lui restait plus que deux heures avant de finir son service à sept heures du matin.
— Eh bien, on aurait dit un cas d’école, remarqua Ellis en montant à l’arrière du véhicule d’intervention armé.
— Oui, c’est agréable quand ça se passe de cette manière.
Cela faisait six ans que Wayne faisait partie des forces d’intervention d’élite ; il était habitué à un certain schéma, aux changements de rythme soudains. Ils pouvaient être en train de patrouiller tranquillement et se retrouver en pleine action dans la minute suivante. D’un extrême à l’autre.
Une transmission arriva sur la radio de Shaun :
— Appel d’urgence provenant d’une adresse qui se trouve sur votre route, signala la petite voix. Une habitante a entendu une femme hurler depuis l’appartement du dessus. Elle a des raisons de croire qu’une arme est utilisée. Nous n’avons pas assez de détails pour le confirmer, mais comme vous vous trouvez dans le voisinage, vous devriez aller vérifier. Nous avons déjà appelé les policiers municipaux à se rendre sur place. Pouvez-vous leur apporter votre aide ? Vous êtes à trois minutes des lieux et votre commandant a déjà été prévenu.
Le visage d’Ellis se referma. Wayne savait ce que son partenaire était en train de penser. Théoriquement, cet appel aurait dû être transféré à une patrouille de police ou bien à des policiers armés. Cependant, ils étaient encore en service et seraient les plus rapides à se rendre sur place. Wayne savait qu’Ellis ne suggérerait pas de laisser les policiers municipaux prendre l’appel.
— Accepte, Shaun, dit Wayne en se penchant vers l’avant. Si nous sommes plus proches que les autres patrouilles, nous devons y aller. En plus, Lewis a donné son accord.
Shaun acquiesça et attrapa sa radio.
— Affirmatif.
Quand le central eut donné plus d’informations, Shaun parla à nouveau :
— Nous sommes en route. Assurez-vous qu’il y ait des renforts.
— Bien reçu. Terminé.
Shaun s’éloigna du trottoir et conduisit rapidement à travers les rues désertes. Il leur fallut peu de temps pour arriver à l’adresse indiquée, où se trouvait une maison à deux étages. Wayne et Ellis sortirent du véhicule et se précipitèrent vers la porte d’entrée. Une femme d’âge mûr vêtue d’une robe de chambre bleue vint à leur rencontre. Ses yeux s’élargirent en les voyant.
— Oh mon Dieu, qui m’ont-ils envoyé ? Les forces aériennes ?
— Pas vraiment, non. Nous étions les agents les plus proches des lieux, madame, répondit poliment Wayne.
— Ils sont en haut, dit-elle en indiquant l’escalier d’un doigt tremblant. Soyez prudents. C’est un homme mauvais. Dans le quartier, tout le monde sait que…
— Ça va aller, madame, l’interrompit Ellis dans un chuchotement.
Un cri étouffé se fit entendre et il signala à la dame de retourner dans son appartement qui se situait au rez-de-chaussée, puis il ouvrit la marche vers l’escalier. Ils montèrent doucement les marches étroites, Ellis pointant son arme devant lui. Lorsqu’ils atteignirent le premier étage, ils virent que la porte de l’appartement était entrouverte. Ellis leur fit signe de ne pas faire de bruit et se glissa à l’intérieur, suivi de Wayne.
La première pièce était vide, mais Wayne vit les premiers signes de lutte : une chaise était renversée et près d’elle se trouvait la chaussure d’un homme. Wayne évalua rapidement la situation. Il n’y avait pas assez d’indices pour comprendre ce qui était en train de se passer, mais ils se crispèrent en entendant un grand bruit provenant du couloir.
— Au secours !
Une voix de femme, manifestement effrayée, venait de briser le calme de la maison.
— À l’aide !
Avant que Wayne puisse réagir, Ellis cria :
— Unité d’intervention ! Nous allons entrer !
Puis il se rua hors de la pièce et longea le couloir, son arme pointée vers la chambre.
Qu’est-ce qui lui prend ? Wayne se dépêcha de le suivre, l’adrénaline envahissant tout son corps. À quoi joue-t-il ?
Lorsqu’il atteignit la pièce au fond du couloir, Ellis enfonça la porte et Wayne le suivit à l’intérieur. Au milieu de la pièce se trouvait un grand lit sur lequel un homme se tenait au-dessus d’une femme. Elle était en train de se débattre, mais il était clairement plus fort. D’une main, il tenait les poignets de la femme au-dessus de sa tête, sur un oreiller, et son autre main était dissimulée. Le fond de robe en satin de la femme était déchiré au niveau de l’épaule. Un grand couteau était posé près d’eux sur le lit et, avant que Wayne puisse faire quelque chose, l’homme descendit du lit et le récupéra. Il le brandit vers Ellis.
— Reculez, ordonna-t-il, son regard oscillant entre Ellis et Wayne.
Ellis pointa son arme vers l’homme.
— Lâchez ce couteau, ordonna-t-il. Maintenant !
L’homme pâlit et laissa tomber son arme au sol, où elle fit un léger fracas contre le plancher verni. Wayne éprouva un sentiment de soulagement et Ellis se détendit.
Soudain, la femme se jeta vers la table de chevet ; Ellis se figea. Wayne resta bouche bée quand, une seconde plus tard, elle sortit un revolver et le pointa vers son assaillant. Eh merde. Ce qui le stupéfia encore plus fut la réaction d’Ellis.
Son partenaire hésita, laissant son arme reposer le long de sa cuisse.
Wayne prit le contrôle de la situation, son cœur palpitant.
— Lâchez cette arme immédiatement ! cria-t-il.
Il pointa son Glock vers la femme pour s’assurer qu’elle le voie.
Son visage se décomposa et elle s’effondra sur le lit en pleurant, laissant tomber le revolver sur la couette.
Wayne trembla de soulagement.
— Menotte-le, ordonna-t-il sèchement à Ellis avant d’approcher du lit.
Il rangea son pistolet dans son holster et aida la femme à se relever.
— Shaun, les renforts sont-ils arrivés ? demanda-t-il dans sa radio. J’ai besoin d’un moyen de transport pour deux personnes aussi vite que possible.
— Entendu.
Wayne accompagna la femme hors de la chambre, laissant le revolver à l’endroit où il était tombé. Il s’en occuperait une fois qu’elle et son assaillant seraient entre les mains de la police. Wayne suivit Ellis et l’homme le long de l’escalier et hors de la maison. Lorsqu’ils atteignirent leur véhicule, deux voitures de police apparurent au coin de la rue et se garèrent devant le bâtiment. Deux policiers municipaux en sortirent, séparèrent le couple, puis accompagnèrent chacun d’eux à l’arrière des véhicules, menottés. Après une brève conversation avec Wayne, les policiers remontèrent en voiture et quittèrent les lieux.
— Nous allons juste aller récupérer le couteau et le revolver, dit-il à Shaun.
Il fit signe à Ellis de le suivre dans l’immeuble et le long de l’escalier. Une fois à l’intérieur de l’appartement, Wayne ne put contenir ses émotions plus longtemps.
— Qu’est-ce qui ne va pas chez toi ? gronda-t-il.
— De quoi parles-tu ? demanda Ellis en fronçant les sourcils.
— Du fait que tu aies apparemment oublié ton cerveau dans la voiture, répliqua-t-il avant de prendre une grande inspiration. Premièrement, depuis quand te mets-tu à crier avant même de connaître la situation ? Tu n’avais pas la moindre idée de ce qui était en train de se passer dans cette chambre. Tout ce que tu as gagné en criant si tôt, c’est d’annoncer notre présence à cet homme. Tu nous as mis en danger.
— Quoi ? répliqua Ellis, bouche bée.
— Tu lui as donné la possibilité de se préparer avant que nous entrions dans la chambre. Nous aurions pu entrer et nous retrouver avec une arme pointée sur nous, dit-il avant de serrer ses poings gantés. Mais ce qui m’inquiète le plus, c’est ton manque de réactivité. Pourquoi n’as-tu pas tiré sur cette femme ?
Ellis se figea, le visage blême.
— L’instinct. J’estimais que c’était la victime. C’est bien elle qui hurlait, non ? Et je… je me suis dit qu’elle n’allait pas tirer.
— Pourquoi ? Parce que c’est une femme ? Bon sang, Ellis, tu es plus malin que ça. Tu as déjà fait face à des femmes armées, tout comme moi, mais cette fois-ci, tu t’es retenu.
— Elle… elle s’est effondrée.
— Mais tu ne pouvais pas savoir qu’elle abandonnerait si facilement.
— Elle ne représentait pas une menace, insista Ellis.
— Pas pour toi, mais cet homme était en danger immédiat. Tu aurais dû lui donner un avertissement, puis tirer afin de le protéger, merde !
Wayne maîtrisa sa colère et sa confusion.
— Je sais que deux options s’offraient à toi et qu’il n’y a jamais de bonne ou mauvaise réponse à la question « devrais-je tirer ? ». Mais si j’avais été à ta place ? J’aurais tiré.
Il regarda Ellis droit dans les yeux, sans sourciller.
— Ce qui m’inquiète, c’est que tu ne l’aies pas fait.
Ellis déglutit.
— Tu penses que j’ai merdé, dit-il en respirant fort, son regard plein de désarroi.
Sa détresse calma les émotions de Wayne.
— Mettons les armes sous plastique et sortons d’ici, d’accord ? Nous avons toujours un debriefing qui nous attend au central.
— Vas-tu parler de ce qui s’est passé ici ? demanda Ellis en rencontrant son regard.
Mince.
Wayne observa son ami et prit rapidement sa décision.
— Non, finit-il par répondre. Même si je devrais le faire.
Au fond de lui, il savait que ce n’était que le dernier incident en date d’une série d’autres erreurs qui l’inquiétaient terriblement. Seigneur, que se passe-t-il, Ellis ?
La situation lui échappait.
— Retournons à la voiture avant que Shaun se dise que nous prenons bien trop de temps, dit-il avant de tapoter l’épaule d’Ellis. Nous pourrons discuter de ce qui vient de se passer une prochaine fois.
Ellis hocha la tête, bien qu’avec une certaine réticence.
Wayne plaça le couteau et le revolver dans des sacs en plastique et suivit Ellis hors de l’appartement. Il regarda fixement son collègue alors qu’ils descendaient l’escalier.
Et nous allons discuter de ce qui vient de se passer.
Il était temps d’agir avant qu’Ellis fasse une bêtise qui mettrait non seulement sa propre vie en danger, mais aussi celles de ses collègues. Et Wayne savait exactement ce dont il avait besoin.
Il est temps que je te prenne en main, boy.
JAROD PEARCE suivit son Dom, Eli Jameson, en sortant du jet privé qui les avait emmenés de Manchester à Londres. L’avion s’était garé au bout de la piste d’atterrissage, à l’endroit où se trouvaient les autres jets privés. Le temps était devenu maussade, avec de gros nuages qui semblaient vouloir déverser des torrents de pluie. Selon Jarod, le temps correspondait à son humeur, qui s’était assombrie considérablement depuis qu’ils avaient dû laisser leurs amis – leur famille – derrière eux pour commencer une nouvelle vie. Même la douleur qu’il ressentait dans son derrière, suite à leur visite au Mile High Club 1, n’avait pas suffi à lui remonter le moral.
— Nous ne sommes pas obligés de le faire, lui rappela une nouvelle fois Eli.
— Si, insista Jarod.
Il avait voulu cela pour son Maître : une occasion de se lancer dans une nouvelle aventure, de monter une société qui leur appartiendrait et qu’ils dirigeraient ensemble. Ce n’était pas la faute d’Eli si Jarod avait du mal à quitter leur ancienne vie.
— Ce n’est pas à l’autre bout du monde, pet, murmura Eli en tendant une main pour caresser la nuque de Jarod. Manchester n’est qu’à deux heures en train. Nous pourrons y retourner dès que tu en auras envie.
Jarod appréciait le geste, mais il savait qu’ils ne pourraient pas retourner à Manchester de sitôt. Ils avaient passé des mois à suivre des cours, à étudier la comptabilité et à écouter les conseils de Leo Hart et Thomas Williams, les propriétaires de Colliers & Menottes. Ils avaient fait tout cela avec un objectif en tête : ouvrir les portes de Secrets, le nouveau club BDSM de Londres.
— Messieurs ? entendirent-ils une voix les appeler.
Jarod se retourna et vit un homme habillé de manière élégante qui tenait une pancarte sur laquelle était inscrit : « Pearce et Jameson ». Il fit de son mieux pour sourire, mais il savait que cela ne paraîtrait pas sincère. Heureusement, Eli s’avança et serra la main de l’homme.
— Je suis Eli Jameson. Puis-je vous aider ?
Pendant un instant, la confusion se lut sur le visage du jeune homme.
— Je suis Maxwell. Votre limousine vous attend, se contenta-t-il de répondre.
— Notre… commença Eli en soulevant les sourcils avant de se tourner vers Jarod. Je sens que tu es derrière tout ça, pet. Explique-toi.
Jarod ne put s’empêcher de sourire.
— Nous avons pris un jet privé. Comment pensiez-vous que nous allions nous rendre jusqu’à notre nouvelle maison ?
— Il y a ces choses que l’on appelle des taxis. En as-tu déjà entendu parler ?
Les joues du chauffeur s’empourprèrent alors qu’Eli continuait de disputer Jarod, avec tendresse, bien entendu.
— Tu t’es mis dans de sales draps, pet, tu n’as même pas idée. À l’allure où tu dépenses ton argent, il ne t’en restera plus à la fin de l’année.
Jarod se retint de lever les yeux au ciel.
— Je peux vous assurer que nous ne finirons pas à la rue, Monsieur. De plus, lorsque le club commencera à se faire une réputation, nous n’aurons plus besoin de toucher à cet argent. Nous en gagnerons assez pour subvenir à nos besoins.
Ce « nous » incluait la mère de Jarod, Maggie, qui était arrivée à Londres avant eux. Ils avaient divisé l’étage supérieur du bâtiment en deux appartements : un pour sa mère et l’autre pour eux. Ils avaient aussi beaucoup investi en insonorisation parce que Jarod n’avait pas particulièrement envie de voir le sourire entendu de sa mère chaque fois qu’Eli et lui feraient l’amour. Une chose était sûre : Eli avait un très bon appétit sexuel, ce qui excitait Jarod au plus haut point.
— Nous en discuterons plus tard, pet.
— Comme si j’en doutais, répondit Jarod avec un sourire malicieux.
Eli sourit et l’embrassa, ce qui fit rougir Maxwell de plus belle. Il va falloir qu’il s’y fasse. Il n’est pas près de nous voir arrêter d’être affectueux l’un envers l’autre. D’ailleurs, il serait peut-être bon d’en informer Eli le plus vite possible. À un moment donné. Peut-être une fois qu’ils seraient arrivés à la maison.
Voire longtemps après – ils avaient un nouveau lit à baptiser. Cette idée le fit trembler d’impatience, mais lorsqu’il serra les fesses, il grimaça. Ah. C’est vrai. Le Mile High Club.
Il faudrait peut-être attendre un moment avant de baptiser le lit. Au moins deux heures.
Maxwell marcha rapidement vers le véhicule qui les attendait et Jarod se dit qu’ils n’auraient jamais pu le suivre s’ils avaient eu des bagages. Dieu merci, nous n’avons pas à nous inquiéter du déménagement. Jarod était heureux d’avoir engagé une société de déménagement qui avait emballé leur mobilier et leurs affaires personnelles, puis les avait installés dans leur nouvelle maison avant leur arrivée. Le chauffeur parlait avec enthousiasme de la ville, des endroits qu’il fallait visiter, des restaurants qu’il ne fallait pas manquer et aborda des sujets dont Jarod n’arrivait pas à se rappeler, mais il laissa Max bavarder, appréciant son énergie.
— Monsieur ?
— Oui, pet ?
— Je suppose que ce n’est pas vraiment le moment de vous dire que…
— Tu as acheté la voiture et engagé Maxwell en tant que chauffeur ?
— Je… Oui. Comment l’avez-vous su ?
Eli sourit en lui caressant la joue.
— Je ne le savais pas, mais je te connais par cœur.
— Autrement dit, vous l’avez deviné.
— Oui. J’aimerais pouvoir te gronder, mais je sais que tu avais de bonnes raisons de le faire. Tu ne fais jamais rien sans y avoir mûrement réfléchi.
Cela fit plaisir à Jarod d’entendre Eli parler de lui de cette manière. Eli était toujours démonstratif lorsqu’il s’agissait de le complimenter et il lui arrivait d’avoir ce regard rêveur, comme s’il avait du mal à croire qu’il puisse avoir autant de chance.
— Maman voudra peut-être aller faire du shopping ou sortir en ville. J’ai engagé Maxwell pour être notre chauffeur, mais aussi pour lui servir de compagnon lorsque je ne pourrai pas être avec elle. Il a pris des cours de premiers secours, connaît ses besoins et il connaît très bien cette ville.
— Et il est assez mignon pour plaire à Maggie.
Jarod fit semblant d’être scandalisé.
— Monsieur, je suis choqué. Pensez-vous que ma mère… ? Oh, à quoi bon mentir ? Oui, elle appréciera sa beauté.
— Je pense que c’est une excellente idée, pet.
Ils montèrent en voiture et Jarod s’adossa au siège en cuir. Eli prit instinctivement sa main dans la sienne.
Nous y voilà : le premier jour de notre nouvelle aventure.
Jarod n’avait jamais été plus reconnaissant d’avoir Eli à son côté.
ELI S’ARRÊTA devant la grande porte d’entrée.
— Prêt à voir à quoi ça ressemble, pet ?
Jarod hocha la tête, son cœur battant la chamade. Les mois de préparation, de concertation et de coups de fil incessants étaient enfin terminés et les résultats de leurs efforts se trouvaient derrière cette porte.
— Je dirais même que je suis impatient.
Il prit une grande inspiration. Eli déverrouilla la porte et l’entraîna à l’intérieur. Il faisait sombre et d’une seule main, Eli les plongea dans la lumière.
— Oh mon Dieu ! s’exclama Jarod, le souffle coupé.
Cet endroit était renversant.
Un grand bureau de réception en bois sombre était installé sur le côté et au-delà se trouvait l’espace social, avec des tabourets alignés le long d’un bar étincelant dont les sièges étaient recouverts de cuir. Le reste de la salle était rempli de tables et de chaises, et le sol en plancher verni reflétait les lumières LED installées au plafond.
— Et nous n’avons pas encore vu la salle principale, lui rappela Eli avec enthousiasme.
Il guida Jarod à travers le bar jusqu’à une autre grande porte. Lorsqu’ils la franchirent, l’ambiance changea. Le sol était recouvert d’une matière noire, ce qui était plus approprié à un club BDSM, et la lumière était plus douce. Les murs étaient recouverts de miroirs et d’étagères, et des bancs et des chaises étaient éparpillés dans la salle. Des armoires laissaient présager que du matériel et des équipements étaient dissimulés à l’intérieur. Il y avait des sangles, dont trois ou quatre étaient accrochées au mur, et de grandes charpentes dans lesquelles étaient fixés des anneaux, n’attendant plus qu’une personne se laisse attacher. La scène était située au centre du mur gauche, attirant le regard sans même avoir été préparée pour une démonstration. Tout l’équipement qui avait servi à la construction de la scène avait été choisi par leur soin et la qualité des matériaux transparaissait.
Au fond de la salle se trouvait l’ascenseur d’origine, qui avait été rénové pour permettre d’accéder à l’étage inférieur où se trouvaient les chambres privatives, une salle de réunion, les vestiaires et les douches.
— Bon Dieu, chuchota Eli avec révérence. C’est encore plus incroyable que ce que j’avais imaginé.
Jarod était d’accord. Les artisans avaient fait un travail extraordinaire et pourtant, ils avaient réussi à ne pas dépasser le budget alloué. Il se plaça au centre de la pièce et observa le club. Dans peu de temps, ce ne sera plus aussi calme. Il pouvait presque l’entendre : le doux sifflement d’un martinet, un fouet fendant l’air, le coup d’un paddle rencontrant un derrière nu et, en fond sonore, le bruit des hommes s’engageant dans diverses activités et produisant de petits cris de plaisir mêlé à la douleur.
— Viens voir, pet, appela Eli depuis le bar.
Jarod le rejoignit à l’endroit où se trouvaient le bureau et un ascenseur leur permettant d’accéder à leur domicile qui se trouvait à l’étage supérieur. Eli appuya sur le bouton et la porte en métal brillant s’ouvrit pour laisser apparaître une moquette bordeaux et trois murs dont la partie inférieure était en acier inoxydable et la partie supérieure, recouverte de miroirs.
Eli sourit.
— Nous devons baptiser cet ascenseur, dit-il en posant une main sur la fesse de Jarod avant de la serrer. Je te vois les fesses en l’air, face aux miroirs pendant que je te prends.
Jarod souleva les sourcils.
— Nous avons baptisé le jet privé il y a moins d’une heure, vous vous souvenez ?
Non pas qu’il soit contre cette idée – le simple fait d’entendre Eli en parler l’avait fait durcir. Finalement, je pense qu’une heure suffira. Il rit intérieurement. Nous sommes aussi insatiables l’un que l’autre.
— Que puis-je y faire ? dit Eli en le déshabillant du regard. Il m’en faut peu pour être excité en ta présence.
Jarod se retint de rire et poussa ses fesses contre la main d’Eli.
— Nous pourrons le faire si Max emmène ma mère quelque part.
Il n’envisagerait pas de faire quoi que ce soit de sexuel tant que sa mère pourrait les entendre.
Eli se racla la gorge. Oh. Max. Mince. Jarod grogna. Il avait complètement oublié que l’homme était derrière eux.
— Désolé, dit-il.
— Moi, je ne le suis pas, dit Eli en riant.
— Je vais vous attendre ici, monsieur, dit Max de manière respectueuse alors qu’Eli montait dans l’ascenseur en entraînant Jarod avec lui.
— Merci, Max, dit Eli avec un hochement de tête.
La porte se referma et Eli sourit.
— Allons découvrir notre nouvelle maison.
LORSQU’ILS ENTRÈRENT dans leur nouveau foyer, ils eurent l’impression d’entrer dans une salle d’exposition. Tout brillait, des boiseries jusqu’au lustre de la salle à manger. Le tapis d’un superbe rouge qui se trouvait dans le salon était contrebalancé par le mobilier en cuir noir. Eli n’aurait jamais imaginé pouvoir vivre dans un endroit comme celui-ci. Il regarda Jarod et vit que son partenaire était aussi émerveillé que lui.
— Pet ?
— C’est… remarquable. Les plans que nous avons vus ne rendent pas justice à cet endroit. Ils ont transformé ce lieu en une maison. Un foyer.
Eli prit Jarod dans ses bras, puis il murmura à son oreille.
— Notre foyer.
Ils visitèrent l’appartement, s’attardant dans la chambre où se trouvait un grand lit dont la tête était en fer forgé ; Eli était impatient de s’en servir. Lorsqu’il remarqua le coffre en bois foncé au pied du lit, il sourit. Il avait une idée de ce qui se trouvait à l’intérieur.
— Tu as bon goût, Jarod. Ce mobilier est magnifique.
La salle de bain était équipée d’une douche à l’italienne assez grande pour accueillir quatre hommes, avec des bancs à l’intérieur. Les parois en verre avec une bande centrale dépolie permettraient à Jarod d’observer Eli en train de se masturber sous la douche pendant que lui resterait à l’extérieur. Il retint cette idée en tant que future punition.
La cuisine était équipée d’appareils dernier cri, dont une machine à café qui promettait un excellent café à chaque tasse. Ce serait le territoire de Jarod. Eli était peut-être aux commandes, mais lorsqu’il s’agissait de la cuisine, Jarod finissait toujours par se faire obéir.
— Cet endroit fait quatre fois la taille de ma maison, murmura Eli en promenant sa main le long de la table de la salle à manger.
Il avait vu la maison de Jarod, celle qu’il avait partagée avec Phillip. L’atmosphère de leur maison avait été austère, mais celle-ci semblait vivante, organique. Des plantes vertes et vivaces étaient placées devant les grandes baies vitrées qui s’étendaient du sol au plafond. À travers les fenêtres, on pouvait voir les docks de Ste Katharine et Eli s’émerveilla de voir les navires et les bateaux qui étaient amarrés.
— Nous devrions monter à bord de l’un de ces bateaux, remarqua-t-il.
— Nous pourrions acheter un bateau pour…
— Non.
— Mais…
— Non, répéta fermement Eli.
Il se plaça face à Jarod et le regarda droit dans les yeux.
— Nous avons utilisé ton argent pour investir dans cette affaire et pour rénover le bâtiment. Je veux être un partenaire à part entière, tu comprends ? J’aime participer, mais lorsque tu dépenses ton argent pour que nous achetions des choses, j’ai l’impression de ne pas vraiment faire partie de ce projet.
Cela va-t-il toujours être un sujet de discorde entre nous ? Eli espérait que non. Peut-être que cela prendra simplement un peu de temps avant que nous nous y habituions.
— C’est aussi votre argent.
Eli entendit la frustration dans la voix de Jarod.
— Oui, c’est notre argent. Mais je ne veux pas que tout nous soit servi sur un plateau. Je veux que nous gagnions cet argent ensemble. Peux-tu le comprendre ?
Les sourcils de Jarod se froncèrent.
— Je n’y avais jamais réfléchi de cette façon, répondit-il d’une voix douce.
Eli prit les mains de Jarod dans les siennes.
— Réfléchis. Qu’est-ce qui est le plus valorisant ? Que nous réussissions et allions acheter un bateau ensemble ou que nous en achetions un parce que nous avons ce qu’il faut sur notre compte ?
Jarod ferma les yeux et Eli espéra qu’il était en train de méditer sur ces mots.
— Je sais que nous avons de l’argent et que nous en avons suffisamment pour vivre plusieurs vies, mais ce n’est pas ce dont j’ai envie. Je veux que nous prenions des risques, que nous misions l’un sur l’autre. Que nous réussissions ou que nous échouions ensemble. Je ne veux pas d’un filet de sécurité, pet. J’ai besoin que nous soyons totalement investis dans nos vies. Peux-tu faire ça pour moi ? Pour nous ?
Jarod le regarda calmement.
— À moins que nous cédions le reste de nos économies, nous aurons toujours un filet de sécurité, mais je comprends. Je vais en parler aux avocats. Je vais les prévenir que nous ne retirerons plus d’argent pendant un certain temps.
Dieu soit loué. Eli se pencha en avant et embrassa Jarod sur la bouche.
— Merci. Et je ne veux pas que tu croies que tu n’as pas le droit d’y toucher. Après tout, nous devons financer Max et la limousine.
Cela fit rire Jarod.
— Je continuerai d’utiliser notre argent jusqu’à ce que nous soyons dans le vert. Une fois que ce sera le cas, nous vivrons selon nos moyens. Il faudra peut-être établir un budget, mais je ne pense pas que nous en arriverons là. Cet endroit va être extraordinaire parce qu’il sera dirigé d’une main de fer, mais avec un cœur tendre.
Eli caressa la joue de Jarod du bout des doigts.
— Je pense que tu as raison. Et d’ailleurs, les invitations sont-elles prêtes ?
— Oui. J’ai épluché les listes d’adhésion, vérifié quels membres seraient intéressants à contacter, puis j’ai envoyé des e-mails à ceux qui avaient choisi cette option. J’envoie des courriers à ceux qui ont laissé une adresse postale.
Eli se plaça derrière Jarod et frotta son nez contre sa nuque.
— Nous allons vraiment le faire, hein ?
Jarod acquiesça et inclina la tête pour lui donner un meilleur accès.
— Dans deux semaines. J’ai envoyé des invitations aux maîtres Leo et Thomas, puis j’ai invité tous les autres. J’ai… euh… Il est possible que j’aie proposé de financer le voyage des personnes qui ne pouvaient pas se le permettre.
— C’est très gentil de ta part, Jarod. Nous utiliserons nos économies pour acheter les billets.
— Mais je croyais…
Jarod dut remarquer l’air mécontent sur le visage d’Eli parce qu’il baissa le regard et continua doucement :
— Oui, Monsieur.
— Arrête ça tout de suite, dit Eli. Laisse-moi te poser une question : tu ne dépensais jamais d’argent avant de me connaître, n’est-ce pas ?
— C’est exact, Monsieur. Les avocats géraient mon argent. Ils payaient les taxes et faisaient en sorte que la propriété soit entretenue. Jusqu’à ce que nous décidions de nous renseigner sur le club, je n’avais même pas conscience de la somme d’argent que Phillip avait mise de côté.
— Alors pourquoi le faire maintenant ? Je comprends que tu aies voulu investir dans le club. Nous n’aurions jamais pu réaliser ce projet si tu n’avais pas donné ton accord. Mais depuis que nous avons ce projet, tu n’hésites plus à dépenser ton argent alors qu’auparavant, tu n’y touchais même pas. Je suis simplement curieux de savoir pourquoi tu n’y avais jamais touché. Était-ce parce que la vie que tu partageais avec Phillip te manquait ? Lorsque tu pouvais faire ce que tu voulais sans te soucier de ce que tu dépensais ?
Eli caressa la nuque de Jarod et celui-ci trembla. Il voulait s’assurer que Jarod ne réfléchisse pas trop avant de répondre.
— Non, Monsieur. Ce n’est pas du tout ça, répondit-il. C’est le club.
— Peux-tu être plus précis ?
Jarod prit une profonde inspiration.
— Je ne suis pas certain. J’adore prendre soin de vous. Ma vie serait parfaite si je pouvais continuer à le faire pour le restant de mes jours.
— Oh, ne t’en fais pas pour ça, lui assura Eli avec un sourire en coin. Tu le feras.
Jarod se pressa contre lui et Eli comprit qu’il avait besoin de cette connexion. Il enroula ses bras autour de lui.
— Après avoir donné de l’argent aux garçons et la maison aux maîtres Thomas et Leo, j’ai découvert à quel point c’était agréable de prendre soin des autres. Lorsque nous avons décidé d’ouvrir le club, j’ai réalisé que c’était peut-être notre destin. Ce club va vous donner l’occasion de contrôler autre chose que moi. Vous allez pouvoir contrôler votre vie. Vous n’aurez aucun patron à satisfaire. Vous serez aux commandes. Quant à moi ? J’aurais non seulement l’occasion de prendre soin de vous, mais également de ma mère et peut-être des clients de Secrets. Je me suis dit que cet endroit nous donnerait à tous les deux la possibilité de devenir plus.
La sincérité qui transparaissait dans la voix de Jarod était tout ce dont Eli avait besoin. Jarod avait une telle capacité à donner et à vouloir rendre tout le monde heureux. Il en fallait beaucoup pour qu’Eli se sente ému, mais Jarod avait réussi à le toucher.
— Merci, pet. Ça représente beaucoup pour moi. Mais tu te rappelles ce que j’ai dit tout à l’heure ? C’est aussi vrai dans ce contexte. Tu n’as pas besoin d’argent pour prendre soin de moi ou de qui que ce soit. Tu… nous avons construit ce club pour cette raison. Nous voulions offrir aux personnes un endroit dans lequel ils pourraient être eux-mêmes. Mais nous devons nous promettre que nous nous soutiendrons l’un l’autre. L’argent pourrait résoudre n’importe quel problème que nous rencontrerions, mais alors quel serait l’intérêt pour nous ? Je ne serais pas aux commandes, en train de chercher une solution, parce que l’argent nous permettrait de résoudre le problème immédiatement. Quant à toi ? Si quelqu’un avait besoin d’aide, il te suffirait de dépenser pour le libérer de son problème. Tu n’aurais pas du tout besoin de t’impliquer dans la vie de cette personne.
Jarod pencha la tête en arrière.
— C’est ce que je fais ?
— Je pense, oui. Scott et Ben ne peuvent pas se permettre d’acheter un billet, alors nous leur offrons. Aucune raison de trouver une solution originale parce que l’argent a résolu le problème pour nous. Tu comprends ce que j’essaie de dire ?
Jarod pâlit et l’estomac d’Eli se noua.
— Je suis désolé, murmura Jarod. Je n’y avais jamais pensé de cette manière.
— Non, ne t’excuse pas, dit Eli avec véhémence. Ça part d’une bonne intention. Mais peut-être que si tu veux aider les gens, tu devrais faire ce que Thomas et Leo ont fait : créer une fondation, aider les gens qui en ont besoin. Les jeunes qui ont fugué, qui ont été mis dehors par leur famille, qui ont été victimes de maltraitance. Dépense ton argent pour employer des personnes qui leur viennent en aide. Donne-leur de ton temps. Je te donnerai un coup de main. Et peut-être que Maggie serait heureuse de leur donner des conseils. S’investir personnellement est aussi important que de financer ce genre de lieux. Mais le club ? C’est l’endroit dans lequel nous devons unir nos forces afin que ça fonctionne.
Jarod sourit.
— C’est une excellente idée. Je pourrais demander aux avocats de plancher sur le sujet.
— Il m’arrive d’avoir de bonnes idées, dit Eli en polissant ses ongles sur sa chemise.
Cela fit rire Jarod.
— Et vous avez également raison à propos du club. Nous allons faire en sorte que ça fonctionne sans avoir recours à nos fonds. Ensemble.
— C’est tout ce que je demande, pet.
Un frisson parcourut Eli. Ils allaient vraiment se lancer dans cette aventure.
Il était impatient que la soirée d’inauguration ait lieu.
1 « Club » dont les membres ont pratiqué une activité sexuelle dans un avion en vol.
WAYNE COMMENÇAIT à se sentir mal pour la nouvelle recrue.
Roberts avait terminé sa période d’essai et les avait accompagnés sur un entraînement de trois jours à Gravesend. Étant donné que soixante agents d’élite travaillaient pour la Met 1, il n’était pas étonnant que Roberts n’ait pas rencontré la majorité de ses collègues, mais Wayne comprit rapidement qu’il n’avait croisé aucun des hommes avec lesquels il participait à l’entraînement. À la fin de la journée, il n’avait toujours pas réussi à cerner Roberts.
Le vestiaire était l’endroit où les plaisanteries fusaient, certaines d’entre elles très amusantes et parfois un peu moqueuses et taquines, mais toujours dans un esprit bon enfant. Wayne y était habitué. Dès son arrivée, il avait été franc avec tous ses collègues car il ne voulait pas qu’il y ait de secrets ou d’incompréhensions entre eux. Ces hommes étaient ceux qui couvriraient ses arrières lors des missions, dans des conditions de tension et de stress, alors Wayne voulait être certain de pouvoir compter sur eux. Ses collègues n’avaient pas vraiment eu de réaction en l’apprenant, mais Wayne savait qu’ils avaient éprouvé de la méfiance à l’idée de travailler avec le seul homosexuel de l’unité d’élite ; s’il y en avait d’autres, ils étaient très doués pour le cacher. Wayne avait fait tout son possible pour gagner leur respect et leur confiance, mais au début, il avait dû supporter beaucoup de taquineries et les remarques habituelles selon lesquelles tout le monde devait faire attention à son derrière. Cependant, il ne s’était pas attendu à autre chose et, avec le temps, ils avaient tous fini par l’apprécier. D’ailleurs, cela leur avait permis de devenir un groupe plus soudé.
Roberts était déjà mal parti.
Pendant le briefing matinal, avant qu’ils partent dans la fausse ville qui leur servait de terrain d’entraînement, Shaun avait fait des commentaires sur le physique de Roberts. Il faisait clairement beaucoup de sport ; ses muscles avaient des muscles. Mais son visage… Le seul mot qui venait à l’esprit pour le décrire était « joli ». Ce n’était pas le type d’hommes de Wayne – si tant est qu’il en avait un –, mais il avait su que quelqu’un ferait une réflexion tôt ou tard. Il avait compté mentalement jusqu’à dix avant que la première salve de remarques soit tirée et, sans surprise, elle avait été administrée par Shaun, avec son humour mordant et tranchant. Roberts s’était hérissé, mais Wayne était intervenu pour s’assurer qu’il comprenne qu’il n’y avait rien de personnel dans ces remarques, que ce n’étaient que des mots. Shaun avait souri, confirmant les dires de Wayne qui tentait de calmer Roberts.
L’entraînement s’était bien déroulé. L’objectif était de les préparer pour une attaque terroriste lors d’une visite diplomatique à l’étranger et le debriefing était essentiel. Wayne considérait toujours ces activités comme réelles. De cette manière, chaque erreur ou mauvaise interprétation pouvait être rectifiée et s’ils se retrouvaient un jour face à cette situation dans la vie réelle, ils seraient prêts à l’affronter. Une fois l’entraînement terminé, il ne leur restait plus qu’à retirer leur veste, leur casque et tout autre attirail, à prendre leur douche, puis ils étaient libres de faire ce qu’ils voulaient de leur soirée.
Évidemment, une session d’entraînement ne pouvait pas se terminer sans taquineries.
Quatorze agents s’attroupèrent dans le vestiaire et bientôt, la vapeur d’eau sortait des douches, accompagnée par de grosses voix qui plaisantaient et racontaient des histoires de football, de tournée des bars, de conquêtes sexuelles et de projets de vacances.
Au vestiaire, Wayne passait le plus clair de son temps à éviter de regarder Ellis, de peur qu’il ne suffise que d’un regard un peu trop insistant sur le corps musclé de son ami pour trahir ses sentiments. Il faisait cela depuis des années. Wayne s’était fait une raison : Ellis avait rejoint l’unité six ans plus tôt. Un mois plus tard, ils étaient amis. Cependant, il admirait ce corps sublime depuis cinq ans, onze mois, trois semaines, deux jours et peut-être quelques heures.
Il ne faisait que l’admirer de loin ; Ellis était hors limite. Wayne refusait de mettre en péril leur amitié en faisant des avances à son meilleur ami – son meilleur ami hétérosexuel.
Lorsque Roberts sortit des douches avec une serviette nouée autour de la taille, dévoilant un torse sculpté qui aurait eu sa place dans un magazine, Wayne savait que ça n’allait plus tarder…
— Fais attention, Roberts ! lança Shaun avec un sourire espiègle. Tu vas tellement faire baver notre gay de service que tu vas devoir prendre une autre douche.
Des petits rires se firent entendre dans tout le vestiaire.
— La bave gay, c’est une horreur. Ça se colle partout, plaisanta Cassidy.
Ces mots firent rire Phelps.
Wayne ne dit rien, mais regarda la scène se dérouler avec le sourire. Ses collègues ne révéleraient pas son homosexualité – même s’il s’en fichait. Ils essayaient de cerner Roberts.
— L’un de vous est gay ? demanda Roberts avec de grands yeux, son intonation ne trahissant pas son opinion sur le sujet.
Le sourire de Shaun s’élargit.
— Pourquoi ? Ça te pose un problème ? demanda-t-il en observant ses collègues tout autour de lui, qui étaient en train de s’essuyer ou de s’habiller.
Houlà. Wayne connaissait ce regard.
Ellis regarda Wayne et esquissa un léger sourire. Apparemment, il le connaissait aussi.
— Euh, non… répondit Roberts, incertain. Alors, de qui s’agit-il ?
Le ton de sa voix était assez nonchalant, mais Wayne remarqua la légère tension qui monta jusque dans ses épaules.
Le regard de Shaun pétilla.
— Nous le savons, à toi de le découvrir, dit-il avant de s’approcher de Roberts et de faire glisser un doigt le long de sa colonne vertébrale. Je suis certain qu’un homme grand et fort comme toi n’aura pas de mal à déterminer de qui il s’agit – chaton.
Wayne eut beaucoup de mal à ne pas éclater de rire. Shaun mesurait un mètre quatre-vingt-huit pieds nus et sa main faisait la taille d’une assiette. Entendre ce terme affectueux prononcé par sa voix grave était juste… surprenant.
Roberts le regarda fixement, incapable de retenir un frisson.
C’est parti.
Phelps ne perdit pas une seconde et sautilla vers la nouvelle recrue, se déhanchant de manière exagérée.
— Ça ne doit pas être si compliqué que ça, mon lapinou, dit-il en caressant l’épaule de Roberts avant de partir vers les douches.
Wayne mourrait d’envie de rire en regardant six autres de ses collègues approcher de Roberts en marchant de manière efféminée. Chacun d’eux prenait une voix plus aiguë en touchant ou caressant le pauvre Roberts et, bien entendu, ils lui donnèrent tous un petit nom affectueux. Derwent posa ses mains sur les épaules de Roberts et se pencha en avant pour lui susurrer à l’oreille que, s’il était intéressé, il faisait d’excellents massages.
Il fallut une minute à Roberts pour le prendre à la rigolade et il les chassa en souriant.
— Ça vous fait bien rire, hein ?
Tous les hommes éclatèrent de rire et Roberts se détendit.
— Oui, beaucoup, répondit Shaun en rigolant. Le plus important, c’est que ça te fasse rire aussi, ajouta-t-il en tapotant Roberts dans le dos. Tu feras l’affaire.
Wayne sourit. Ce n’était pas la première fois qu’il assistait à ce genre de rite de passage et il savait que ce ne serait pas la dernière. Ces taquineries n’étaient pas faites dans le but de blesser la personne – ils voulaient s’assurer que Roberts avait de l’humour et qu’il pourrait s’intégrer dans l’équipe.
Shaun fit un clin d’œil à Wayne avant de s’adresser à Roberts :
— Alors ça ne te pose vraiment pas de problème ?
— Non, répondit-il en remuant la tête. C’est juste que je n’ai jamais eu l’occasion de travailler avec un flic gay.
— Ça, c’est ce que tu crois, remarqua Cassidy avec un sourire en coin. Tous les homosexuels ne sont pas des stéréotypes, tu sais.
Il jeta un œil vers Wayne et son expression devint sobre.
— Tout ce que tu dois savoir, c’est que nous nous soutenons les uns les autres, finit-il.
— Entendu, dit Roberts en relevant la tête. Tout ce que je vous demande, c’est de ne pas dire que je suis joli, d’accord ?
Wayne grogna et dit :
— Dire que tu t’en sortais si bien jusqu’ici.
Lorsque Roberts le regarda, Wayne secoua la tête.
— Regarde les choses en face : tu viens de leur tendre une perche, expliqua-t-il.
Roberts fronça les sourcils.
— Écoutez, les gars, nous avons trouvé un surnom pour Roberts ! lança Shaun en se frottant les mains avec jubilation. À partir de maintenant, nous l’appellerons « mon joli ».
Des ricanements se firent entendre à travers la pièce.
Roberts, qui avait enfin compris, laissa échapper un profond soupir.
— Je suis tombé dedans la tête la première, hein ? dit-il en laissant tomber sa serviette et en commençant à s’habiller.
— J’en ai bien peur, oui, répondit Wayne en souriant.
Il tapota l’épaule de Roberts.
— Ne t’en fais pas, tu finiras par t’y habituer… D’ici quelques mois.
Roberts secoua la tête en riant.
— Et toi, c’est quoi ton surnom ?
Avant que Wayne ne puisse répondre, Cassidy intervint :
— Nous voulions l’appeler Babe. Tu sais, comme le petit cochon qui rassemble tous les moutons ? Mais ça n’a pas vraiment tenu, alors on cherche encore.
Roberts laissa échapper un rire bref.
— Babe ?
Cassidy haussa les épaules.
— Il s’assure que nous restions concentrés, que nous fassions bien notre travail, expliqua-t-il avant de regarder Wayne avec amitié. Il est homme dont nous avons besoin en temps de crise.
Ces paroles firent plaisir à Wayne.
Derwent lança sa veste par-dessus son épaule et se dirigea vers la porte. Il s’arrêta et se retourna vers Ellis.
— Au fait, merci pour ton aide, lui dit-il.
— Je t’en prie, répondit Ellis en lui faisant signe.
Derwent sourit et quitta le vestiaire. Wayne regarda Ellis avec curiosité.
— De quoi parle-t-il ?
— Oh, rien d’important, répondit-il de manière légère en enfilant son jean.
Avant que Wayne ne puisse insister, Ellis s’adressa à Phelps qui était sous la douche :
— Tu es vraiment obligé de chanter pendant que tu te douches ?
— Ferme-la, répliqua Phelps en criant. Je m’entraîne pour Britain’s Got Talent. Je vais devenir le prochain SuBo 2.
Cela fit rire Ellis.
— Si j’étais toi, je ne remettrais pas encore ma lettre de démission.
Autour de lui, tout le monde se mit à ricaner, à pouffer de rire et à murmurer qu’ils étaient bien d’accord.
Un par un, les agents s’en allèrent en adressant un signe de la main ou un sourire jusqu’à ce qu’il ne reste que Wayne et Ellis. Ce dernier ferma son casier et soupira.
— Et nous allons refaire la même chose demain.
— Nouvelle journée, nouveau scénario, dit Wayne. Ça ira.
Il jeta un œil vers son sac et un frisson le parcourut en voyant un bout de l’enveloppe sous sa serviette. Encore quelques jours. Plus le weekend approchait, plus son impatience grandissait, au point qu’il en vibrait.
— Qu’est-ce qui te met dans cet état ?
Mince. Wayne n’avait pas réalisé qu’il était si transparent. Mais soudain, une idée lui vint. C’est l’opportunité idéale. S’il voulait aider Ellis, il devait bien dire quelque chose, non ? Cela faisait six ans qu’ils étaient amis et quand bien même Ellis savait que son meilleur ami était homosexuel, Wayne gardait une partie de sa vie privée – la plus importante – secrète.
Il est peut-être temps d’en discuter.
Wayne s’installa sur le large banc en bois qui était placé au centre de la pièce.
— Je ne vais pas pouvoir sortir avec vous samedi soir, commença-t-il. J’ai appris une nouvelle et j’ai d’autres projets.
— Oh, je vois. Un rendez-vous galant ? le taquina Ellis.
Non, c’était loin d’être un rendez-vous galant. Il n’en avait pas eu depuis des années. Pas depuis qu’il avait réalisé la profondeur des sentiments qu’il éprouvait pour Ellis. Il avait participé à quelques séances au club, mais il n’avait rien fait de sexuel depuis un bon moment. En le faisant, il aurait eu l’impression d’être infidèle – même si ce n’était pas le cas – et ce n’était pas dans son caractère.
— Non, un club dont je suis membre rouvre ses portes. J’ai reçu une invitation et j’ai envie d’y aller.
Ellis inclina la tête et Wayne sourit intérieurement. Son ami avait toujours été curieux de nature et sa réaction était exactement celle qu’il avait escomptée.
— Je ne savais pas que tu faisais partie d’un club, dit-il en s’asseyant près de lui.
— Je suis adhérent depuis quelques années. Les propriétaires n’étaient plus tout jeunes, alors ils ont vendu leur affaire. Les nouveaux gérants ont rénové le club et vont le présenter aux membres et à leurs invités.
— Sérieusement ? Tu vas certainement passer une bonne soirée. Qui sera là ?
— J’espère que la majorité des adhérents vont répondre présents. Nous avons perdu quelques membres depuis l’année dernière, alors ce sera l’occasion de convaincre de nouvelles personnes de se joindre à nous.
— C’est quel genre de club ?
— Ça ne t’intéresserait pas, répondit Wayne d’un geste de la main.
— Oh. Je comprends.
Mais Ellis ne semblait pas vraiment comprendre. Wayne réalisa qu’il avait blessé son ami. Il se sentait mal, mais l’initiative devait être prise par Ellis. Il savait que ces mots allaient piquer sa curiosité parce que cet homme détestait ignorer des choses. Il ne lui fallut pas plus de deux secondes pour poser à nouveau la question. Wayne soupira de façon dramatique.
— Je ne suis pas très à l’aise pour en discuter parce que ça fait partie de ma vie privée. Je ne peux pas en parler à n’importe qui.
Ellis fit la moue et plissa ses jolis yeux marron.
— Waouh. Je ne savais pas que j’étais n’importe qui. Pardon d’avoir posé la question.
Quand il se leva pour partir, Wayne l’attrapa par le bras. Au lieu de se libérer, Ellis s’immobilisa et attendit.
— Ce n’est pas que je n’ai pas envie de t’en parler. D’ailleurs, tu es la seule personne à laquelle je serai prêt à le dire. Mais ce n’est pas le genre de club qui va de pair avec notre corps de métier et tu devras me promettre de garder le secret.
Ellis se tourna pour lui faire face, son sourire espiègle faisant rater un battement au cœur de Wayne. Il leva la main comme s’il était en train de jurer.
— Je ne dirai rien. Je t’en donne ma parole.
Wayne vérifia qu’ils étaient bien seuls, exagérant pour qu’Ellis entre dans son jeu.
— Bien. J’appartiens à un club BDSM très privé.
— Toi ? répondit Ellis en ouvrant de grands yeux. Alors maintenant, il va falloir que je t’appelle M. Cinquante Nuances ou quelque chose de ce genre ?
— Non, gronda Wayne.
On lui avait déjà fait cette remarque et cela l’énervait au plus haut point.
— C’est un vrai club BDSM. Ce dont tu parles, c’était… n’importe quoi. Aucun Dom qui se respecte ne traiterait son soumis de cette façon.
— Du calme, partenaire, dit Ellis en levant les deux mains et en reculant d’un pas. C’était pour te taquiner. Alors, ça consiste en quoi ?
— Je ne suis pas certain de pouvoir répondre à cette question. La signification du BDSM varie en fonction des personnes qui le pratiquent. Aucune relation n’est similaire.
— Il y a réellement des personnes qui entretiennent ce genre de relation ? demanda-t-il en se frottant le menton, les sourcils froncés.
— Oui, et avant que tu poses la question, tout ne tourne pas autour du sexe. Enfin, dans certaines relations, si. Mais il y a des couples qui partagent un lien très fort et pour lesquels la pratique de cette activité est bénéfique aux deux partis. Par exemple, deux des hommes qui venaient régulièrement au club ont trouvé un partenaire duquel ils sont tombés amoureux. Eux trois ont vécu ensemble pendant longtemps, mais un jour, leur soumis… Tu sais ce que sont un Dom et un soumis ?
— Pour être honnête, j’ai lu une partie de ce livre. Il ne m’a pas laissé un grand souvenir, mais je connais les bases.
— Bien. Je suis un Dom.
Cela fit rire Ellis.
— Je ne m’en serai jamais douté, ironisa-t-il. Comme si je ne le savais pas, vu la façon que tu as de nous donner des ordres à longueur de journée.
— Petit malin, va, répliqua Wayne en riant. Je n’ai pas honte de ce que je suis. J’aime avoir le contrôle.
— Oui, je sais, dit Ellis en agitant impatiemment la main. Continue.
— Leur soumis a décidé qu’il ne voulait plus faire partie de cette relation, alors il les a quittés. Maintenant, ils ne savent plus comment vivre sans un troisième partenaire à aimer.
— Mais ils sont un couple, non ?
— Oui, mais ce sont deux Doms. Autant dire que ce n’est pas la combinaison idéale pour avoir une vie sexuelle épanouie. Pourtant, ils sont restés ensemble. Ils espèrent peut-être que leur partenaire reviendra ou bien ils ont l’intention de trouver quelqu’un d’autre, dit-il en haussant les épaules. Ce n’est qu’un exemple. Tu serais étonné de voir les possibilités infinies que l’on peut trouver dans les relations BDSM.
Ellis laissa échapper un rire bref.
— Rien que le fait de découvrir que tu apprécies ce genre de choses me surprend.
— Tu vois ? Tu ne sais pas tout de moi.
— On dirait bien que non, dit-il avant de détourner le regard. Et toi, qu’est-ce qui te plaît dans cette pratique ?
— Pourquoi ? Tu as peur que je sois trop bestial pour toi ?
Ellis releva le regard immédiatement.
— Non, je n’ai pas dit ça ! Tu ne l’es pas, si ?
— Non, répondit-il en riant. Dans le monde du BDSM, on me considère plutôt comme étant « vanille ». J’aime avoir le contrôle. J’aime prendre les rênes d’une relation et qu’on m’obéisse.
Ellis hocha la tête.
— Ça se conçoit. De toute manière, c’est la façon dont tout le monde te voit.
— Et c’est aussi de cette manière que j’agis à la maison. Cela dit, je n’ai jamais vécu avec un soumis. Je ne m’amuse qu’au club.
Ellis l’observa attentivement.
— C’est peut-être une question idiote, mais pourquoi ?