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Yvan, gardien de nuit dans une grande société, excelle en "free-fight", sport de combat extrême. Un jour, ses employeurs lui confient une enquête sur la Lune où cette société possède des mines. Des morts suspectes, la prohibition des armes dans l'espace, la lutte pour la possession des richesses souterraines terrestres exportée sur notre satellite, autant de sujets inconnus pour notre héros qui mènera donc l'enquête, guidé par ses chefs depuis la Terre, guidé, mais jusqu'à quel point ?
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Seitenzahl: 491
Veröffentlichungsjahr: 2017
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« Bio 36 » édité Sur Amazon, Chapitre, FNAC, BoD, etc...
« Gravité » idem.
En préparation :
« Kachina »
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Dans une partie du roman, de nombreux dialogues mettent en scène des personnages étrangers. Il va de soi que tout ce monde parle l’anglais ou l’américain couramment. Il m’est impossible de tenir compte des tournures idiomatiques françaises, anglaises ou américaines lors des différents dialogues.
Les lecteurs voudront bien faire la part des choses et avantager le fond par rapport à la forme de ce qui est exprimé dans cet ouvrage.
Ce roman relate une aventure originale mais pas seulement. Il faut reconnaître que, grâce à Muriel, cet ouvrage est devenu une référence en orthographe et grammaire. Je la remercie tout particulièrement pour les accords grammaticaux, le positionnement des virgules et bien d’autres fautes de français qui, soudain, me sont devenues visibles, je dois même dire, trop visibles.
C’est pourquoi, cet ouvrage peut maintenant être recommandé aux jeunes et moins jeunes, s’ils sont fâchés avec notre belle langue.
Je vous encourage donc à recommander ce livre à tous ceux qui souhaitent progresser en français.
Note : dans le cas où il se trouverait encore l’une ou l’autre coquille linguistique dans l’œuvre, veuillez adresser votre réclamation à Muriel.
Charles Babbage, né le 26 décembre 1791 et mort le 18 octobre 1871 à Londres, fut un mathématicien, inventeur et visionnaire britannique du XIXe siècle. Il fut l'un des principaux précurseurs de l'informatique.
Son nom a été donné à un cratère de la Lune, proche du pôle Nord de notre satellite.
D
U MÊME AUTEUR
C
ARTOGRAPHIE
A
VERTISSEMENT
R
EMERCIEMENTS
C
HARLES
B
ABBAGE
C
HAPITRE
I – L
A MISSION
C
HAPITRE
II – P
RÉPARATION
C
HAPITRE
III – L
E VOYAGE
C
HAPITRE
IV – P
REMIER CONTACT SÉLÈNE
C
HAPITRE
V – A
CCIDENT OU MEURTRE
?
C
HAPITRE
VI – C
ARPENTER
C
HAPITRE
VII – B
AGARRE POLITIQUE À KOUROU
C
HAPITRE
VIII – N
OTRE PLANÉTOGÉOLOGUE
C
HAPITRE
IX – T
OUS À CARPENTER
C
HAPITRE
X – E
NQUÊTE
,
SUITE
C
HAPITRE
XI – L
E SECRET D’
H
ELEN
C
HAPITRE
XII – L
’ORAGE ÉCLATE
C
HAPITRE
XIII – P
ASCAL
C
HAPITRE
XIV – R
ETOUR SUR
T
ERRE
C
HAPITRE
XV – L
E PROCÈS
C
HAPITRE
XVI - H
ELEN
C
HAPITRE
XVII – E
PILOGUE
Cette nuit m’appartient. Deux fois par semaine, même parfois trois, quand les tours de permanence me sont favorables, je peux jouir des senteurs nocturnes dans mon home adossé à un petit bois. Ce coin de nature est encore préservé, mais pour combien de temps. C’est grâce à des actions permanentes que les habitants du quartier arrivent à endiguer les envies urbanistiques de la mairie du village.
Mais ce soir, j’ai décidé que je ne me prélasserai pas à la maison. J’attends encore un peu pour que le moment soit favorable et j’enfourcherai ma moto. J’ai toujours aimé la nuit, et loin d’être stressé ou fatigué par ce rythme, je suis galvanisé à l’idée d’oeuvrer pendant que les autres dorment. C’est d’ailleurs pour cela que j’ai choisi d’être gardien de nuit, métier qui me convient d’autant mieux que je n’ai jamais eu besoin de beaucoup de sommeil. J’ai donc l’impression de vivre deux vies parallèles. Evidemment, mon salaire n’est pas très gratifiant, mais il faut reconnaître que c’est malgré tout bien payé pour un métier où il ne se passe pas grand-chose. Sauf une nuit. Ce qui m’est arrivé a d’ailleurs fait la une des journaux. Mais c’est une autre histoire.
En réalité mes vrais revenus proviennent de mes succès en compétition. Et grâce à cette fameuse nuit, la direction de l’entreprise me laisse une certaine liberté pour mes voyages et mes activités annexes. En compensation, je donne aussi gratuitement des cours de self-défense à mes collègues gardiens. Parfois les cadres euxmêmes viennent y participer. J’ai donc la cote dans mon travail officiel.
J’ai déjà circulé plusieurs fois dans ce quartier pour bien repérer les lieux. Le calme n’est qu’apparent. Quelques lampadaires cassés, quelques taches noires sur l’asphalte et restes de voitures incendiées témoignent de ce qui peut se passer habituellement ici. Je laisse ma moto à quelque distance pour éviter à la fois les déprédations et la possibilité que l’on puisse m’identifier par la suite. Pour parfaire le tout, je me suis collé une fausse moustache. Je suis également revêtu d’un pardessus ample qui dissimule les formes et permet une grande liberté de mouvement. Il ne reste plus qu’à espérer que les poissons mordent à l’hameçon.
Les immeubles barrent l’horizon de tous côtés. Je circule tranquillement, scrutant du coin de l’œil la pénombre des entrées. Il est minuit passé. Quelques bribes de musique percent le silence, des bruits de voix aussi. J’atteins le-dernier ensemble, et toujours rien. Ce ne sera pas pour cette nuit. Je fais demi-tour pour traverser la zone dans l’allée parallèle, de l’autre côté de la rangée de buildings, quand j’aperçois un groupe de quatre individus. Ils m’avaient sans doute repéré et suivi discrètement. Je ne vois pas encore ce pour quoi je suis ici, et ils semblent m’éviter. C’est la tactique habituelle, tout de suite confirmée par quelques bruits de pas derrière moi. Je me retourne. Parfait, le piège se referme, et j’aperçois un gamin au milieu de quatre autres individus. Huit en tout, plus le petit. C’est conforme aux renseignements que j’ai reçus. Au travail. Je me précipite vers une porte d’immeuble. Je n’ai pas l’intention de fuir, mais juste d’éviter les attaques par derrière. Immédiatement les deux groupes réagissent pour me prendre en tenaille et me bloquer. Je ne bouge plus et attends. Ils restent à distance, et empêchent toute échappatoire. Le petit s’avance, et en silence, me fait un signe éloquent de la main. Je fais comme si je ne comprenais pas.
— A boul la naiemo, fait le plus grand ! T’as pas encore gépi ?
Le petit est maintenant à ma portée. Je le saisis brusquement par le col d’une main et le jette à terre. Il essaie de me donner des coups de pieds, mais en vain. Il tombe assez rudement tout contre le mur, et paraît un peu sonné. Je vois une lame de couteau briller à droite, et le premier assaillant de gauche se précipite vers moi, levant bien haut la batte de base-ball, qu’il planquait derrière lui. Il n’a pas le temps de l’abaisser qu’il reçoit mon poing sur le visage. Le deuxième à gauche, dans le même temps, est touché par un coup de pied chassé précis dans les côtes. J’entends un craquement significatif. Deux hors de combat. Le grand escogriffe qui me fait face, couteau en avant, s’effondre la tête la première contre le mur, tiré en avant par une prise sur son bras armé. Je n’ai pas eu le temps de le lui casser. J’amorce une manœuvre de contournement dans le champ laissé libre par mes trois premiers adversaires. Je vois le petit assis à terre, plus médusé par la tournure que prennent les évènements, que choqué par sa chute. Parfait, qu’il reste encore quelques secondes en place. Le suivant du groupe de droite plie en deux sous l’effet d’un coup de pied direct entre les jambes. Il devrait s’en souvenir un moment. Il faut dire que j’ai mis mes chaussures de sport, bien souples et légères, mais un peu renforcées sur le devant. Elles permettent des mouvements rapides et sont particulièrement efficaces dans les combats de rue. Je sens un certain flottement dans le groupe. Un coup de coude au visage me débarrasse du suivant, et les autres commencent à reculer. Le petit se relève et commence à courir. Je lui fais un croc en jambe et le ramasse.
— Lâch’ mon frér. L’est pour rien.
Je ne réponds pas, balance un nouveau coup de pied à celui qui avait le couteau, et qui commençait à se relever. Je vérifie d’un coup d’œil qu’ils n’ont pas d’arme à feu. C’est toujours conforme à mes renseignements. Armes blanches et matraques. C’est ce que disait le rapport mais on ne sait jamais, les conditions peuvent changer rapidement dans ces quartiers.
— Touche pas mon frér ou t’es mort.
Je ne réponds toujours pas et tiens maintenant fermement le petit. Un des lascars sort un téléphone portable, sans doute pour appeler du renfort. Je bondis sur lui, remettant brutalement le gamin par terre. Son portable vole dans les airs et s’éclate sur le trottoir. Je termine par un coup de pied chassé sur celui qui tente de profiter de la situation pour m’asséner un coup de « je ne sais pas quoi » par derrière.
Le petit s’enfuit. Je le rattrape en deux enjambées, et cours avec lui. Deux des voyous valides me suivent de loin. Je contourne un immeuble et attends, bloquant la gorge du petit qui essaie de crier. Le premier déboule et prend mon poing sur le sternum. Il s’écroule KO. Le deuxième freine un max pour rester hors de portée.
— C’est fini. J’emmène le petit avec moi. Je ne lui ferai aucun mal.
— T’es mort.
Je poursuis ma course, sans plus me retourner. Je sais que j’ai gagné. Le gamin hurle tant et plus, jusqu’à ce que je lui file une baffe bien sonore. Il se laisse tomber. Je le prends sous le bras et continue ma course. Le dernier voyou se laisse distancer facilement. Je remonte deux rues et j’arrive à la voiture. Chantal est là. C’est elle qui dirige l’association « Sauvetage ». Ce que nous avons fait ce soir encore est évidemment en marge de la loi. Mais c’est le seul moyen que nous ayons trouvé pour récupérer des gamins qui n’en sont même pas à la puberté, afin qu’ils ne deviennent pas meurtriers ou drogués. La police ferme les yeux sur nos méthodes, car je connais quelques responsables bien placés.
— Mon vieux Yvan, tant que rien ne me vient aux oreilles, je ne suis au courant de rien. Mais fais gaffe, que ta passion pour les sports violents ne t’entraîne pas un peu trop loin ! m’a-t-il dit un jour en guise de sermon.
C’est pour cela que je préfère casser quelques nez et quelques côtes, voire un bras lorsqu’il est armé, et que je donne rarement des coups de pied à la tête. Il est vrai que la mauvaise chute est toujours possible. J’ai aussi l’habitude de jauger mes adversaires, et je vois tout de suite s’ils sont aguerris ou pas. En général, ils sont peu sportifs dans ces quartiers. L’argent de la drogue amollit sérieusement les mœurs.
— Ça s’est bien passé.
— Pour moi oui. Pour eux non. J’ai cassé un nez et quelques côtes. Je n’ai pas eu le bras de celui qui avait une arme blanche.
Je taloche le petit qui se débat pour ne pas monter dans la voiture avec moi. Au détour de la rue, je vois le voyou qui me poursuivait regarder la scène, comme s’il voulait mémoriser notre véhicule. Il en sera pour ses frais, car Chantal a un numéro administratif, et est rarement la conductrice attitrée de la voiture qu’elle partage avec d’autres collègues de l’assistance sociale.
Je pousse violemment le petit sur la banquette arrière, et je m’installe à côté de lui. Chantal a certainement mis la sécurité enfant sur la porte de l’autre côté. Je vérifie, en bloquant sans ménagement le môme, qui essaie de me donner des coups de genoux.
— Tu sais que je suis plus costaud que toi, et si tu ne veux pas que je te fasse mal, tiens-toi tranquille.
— Laisse-moi partir !
Je ne fais pas de commentaires...
— Ton patron n’a pas fait trop de difficultés pour te prêter sa tire ?
— Non, mais je suis restée discrète sur notre méthode. Je lui ai juste dit que je travaillais avec toi. Ça lui a semblé suffisant.
— Parfait... Veux-tu te tenir tranquille ! On va t’expliquer ce qu’on attend de toi. Nous ne sommes pas des bandits, bien au contraire. Tes parents savent où tu traînes la nuit ?
— Laisse-moi partir !
— Non et réponds quand je te pose une question !
— Je suis avec mon frér et c’est ok pour eux.
— Et ils savent que tu voles les honnêtes gens.
— C’est notre tierquar, et c’est nous qui décidons.
— Et bien tu vois là, autour de toi, c’est notre quartier, et maintenant c’est nous qui décidons.
— Laisse-moi partir ! Si je rentre, y vous fera rien, promis, respect.
— Sauf si je retourne dans ton quartier. Et je ne crois pas un mot de ce que tu dis. T’es de la graine de voyou et de vaurien, mais on va arranger ça. Et comme dit, ici c’est notre quartier, et c’est nous qui faisons la loi.
Il se débat encore une fois pendant notre trajet, et je suis obligé de l’immobiliser jusqu’à ce qu’il se calme et se réfugie dans un mutisme boudeur. Je ris intérieurement. Ils ont bien tous le même comportement. Encore des gamins.
Dans une salle de l’association, Tony nous attend. Grand et costaud, mais un visage avenant, un peu mon contraire car il attire la sympathie au premier abord, il accueille avec un grand sourire notre nouveau pensionnaire. Ce dernier passera quelques jours ici, et sera notamment auditionné par la police. L’enquête qui va suivre la plainte de l’association, pour mise en danger de mineur, permettra de démasquer les huit agresseurs, et de les mettre dans un établissement genre maison de redressement. Certains finissent par avoir une vie à peu près rangée ensuite, et quittent le milieu de drogués et de voyous qui était le leur avant. Mais dans tous les cas, cela ne se fait jamais sans une épreuve de force au départ.
— Tu veux manger quelque chose ? propose Tony au gamin.
— J’veux pas de ta bouffe, j’veux rentrer chez moi.
— N’y compte pas. Tu ferais mieux de prendre des forces, car tu vas avoir quelques jours difficiles.
— Tu devrais écouter Tony, car c’est lui qui m’a sorti du ghetto il y a 15 ans. Aujourd’hui je lui donne un coup de main, car il n’a plus l’âge de se battre avec les voyous de ton espèce. Il m’a tout appris, et c’est pourquoi je travaille avec lui. J’avais ton âge à l’époque.
Le petit continue à réclamer sa liberté. Tony fait comme s’il ne l’entendait pas, et poursuit son monologue...
— J’ai ici des chips, des frites, des nugets et du coca. J’ai aussi des jus de fruit. Tout ça n’est pas très sain mais pour une fois ... Et je préfère te proposer des choses que tu as sûrement l’habitude de manger. On verra plus tard pour une nourriture plus raisonnable. Chaque chose en son temps...
— A propos, c’est quoi ton prénom ?
Le mutisme succède encore une fois à la révolte. Tony sort quelques chips de plusieurs couleurs, et commence à mastiquer. Je l’imite, et nous parlons sans plus faire attention au petit. Chaque fois que Tony pioche dans le paquet, il le pousse, comme s’il ne le faisait pas exprès, vers le gamin. Ce dernier résiste et il l’encourage à nouveau.
— Tu peux te servir, c’est gratuit.
Toujours buté, le petit regarde le paquet avec envie, mais ne cède pas.
— Si tu ne veux pas manger, je te montre ta chambre pour cette nuit.
— J’resterai pas dans c’te turne.
— C’est bien de me prévenir, mais demain je t’amène à la police car mon ami Yvan porte plainte contre toi et tes complices. A moins que...
Le gamin le regarde d’un air interrogatif, mais ne dit mot...
— A moins que tu ne commences à m’écouter et à faire ce que je dis, auquel cas il y aura seulement un avertissement pour toi et les autres. De toute façon ça se passera au commissariat demain matin.
— J’n’irai pas chez les keufs et c’te nuit des bagnoles vont cramer.
Je regarde Tony...
— Je crois qu’il n’y a rien à en tirer ce soir !
— Je le crois aussi et je commence à être un peu fatigué.
Je me lève et prends le petit par le col et l’entraîne dans une chambre de l’association. Je l’installe sans ménagement sur une chaise, et j’entreprends de lui enlever les lacets pendant que Tony le tient fermement.
— Je vais aussi le fouiller, pour être sûr qu’il ne risque pas d’attenter à sa vie.
Il tente de se débattre, mais il se calme rapidement devant l’inutilité de ses efforts. Une fois le gamin bien enfermé...
— C’est bien, il a du cran pour nous résister. On devrait pouvoir en faire quelque chose s’il arrive à utiliser son courage pour s’en sortir. On verra tout à l’heure, quand il sera confronté aux flics.
— Ça me rappelle à chaque fois la nuit où tu es venu me chercher dans cette boulangerie. Déjà à l’époque tu faisais ce boulot.
— Oui, mais je n’allais pas dans les quartiers comme toi.
— J’en viens. Je les connais donc très bien, puisque j’ai fait partie d’un groupe comme celui qui m’a attaqué cette nuit. Ils n’ont pas changé leur méthode. Ils étaient juste un peu plus nombreux. A propos, comment va notre petit dernier ?
— C’est pas un cador en classe, mais je pense qu’il sera orienté vers un bon C.A.P.. En tous cas, il essaie de s’en sortir, mais il est comme les autres, pas de scolarité jusqu’à 13 ans est un très lourd handicap.
— Certes. Moi j’avais au moins quelques bases, je savais lire et écrire à peu près.
— Ça tu l’as dit, très à peu près.
Nous poursuivons cette conversation un petit moment, puis voyant que mon interlocuteur baille plusieurs fois à s’en décrocher la mâchoire, je prends congé, non sans avoir appelé un taxi pour rechercher ma moto.
Le lendemain, après une matinée de repos et un entraînement soutenu dans un des clubs que je fréquente dans l’après-midi, je prends mon poste de garde dans le hall de la banque. L’hôtesse d’accueil, qui me fait les yeux doux depuis quelques temps, me donne les consignes de la nuit et les différentes clés me permettant d’effectuer mes rondes...
— A propos, Yvan, le patron veut te voir demain matin en fin de boulot.
— Tu sais ce qu’il me veut.
— Non.
— J’espère qu’il ne va pas trop me faire poiroter.
— Ça avait l’air important, car il me l’a répété plusieurs fois.
— Bon, on attendra.
Je lui fais la bise, et elle me quitte en faisant un gentil signe de la main. Elle est mignonne, mais je ne peux quand même pas fricoter avec toutes les filles qui me font les yeux doux, et il y en a. En fait, je tâche de rester concentré sur mes activités annexes qui requièrent une vie quasi monacale. Une fois, j’ai amené une copine pour qu’elle assiste à une de mes compétitions de free fight. C’est une des rares fois où j’ai perdu en finale contre un adversaire que j’aurais pu maîtriser. Je pense que ma préparation et surtout ma concentration n’étaient pas au top. J’étais trop souvent avec elle et j’ai diminué les heures consacrées à mon entraînement.
Entre mes rondes, je n’ai que mes écrans à surveiller, et je passe donc les nuits avec mes haltères et ma corde à sauter. J’ai adopté une tenue pas tout à fait règlementaire pour faire mes katas1. J’apporte parfois mon punching-ball. Le patron, qui quitte en général très tardivement le boulot, m’a déjà vu faire et tolère mon activité nocturne grâce à cette fameuse nuit au cours de laquelle il a apprécié ma valeur.
Ce matin, après mon entraînement nocturne, je suis vanné et je vois arriver les premiers employés de la banque.
Helmut Khorned von Fritz, le patron arrive tôt, accompagné d’un homme au costume sobre que je ne connais pas.
— Bonjour Florczak, on vous a dit que je souhaitais vous voir ce matin.
— Bonjour Monsieur. Oui j’ai été prévenu.
— Dès que l’hôtesse d’accueil prend ses fonctions, vous passez dans mon bureau. Ce ne sera pas long.
— Bien Monsieur. Thérèse ne devrait pas tarder, et je n’ai rien à signaler concernant cette nuit.
— A tout de suite donc.
Et ils me laissent là, à mes réflexions. Pourquoi tant d’insistance et pourquoi l’autre bonhomme m’a détaillé des pieds à la tête sans un mot. Est-ce ma nuit de bagarre dans les quartiers qui pose un problème ? Ou bien a-t-il déniché un sponsor pour mes prochains combats ? C’est pour cela que l’autre m’a observé, pour se faire une idée de mes capacités ? Je vais être fixé rapidement.
Effectivement, un peu plus tard ...
— Ah, Florczak. Que je vous présente à notre directeur général, notre patron à tous, Monsieur Oscar Tésien.
— Bonjour Florczak. Effectivement, je viens de Paris pour régler quelques affaires dont une qui vous concerne.
Je suis abasourdi par ma soudaine importance. J’en oublie presque de saluer mes patrons.
— Veuillez vous asseoir.
— J’ai appris, en discutant avec Helmut, votre exploit de l’année dernière. Vous avez indiscutablement sauvé une bonne partie de nos liquidités. Les malfaiteurs ont tous été identifiés et emprisonnés grâce à votre courage et surtout votre savoir-faire. Je pense que je ne vous apprends rien.
— Je n’ai fait que le travail pour lequel je suis payé.
— Il s’agissait d’une bande parfaitement organisée qui avait un complice parmi nos gardiens.
— J’ai été catastrophé quand je l’ai su car nous devons être sans reproches dans notre boulot.
— Eh oui mais la nature humaine est ainsi faite. Par contre je souhaiterais que vous me relatiez les faits vous-même car je n’ai jamais pris la peine d’en écouter les détails. Ensuite je vous ferai une proposition.
Je reste un instant silencieux, me demandant pourquoi j’intéresse le patron des patrons.
— Ce soir-là, j’étais en poste et comme d’habitude, pour rester bien éveillé je faisais quelques exercices physiques. Ça me permettait de garder un œil sur mes écrans. Le téléphone a sonné, mais j’ai tardé à décrocher, me demandant qui pouvait appeler à cette heure de la nuit. En prenant le combiné, on était obligé de quitter un instant du regard les écrans. Depuis, l’appareil est mieux positionné. Notre collègue gardien, le complice, savait ça. J’ai été un peu lent à décrocher à cause de mes haltères, ce qui m’a permis d’apercevoir sur mon écran le véhicule bélier, un gros 4X4, percuter le portail. J’ai immédiatement déclenché l’alarme et me suis jeté dans le couloir de droite au moment où il enfonçait la porte d’entrée. Les malfaiteurs m’ont vu disparaître par là et l’un d’entre eux s’est mis à ma poursuite. C’était important pour eux car le gardien est le seul habilité à couper l’alarme et à interrompre ainsi l’arrivée de la police.
— Oui, nous avons modifié ces consignes, intervient Helmut, une fois l’alarme mise en route, même si elle est stoppée, la police intervient quand même.
— Oui, et je ne comprends pas pourquoi les consignes étaient si mal libellées. Voyons la suite, continuez votre histoire Florczak...
— Le couloir est long et je n’avais pas le temps d’ouvrir une issue latérale avec mon trousseau. Aussi, ai-je pris le parti de grimper vers le plafond juste derrière la porte battante du couloir, vous savez, comme les alpinistes qui grimpent dans une cheminée naturelle, et j’ai attendu. Un individu a ouvert, a hésité une fraction de seconde, ce qui m’a permis de lui tomber dessus, de l’assommer tout en lui prenant son arme. Par chance il n’a pas eu le temps de tirer. J’ai traîné le corps dans une pièce latérale que j’ai mis un peu de temps à ouvrir. J’avoue n’en avoir pas mené large en fouillant dans mon trousseau de clés. Le combat à mains nues, pas de problème, mais avec les armes à feu, très peu pour moi.
— Parfait, se contente de dire Tésien en guise de commentaires.
— J’ai refermé à clé et attendu la police.
— C’est ainsi qu’ils ont arrêté deux des quatre malfaiteurs. Les autres, en fuite, ont été dénoncés et leur capture n’a été qu’une formalité, poursuit ce dernier. Cependant, il y a une information que vous ignorez. Vous avez été soupçonné de complicité. La police a essayé de vous démasquer et ce qui vous a sauvé, ce sont les traces de chaussures sur le mur du couloir et la preuve que vous avez données de votre habileté lors de la reconstitution.
— Ah ça alors, on m’avait soupçonné de complicité ?
— Mettez-vous à notre place. Votre récit est quand même hors normes. Nous n’avons jamais eu un veilleur de nuit capable de votre performance et une enquête est une enquête. Helmut a aussi été sur la sellette si je ne m’abuse ?
— Absolument. C’est d’ailleurs après ces interrogations que j’ai fait changer les consignes d’alarme auprès de la maréchaussée et que, suite à vos conseils, j’ai fait changer de place l’arrivée de la liaison téléphonique.
— Bon, l’avantage de cette histoire, c’est que je suis venu de Paris pour vous faire une proposition.
— A moi?
— Oui et je vais vous expliquer. Je suis directeur du groupe Europ Consortium comme vous le comprenez maintenant. Ce que vous savez sans doute moins c’est que nos activités bancaires ne représentent qu’une petite partie du budget des sociétés regroupées sous ce nom. Je ne vous ferai pas la liste de toutes nos activités mais je vous parlerai plus précisément de l’une d’entre elles. Il s’agit de notre activité minière. La connaissez-vous ?
— Non, pas vraiment.
— Nous avons des mines sur notre satellite, sur la Lune. Et nous avons là-bas un gros problème. Notre géologue est passé de vie à trépas. Il s’agit officiellement d’un accident mais nous n’en sommes pas persuadés. D’ici nous ne pouvons malheureusement pas en savoir plus et aussi devons-nous nous contenter des informations officielles que nous recevons. Or, sans géologue, pas de nouvelles mines et les deux autres sociétés qui travaillent sur la Lune, l’américaine et l’asiatique nous dament le pion.
— Quel service puis-je vous rendre dans cette affaire ?
— On va y venir. Les installations sélènes comptent un peu plus d’une centaine d’âmes. Des mineurs de fond pour la plupart et des responsables qui œuvrent dans divers services, comme la restauration qui est commune, la maintenance des installations, la distribution des véhicules et j’en passe. Mais il n’y a aucune structure policière. Les astronautes, quelles que soient leurs fonctions, étant triés sur le volet, il ne devrait pas y avoir de troubles. Les individus inadaptés sont immédiatement rapatriés lors d’une relève. J’en viens donc à ma proposition ...
Oscar Tésien fait une légère pause, voulant signifier par là qu’il pèse bien ses mots...
— Je vous demande d’accepter d’aller sur la Lune pour à la fois protéger notre géologue actuel et pour enquêter discrètement sur la mort de son prédécesseur. Nous n’avons trouvé que cette solution à ce jour.
— Mais pourquoi moi, je n’ai aucune expérience dans ce que vous me demandez. Je n’ai jamais été dans l’espace et je crains l’altitude.
— Ce ne sera pas un problème, vous serez entraîné.
— Je ne suis que gardien de nuit, je n’ai jamais mené d’enquête. C’est un métier différent.
— Nous avons réfléchi à tout ça. Nous ne pouvons pas envoyer un détective privé car ce serait, dans une certaine mesure, dévoiler nos intentions. Cependant nous avons essayé d’en recruter mais ils n’ont pas votre physique. Ce qui nous intéresse chez vous, ce sont vos aptitudes au combat sans armes et vos capacités sportives. Vous serez capable de mener de front travaux miniers et protection de notre géologue. Quant à l’enquête, nous la dirigerons d’ici, n’est ce pas Helmut ?
— Absolument. Vous n’aurez qu’à rendre compte et nous vous dirons ce qu’il convient de faire.
— Une autre observation, les armes sont totalement prohibées dans l’espace et jusqu’à aujourd’hui, tous les consortiums ont respecté cette loi à la lettre.
— Mais comment est-il mort, votre géologue ?
— Manque d’air, véhicule soi-disant percuté par une micrométéorite. Son chauffeur est mort lui aussi alors qu’il n’y a eu qu’un seul autre accident répertorié sur des décennies d’occupation du sol lunaire. Tout ça nous a mis la puce à l’oreille. Et de l’avis de l’équipe européenne séjournant là-haut, notre géologue était en train d’arpenter un nouveau site qu’il trouvait intéressant et il a sans doute fait des envieux.
— C’est une proposition extraordinaire mais je ne sais pas si je vais accepter. Il faut que je réfléchisse.
— Pour aider à votre réflexion, en cas d’acceptation, ce que nous souhaitons ardemment, n’est ce pas Helmut ?
— Oui.
— Nous vous ferions un contrat particulier : mois de salaire payé triple et une année de salaire en prime si vous arrivez à nous solutionner le problème.
Devant mon étonnement, il poursuit...
— C’est dire l’intérêt que nous portons à notre société minière sur la Lune. Depuis quelques mois nous perdons d’énormes parts de marché et notre exploitation actuelle est en passe de devenir déficitaire. D’après les calculs de mes comptables, nous pouvons tenir là-haut tout au plus un an, si nos géologues ne peuvent pas faire le travail, sans compter que nous finirons par ne plus trouver de spécialistes en planétologie qui accepteront de s’engager pour nous. Quant aux états-membres de l’Europe qui devraient se charger de protéger nos intérêts, ils se satisfont de la version officielle du responsable de la station. Ce dernier ne fait pas le poids face aux compagnies minières et il se contente d’administrer le matériel et les infrastructures communes. Il est d’ailleurs payé par l’ensemble des compagnies et ne risque pas de cracher dans sa soupe.
Je reprends mes esprits après cet exposé de la situation sur la Lune...
— Je comprends. Mais comment puis-je aller là-bas sans que l’on remarque que je ne suis pas astronaute de carrière ?
— C’est bien simple. Les mineurs de fond sur la Lune sont recrutés essentiellement sur des critères physiques, ce qui ne devrait pas vous poser de problèmes. Ils apprennent ensuite le métier sur place. Ils ne sont pas du tout astronautes au départ et je peux vous assurer qu’aucun d’entre eux n’a été mineur sur la Terre auparavant. Ils sont juste formés pour œuvrer dans des conditions spatiales. Si les compagnies ont décidé d’envoyer des hommes faire ce travail, c’est que le coût est moindre qu’une automatisation à outrance. Mais vous comprendrez mieux une fois sur place. Rien ne remplace l’intervention humaine directe au fond de la mine pour décider en fonction des circonstances de creuser un peu plus à droite ou un peu plus à gauche. A partir du moment où nous avons choisi l’option habitée, il faut aller au bout de cette option. D’ailleurs les deux autres compagnies minières de la Lune ont décidé d’exploiter le sous-sol lunaire de la même façon. C’est dire que c’est le choix le plus rentable.
— Quel est le délai avant stage de formation ?
— Le plus tôt sera le mieux.
— C’est que je suis inscrit à trois compétitions importantes. Je ne peux pas annuler celle de la semaine prochaine et quant aux deux autres... Si vous permettez, je ne vous donnerai ma réponse que demain. Vous me proposez un tel changement de vie !
— Je suis allé vous voir incognito lors de votre combat contre le Coréen Kim Bak Yoon à Paris. Vous êtes vraiment l’homme qu’il nous faut. Je suis prêt à monter les tarifs si vous acceptez et nous donnez satisfaction.
— Bien Monsieur, mais je vais attendre vingt-quatre heures avant de prendre une décision de cette importance. C’est toujours ainsi que je procède pour ne pas faire d’erreur. Je dois voir en outre comment annuler quelques rendez-vous importants.
— Si vous avez des frais de désistement, je les prends en charge.
— Ah!
— Parfait, à demain matin donc, même heure. Restez cependant particulièrement discret sur cette entrevue. Le succès de cette mission en dépend que ce soit vous ou quelqu’un d’autre qui vous en chargiez.
— J’ai bien compris. Au revoir Monsieur le Directeur.
Je salue également Khorned von Fritz et je sors du bureau plutôt déboussolé par cette entrevue.
— Hello Tony, comment va ?
— Pas mal et toi ?
— Pas terrible, il faut que je te parle. Mais tout d’abord comment va le petit ? Tu as son nom ?
— Ouais, il s’appelle Ralphy.
— Comment ça s’est passé au commissariat ?
— Il a craqué et donné les noms de ses copains voyous. Il n’a aucun frère parmi eux et sa famille est plutôt coopérative. Elle a été convoquée par le commissaire et je les ai déjà appelés pour qu’ils viennent voir leur fils. Il s’est pris une de ces avoinées...
— Evidemment ils ont peur de voir sauter les allocs. C’est quand même bon signe, on en fera quelques chose s’il voit que nous sommes tous d’accord. Un bon point aussi que de ne pas avoir son frère parmi les agresseurs. Il est au courant pour la plainte ?
— Non, je lui ai dit que tu lui donnerais toi-même ta décision. Il t’attend.
— J’y vais, passe-moi la clé. On discutera de mon problème ensuite.
— Salut Ralphy.
Le petit me regarde avec de grands yeux étonnés. Il est vrai que je ne suis plus grimé et il a du mal à me reconnaître sans moustache ni lunettes.
— Oui, c’est moi, Yvan.
— Heu, bonjour.
— Je viens juste te dire que je tiens ma promesse et que je retire ma plainte. Ni toi ni tes copains ne serez inquiétés. Mais la condition est que tout ce beau monde reste dorénavant tranquille. De toute façon vous êtes maintenant fichés au commissariat. S’il se passe des conneries dans le quartier ce sont eux que l’on viendra chercher en premier.
— Ouais, j’ai compris.
— Tony t’a fait des propositions ?
— Ouais.
— On ne dit pas ouais mais oui. Il faudra t’habituer à parler correctement aux personnes qui veulent ton bien.
— J’ai rien demandé...
— Si, hier soir tu m’as demandé mon portefeuille.
Il hausse les épaules, pris à son propre jeu...
— En réponse, nous t’offrons la possibilité de trouver une vraie place dans la société. Tony t’a expliqué et je pense que tes parents t’ont dit de saisir cette chance. L’école que nous te proposons est difficile car il te faudra apprendre la discipline et l’obéissance. Mais ce n’est pas insurmontable puisque j’en viens.
Je vois quand même une lueur d’intérêt dans les yeux du petit. J’ai l’habitude de scruter les regards. C’est très important dans un combat car c’est dans l’œil de l’adversaire que je décèle toujours la décision d’attaquer, ce qui me donne un temps d’avance. Ce n’est que de très rares fois que je suis tombé sur des champions qui maîtrisaient leur regard.
— Tu auras là-bas beaucoup de possibilités et tu pourras t’épanouir. Mais il te faudra travailler.
— Quand c’est qu’j’dois y aller ?
— Demain si tu veux et tu es maintenant libre de retourner chez toi pour préparer ta valise. Tony va te donner toutes les informations utiles. Par contre, ne t’avise pas de recommencer tes mauvais coups car ce ne sera pas dans la même école qu’on te mettra. Il s’agira plutôt d’un genre de maison de redressement. Ce serait pas chouette pour toi.
— Ouais mais quand j’vais retourner dans le tierquar, les autres vont m’attendre car j’les ai vendus !
— La police leur a fait la leçon. Ils vont se tenir tranquilles pendant un moment. Le moindre problème là-bas et ils plongeront pour de bon. Ma plainte a été levée mais ils sont maintenant fichés. Ils ne peuvent plus se permettre n’importe quoi. Et toi aussi d’ailleurs. Va falloir marcher droit maintenant et arrêter de piquer du fric et vendre de la drogue.
— J’en ai jamais vendu.
— Oui, d’accord mais qui prévenait les autres de l’arrivée des keufs ?
Il a une petite moue...
— Même si tu n’as pas participé à la vente, tu l’as favorisée et finalement ils t’auraient impliqué de plus en plus. Alors, saisis ta chance.
Puis j’assiste au briefing de Tony et je regarde, amusé, la tête de Ralphy quand il reçoit le ticket de bus que lui tend mon partenaire. C’est sans doute la première fois qu’il va prendre un transport en commun en étant en règle.
Nous le regardons partir. Il ne se retourne pas...
— Tu crois que ça va marcher ?
— On ne peut pas en faire plus pour lui. Je n’avais pas le droit de le garder ici plus longtemps.
— Nous n’avons jamais eu le droit de faire ce que nous venons de faire. D’ailleurs, je devrais te faire un procès car tu m’as quasiment fait la même chose il y a quinze ans.
Tony rit gentiment. Quelle bonté dans ce colosse. Parfois je me dis que je devrais me ranger, arrêter les combats. Mais j’ai un besoin terrible de me confronter aux autres, de prouver que je suis le meilleur. D’où cela me vient-il ?
— Alors, de quoi tu veux me parler ? T’as enfin trouvé une petite femme ? Elle te demande de ne plus combattre ? C’est quoi ton souci?
— On veut m’envoyer sur la Lune.
Il rit de bon cœur. J’attends qu’il se calme et je lui narre par le détail l’entretien de ce matin, sous le sceau du secret.
— C’est une super promotion, ce qu’on te propose là !
— Je crois aussi mais j’ai du mal à me dire que je dois arrêter mes combats et ma vie actuelle. En plus, je risque de perdre mes capacités physiques car j’ai lu que sur la Lune et dans l’espace on perd du muscle.
— Et alors ? T’as pas lu jusqu’au bout, tu aurais vu que ça se récupère et c’est pourquoi les séjours ne durent en principe qu’un mois, suivi d’un mois de repos complet pendant lequel tu es payé pareil. Non, c’est très intéressant. Par contre, il faut que tu saches ce qu’on va te proposer une fois rentré si tu as réussi ta mission. Ce n’est pas la peine d’aller là-haut si au retour tu n’as pas une sorte de promotion. A ta place, je refuserais la prime et demanderais un poste plus avantageux au retour.
— Tu es toujours de bon conseil, je n’y avais pas pensé.
Je le quitte en méditant ces dernières paroles.
La nuit me paraît bien longue. Je récapitule tout ce que j’ai à dire dans quelques instants. J’ai ouvert les portes de l’établissement et attends la responsable de l’accueil de ce matin avec impatience.
Comme hier mes deux patrons arrivent en même temps. J’ai cru comprendre que Helmut héberge Oscar Tésien pour la circonstance. Se pourrait-il que je sois moi-même la circonstance ? Ça ne me paraît pas vraiment possible et pourtant ? Avec les moyens de communication actuels, tout le monde peut s’asseoir à une table de négociation virtuelle, recevoir des directives et prendre connaissance des différents aspects d’une situation même sur la Lune.
J’en suis là de mes cogitations quand la responsable de l’accueil arrive et je lui transmets les dernières consignes, fort laconiquement d’ailleurs. Il s’est passé une quantité d’évènements cette nuit, mais seulement dans ma tête.
— Ah, Florczack. Bonjour.
— Bonjour Messieurs.
— Alors, votre réponse.
— C’est oui, mais je souhaiterais rediscuter quelques points du futur contrat.
— Pourquoi pas, si cela reste dans un cadre raisonnable.
— Je n’ai pas l’habitude de ce genre de négociation mais j’entends bien faire le maximum pour réussir le travail que vous me demandez. J’ai compris que j’allais être bien payé pendant mon temps sur la Lune mais je voudrais savoir comment vous allez considérer mon salaire pendant mes périodes de repos ? Il me faudra peut-être plusieurs séjours pour tirer toute votre histoire au clair et dans l’intervalle de repos votre géologue ne sera plus protégé.
— Vous me posez là deux questions, répond Tésien sans paraître surpris. Elles montrent que vous avez déjà réfléchi au problème et je vous en félicite. Au point de vue finance, tant que vous êtes en mission, que ce soit sur Terre ou sur la Lune, vous serez rétribué de la même manière, à l’instar de tous les astronautes de la compagnie qui vont travailler sur notre satellite. Quant à votre deuxième question, nous y avons pensé et n’avons pas encore de réponse. Je crois qu’il faut d’abord que nous commencions notre enquête pour ajuster nos actions futures. Si vous nous ramenez des informations précises permettant d’impliquer une des compagnies concurrentes, nous pourrons déposer une plainte auprès de la cour de justice internationale. C’est à vous de jouer.
— J’ai aussi une autre requête.
Helmut fronce les sourcils, un peu comme pour me faire comprendre que j’en avais assez demandé, mais cela ne m’arrête pas. Je dirai même que cela m’incite à poursuivre. J’aime la confrontation mais lorsqu’il s’agit de parler, je ne trouve pas toujours les mots adéquats.
— Je souhaiterais avoir de l’avancement à mon retour définitif de cette mission en échange de la prime que vous me promettez en cas de réussite.
Les deux patrons se regardent un peu étonnés de ma demande.
— Pourquoi pas. C’est une bonne idée. Von Fritz vous m’arrangerez ça. Il semble que notre ami soit aussi instructeur d’après vos informations. Nous pourrions lui donner un poste de responsabilité au cas où il nous débrouillerait cette affaire. Quoi encore ?
— Comme je vous l’ai dit hier, je dois combattre ce week-end. Trop d’intérêts sont en jeu pour que je puisse annuler. Pour le reste de mon planning, pas de problème. Lundi je suis donc disponible.
— Parfait, dit Tésien. Où cela se passe-t-il ?
— A Vitry sur Seine dans une salle de la Free Fight Academy. Il s’agit d’un combat libre.
— Vous donnerez l’adresse exacte à la secrétaire ainsi que les horaires. J’irai vous encourager mais vérifierai également que vous ne vous blessiez pas en luttant contre un adversaire au-dessus de vos forces.
— Heu, je vous remercie de l’intérêt que vous portez à, heu ... mes activités privées.
— Maintenant que vous avez accepté, je tiens à vous serrer la main en guise de préalable au contrat. Helmut va vous établir le document écrit qui sera prêt pour ce soir. Vous aurez ainsi la nuit pour l’étudier et je vous revois demain même heure pour les modifications éventuelles et la signature. Le stage de formation commence dans une dizaine de jours, n’est ce pas Helmut.
— Affirmatif.
— A demain donc Florczack.
— Bien Monsieur.
Je prends congé de mes deux patrons et sors de leur bureau avec le crâne dans le même état qu’hier. Vivement une bonne bagarre pour remettre mes idées en place. Il va falloir que je brille dimanche prochain. Je n’en reviens pas, le patron des patrons qui veut assister à mon combat. Il faut que je garde la tête froide. On verra ce soir ce contrat. Tiendra-t-il vraiment ses promesses ?
Avant même de pendre du repos je cours chez Tony. Je l’accapare une heure durant pour prendre tous les conseils possibles et imaginables. Il me fait aussi un petit exposé de la vie sur la Lune. Ça ne me semble pas folichon mais pas impossible à supporter.
Je rentre chez moi et décide d’évacuer tout ceci et de me concentrer sur mon prochain combat avec quelques katas et quelques mouvements bien spécifiques. Ce n’est que dans l’après-midi que j’arrive à prendre un peu de repos.
La nuit suivante se déroule un peu comme dans un rêve, parfois bon parfois mauvais. Et finalement, au petit matin je signe mon contrat, me disant qu’après tout, l’aventure que l’on me propose en vaut la peine et que sa durée reste quand même limitée. Une clause me rassure également, c’est celle qui prévoit un rapatriement sur la Terre dans le cas où il y aurait incompatibilité physiologique ou psychologique majeure avec une vie sélène. Ceci dit, je ne me vois pas mendier un retour en arrière une fois sur place. Ce n’est pas mon style.
Le lendemain dans le bureau de Von Fritz...
— Bon, puisque vous avez accepté notre deal, vous êtes en vacances dès maintenant pour vous préparer moralement à votre nouveau travail. Voici votre titre de congé. Les autres papiers officiels vous seront communiqués par mail. Prenez soin de nous répondre ou de passer au secrétariat dans le courant de la semaine. Votre stage débutera exactement le 13 septembre prochain, dans neuf jours. Vous aurez donc plus d’une semaine pour commencer à vous documenter sur votre future fonction, je devrais dire sur vos deux futures fonctions, l’une officielle et l’autre officieuse. Moyens de communication discrets, qui fait quoi là-haut, l’organisation générale des trois compagnies et des services communs devront être connus le mieux possible. Pour cela, reportez-vous à l’annexe de votre contrat qui vous récapitule toutes les adresses internet confidentielles concernant ces sujets. Je vous recommande également d’y aller doucement en combattant dimanche. Une blessure serait préjudiciable à la suite de notre accord. Je serai d’ailleurs à Vitry à la fois pour vous le rappeler et pour vous encourager.
Assez rassuré et même déterminé à faire de mon mieux, je prends congé de mes deux chefs. Je dis au revoir à quelques-uns de mes collaborateurs et collaboratrices préférés comme si j’allais tout simplement en vacances. Un clin d’œil entendu à certains qui connaissent ma vie privée laisse entendre que je vais combattre à l’étranger, comme cela m’arrive souvent.
Ils vont apprendre comment je m’appelle là-haut, sur la Lune. D’ailleurs, en sortant de la banque et juste avant d’enfourcher ma moto, levant les yeux au ciel, je vois justement notre satellite. C’est la pleine Lune et elle est bien visible même en plein jour. Quel hasard ! Je décide que c’est un heureux présage. Après tout, mon premier changement radical de vie a été particulièrement bénéfique quand Tony est venu me sortir de mon quartier. Sois donc confiant et suis les conseils judicieux d’Oscar Tésien et prépare le prochain combat du week-end.
Samedi arrive vite et me voici dans les coulisses de l’académie de combat libre à Vitry. Je connais bien les lieux pour y avoir souvent combattu. Plusieurs de mes adversaires y ont mordu la poussière. J’y suis invaincu et favori. Mon challenger de ce soir, un colosse de 110 kg, n’est jamais venu ici. J’ai regardé quelques vidéos de ses récents combats et cherché ses points faibles. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’a pas les poings faibles. Il travaille surtout en boxeur et manque d’imagination dans sa méthode. Il me semble avoir plus de force que moi mais être moins rapide. Je me ferai une idée au premier round. En tous cas, si je l’amène au sol, il me faudra bien le bloquer. J’ai prévu quelques enchaînements et feintes dont il me dira des nouvelles.
Tony m’accompagne vers la cage dans laquelle se trouve le ring et me sert d’entraîneur-soigneur. Deux amis du club d’aïkido lui donnent la main. Je suis plutôt éclectique dans mon savoir-faire et suis actif dans plusieurs clubs de combat. Je compte donc sur mes amis pour me rafraîchir entre les rounds.
J’entre dans la cage maintenant, face à mon adversaire et à l’arbitre que je connais pour avoir combattu plusieurs fois sous sa houlette. Il est dur mais juste. Pas de problème de ce côté-là. Je salue brièvement la foule et jauge tranquillement l’autre qui fait le clown en exécutant quelques jeux de muscles. Il est bien bâti mais plutôt lourd. Quant à moi, même si mes 90 kg semblent me désavantager par rapport à lui, je suis affuté pour la rapidité et l’esthétique. Mon adrénaline monte et ne demande qu’à s’exprimer. J’adore cette sensation. Je me force à respirer plus vite que nécessaire pour non seulement lui donner l’impression d’avoir peur mais aussi et surtout pour hyper ventiler et arriver au début du premier round avec la tête qui tourne presque. J’ai trouvé cette méthode très efficace pour retarder l’essoufflement. La foule, bruyante comme toujours, nous acclame lorsque le présentateur énumère nos performances. Je suis indifférent et continue ma ventilation. L’autre a un petit sourire sardonique car il a évidemment vu ma poitrine se soulever à un rythme plus rapide que la normale. Chacun son truc mon vieux. Certains font des signes de croix, des signes cabalistiques voire même embrassent des objets alors que moi je respire et je peux vous garantir que je suis mentalement prêt. J’aime cette transformation de mon être qui devient une machine à combattre. La confrontation est ma vie. Je deviens boxeur, lutteur de tout mon être. Je pense que ce soir encore j’arriverai à libérer mon énergie et décupler mes forces. Depuis des années, je m’entraîne à me trouver avant le combat dans les mêmes conditions que celui qui, au moment d’un accident, est capable d’effectuer plein de gestes par réflexe, un peu comme si le temps se contractait. Je pense que les circonstances de la vie ont amené tout un chacun à faire un jour cette expérience. Quant à moi, j’arrive maintenant à la reproduire lors de chaque combat. Evidemment, le bruit de la foule gène un peu pour atteindre cet état mais une fois le combat engagé tout l’environnement disparaît, hormis celui qui me fait face.
Je n’entends même pas les consignes données par l’arbitre, regardant mon adversaire comme dans un état second. Je suis bien. Un instant je me déconcentre en pensant que je n’ai pas vu Oscar Tésien dans la foule. J’écarte cette pensée immédiatement car elle est perturbatrice.
Le gong vient de sonner. Je m’avance vers l’autre et nos deux gants se touchent avant l’échange comme le veut le règlement. Nous tournons autour du ring, nous jaugeant. Je respire toujours plus vite que nécessaire, maintenant un équilibre précis entre vertige et confort. Un long entraînement me permet de le faire sans même y penser. Un premier échange de coups anodins me confirme qu’il est bien moins rapide que moi mais puissant. L’échange dure trois secondes. Je vais voir s’il dure plus longtemps par la suite. Il ne faut pas qu’il me touche au visage. Nos gants sont très différents des gants de boxe traditionnels. Ils sont faits plus pour nous protéger les phalanges que pour amortir les coups. Tony m’a d’ailleurs fait des bandages très durs pour que je sois encore plus efficace. Je pense que l’autre aussi sait comment renforcer ses poings. Il tente un direct du droit suivi d’un crochet du gauche puis recule sur ma contre attaque. C’est bien ça. Pour l’instant il ne fait que des un-deux avec parfois un troisième coup. Je ne force pas sur l’esquive, me contentant d’être à distance. Il revient en force. J’esquive encore une fois. Il me ballade tout autour du ring, pensant me dominer. Après tout, le combat de ce soir se déroule en trois manches de cinq minutes et elles sont longues quand on est sur le ring. Il me court presque après. La foule rugit, comme mécontente de ma prestation. C’est le moment que j’attends. Il commence à souffler presque comme moi mais pas pour se ventiler. Il a vraiment besoin d’air. Il se précipite avec un peu plus d’élan puisque je n’ai fait qu’esquiver jusque là. J’évite son droit et lui percute de toutes mes forces le bas du plexus. Son gauche m’atteint à la tempe mais avec peu de puissance. Il bascule un peu en arrière, grimace sous la douleur et peine à reprendre son souffle. Je poursuis par un coup de pied chassé puissant dans les côtes qu’il arrive tout juste à parer avec son bras. Peu importe, ça lui coupe un peu plus le souffle. Je poursuis ainsi coups de poings et pieds sans qu’il puisse faire autre chose que parer. Je rate un magnifique coup de pied chassé à la tête que je double pourtant en poursuivant ma rotation sur moimême. Je n’arrête pas de le poursuivre. C’est moi qui ai l’avantage maintenant et je pense avoir une bien meilleure condition que lui. Dommage, il est sauvé par le gong. Il va pouvoir récupérer. Je pense que j’ai gagné ce round. La foule est surexcitée. Elle est là pour le spectacle et j’adore lui en donner.
Le deuxième round commence. Il a compris que je vais être coriace. Il attend maintenant mon attaque, se cantonnant plutôt dans le contre. Je n’ai jamais cessé de me ventiler. Je suis au top. Je sens un peu ma tempe droite. Il n’a pourtant pas frappé fort. Je change de tactique. J’analyse son balancement d’une jambe sur l’autre. Il doit beaucoup pratiquer la boxe Thaï dont les combats sont rythmés par une musique. Son déplacement est très automatique et, profitant de son attentisme, je m’imprègne de son tempo. Je lui place une petite attaque de diversion peu convaincante. Cela lui redonne confiance. Il reprend l’offensive, ce qui me permet de placer mon balayage. Il perd l’équilibre. J’en profite pour lui placer deux trois coups sur la tête assortis d’un bon coup de genou. Il se dégage néanmoins rapidement. Il est un peu sonné. Résistant quand même. Sans lui laisser le temps de reprendre ses esprits je me précipite dans ses jambes comme pour saisir ses genoux et l’amener au sol. Il comprend et se laisse tomber sur moi, pensant me bloquer. Mais c’est une feinte car je me décale à droite et il plonge dans le vide. L’aïkido est un magnifique outil d’esquive et j’y excelle. En passant je lui donne un coup de genou sur le crâne. Il peine maintenant à se relever. Je le bascule sur la gauche, lui place une clé de bras. Il me frappe violement sur la jambe que je lui ai placée au-dessus du cou. Comprenant ce que je suis en train de faire, il cesse et saisit son bras gauche et m’empêche de le lui déplier. Il dispose maintenant de trop de force pour que je lui place la clé. Nous restons un moment ainsi à lutter. Je suis dans l’impasse. Je calcule la façon de me dégager sans prendre de coup. Je relâche la pression de ma jambe. Il tente immédiatement de se relever. Je plaque ma jambe à nouveau sur son cou très violement, ce qui me donne de l’élan pour effectuer une rapide roulade arrière loin de ses poings. Le public est enchanté. Nous échangeons maintenant quelques coups. Je me protège plus que je ne réponds. J’analyse sa fréquence de frappe. Elle est assez régulière comme il sied pour quelqu’un de sa puissance. Il joue un peu le rouleau compresseur, essayant de me fatiguer par ses coups assénés avec force. Il ne rencontre que mes gants. Au moment où je me prépare à une contre attaque, le gong sonne. Je n’arrive jamais à penser au temps restant et Tony a beau me faire des signes cabalistiques, je ne les vois pas, tellement je suis concentré. Assis dans mon coin de cage, je ferme les yeux pendant que mes amis me rafraichissent. Je sais que Tony voudrait me donner des conseils, mais il respecte mon choix. Toute ma force réside dans la concentration et il reste silencieux. Je ne vois pas ce qui se passe du côté de mon adversaire.
Troisième round. Je dois forcer la décision car je ne suis pas sûr pour l’instant de ma victoire aux points. Je dois reprendre le travail du round précédent. Il attaque tout de suite. Il a bien récupéré et une fois de plus, comme au début, il me poursuit tout autour du ring. Une deux, une deux. Je le sens. Au lieu de me protéger de son direct du droit, je l’esquive légèrement. Je saisis son bras et le projette à terre en exécutant un rapide mouvement tournant tout en lui bloquant la jambe. En passant il m’atteint encore une fois à la tempe avec son gauche mais reçoit mon coude sur le menton. Il tombe et tarde à se relever. Je pourrais le frapper au sol et tenter le KO maintenant, c’est autorisé en free-fight mais j’aime trop donner du spectacle. J’entends la foule qui hurle son plaisir. Je prends le risque de le laisser se relever. Il n’en revient pas mais profite de ma largesse. Il n’en fera pas autant pour moi. A nouveau, il reste sur la défensive. Je ne lui laisse plus de répit. Il est quand même encore un peu sonné et je dois en profiter. Je fonce dans ses jambes après avoir simulé un direct de la gauche auquel il ne s’attend pas. Je le soulève de toute ma hauteur et le bascule derrière mon dos. Il ne devait pas s’attendre à autant de puissance de ma part. Eh oui, mon vieux ! Ce n’est pas la taille du muscle qui donne la force, c’est la façon de les travailler et la concentration. Cette fois je le frappe au sol. Je le laisse ensuite se relever à moitié et mon pied chassé le touche à la tempe. Il est bien sonné. Un coup de genou dans les côtes, un coup de coude dans la mâchoire. Il me saisit à bras le corps, comme un boxeur Thaï et donne des coups de genou à son tour dans mes côtes. Je commence à être un peu essoufflé mais rien en comparaison de mon adversaire qui respire comme un bœuf. Je lui rends coup pour coup. Nous nous bloquons les bras tour à tour. Mon arcade sourcilière droite éclate et le sang diminue ma vision. Pourvu que l’arbitre n’arrête pas le combat maintenant. Il se déséquilibre un moment légèrement sur la gauche. J’en profite pour lui donner un coup de coude de toutes mes forces sur la tempe. Il bascule et faiblit dans son étreinte. Voyant que la position ne l’avantage plus, il se dégage en se protégeant. Sa garde est un peu haute et j’en profite pour l’atteindre puissamment au foie. Il plie un peu et descend légèrement ses poings. Il ne voit pas venir mon direct du gauche à la pointe du menton et s’écroule KO cette fois. Il est temps. Je ne vois plus que d’un œil. L’arbitre compte mon adversaire et à dix vient regarder mon œil.
— C’est rien. Ça saigne juste un peu.
Il ne répond pas. Je vais auprès de mon adversaire. La tension est tombée, je suis vainqueur. Il se relève doucement en vacillant. Chez lui aussi la tension est tombée. J’aime aussi ce moment de la réconciliation après avoir été ennemis jurés. Chacun respecte maintenant l’autre. Après tout, il ne peut y avoir spectacle si l’adversaire n’est pas valeureux.
La suite se passe comme d’habitude. Je parade sous les acclamations de la foule, fais plusieurs fois le tour du ring et regagne le vestiaire avec Tony.
— Beau combat mais un de ces jours tu te feras éclater la gueule rien qu’à cause de cette habitude de vouloir donner encore plus de spectacle.
— J’ai bien pesé le risque. Il était déjà diminué.
— Il t’a quand même ouvert l’arcade.
— Ouais, d’accord mais j’aime trop ça.