Bouleversement - Lucile Amelot - E-Book

Bouleversement E-Book

Lucile Amelot

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Beschreibung

Elina, quinze ans, était une adolescente heureuse. Elle était entourée des gens qu'elle aimait, sa vie allait pour le mieux. Jamais elle n'aurait voulu y changer quelque chose. Pourtant, le destin en décida autrement. Un événement inattendu vint bouleverser sa vie paisible. Plus rien ne serait jamais comme avant. Ce Bouleversement s’avérerait-t-il aussi dramatique qu'elle le pensait ou pourrait-il finalement la rendre heureuse ?

À PROPOS DE L'AUTEURE

Lucile Amelot est née à Strasbourg en 2007. Jeune passionnée de littérature, elle commence à écrire en classe de CM2. S’inspirant du monde qui l’entoure et de la nature, Lucile écrit des récits dans lesquels elle aborde la période de l’adolescence. Pour elle, l’écriture est un moyen d’exprimer et de partager son imagination et sa vision du monde sous un regard plus jeune.

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Lucile Amelot

BOULEVERSEMENT

Pleurs

J’avais une vie bien. Une vie ordinaire. Je l’appréciais, cette petite vie tranquille, entourée de tous les gens que j’aimais. Mais, en quelques semaines seulement, tout a basculé. Ma vie a été bouleversée. Je n’avais pas vu l’orage venir ; l’orage menaçant, avec ses éclairs. Le bouleversement de ma vie paisible d’adolescente avait commencé ce jour-là. Un bouleversement qui allait la rendre plus heureuse ou non…

Je rentrais du supermarché où j'avais fait quelques courses pour dépanner Papa et Maman. J’y étais allée à vélo. Il se trouvait à Barr, la ville la plus proche de Saint-Pierre, notre village. Saint-Pierre était un charmant endroit qui se trouvait au beau milieu des vignes alsaciennes et des montagnes. C’était un village agréable à vivre, on s’y sentait bien. En campagne, l’intimité était respectée. C'était paisible, serein, juste génial !

Anna, ma petite sœur de neuf ans, se trouvait encore dans le trampoline à réaliser des figures de toutes sortes. Elle s’amusait bien, comme toujours. Elle y passait son temps et se réjouissait de peu, contrairement à la plupart des fillettes de son âge. Je souris et l'encourageai.

J’entrai dans le garage pour y déposer mon vélo. Il était dans un immense désordre : il y avait des chiffons tachés de graisse que Papa utilisait pour les grincements des portes ou des fenêtres ; des outils posés sur sa table de bricolage, à côté d’une vieille chaise qu’il était en train de retaper ; des morceaux de ruban adhésif qui se baladaient par terre et des pots de peinture empilés à côté d’une malle d’outils.

Papa adorait bricoler dans le garage, mais il était moins doué pour le rangement, contrairement à Maman qui ne voulait toujours que de l’ordre dans la maison.

Chacun d’entre nous était différent et ça formait la famille Gérard, notre famille ! Nous étions quatre dans cette petite famille heureuse, quatre personnes aussi différentes les unes des autres. Quatre membres soudés et heureux dans notre belle maison de campagne.

Je refermai la porte du garage avec un petit sourire : je pensais à la réaction de Maman en découvrant le garage sens dessus dessous. Pauvre Papa !

Je me dirigeai vers l’entrée de la maison. Les marches en béton étaient recouvertes de flaques d’eau ; il avait plu. Je passai à côté des grands pots de fleur crème qui décoraient joliment l’entrée et des lanternes noires que Mamie Suzanne avait offertes à Maman.

J’entrai dans la maison et refermai la porte derrière moi. Il n’y avait personne dans le salon ni dans la cuisine. Je pensai alors à la voiture de Papa qui n’était pas garée dans le garage ou devant la maison. Il avait sûrement dû partir quelque part.

 Je déposai les sacs de courses dans la cuisine et me mis à tout ranger dans le réfrigérateur et dans les placards. J’avais pris plein de bonnes choses : des fruits frais et des légumes chez un maraîcher, de la viande dans la partie boucherie du supermarché, des pavés de saumon dans la partie poissonnerie ainsi qu'un kilogramme de crevettes roses, des glaces et pizzas dans les rayons surgelés et encore beaucoup d’autres bonnes choses. Ça m’avait occupée pendant une heure et demie. Je m’étais bien amusée.

Le retour à vélo avait été plus compliqué : les sacs de courses étaient encombrants et lourds. J’avais dû attacher un des sacs au porte-bagage et l’autre dans mon panier, à l’avant du vélo.

Mais ce retour avait tout de même était un moment agréable : les oiseaux avaient chanté dans le ciel tandis que les averses de pluie avaient fait leur apparition, créant une douce mélodie. Le ciel était assez chargé, je trouvais ça plutôt joli. Des nuages étaient blancs et d’autres gris clair ou gris foncé. Un peintre aurait pu s’en inspirer pour une toile. En effet, mon imagination pouvait parfois être débordante…

Une fois les provisions rangées, j’appelai Maman. Personne ne répondit. Je montai les marches en bois de l’escalier menant à l’étage et toquai à la porte de la chambre de Papa et Maman, au bout du couloir. Je n’entendis personne non plus. J’ouvris la porte. Pas de Maman.

Je la cherchai alors dans toutes les pièces du couloir. Elle n’était pas en haut. Je redescendis l’escalier et me rendis dans la cave, au sous-sol.

J’ouvris la porte de la buanderie. Elle y était, en train de repasser. Elle se retourna vers moi. Je découvris à cet instant des larmes lui coulant le long de ses joues rose pâle. ça me fit un choc. Pleurait-elle ? Elle les essuya tout de suite, pour que je ne les vois pas. Trop tard. Un sourire forcé et timide s’afficha sur son visage.

- Ah, chérie, tu es là ! Je ne t’avais pas entendue. Tout s’est bien passé ? questionna-t-elle, comme si de rien n’était.

- Euh… oui, très bien. Je te cherchais juste, hi hi ! répondis-je, incommodée.

Elle me sourit une dernière fois et je sortis de la pièce. Je n’avais pas osé lui demander pourquoi elle pleurait. Je savais d’avance que, si je l'avais fait, elle m’aurait menti. Ça n’aurait servi à rien.

Jamais elle ne voulait nous préoccuper, Anna et moi. Elle s’inquiétait toujours pour nous. Pourtant, j’étais assez grande, maintenant, je n’étais plus une enfant de cinq ans. Je pouvais entendre les choses telle qu’elles étaient. Maman devait penser qu’à mon âge, je ne pouvais me douter de rien. Pourtant, c’était faux…

Était-ce grave ? Je me doutais bien que quelque chose la tracassait, quelque chose s’était passé. C’était maintenant moi qui étais tracassée...

Je me dirigeai vers le transat du jardin pour m'allonger et lire. J'aimais lire au soleil. Entendre les chants d’oiseaux, les cigales, les mouches voler, le vent dans les feuillages des arbres, cette atmosphère était très agréable. Pour moi, c’était même un paradis. J’ouvris mon livre à la page indiquée par mon marque-page.

Je replongeai dans ma lecture, dans ma bulle. Lire me permettait, chaque fois, de rêver. Je rêvais plus qu’autre chose. Était-ce mal, de préférer le rêve à la réalité ? Si on me demandait pourquoi, je répondrais que c’est parce que le rêve est plus heureux, plus beau que la réalité. Ça ne voulait pas dire que je trouvais la vraie vie malheureuse, laide. Au contraire ! La vie est merveilleuse. Mais le rêve l’est encore plus.

La lecture a ses avantages : améliorer son français ; créer une atmosphère où l’on se sent en toute paix, en toute sécurité ; faciliter le sommeil ; habituer ses yeux à autre chose que les écrans, mais, surtout, permettre de s’évader de son quotidien. C’était l’avantage qui me plaisait le plus.

Je me relevai du transat et posai mon livre dessus. Anna était allongée dans le trampoline. Elle contemplait le ciel. Elle devait sûrement observer les nuages et imaginer des formes réelles. J’adorais le faire avec elle, habituellement. Pour moi, passer du temps avec ma petite sœur était important. Mais, cette fois-ci, je n’avais pas envie de le faire avec elle. J’étais préoccupée.

- Anna ? Sais-tu où est passé Papa ? la questionnai-je.

Elle releva la tête et me regarda.

- Il est parti un peu après toi. Je ne sais pas où il est allé mais je peux te dire qu’il avait l’air énervé, me répondit-elle.

Je lui adressai alors un regard interrogateur, penchant ma tête de côté.

- Il a claqué la porte d’entrée et… il a rapidement démarré la voiture. Très rapidement…

Comme réponse, je hochai la tête. Papa et Maman avaient dû se disputer. C’était rare, mais ça arrivait, quelques fois. Maman pleurait-elle donc pour ça ? Si c'était le cas, cette dispute avait dû être sévère. Maman n’était pas le genre de femme à pleurer.

Leur prise de tête portait-elle sur un sujet délicat ? Un projet ? Un changement ? Une séparation ?! Non, pas jusque-là. Je me faisais toujours trop d’idées. C’était un de mes défauts. Pourquoi se sépareraient-ils ? Il n'y avait aucune raison ! Tout allait bien ces derniers temps. Le tracas m’envahit. Mille et une idées s’emparèrent de mon esprit, mon cerveau fut complètement agité.

Dispute

J’écrivis un petitmot sur un bout de papier déchiré :

Maman, je sors. Je vais au parc avec Sacha.

                Bisous

Je le déposai sur la table du salon.

J’avais envie de sortir pour respirer. Il fallait me confier à Sacha, ma meilleure amie depuis que j’avais trois ans. Je devais lui raconter tout ce que j’étais en train d’imaginer.

Je descendis au garage par le jardin. Je pris mon vélo bleu clair, mis mon casque et partis. Pour me rendre chez Sacha, je passai par le chemin caillouteux menant à la grande route descendant au centre-ville, qui séparait ma maison de son lotissement.

Les feuilles des arbres se balançaient dans tous les sens. L’air doux passait dans mes narines et me fit une sensation agréable. Je regardai au loin les montagnes qui se dressaient devant moi. J’avais toujours aimé l’air de la campagne. Je n’étais pas une fille de la ville : en ville, il y a le monde, l'entassement, le bruit, la pollution, etc. Il n'y a pas vraiment de sérénité, de tranquillité, d'intimité. En campagne, on peut reconnecter avec la nature qui nous entoure, ce qui me plaisait plus que tout.

Devant la grande maison blanche de ma meilleure amie, je sonnai à la porte. J’attendis que quelqu’un l’ouvre. Personne. Je réessayai. Toujours personne. Je me décidai à aller au parc. Je regrimpai sur mon vélo et pédalai jusqu’au bas du lotissement de Sacha, où il se trouvait. Arrivée, je la vis sur l’herbe verdoyante, assise, dos à moi. Elle n’était pas seule : son petit frère était avec elle.

J’avançai vers ma meilleure amie et lui tapotai le dos. Elle se retourna vers moi, surprise.

- Coucou, c’est moi ! m'exclamai-je.

- Élina ? Que fais-tu ici ? me demanda-t-elle, en se levant. Lucas, va jouer là-bas, continua-t-elle, pointant son doigt vers le toboggan du parc.

- Je te cherchais. Je suis allée chez toi mais il n’y avait personne. Je me suis dit que tu devais être ici, j'avais raison ! répondis-je.

- Oui, je m’occupe un peu de mon frère car il s’ennuie. Mes parents sont en week-end dans le Sud. Nous avons la maison rien que pour nous ! Voulais-tu me voir ?

- Chouette ! En fait, je veux te raconter quelque chose qui me perturbe depuis toute à l’heure. Asseyons-nous !

Nous prîmes place sur l'herbe humide. Elle se tut et me regarda.

- Cet après-midi, je suis allée faire quelques courses. Quand je suis rentrée, j’ai surpris ma mère qui pleurait dans la buanderie. Elle a tout de suite essuyé ses larmes, pour ne pas m’inquiéter, je pense. Comme d’habitude ! Je ne lui ai pas posé de questions, je n’avais pas envie de lui faire savoir que je l’avais remarqué. Tu sais, elle ne veut jamais m’inquiéter. J’ai pensé que je pourrais mener seule ma petite enquête, sans qu’elle ne puisse me l’interdire. De plus, mon père n’était pas là quand je suis rentrée. Anna m’a dit qu’il est parti on ne sait où, en colère. Je pense que mes parents se sont disputés. Et, que ce n’était pas qu’une simple dispute… Ils vont peut-être se séparer, qui sait !

Elle fronça les sourcils en se grattant le menton.

- Je vois, lança-t-elle. Je comprends mieux pourquoi tu voulais me voir. Tu ne peux pas être sûre qu’il y ait eu une dispute, si ? Encore moins que ça porte sur une séparation ! En tout cas, il ne faut pas se faire trop d’idées à ce sujet, compris ?

Je poussai alors un soupir.

- Oui, je le sais bien. Mais, tous ces comportements laissent bel et bien penser à une prise de tête, n'est-ce pas ?

- Certes. Nous ne pouvons tout de même pas en être sûres, Élina ! La meilleure chose serait de le demander à ta mère. Il faut au moins essayer, d’accord ? me conseilla-t-elle.

- Tu as raison. Je vais essayer. Mais, il ne faut rien espérer, avec ma mère ! Elle me mentira, comme toujours. Surtout que, cette fois-ci, c'est délicat… Oh qu’elle m’énerve, quelques fois ! Je ne suis plus une enfant !

Elle soupira. Un petit sourire peiné s'afficha sur son doux visage.

- Ne sois pas trop dure avec elle, Élina. C’est ta mère, elle fait juste en sorte de ne pas t’inquiéter pour rien. Elle a raison. Ma mère est pareille, quelques fois. J’admets que c’est énervant, mais ne lui en veux pas. Parles-en avec elle, peut-être qu’elle en prendra conscience !

- Je sais, dis-je. Je lui en parlerai, alors. La première chose est déjà de parler de cette supposée dispute...

Rentrée à la maison, j’appelai Anna qui n’était plus dehors. Elle descendit de sa chambre pour me rejoindre dans le couloir. Je l’invitai à prendre le goûter : il était seize heures passées. Elle prit un paquet de biscuits avec une compote à la fraise et à la pomme. De mon côté, je pris des biscottes avec de la pâte à tartiner et un verre de jus d’oranges.

Pendant le goûter, ma sœur me raconta tous ses exploits dans le trampoline. Elle avait les yeux brillants, quand elle racontait des choses. C’était beau à voir.

Je lui répondis : « C’est super ! », ou alors  « Génial ! », ou encore «  Tu es vraiment douée ! »

Je ne parlai pas de moi. Que dire, de toute manière ? Que j’avais surprise Maman pleurer ? Que j’étais en train d’attendre le bon moment pour lui demander si Papa et elle s’étaient disputés ? Anna n’était au courant de rien. Cette fois-ci, c’était moi qui lui cachais des choses pour ne pas l’inquiéter. Je l’étais déjà bien assez. De toute manière, la mettre au courant ne servirait à rien.

Repas

Vers la fin d’après-midi, Papa rentra. Nous entendîmes sa voiture pénétrer dans le garage. Anna et moi étions en train de regarder un film d’aventures. Maman était allée faire un tour à pied, histoire de prendre l’air.

Nous nous regardâmes dans les yeux. Papa était enfin rentré, nous ne savions pas où il était passé tout ce temps. Et, je ne savais pas s’il avait quelque chose à voir avec les pleurs de Maman. Même si je m’en doutais fortement. La porte d’entrée s’ouvrit et Papa apparut dans le couloir. Nous nous retournâmes vers lui.

- Ah, les filles ! Comment allez-vous ? Bien ? Avez-vous passé un bel après-midi ? questionna-t-il, avec bonne humeur, contrairement à ce que j’aurais pu imaginer.

- Oui, super… Où es-tu passé, tout ce temps ? demandai-je, curieuse.

Il hésita quelques secondes, gêné de ma question.

- Je suis parti chez un ami. Nous avons pris une tasse de thé et sommes allés courir dans la forêt. Ça faisait bien longtemps ! Je vais d’ailleurs prendre ma douche, me répondit-il, rougissant.

Je voyais bien qu’il était assez mal à l’aise. Selon moi, il était parti calmer sa colère après une dispute avec Maman. Mais, évidemment, ce n’était qu’une simple supposition. Papa monta deux à deux les marches de l’escalier pour se rendre à la salle d'eau qui se trouvait dans la chambre de Maman et lui.

Anna me regarda : elle remarquait bien que j’étais pensive. Elle comprenait rapidement quand j’étais tracassée. C’était aussi le cas dans le sens inverse.

- Élina, que t’arrive-t-il ? Tu ne m’as pas l'air dans ton assiette, aujourd’hui. Est-ce que tout va bien ?

Je soupirai. Bingo, elle avait deviné !

- Non, tout va bien. Je suis juste dans la lune, ce n'est rien, mentis-je.

Elle continua à me fixer, comme si elle savait que je mentais. Devais-je lui confier tout ce qui me tracassait ? Devais-je l’inquiéter ? Je me décidai à le lui dire, pour ne pas laisser de secrets entre nous.

- En fait, si. Quelque chose ne va pas, Anna ! Je suis très tracassée…

- A propos de quoi ? m’interrogea-t-elle.

Je lui contai alors tout.

- Waouh ! s’exclama-t-elle, quand j’eus fini de lui faire part de ce que j’avais pu voir et de mes suppositions. Je ne m’attendais pas à autant d’informations en même temps ! Penses-tu que cette dispute est grave ? Pourquoi Maman a-t-elle pleuré ? Je ne veux pas que quelque chose arrive !

- Du calme ! Je te l’ai dit, la dispute n’est qu’une simple supposition. Si ça se trouve, je me trompe complètement ! Tout ira bien, je te le promets.

Elle me regarda d’un air à la fois triste et inquiet. Peut-être avais-je fait une erreur en la mettant au courant ? Je l’avais avant tout inquiétée. Ce n’était pas une bonne chose. Elle finit par me sourire, je l’avais un peu rassurée. Je souris moi aussi et la décoiffai pour la taquiner. Puis, nous continuâmes à regarder notre film.

Maman rentra de son tour à pied. Elle vit Papa, qui nous avait rejoint dans le salon, mais fit comme s’il n’était pas là. Elle se dirigea vers la cuisine sans un mot et se mit à préparer le repas. Au menu, un gratin dauphinois. J’adorais celui de Maman. Elle avait toujours bien cuisiné.

Je me dirigeai moi aussi vers la cuisine et mis la table. Ensuite, j’épluchai les pommes de terre. Ça m’occupait . Vers dix-neuf heures et demie, le dîner fut prêt.

Le repas se passa sans un mot. Papa regardait les oiseaux, dehors, par la fenêtre. Maman tripotait le gratin dans son assiette, à l’aide de sa fourchette. Anna et moi nous regardions. Je pouvais confirmer, l’ambiance était vraiment tordue et ennuyante à mourir.

C’est à ce moment-là que je pus être sûre qu’il y avait bien eu une dispute entre Papa et Maman : ils se faisaient la tête comme des enfants de cinq ans. C’était comme si Papa n’existait pas aux yeux de Maman et comme si Maman n’existait pas aux yeux de Papa. Il y avait un malaise dans la maison, ce n’était pas très réjouissant.

Je sortis de table et pris les assiettes et les verres pour les mettre dans le lave-vaisselle. Maman était encore à table, les yeux grand ouverts, qui fixaient la fenêtre. Je voyais bien qu’elle était tracassée, ce n’était pas la seule. Papa était dans le garage et bricolait. Anna regardait un dessin animé. Je ne dis rien et sortis dans le jardin.

J’entrai dans le trampoline, ça faisait longtemps. Pendant un moment, je me mis à sauter dans tous les sens et à essayer un tas de figures ratées.

J’étais tracassée, encore. Je pensais à cette promesse que j’avais faite à Anna. Peut-être avais-je fait une erreur en lui promettant que tout irait bien ? Jamais ce n’avait été aussi tendu entre Papa et Maman. Jamais ils ne s’étaient autant fait la tête. Jamais... Je ne pouvais pas m’empêcher d’imaginer un tas de scénarios possibles comme… une séparation. Pourtant, une dispute ne pouvait pas avoir un tel impact, si ?

Il fallait convaincre Maman de répondre à une seule et même question : s’étaient-ils vraiment disputés ? Mais, j’avais aussi envie d’en poser une autre qui me paraissait toute aussi importante : à quel sujet ? Maman allait sans doute me cacher la vérité des choses, mais il fallait essayer, comme Sacha m’en avait convaincue. S’il y avait ne serait-ce qu’une petite chance, autant la saisir.

Je sortis du trampoline et me dirigeai vers la porte d’entrée, bien décidée. Maman essuyait la vaisselle. Anna n’était plus devant la télé. Ce fut le moment idéal. Je me dirigeai vers la cuisine, elle écarquilla les yeux.

- Maman, il faut que nous parlions, sérieusement, dis-je, avec un air aussi sérieux qu’un policier dans une enquête.

- Je t’écoute alors, parlons ! répondit-elle .

- Je t’ai surprise, quand tu pleurais dans la buanderie ! J’ai vu tes larmes, expliquai-je.

Elle fronça les sourcils.

- Mes larmes ? Je ne vois absolument pas de quoi tu parles, ma chérie, rétorqua-t-elle.

- Arrête, Maman ! Ne me prends pas pour une idiote. Je t’ai vue pleurer ! J’ai quinze ans, je ne suis plus une enfant. Tu n’as pas besoin de nier. Maintenant, dis-moi ce qu’il s’est passé. Je ne suis pas aveugle, j’ai bien vu que vous vous ignorez, Papa et toi.

Il eut un petit instant de silence.

- Tu as raison, soupira-t-elle. Tu n’es pas une idiote et tu n’es pas non plus aveugle. Je suis désolée mais je n’ai pas envie de t’inquiéter. Ce ne sont pas tes affaires, ça concerne ton père et moi, continua-t-elle.

- Merci, enfin tu commences à parler sérieusement ! m’exclamai-je. Cesse de ne vouloir m’inquiéter à longueur de temps ! Je suis grande et j’ai le droit de me soucier de mes parents, non ? Je sais bien que ça ne me concerne pas, mais j’ai vraiment envie de savoir. Vous êtes vous bel et bien disputés aujourd’hui ?

- Oui. Nous nous sommes pris la tête ! Si c’est ce que tu veux entendre…

Mon cœur fit un petit bond dans ma poitrine.

- Oh. D’accord, d’accord, dis-je, comme si je venais de me prendre une claque. C’est bien ce que je pensais, je m’y attendais. Oui, je m'y attendais. Ça a dû être grave si tu as pleuré, non ? A quel sujet vous êtes vous disputés ? continuai-je.

Elle prit une grande inspiration, agacée.

- Est-ce une enquête Élina ?! J’ai l’impression d’être dans un commissariat ! J’ai déjà répondu à ta première question. Laisse-moi tranquille, maintenant. Le reste n’a pas besoin d’être su. Un point c’est tout ! cria-t-elle, quittant la pièce.

Elle me laissa bouche-bée. Je n’avais pas eu la réponse à ma dernière question, la plus importante, selon moi. J’étais au moins sûre d’une chose : mes soupçons étaient fondés.

Pour moi, ce n’avait pas été une dispute banale, mais une dispute sérieuse. A quel sujet bon sang ?!

Question

Bip bip bip

Mon réveil sonna sept heures. Lundi matin, début de la semaine. C’était seulement le début et j’en avais déjà assez. Je n’avais aucune envie d’aller au lycée cette semaine. La dispute de Papa et Maman me perturbait, je ne pouvais pas me concentrer sur les cours avec cette histoire.

La question sans réponse que j’avais posée à Maman se retournait sans cesse dans ma tête : à quel sujet s’étaient-ils pris la tête ? Ça devenait même agaçant. Cette question m’envahissait complètement.

J’éteignis la sonnerie agaçante de mon réveil et me levai. Je pris les vêtements que j’avais préparés la veille au soir sur ma chaise et me dirigeai vers la salle de bain pour me laver, m’habiller et me coiffer. Quelques minutes plus tard, je sortis et descendis les escaliers.

Papa me préparait, comme chaque matin, le petit-déjeuner. Nous étions toujours les deux premiers levés de la maison. Papa se levait vers six heures et demie. Il m’emmenait chaque matin en voiture car il travaillait justement à Barr, dans un magasin de bricolage, pas loin du lycée. En m’emmenant, il passait chez Sacha pour la récupérer.

Souvent, à la fin des cours, c’était la grand-mère de Sacha qui nous ramenait car les horaires ne correspondaient pas aux horaires de Papa et des parents de Sacha. Maman, elle, se levait vers sept heures dix car elle était professeure des écoles à l’école primaire du village, en classe de CM1. Elle avait donc Anna en classe.

Les cours de l’école du village commençaient à huit heures et demie, elles avaient l’opportunité de se lever plus tard. Quelle chance ! Chaque fois, Anna s’en ventait pour me taquiner. Mais, chaque fois, je lui répétais que, quand elle serait au collège,en ville, elle se lèverait plus tôt, comme moi.

Papa me sourit et m’embrassa sur le front. Nous nous installâmes sur les chaises hautes du bar et prîmes le petit-déjeuner.

Il avait pris, comme toujours, un grand bol de café au lait avec des biscottes tartinées de confiture à la figue. De mon côté, j’avais pris un verre de jus d’orange avec un bol de céréales au chocolat et du lait.

Mon père avait plutôt l’air de bonne humeur. Il avait dû dormir sur le canapé du salon, comme Maman et lui se faisaient la tête. Des couvertures en désordre sur le canapé et un grand oreiller me le confirmaient.

La voiture démarra. Nous nous rendîmes chez Sacha. Elle nous attendait sur le trottoir, devant chez elle. Je sortis de la voiture et lui fis la bise avant de lui prendre son sac de cours et de le mettre dans le coffre. Elle rentra à l’arrière de la voiture et dit bonjour à Papa avec un grand sourire, comme toujours. Nous redémarrâmes et allâmes sur la grande route passant au centre-ville et menant aux villes les plus proche.

Il y avait des champs tout autour et une magnifique vue sur les montagnes lointaines. Le village était en effet entouré de montagnes, il y en avait de tous les côtés ! J’admirais la vue et les troupeaux de chevaux et de vaches dans les prés et les champs. Tout était splendide, spectaculaire. Je restais bouche bée chaque fois que je passais devant de tels paysages.

Je me sentais libre, je me sentais bien, parmi cette nature enchanteresse. Papa nous déposa un peu plus tard devant le lycée. Sacha le remercia et sortit de la voiture. Je lui fis de mon côté un bisou et lui souhaitai une bonne journée. Il continua son chemin.

- Je n’ai pas osé te le demander devant ton père, dans la voiture, as-tu demandé des comptes à ta mère ? me questionna Sacha, curieuse.

- Oui, je le lui ai demandé. Au début, elle a nié. Mais je me suis énervée et lui ai parlé du fait qu’il faut qu’elle arrête de cacher des choses. Et là, elle a avoué qu’elle s’était bien disputée avec mon père. Je m’en doutais bien ! Après, je lui ai demandé à quel sujet ils s’étaient disputés puisque ça a causé des pleurs. Elle n’a pas répondu… Je n’ai pas la réponse à cette question, je vais devenir folle ! lui expliquai-je.

- Oh, donc tes soupçons étaient bien vrais. Maintenant tu es sûre de toi, c’est une première chose ! Et, pour la réponse à ta fameuse question, je pense que tu devras retenter le coup. Il faut que tu attendes, pour ne pas énerver ta mère avec ça. Ou alors, cette fois-ci, tu demandes à ton père !

Je réfléchis pendant une seconde.

- Bonne idée ! m’exclamai-je, après un instant de réflexion. Je demanderai à mon père et, s’il ne veut pas me répondre, je retenterai le coup avec ma mère. Tu as toujours de bon conseils à me donner, merci. Tu es géniale comme meilleure amie, Sacha !

Je la serrai dans mes bras de toutes mes forces, comme si je voulais qu’elle ne soit rien qu’à moi. Comme pour que personne ne l’éloigne de moi. Je tenais vraiment à notre amitié, jamais je n’aurais voulu qu’elle se termine. Jamais. C’était pour moi une force qui m’aidait à aller de l’avant quand je n’allais pas bien. C’était un symbole dans ma vie, quelque chose de très important pour moi. La grille s’ouvrit et nous entrâmes dans le hall du lycée. Les cours allaient commencer dans une quinzaine de minutes.

Pendant ce temps, nous pouvions traîner dans les couloirs du lycée ou dans le hall. Nous pouvions aussi aller dans la cour et nous asseoir sur les bancs ou sur la pelouse. C’est ce que nous fîmes, Sacha et moi. Dans la cour, nous retrouvions chaque matin nos amies : Margaux, Sophie, Jeanne, Lise, Mélanie et Chloé. Nous les avions connues au collège. Pour la plupart, elles habitaient à Barr, d’autres dans des villages alentours. Toutes étaient sympathiques avec nous deux. Elles avaient bien évidemment chacune leur caractère, leur personnalité.

Margaux, qui était dans notre classe à Sacha et moi, était une fille qui aimait rire et faire rire les autres. Elle était du genre indiscrète en classe, même si elle ne le faisait pas forcément exprès. Avec elle, nous nous ennuyions jamais. Elle avait de longs cheveux blonds ondulés et des yeux bruns. Sophie, elle, était une fille plutôt discrète et timide avec les autres. Nous pouvions lui confier tous nos secrets car elle ne répétait jamais rien. C’était chouette. Elle faisait passer toujours les autres avant elle. Sophie avait des cheveux châtains qu’elle attachait toujours et des yeux bruns, elle aussi. Jeanne, la meilleure amie de Margaux, était une fille bavarde et déterminée. Avec elle, il n’y avait jamais de malaise dans les conversations, pas un seul instant de silence. Elle savait aussi remonter le moral des autres, avec Margaux. Elle avait les cheveux noirs et de beaux yeux bleus. Lise était la plus sensible du groupe : elle avait un quotidien compliqué. Ses parents étaient divorcés et son père vivait au Canada. Elle nous parlait de ses peines et de sa colère envers ses parents. Mais, quelques fois, elle était complètement différente et aimait rire aux éclats et être joyeuse. Elle ne méritait pas cette vie. Lise était blonde et avait des yeux bleu-vert ainsi que des lunettes. Mélanie avait un fort caractère. Jamais elle ne se laissait faire. Elle était comme la protectrice du groupe. C’était une fille sportive : les samedis, elle faisait de l’athlétisme et, tous les lundis, du handball. Elle était donc assez musclée et avait de beaux cheveux blond très clair et des yeux vert émeraude. Chloé, elle, était une fille souriante et intelligente. Elle avait toujours de bonnes notes et se faisait apprécier par les professeurs pour son sérieux dans le travail. Elle aimait beaucoup les animaux et la nature, comme moi. C’était une brune aux yeux bruns, comme Sacha. Sacha, elle, était tout le temps réconfortante. Elle nous conseillait toujours, c’était la meilleure pour ça. C’était une fille géniale et c’était pour cette raison que je l’avais choisie dès petite en tant que meilleure amie.

Pour ce qui était de moi, je ne savais pas comment j’étais aux yeux de mes camarades, au sein de la bande. Apparemment, j’aimais me faire curieuse et je ne lâchais jamais l’affaire. J’étais une vraie chipie ! L’enquêtrice du groupe ! C’était ce que m’avaient dit Sacha et Margaux, un jour. J’étais bien au sein de ce groupe d’amies. Je me sentais à ma place, c’était tout ce qui comptait. Physiquement, je faisais partie du clan des brunes. J’avais des yeux bleu azur.

Margaux nous fit signe de la main et nous appela. Nous nous dirigeâmes vers elle. Lise et Sophie n’étaient pas encore là. Je saluai tout le monde et m’assis sur un banc, à côté de Jeanne. Elle me sourit et entama tout de suite la discussion. Nous parlâmes des cours de la journée et de diverses choses en lien avec le lycée. Pendant ce temps, Sacha se mit à chercher Thomas, un ami à nous. Il habitait dans la même rue qu’elle. C’était un garçon que j’appréciais bien. Il était drôle et inventif. Nous le connaissions bien.

La sonnerie retentit. Nous nous rangeâmes dans les rangs des différentes salles de classe, en fonction de notre cours. Je commençais par le français, en salle cent-neuf. La professeure nous chercha peu de temps après et nous prîmes les escaliers menant à la salle de classe. Les cours commencèrent.

Madame Meller, notre professeure de français, était toujours de bonne humeur. Tous les professeurs n’étaient pas comme ça, malheureusement. Je l’appréciais bien. Jamais je ne m’ennuyais en classe, avec elle. Nous fîmes de la conjugaison pendant toute l’heure de cours.

Puis, les autres cours s'enchaînèrent. La journée passa vite, à mon plus grand soulagement. Ce jour-là, je finis à seize heures. La grand-mère de Sacha nous ramena au village. Je sortis de la voiture en les saluant, puis j’entrai dans la maison et posai directement mon sac de cours dans le couloir.

La première chose que je fis après était de m’affaler dans le canapé du salon, épuisée. J’avais finalement réussi à me concentrer sur les cours et à sortir de ma tête la dispute de Papa et Maman et toutes mes craintes à ce sujet.

Le soir, j’allais demander à Papa à quel sujet ils s’étaient disputés, avec Maman, comme me l’avait conseillé Sacha. S’il n’allait pas répondre à ma question, j’allais à nouveau demander à Maman. J’espérais vraiment avoir des réponses…

Le lundi, comme je finissais à seize heures, j’étais seule à la maison. Anna finissait sa journée d’école à seize heures et demie donc je la cherchais à pied car Maman restait à l’école pendant environ une heure ou une heure et demie pour corriger des travaux, finir certaines autres choses ou donner des cours de soutient à certains élèves.