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Après avoir frôlé la mort, nos cinq aventurières déjantées ne rêvent que d’une chose : de va-cances ! Malheureusement pour Homura et sa joyeuse bande, la menace du Roi Démon et la pro-tection du monde ne peuvent attendre.
D’après les rumeurs du royaume, la jolie cité portuaire d’Aurélique aurait été attaquée par des dé-mons. Plus le choix, nos anti-héroïnes vont devoir aller investiguer et répondre aux inquiétudes de l’avènement du prochain Roi Démon… Soleil, plage et destruction au rendez-vous !
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Veröffentlichungsjahr: 2025
Cover
Pages couleur
Prologue : Comme un air de vacances
Chapitre 1 : Arès et Rianne
Chapitre 2 : Un petit ours dans la forêt
Chapitre 3 : Foule et châtiment
Chapitre 4 : Récit de la découverte de maillots de bain scolaires dans un autre monde
Chapitre 5 : La fille du seigneur
Chapitre 6 : Les intentions invisibles
Chapitre 7 : Un paisible petit village de pêche
Chapitre 8 : Des requins mangeurs d’hommes sur pattes
Chapitre 9 : La lame trancheuse de requins
Chapitre 10 :
Chainsaw Girl
Epilogue : Confession publique
Mot de l’auteur
A propos de JNC Nina
Copyright
Pages couleur
Table des matières
« Ça m'a vraiment fait du bien de cramer des ordures ! »
Alors que le ciel redevenait bleu, le visage de Homura s’éclaircissait lui aussi.
Après l’incident du village de Gadari, les cinq jeunes filles avaient été employées à éradiquer des bêtes démoniaques de bas étage ainsi que quelques bandits.
Elles venaient juste d’en supprimer un groupe et s’apprêtaient à rentrer chez Grudof pour abuser de son hospitalité.
« C’est pas vraiment un problème pour nous, mais c’est inquiétant qu’une civile quelconque comme toi prenne autant de plaisir à aller en mission pour tuer des ennemis… lui lança Saiko, qui marchait en tête du groupe.
— C’est fou mais tu as raison, je ne peux pas le nier ! »
Évidemment, au Japon, Homura n’avait jamais été qu’une civile ordinaire et n’avait jamais eu à prendre part aux choses que ses camarades avaient vécues. Dans son quotidien, elle n’avait jamais été témoin d’expérimentations sur les humains, d’assassinats, ou de la fabrication d’armes vivantes. Elle savait encore moins ce que cela faisait d’être un extra-terrestre incapable de comprendre les sentiments humains.
« Mais ce sont toutes de mauvaises personnes et je les cuis à la bonne température pour qu’ils souffrent le moins possible avant de décéder… »
Ainsi, elle brûlait sans restriction par miséricorde. Ou plutôt, elle utilisait toute sa puissance de feu par pur souci de ne pas laisser ses victimes souffrir trop longtemps. Elle y voyait une cruelle miséricorde.
« Bah, tes flammes surpuissantes ne touchent que des ennemis donc ça montre que tu gardes ton sang-froid. Mais si jamais elles devaient monter un peu trop haut je devrais m’occuper de ton cas, alors prends garde.
— Je suis prête, tu sais. Je m’entraîne à rester consciente mais une fois dans le feu de l’action, je me lâche un peu, j’avoue… »
Elle éludait sa culpabilité en ne mettant feu qu’à des êtres malveillants, mais au fond d’elle-même, elle ressentait un puissant besoin de tout brûler. De plus, après l’incident de Gadari, il était clair qu’une fois qu’elle rentrait en transe, elle perdait toute mesure. Cela dit, sa conscience la tourmentait assez pour que ce genre d’accident ne se reproduise pas, donc elle faisait de son mieux pour garder le contrôle de la situation.
« N’empêche, je suis contente que l’on se soit réincarnées dans un autre monde, ça fait du bien de punir des méchants. En fait, la vie ici est plus simple… »
Cela rassurait Homura de se dire que sa venue n’était pas due au hasard, elle qui s’était tellement questionnée quant à la décision de la déesse.
« Nous sommes plus susceptibles d’être dérangées par votre présence à nos côtés, Homura. » lui rétorqua Jin, à brûle-pourpoint.
Elle arborait sa moue habituelle, mais il était clair dans sa voix qu’elle était agacée.
« Oh, toi aussi tu sais faire des blagues, Jin ? »
Elle soupçonnait cependant que le ton de sa voix disait autre chose que ce dont elle avait l’habitude, aussi Homura n’y accorda pas d’importance.
« Ce n’était pas une blague, petite sotte. Vous devriez plutôt réfléchir aux conséquences de vos actes sur vos prochains. »
Jin, qui avait à présent une expression résolument énervée, frappa légèrement la tête de Homura de son poing.
« Aïe ! Pa… Pardon, je pensais que tu n’avais pas vraiment d’émotions. Comme d’habitude tu décapites tout le monde sans sourciller… »
Laissant une Homura étourdie et en position accroupie derrière elles, les quatre jeunes filles arrivèrent à la porte de leur logis.
« C’est incroyable qu’elle pense ça alors que Jin est de la même espèce qu’elle, c’est vraiment compliqué d’être humain…
— Houaaa… »
Proto s'interrogeait sur les interactions humaines tandis que Tsutsumi luttait contre le sommeil en baillant.
Saiko ouvrit la porte de la demeure. Se mêlant au grincement des gonds de la porte, une voix de jeune femme les accueillit.
« Bon retour à la maison », leur dit la servante en inclinant poliment la tête. Son visage et sa voix n’exprimaient habituellement pas de sentiments particuliers mais les jeunes filles avaient remarqué récemment qu’elle avait un fond malicieux et qu’elle aimait bien les surprendre en apparaissant soudain dans leur dos. À vrai dire, elles s’en étaient rendu compte après s’être fait avoir plusieurs fois.
Se disant qu’elle ferait un bon assassin, Homura nourrissait ses vieux fantasmes de fan de jeux vidéo. Cette idée, qu’elle était la seule à avoir, l’amusait follement.
« Nous revoilà ! »
Elles répondirent à ses salutations, avant de se diriger vers la salle de bain.
C’était un retour de mission classique.
Mais, en levant la tête, la servante les interpella :
« Désolée de vous dire cela alors que vous venez juste de rentrer, mais sire Grudof vous attend. Vous pouvez aller à son bureau après votre bain. Il m’a dit avoir des informations sur votre prochaine mission, leur souffla-t-elle aimablement, avant de les saluer et de partir.
— Notre mission vient de se terminer et il veut déjà nous parler de la prochaine… C’est comme une entreprise qui exploite ses employés. Enfin, c’est même tout ce monde qui nous exploite…
— Après tout, il faut que l’on soit fortes pour vaincre le Roi Démon, on n’a pas d’autre choix que de persévérer. »
Homura essayait d’apaiser les plaintes de Saiko, mais au fond, elle ressentait la même chose.
Les démons devenaient de plus en plus actifs avec le retour de leur maître qui menaçait la paix et l’ordre public. Bien qu’elles n’eussent été conviées dans ce monde dans le but unique de vaincre le Roi Démon, elles en étaient maintenant de vraies habitantes. Pour vivre comme elles l’entendaient, il leur fallait garder cet objectif en tête.
Néanmoins, il était clair qu’elles commençaient à souffrir de cet enchaînement ininterrompu de missions.
« D’ailleurs, une fois qu’on aura vaincu le Roi Démon et que le monde aura retrouvé la paix, sur quels sujets pourrais-je faire mes expériences ?
— À ce moment-là, tu te feras certainement incarcérer dans un donjon donc tu n’as pas besoin de t’en inquiéter.
— J’en connais une qui va élire domicile dans le donjon dès maintenant si elle continue comme ça.
— … »
De nouveau, elles entreprirent de se chamailler.
***
« Vous savez déjà de quoi je vais vous parler, n’est-ce pas ? J’irais donc droit au but. » leur dit Grudof, assis à son bureau dans la pièce qui lui servait aussi de bibliothèque. Un physique enrobé mais des traits affinés, il n’avait pas changé.
« Votre mission est d’aller à Aurélique, sur la mer australe, pour… Mais dites-moi vous avez l’air sacrément fatiguées toutes les cinq ! »
Lui souhaitait aller droit au but mais elles voulaient toutes aller directement au lit. Elles étaient non seulement fourbues, mais certaines d’entre elles dormaient déjà.
En plus d’avoir accumulé beaucoup de fatigue, le bain les avait détendues. L’odeur des livres qui flottait dans l’air et les rayons de soleil de la fin d’après-midi s’infiltrant par la fenêtre les rendaient plus hagardes encore.
Proto, qui s’était directement installée devant la fenêtre, s’était mise en mode veille afin de faire le plein d’énergie solaire et Tsutsumi était endormie sur le canapé. Jin fermait les yeux en maintenant une pose digne ; impossible de dire si elle dormait ou non, mais c’était probablement le cas.
« Forcément, on en peut plus.
— Avant le bain, ce n’était pas beaucoup mieux… »
Si on ne les laissait pas se reposer un peu, il ne fallait pas s’étonner qu’elles s’énervent. C’était un moment mal choisi.
« Si vous voulez, je peux vous laisser vous reposer mais si je fais ça, j’ai peur que vous partiez je-ne-sais-où après…
— Nan, abrège, tu voulais nous parler du taff alors vas-y.
— Oui, on est venues pour ça après tout. »
Elles n’avaient rien d’autre à dire donc elles se turent et écoutèrent.
« Grrr… Ces gamines sont vraiment… »
Grudof avait l’air prêt à exploser mais il prit une grande inspiration, ressemblant à un soupir, pour garder sa contenance. Il faisait preuve d’une empathie que les jeunes filles ne possédaient pas.
« Bien, reprenons. Certains événements se sont produits à Aurélique, le port de pêche. Un navire marchand, au large, s’est apparemment fait attaquer par quelque chose ou quelqu’un et a coulé. Il y a de fortes chances que cela soit le fait d’un démon. Je vous envoie donc enquêter sur place. Vous pourrez demander plus de détails une fois arrivées.
— C’est un requin. J’suis sûre que le coupable est un requin.
— Arrête avec tes scénarios typiques de série B… »
Sa tête était toujours remplie de ce genre d’idées délirantes. Pauvre Saiko…
« Quoi qu’il en soit, il ne s’agit ici que d’une mission “d’investigation”... On est d'accord là-dessus ? »
Elles n’étaient formées qu’aux missions d’éradication, Homura était donc étonnée du changement.
« C’est exact. Ce n’est qu’une mission d’investigation du début à la fin. Il y a des chances pour que vous rencontriez un démon, cependant, il sera de la responsabilité d’une faction d’un rang supérieur au vôtre d’agir selon le résultat de votre enquête », précisa Grudof.
En résumé, une fois qu’elles auraient identifié l’ennemi, elles n’auraient pas besoin de se battre.
« Ça veut dire qu’on va plus s’amuser qu’d’habitude !
— On va bien pouvoir profiter de la ville ! Et de la plage !
— Eh bien… Je suppose… »
Bien qu’elles se fussent à nouveau éloignées du sujet principal de la conversation, Grudof vit leur visage s’éclairer, ce qui le fit sourire.
« Cependant, une mission reste une mission. N’en faites pas trop non plus… »
Il n’oublia pas de les avertir, comme d’habitude. Cette acuité donnait presque l’impression qu’il lisait dans leurs pensées. Homura s’avoua surprise par tant de justesse.
En effet, la ville portuaire serait certainement pleine d’effervescence. Et même en appartenant au bataillon d’éradication, elles n’étaient que des soldats de rang bronze, le niveau le plus bas, ce qui voulait dire que la mission ne serait pas très dangereuse. C’était comme une récompense pour Homura et les autres filles qui briguaient toutes un moment de calme. Et puisqu’elles allaient enfin se détendre, elles ne manqueraient pas de n’en faire qu’à leur tête, bien sûr !
À ce moment, cependant, une inquiétude traversa l’esprit de Homura.
« Euh… La question paraîtra étrange, mais est-ce que les soldats d’Aurélique sont de bonnes personnes ? »
Homura, sans être explicite, demandait s’il y avait des Ruthrude dans la garnison. Elle préférait éviter la question directe : Ruthrude avait été l’élève de Grudof après tout.
Grudof, toujours perspicace, essaya de la rassurer :
« Ne t’inquiète pas. Le chef de la division est un vieil ami. Il n’a pas l’air très fiable mais c’est un homme sur lequel on peut compter. Il n’a pas de goût pour les faux-semblants, comme Ruthrude.
— Je… Je vois. »
Malgré ces paroles rassurantes, Homura ne parvenait pas à dissimuler son incertitude.
« Haa… Je me sens coupable de ne pas m’être rendu compte que mon élève nourrissait des pensées aussi… commença Grudof en baissant la tête.
Il a toujours été supérieur aux autres, et même lors de notre première rencontre il se croyait meilleur que les autres enfants. Il était intelligent, compétent, et avait un bon statut social. Ainsi, il n’arrivait pas à se mettre à la place des personnes moins douées que lui. Il avait aussi probablement du mal à comprendre pourquoi les personnes dotées de compétences particulières, comme Sigrath ou moi-même, s’abaissaient à aider les “incompétents” pour le bien de la “justice”. »
Relevant la tête, il regarda les jeunes filles. Le remords se lisait dans ses yeux, mais elles pouvaient aussi y percevoir une sorte de soulagement.
« Quoi qu’il en soit, merci de l’avoir arrêté. J’avais évité le sujet parce que ma conscience était lourde, mais je pense que je vous dois des remerciements. »
Homura ressentit une douleur à la poitrine.
Ruthrude était coupable d’avoir feint d’être une bonne personne, et ce n’était pas la faute de Grudof d’y avoir cru. Mais ce dernier regrettait de ne pas avoir mieux compris son élève et se sentait coupable de toute la violence que cette mégarde avait engendrée. Il s’en voulait d’avoir été trop gentil.
« Cependant, il vaudrait mieux que l’on reparle de ça quand vous serez toutes réveillées. Deux, non, trois d’entre vous dorment déjà.
— Ah, eh bien… En effet. »
Mauvais timing encore une fois… Saiko s’était déjà endormie, il ne restait donc plus que Homura pour prêter attention à la conversation.
« Allez, on se réveille ! J’ai dit tout ce que j’avais à vous dire ! » dit-il en frappant dans ses mains à l’attention des jeunes filles endormies.
Certaines d’entre elles prirent mal d’avoir été réveillées, Jin était la seule à vraiment ouvrir les yeux.
« Je ne dormais point, dit-elle, même s’il s’agissait probablement d’un mensonge.
— Dans ce cas, tu sais de quoi je vous ai parlé ?
— Euh, dans les grandes lignes…
— Tu vois, tu n’écoutais pas. »
Avec son absence d’expression, elle aurait presque pu se faire passer pour éveillée.
« Je me demande si je vais pouvoir trouver une arme comme celle-ci. Je ne sais pas combien de temps je vais encore pouvoir l’utiliser », annonça-t-elle en mettant la main sur le sabre japonais qui brillait, accroché à sa hanche.
Leur statut militaire les autorisait à faire des demandes pour recevoir des armes, avec quelques restrictions selon leur rang. Cependant, elles n’avaient jamais vu de sabres japonais comme celui-là à Gardorsia, et Jin n’avait pas pris la peine d’en réclamer un. C’était sa première requête en ce sens, après avoir fait ses propres recherches.
« Tiens, j’ai déjà vu des armes similaires à Aurélique ! C’est un grand centre du commerce et on y trouve un peu de tout. Il a un nom bizarre mais je suis sûr qu’il y a un village non loin d’Aurélique où l’on fabrique des armes comme celle-là. Je crois qu’il s’appelle Sou… Non, Sco… Je ne m’en souviens pas bien… »
Grudof avait l’air de fouiller ses souvenirs, mais il échoua.
« Ne vous inquiétez pas, vos informations suffiront amplement. Je vous en remercie.
— Ah, tant mieux, désolé ! »
Même s’il n’avait pas retrouvé le nom au final, ses indications mettaient Jin sur une piste qui aiguisait sa curiosité, et qui apaisait ses inquiétudes.
« Ah, d’ailleurs. J’ai oublié de vous le dire, mais Aurélique a un statut un peu particulier. Gardorsia y envoie régulièrement des soldats, mais la ville ne dépend pas de la capitale. Elle a fait partie de l’alliance des nations du Sud de la mer de Shells, qui abonde de ressources. En échange de notre appui militaire, ils nous accordent de nombreux avantages commerciaux. C’est une des raisons pour lesquelles il ne faut pas trop vous emporter. Si nos relations avec Aurélique devaient se détériorer, cela aurait de graves répercussions sur l’économie de Gardorsia.
— Oh, on est envoyées dans une ville plus ennuyeuse que je ne le pensais… »
Homura ne pensait pas aller en vacances dans une jolie ville portuaire, mais elle pensait au moins pouvoir se relaxer un peu. Maintenant qu’elle avait appris que c’était une mission d’intérêt politique, elle se demandait si elle serait à la hauteur.
« Ne soyez pas déçues, c’est une très belle ville !
— D’accord… »
À son tour, elle feignit d’avoir retrouvé de l’engouement.
« Je vous ai demandé de ne pas trop attirer l’attention, mais vous pouvez prendre du temps pour vous tant que vous ne faites rien de bizarre… Enfin j’aimerai bien pouvoir vous dire cela mais l’une d’entre vous me cause plus de souci que les autres…
— C’est sûr, ha, ha ! »
Etant donné que chacun tournait le regard vers une certaine scientifique folle, Saiko elle-même acquiesça d’un ton joyeux.
« Pourquoi tant d’allégresse ? À chaque fois que tu réponds de la sorte je commence à avoir l’estomac qui se tord…
— Tu veux que j’te soigne avec ma magie ?
— Non merci ! »
Homura se savait tout aussi désemparée face à l’attitude de Saiko. Grudof était leur mentor dans ce monde, ainsi Homura voulut-elle le rassurer.
« Je la surveillerai de près, ne vous inquiétez pas ! dit-elle en gonflant la poitrine, fièrement.
— Comment dire ? Toi aussi, tu fais partie de celles qui me causent le plus de souci…
— Ah, je ne m’attendais pas à cette réponse ! »
Elle était choquée de l’entendre. Alors elle aussi était un facteur dans la détérioration de l’estomac de Grudof…
« Enfin. J’ai une dernière chose à vous dire. Des soldats du bataillon de défense se joindront à vous pour le voyage vers la ville, soyez gentilles avec eux.
— Oui bien sûr ! » répondit Saiko, qui ne se sentait plus de joie.
Les « soldats » dont avait parlé Grudof étaient en fait le groupe qu’elles avaient remplacé à l’examen d’entrée dans l’armée, soit la bande composée d’Arès et de ses trois compagnons. Le premier, avec son armure, son épée et son bouclier élégants, était toujours suivi de Rianne et son long bâton de magicienne, d’un géant à l’air gentil portant une armure épaisse, ainsi que d’une jeune femme aux petits yeux acérés avec un arc long sur le dos.
Bien entendu, au moment où elles les rencontrèrent, elles se rendaient à la charrette réservée aux soldats. Arès, qui savait déjà avec qui lui et ses frères d’armes allait faire équipe, commença à se plaindre en marmonnant :
« Pourquoi a-t-il fallu que ce soit vous… »
En retour, Saiko, qui avait totalement changé d’attitude, lui lança un : « Enchantée! » jovial en lui tendant la main. Homura lui fit baisser la tête de force en un semblant de salutation polie.
« Si j’étais un “ bouclier ”, je n'aurais pas pu m'enfuir comme je l’ai fait… J’ai honte de ma faiblesse de caractère mais je suis encore plus embarrassé d’avoir déçu tout le monde. Mais je vous déteste aussi pour avoir fait quelque chose d’aussi extravagant », se plaignit Arès, plein de remords, après qu’ils furent tous montés dans la charrette.
Il portait une armure entière ainsi qu’un surcot indigo mais n’avait pas encore enfilé son casque. Son visage était assez masculin, ses courts cheveux blonds lui donnaient un air martial et la détermination se lisait dans ses yeux bleus. Mais ceux-ci, à l’heure actuelle, étaient plutôt teintés de colère et de regret.
« T’avais qu’à montrer ta valeur. Tu pourras jamais devenir “ bouclier ” si t’agis pas comme eux.
— Voyons, Saiko ! C’est vrai qu’on a fait irruption de façon irrégulière la dernière fois, il n’a pas tort !
— Ouais, j’suis vraiment désolée », s’excusa Saiko avec un visage sérieux, sans en penser un mot.
Après ce premier essai gâché, ils avaient réussi l’examen d’entrée suivant pour rejoindre le bataillon de défense. Ils avaient ensuite été envoyés servir à Aurélique, devenant au hasard des rencontres, compagnons de route avec Homura et ses comparses.
La faction de Homura et la faction d’Arès seuls passagers, s’échangeaient des regards torves dans une atmosphère tendue alors que l’expédition filait droit vers Aurélique à une vitesse incroyable. En effet, Proto avait insisté, disant qu’elle était « plus rapide que les chevaux » et avait dès lors pris leur place. Mais le prix à payer, pour les passagers d’une calèche en bois dépourvue de suspensions, étaient de se retrouver brinquebalés dans tous les sens et d’arriver à destination avec les fesses endolories. Personne n’était ravi de cet arrangement.
« De simples excuses ne suffiront pas. Beaucoup de personnes s’attendaient à ce que le seigneur Arès devienne Commandant protecteur de l’ordre du Saint Bouclier. Vous avez entravé son ascension fulgurante, vous comprenez ? » intervint Rianne, assise à ses côté et partageant sa colère.
Rianne avait des traits fins et s’était distinguée comme une magicienne au fort caractère. Ses cheveux châtain foncé étaient légèrement ondulés, ce qui lui ajoutant à son élégance naturelle. Elle portait une robe de mage noire et tenait un bâton terminé par un cristal.
« Ah, ah bon ? Vous êtes incroyable monsieur Arès… »
Afin de calmer son courroux, Homura prêtait attention aux paroles de Rianne.
« Oui, il est incroyable ! »
En un instant, les yeux de Rianne se mirent à briller et elle avança son visage vers celui de Homura.
« Houla, elle a mordu à l’hameçon plus vite que ce à quoi je m’attendais ! » marmonna cette dernière.
« Après ce jour fatidique, le seigneur Arès est devenu bien plus fort. Il pourrait toutes vous vaincre en un claquement de doigts !
— Rianne, tu en fais un peu trop… » signala Arès.
— C’est vrai, je dis n’importe quoi…
— Ah, d-d’accord… » s’étonna Homura, surprise par ce soudain revirement.
« Cela dit, je ne m'enfuirai plus jamais », dit Arès, sa détermination inscrite plus clairement que jamais dans son regard.
Il se tourna ensuite vers Jin. Il se souvenait avec précision de l’humiliation qu’elle lui avait fait subir le jour de l’examen lorsqu’elle l’avait effrayé avec son aura meurtrière. Mais Jin, quant à elle, ne l’écoutait pas…
« Désolée, je crois qu’elle dort… » hasarda Homura.
En effet, elle émettait un léger ronflement qui n’enlevait rien à sa dignité naturelle.
« Vous êtes vraiment agaçantes !
— Désolée, pardon ! »
Saiko se plaisait toujours à empirer la situation et Jin n’avait même pas entendu la déclaration d’Arès qui, pris au dépourvu, réfrénait à grand peine les tics d’agacement qui lui parcouraient le visage. Homura ne pouvait que s’excuser en boucle pour tenter de l’apaiser.
« Pourtant, toi, tu m’as l’air assez sage… » lui dit Rianne en la regardant avec sympathie.
Les deux groupes étaient assis l’un en face de l’autre dans la calèche. Homura, à cette occasion, se demanda si elle n’aurait pas mieux fait de changer de côté…
***
« Tu es une élève de l’école de sorcellerie, non ? »
Alors que Saiko et Arès continuaient à se lancer des regards noirs, Rianne, plus loquace, lança une conversation avec Homura. Elle avait l’air de s’être lassée du silence et de l’atmosphère électrique.
« Hein ? J’en ai déjà parlé ?
— Tu n’as pas l’air d’être au courant, mais vous êtes toutes assez connues désormais. Beaucoup de personnes ont parlé du fait qu’il y avait une nouvelle à l’école avec des pouvoirs incroyables.
— Ah bon ? Hé, hé, hé, je ne le savais pas ! »
Homura se sentit un peu gênée. Après tout, elle n’était encore qu’un soldat débutant, mais elle avait déjà vaincu un démon de taille, Ruthrude. La célébrité coulait de source.
— Il y a des mauvais côtés au fait d’être célèbre, tu sais… Par exemple, certaines personnes peuvent t’en vouloir.
— Oui, ça je le savais déjà… »
Homura retrouva une expression neutre. Après tout, elle avait interrompu le célèbre examen d’entrée à l’armée, était toujours accompagnée de deux inconnues et ses flammes avaient causé encore plus de dommages au village de Gadari, même s’il était déjà détruit. Il était normal qu’elle devienne célèbre.
« J’en reviens à ce que je disais : est-ce vrai que les enseignants de l’école de sorcellerie sont si durs que cela pousse certains élèves au suicide ?
— Hein ? Il y a des rumeurs comme ça sur l’école ? »
Elle avait déjà entendu des choses comme cela de la part de Saiko, mais jamais rien d’aussi extrême. Quoi qu’il en soit, il était certain que l’école de sorcellerie avait mauvaise réputation.
« Il n’y a pas beaucoup d’élèves donc les professeurs sont toujours très gentils. Une fois qu’on arrive à faire quelque chose, ils sont très encourageants… Pour un peu, ça en deviendrait même asphyxiant !
— Cela n’a rien à voir avec l’image que je m’en faisais ! »
L’école de sorcellerie se trouvant en sous-sol, c’était un endroit sombre et humide. Homura elle-même était surprise de la différence entre l’apparence de l’école et le traitement qu’elle avait reçu là-bas. Il était facile pour elle d’imaginer que les rumeurs devaient donc être exagérées.
« Cependant, je ne suis pas restée à l’école très longtemps. Je ne peux y aller qu’entre mes missions, je ne la connais donc pas très bien.
— Après tout, tu ne viens pas de Gardorsia. Si tu avais voulu devenir un soldat mage, tu aurais dû y aller dès ton enfance mais… c’est étrange à imaginer. Je m’en doutais déjà, on ne peut vraiment pas faire confiance aux rumeurs. Il faut croire que l’école générale de magie est plus stricte que l’école de sorcellerie…
— Peut-être, mais, j’ai entendu dire que les élèves de l’école général étaient tous très déterminés ! À l’école de sorcellerie, ce sont tous des fous de magie dangereuse, ou des fanatiques de l’incantation. »
La plupart des personnes voulant devenir mages allaient d’ordinaire à l’école générale de magie. Ils y apprenaient la « magie normale » de ce monde, comme on l’appelait. Des formes de magies simples à contrôler comme par exemple transformer son énergie magique en onde de choc ou renforcer magiquement ses capacités physiques.
A contrario, à l’école de sorcellerie, les enseignements abordaient des magies plus complexes comme la magie de feu, si dangereuse. Ainsi que d’autres qu’il valait pourtant mieux éviter. C’est pour cela que les personnes en lien avec cette école étaient tous affublés de la réputation de « personne dangereuse ». En vérité, il y avait des personnes dangereuses partout.
« Mais ça a tout de même l’air amusant. L’école générale de magie a aussi des bons côtés, mais elle est un peu étouffante. » se plaignit Rianne.
En effet, Homura s’amusait beaucoup dans son école.
« Quoi qu’il en soit, j'ai revu mon jugement. Cette école n’est pas aussi maléfique que je ne le pensais ! » concéda Rianne, un peu soulagée même si le fait d’apprendre que toutes ces rumeurs extravagantes étaient fausses la décevait quelque peu.
« Cela dit, il semblerait que les professeurs assistent parfois le royaume dans les missions de torture ou d’assassinat.
— Ah, ça correspond plus à l’image que je m’en faisais ! »
Homura n’avait jamais été témoin de on-dit. Elle avait toutefois souvent entendu parler de professeurs disant de façon guillerette : « Bon, je vais au travail ! » lorsqu’ils allaient torturer des prisonniers.
« Et aussi, l’assistant-directeur a ouvert une boulangerie où il cuit ses pains avec de la magie de feu.
— Hein ? Mais c’est quel genre d’école ça, au juste ? »
Homura s’amusait beaucoup de voir Rianne si surprise, donc elle se mit naturellement à pouffer. En la voyant, Rianne se mit elle aussi à rire.
Leur échange les amusait beaucoup.
« Ah, j’ai aussi entendu dire que tu pouvais utiliser la magie sans incantation, c’est vrai ?
— Euh, oui c’est vrai… »
Les yeux de Rianne s’écarquillèrent et elle se pencha à nouveau en avant. Elle avait l’air absolument impressionnée.
La magie sans incantation : ce sujet était revenu sur la table plusieurs fois à l’école et Homura avait toujours voulu l’éviter.
Comme son nom l’indiquait, la magie sans incantation ne réclamait pas du mage la récitation d’une quelconque formule magique, mais proposait un résultat immédiat. L’exercice de la magie nécessitant une concentration sans pareil, le fait de réciter des incantations aidait à stabiliser le sort et ses effets. L’incantation favorisait par ailleurs la compréhension de la magie employée. S’en passer relevait d’un haut niveau de maîtrise.