Cartel's Lovers Tome 1 - Partie 2 - Aurora Lewis - E-Book

Cartel's Lovers Tome 1 - Partie 2 E-Book

Aurora Lewis

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Beschreibung

La menace de Zorita se fait de plus en plus pressante et Santo se retrouve au pied du mur. L’apparition de Mia dans sa vie chamboule tous ses projets et met en lumière des faiblesses qu’il repousse depuis toujours. Son instinct de protection se réveille quand la jeune fille découvre les sombres secrets qui entourent sa famille. Mia va devoir faire face et prouver qu’elle n’est pas la petite princesse que tous pensent. Parfois, il faut savoir accepter que la vie ne soit pas toujours aussi rose qu’elle semble l'être.


À PROPOS DE L'AUTRICE

Aurora Lewis est une mère au foyer de 33 ans. Passionnée par la lecture et l’écriture depuis sa plus tendre enfance, elle a fait des études de littérature et de langues étrangères, avant de finalement se tourner vers le domaine médicale. Son amour pour la lecture l’a mené à découvrir la plateforme Wattpad, où elle a commencé par être une simple lectrice, avant de se lancer à son tour. C’est soutenue par son mari et son entourage, qu’Aurora a écrit son tout premier roman : Cartel’s Lovers.

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Seitenzahl: 1042

Veröffentlichungsjahr: 2023

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CARTEL’S LOVERS

 

Tome 1

 

 

 

 

Partie 2

 

 

 

 

 

Aurora Lewis

Chapitre 1 

Mia

 

Vous êtes-vous déjà réveillés avec l’impression que votre journée ne se déroulera pas comme vous l’aviez imaginé ? Que, quoi que vous fassiez et qu’importent les décisions que vous prendrez, les dés de votre destin étaient jetés et rien ne pourra empêcher le malheur de s’abattre sur vous? Vous aurez beau essayer encore et encore, mais en vain. Toute la volonté humaine ne pourra rien contre ces événements qui semblent prédéterminés et inéluctables. Un fatalisme aveugle lié à un attentisme paralysant qui vous ôte tout bon sens quant à ce qu’il se passe autour de vous.

Ce sentiment est horrible et c’est malheureusement ce que je ressens depuis que j’ai ouvert les yeux ce matin. À peine éveillée, je savais déjà que quelque chose n’allait pas, mais quoi? Impossible à dire. Cette matinée ressemble à celle d’hier, mais en même temps est différente. Des vibrations, un mauvais pressentiment, appelez ça comme vous le voudrez, mais une chose est sûre : quelque chose de mauvais se trame. Quelque chose qui nous impactera tous.

Dans la cuisine, j’avale difficilement un café qui, combiné aux deux autres cachets que Santo a laissés à mon attention sur mon chevet, devrait réussir à réduire au maximum les effets néfastes de ma trop forte consommation d’alcool d’hier soir. Valentina et Serena ont la chance de pouvoir dormir encore un peu, alors que je suis attendue pour huit heures à l’école. L’esprit embué, je pose mon front sur le comptoir en marbre blanc de la cuisine et soupire, quand mon téléphone vibre.

Santo : un de mes hommes arrive pour te conduire à l’école.

 

Message glacial et impersonnel, mais en même temps, à quoi devrais-je m’attendre venant d’un homme comme Santo? Il est plus habitué à donner des ordres qu’à rédiger des sonnets romantiques. Malgré la bienveillance et la douceur dont il fait preuve à mon égard, Santo n’en demeure pas moins un narcotrafiquant et je vais devoir m’habituer à cette facette de lui. Je choisis de lui répondre de la même façon que lui et lui envoie un simple O.K.

Si j’ai bien compris une chose avec Santo, c’est qu’il ne s’encombre pas de manières et qu’il dit les choses telles qu’elles doivent être dites. Sans fioriture ni détour. Heureusement, je ne suis pas d’un tempérament susceptible et je réalise les efforts qu’il fournit pour moi. J’ai bien compris que ce n’était pas dans ses habitudes d’être aussi prévenant et doux avec une femme. Cela n’empêche pas que je suis un peu déçue de ce message. J’espérais plus.

Mais Santo est comme il est. Je ne peux pas le forcer à changer et surtout, je ne le veux pas. Il a des qualités qui m’attirent et qui contrebalancent ses défauts. Par exemple, c’est un homme occupé qui a tout de même trouvé le temps de m’envoyer quelqu’un pour m’accompagner au travail. Avec Santo à mes côtés, je me sens en sécurité et c’est d’ailleurs ce qui me plaît chez lui. Il fait naître en moi un sentiment de bien-être tel que je sais qu’il ne laissera rien ni personne me faire du mal. Mon portable vibre à nouveau et je découvre, surprise, un deuxième message de sa part.

 

Santo : désolé mi cielo1, mais j’ai à faire. Dors à la maison ce soir.

 

Mia : je peux dormir chez moi si tu es occupé.

 

Santo : non. Je veux te retrouver dans mon lit en rentrant.

 

Je me trompais, à sa manière bien à lui, il sait se montrer attentionné. Bien sûr, il ordonne et attend de moi que je lui obéisse, mais avec un homme comme lui il faut savoir lire entre les lignes. Cet ordre que je dorme chez lui, c’est sa façon bien à lui qu’il tient à moi.

Enfin, je pense.

Un sourire niais collé aux lèvres, je tape une réponse rapide.

 

Mia : D’accord. Je passerai récupérer des affaires propres à l’appartement après l’école dans ce cas.

 

Tu me manques. Voilà ce que j’aimerai rajouter à la fin de mon message. J’aimerais lui dire qu’il m’a manqué dès qu’il a quitté le confort de ses draps de satin en pleine nuit. Lui avouer que j’aurais aimé me réveiller ce matin à ses côtés et profiter de sa présence et de la chaleur de son corps contre le mien plus longtemps, mais je n’ose pas. Pas par pudeur, plus par appréhension de ce que cette simple petite phrase pourrait déclencher chez Santo. En général, les sentiments et les déclarations font fuir les hommes comme lui.

Alors je me tais.

Son travail l’a appelé en pleine nuit et il pense tout de même à moi. Voilà ce sur quoi je dois me focaliser. La vie de narcotrafiquant ne ressemble en rien à celle que je vis au quotidien et je dois m’y faire. Je vais m’adapter, il le faut. Pour Santo, mais aussi pour mon frère, Juan.

 

Santo : O.K., n’y va pas seule.

 

Je fixe l’écran de mon téléphone, pesant le pour et le contre de relancer la conversation quand une voix me fait sursauter en m’appelant.

— Mia?

Je me redresse et tombe sur Julio qui, sa mitraillette dans le dos, m’attend patiemment.

— Salut ! C’est toi que Santo a envoyé pour m’accompagner à l’école?

— Si. Le jefe2 m’a demandé de t’escorter aujourd’hui. Tu es prête?

— Oui, laisse-moi juste prendre mon sac.

Je descends de mon tabouret et le rejoins dans le grand hall d’entrée.

— L’école n’est pas loin, nous pouvons y aller à pied si c’est bon pour toi?

— Bien sûr !

— Dale3. Reste près de moi.

Nous sortons de la villa et marchons tranquillement vers l’école. En chemin, j’essaie d’entamer la conversation avec lui, mais il se contente de répondre à mes questions par de simples oui ou non, ou encore par des haussements d’épaules. Réalisant que ma parlote le dérange, je finis par me taire et avance en silence. Au fur et à mesure que nous avançons, je l’observe attentivement du coin de l’œil.                   

Julio est aux aguets. Son regard est partout à la fois et il tient son arme comme s’il se préparait à l’utiliser. Son attitude me fait quelque peu tiquer et je réalise soudainement la présence d’hommes armés dans la rue, qui patrouillent. Il y en a plus qu’hier, leur nombre semble avoir triplé en l’espace de 24 heures. Cela aurait-il un rapport avec le départ précipité de Santo cette nuit?

Nous arrivons rapidement à l’école et je note encore une fois, la présence de sentinelles postées sur le trottoir en face.

— Je ne serai pas loin, m’informe Julio en me tendant un papier froissé. Voici mon numéro si tu as besoin. Je t’attends devant l’école pour te ramener, ne pars pas seule. Ordre du jefe.

Je me saisis du morceau de papier et hoche la tête. Je vais pour lui souhaiter une bonne journée, mais Julio a déjà traversé la route pour rejoindre ses collègues, qui, adossés au mur, fument en lançant des regards indiscrets dans ma direction. Intimidée, je leur adresse tout de même un sourire et un signe de la main auxquels ils me répondent par un mouvement de tête respectueux avant de retourner à leur occupation principale, celle de scanner la foule et les environs.

Sachant que mon intuition ne me fait que rarement défaut et que, vu le nombre d’hommes déployés dans le quartier ce matin, il ne fait aucun doute qu’il se passe quelque chose. Ignorant encore quoi, je me note de rester sur mes gardes. En venant ici, je ne voulais pas devenir un souci en plus pour Santo ou mon frère. Ils doivent s’occuper de leur cartel et protéger le barrio4 et ses habitants.

Cependant, en pénétrant dans l’école, j’ignorai encore l’enfer que nous allions vivre quelques heures plus tard.

 

 

Santo

 

Roulant à toute allure, nous arrivons rapidement sur les lieux du carnage. Je freine sèchement et stoppe mon Hummer en plein milieu de la rue.

Dehors, c’est la débandade. Des hommes, des femmes et des enfants crient et courent dans tous les sens, une voiture sur le trottoir brûle et certains habitants du barrio ont formé une chaîne pour tenter d’éteindre l’incendie avec des seaux d’eau.

Rafael, Juan et moi descendons de la voiture et nous nous précipitons vers nos hommes postés sur place. Un enfant me percute avec force et je reconnais le petit Gabriel, qui me dévisage, paniqué.

— Señor Santo !

— Qu’est-ce que tu fais là, toi? C’est dangereux ici.

— Je cherche mon frère, señor, m’explique-t-il. J’attendais Manuel devant l’épicerie quand les méchants sont arrivés et ont commencé à tirer. J’ai couru pour me mettre à l’abri et maintenant je ne le trouve plus.

Je regarde autour de moi, il y a bien trop de monde et de bordel dans la rue pour qu’un gamin de son âge retrouve son frère. Je l’attrape par les aisselles et le porte jusque dans le Hummer. Avant de claquer la portière, je lui dis :

— Tu ne bouges pas d’ici jusqu’à ce que l’un de nous vienne te chercher. On va retrouver Manuel, mais d’abord on doit mettre fin à toute cette merde. Entiendes5, Gabriel?

— Si, señor Santo. Je ne bouge pas.

— Dale. Sois sage. Il y a des bonbons dans la boîte à gants, c’est ceux de Rafael, tu peux te servir.

Je verrouille la voiture et rejoins mes seconds qui recueillent les dernières informations auprès de nos hommes. Ce n’est qu’une fois à côté de Juan que je découvre Rafael agenouillé par terre. Penché sur Julio, il observe une blessure à l’abdomen qui n’augure rien de bon, pendant que l’un de nos gars tente désespérément de comprimer la plaie et ainsi réduire le saignement. Rafael relève la tête, s’essuyant les mains sur son tee-shirt noir.

— Il a besoin de soins. La balle n’a pas touché d’organes vitaux et est ressortie, mais il faut suturer, m’informe-t-il.

— Très bien. Vous deux, m’adressé-je à deux hommes qui arrivent de suite, amenez-le au QG voir un médecin. Restez avec lui, sauf si on vous appelle en renfort.

Ils opinent du chef, saisissent Julio par les épaules et s’éloignent. Je regarde l’ensemble de nos gars encore présents et ordonne :

— Pas un mot à Aaron sur la blessure de Julio. S’il demande, il est parti sous mes ordres seconder Ciro. Esta claro6?

— Si.

— Et maintenant, qui peut nous dire ce qu’il vient de se passer ici?

Juice, un ami proche d’Aaron et Julio, s’approche, l’arme au poing et les mains en sang d’avoir maintenu son ami en vie.

— C’est allé très vite, jefe. Un SUV noir a déboulé en renversant des passants et s’est arrêté en plein milieu de la rue avant de commencer à nous canarder. On a riposté de suite, mais ils sont partis aussi vite qu’ils étaient arrivés.

— Ils sont venus, ont déclenché une fusillade et se sont barrés? s’étonne Rafael.

— Oui. On n’a vu aucun de leurs visages, ils étaient cagoulés et ne sont pas sortis de leur véhicule.

— Pas de revendications? Pas de menaces?

— Non, rien, répond Arturo que je n’avais pas encore vu. Peut-être qu’ils ont fait ça dans le seul but d’effrayer les habitants du barrio? Ça a fonctionné, les gens couraient dans tous les sens et j’ai vu un groupe de moines se réfugier chez les bonnes sœurs.

— Dans l’école? reprend Rafael, les sourcils froncés.

— Oui. Une des bonnes sœurs leur a ouvert et les a mis à l’abri.

— Où sont-ils maintenant? demande Juan.

— Toujours à l’intérieur, je suppose, répond Arturo. On ne les a pas vus depuis la fin de la fusillade.

— De acuerdo7. Vérifiez les blessés et aidez les habitants à rentrer chez eux. Je déclare le confinement du Barrio 13, annoncé-je d’une voix forte. Personne n’entre ou ne sort. Fermez les commerces et tous les civils doivent rester chez eux jusqu’à nouvel ordre. Cette fusillade n’est que le commencement, ce n’est sûrement pas terminé.

D’un geste de la main, je congédie nos hommes qui s’éparpillent pour informer les habitants qu’ils doivent impérativement rentrer chez eux. J’envoie un message à Ciro lui demandant d’activer les haut-parleurs du barrio et de lancer le message. Sa voix résonne dans la seconde qui suit dans tout le quartier.

— Le Barrio 13 est confiné. Rentrez vous mettre en sécurité. Nous mettons tout en œuvre pour trouver les responsables de cette fusillade et sécuriser le secteur. Nous vous tiendrons au courant quand vous pourrez à nouveau sortir.

Les quelques hommes et femmes encore présents dans la rue s’agitent, paniqués. Une femme tente de passer la barrière de sécurité mise en place et hurle sur l’un de nos gars.

— Mon fils est dans l’école! Laissez-moi le récupérer, je ne partirai pas sans lui !

Juan s’avance vers cette pauvre mère et tente de la raisonner :

— Señora, vous devez aller vous mettre en sécurité.

— No. Je n’irai que lorsque j’aurai mon fils avec moi.

— Je comprends votre inquiétude, mais pour le moment, votre fils est dans l’école avec tous ses camarades, il ne craint rien. Vous devez nous faire confiance, nous faisons au plus vite, mais nous ignorons encore qui sont les personnes qui ont ouvert le feu, où elles sont et ce qu’elles veulent.

— Mais, mon bébé…

— Comment s’appelle votre fils? la coupe-t-il.

— Juan, mais il ne répond qu’à Juanito. Il doit avoir tellement peur, sanglote la jeune mère.

— À votre place, je ne me ferais pas trop de soucis. Les Juan sont des petits garçons forts et intelligents. Je suis certain qu’il saura se mettre à l’abri s’il le faut. Et puisque votre fils se prénomme comme moi, je me chargerai de vous le ramener en personne. C’est une promesse. Maintenant señora, s’il vous plaît, rentrez.

Son regard alterne entre Juan et le portail clos de l’école derrière nous. Hésitante, elle finit par céder, recule et pénètre dans son immeuble. Juan se tourne vers Rafael et moi et je leur pose la question qui tourne en boucle dans ma tête depuis que nous sommes arrivés :

— Vous pensez aussi à ce que je pense?

— Une autre diversion? répond Rafael. Possible. Et on a été assez cons pour se faire avoir deux fois par cet hijo de puta8, gronde-t-il, en passant une main dans ses cheveux noirs.

— Je n’arrive pas à comprendre leur stratégie.

Je m’empare du talkie-walkie que Juan tient et le porte à ma bouche :

— Ciro, toujours aucune trace des triplés?

— Non, grésille sa voix à travers l’appareil. Aucune caméra n’a détecté leurs présences. Soit ils ne sont pas là, soit ils dissimulent leurs visages.

Joder9. J’ai une putain d’illumination et j’espère vraiment me tromper. Je hèle Arturo qui arrive en courant, le saisis par le bras et lui demande :

— Les moines dont tu nous as parlé, tu as pu voir leurs visages?

— Non. Ils avaient rabattu leurs capuches.

— Ils étaient combien? Rien ne t’a pas paru suspect?

— Je ne sais pas, cinq ou six je dirais, me répond-il, fronçant les sourcils, y’a bien un truc que j’ai trouvé étrange, mais ça ne veut rien dire.

— Quoi? l’interroge Rafael.

— Leurs chaussures, c’était des chaussures de soldat, comme les nôtres. Rien à voir avec celles que porte le curé de l’église.

— Bordel de merde… souffle Juan.

— Je…

Mais la détonation d’une arme m’interrompt, créant une agitation et un mouvement de foule dans la rue. Personne ne semble avoir été touché et nous cherchons tous d’où peut bien provenir le coup de feu.

— Ça vient de l’intérieur de l’école! crie Juan en se précipitant vers le grillage.

Rafael et moi courons à sa suite. Juan est bien trop impulsif et pénétrer dans l’école sans réfléchir, n’est pas l’idée du siècle. Il tente d’ouvrir le portail, mais celui-ci est verrouillé de l’intérieur. Comme un fou, il s’acharne sur la poignée sans prêter attention à ce qui l’entoure et encore moins au point rouge clignotant sur sa poitrine. Je me jette sur lui, le tirant en arrière et crie :

— À terre! Tous à terre !

Rafael, Juan et moi avons tout juste le temps de nous abriter derrière un véhicule, qu’on nous tire dessus. Les balles volent au-dessus de nos têtes et par chance, aucun de nos hommes n’est blessé. Ainsi cachés, nous attendons que les tirs cessent, armes au poing. Inutile d’essayer de riposter étant donné que nous ignorons où sont postés les tireurs.

Les balles arrêtent de fuser au bout d’une minute. Prudemment, nous nous relevons, aux aguets. J’avance vers mon Hummer, ouvre la portière et découvre Gabriel, recroquevillé entre les sièges avant et la banquette arrière. Les bras autour de ses genoux, la tête enfoncée entre, le gamin tremble de peur. Il sursaute et lève brusquement la tête vers moi. Le soulagement se peint sur son visage de petit garçon quand il me voit.

— Ça va, chabon10?

Il hoche rapidement la tête, mais je vois bien que ça ne va pas et qu’il joue au grand. Je tends la main et lui ébouriffe les cheveux, tentant de le rassurer :

— Tu es en sécurité ici, ce véhicule est blindé, les balles ne peuvent pas passer à travers. Il faut que tu continues à être courageux, tu peux faire ça?

— Oui Santo, je peux.

— Muy bien11.

Je le laisse non sans éprouver de la culpabilité à abandonner un enfant dans cet enfer, mais je n’ai pas le choix. Nous devons passer à l’action et c’est d’ailleurs ce que nous faisons une fois que je rejoins mes seconds. Rafael ordonne à nos hommes d’agrandir le périmètre de sécurité autour de l’école, personne ne doit pouvoir entrer ni sortir. Juan est en communication avec Ciro qui se charge de nous trouver les plans de l’école.

Quant à moi, je me prépare mentalement à déchaîner les flammes de l’enfer contre ces enfoirés qui ont osé se barricader dans un bâtiment où se trouvent des personnes bien trop importantes pour moi.

 

 

Mia

 

Nous étions dans les couloirs en direction du réfectoire au moment où les tirs ont commencé. Dans la précipitation, les sœurs et moi avons regroupé les enfants dans la salle d’arts plastiques, la seule assez grande pour tous nous accueillir et dont aucune fenêtre ne donne sur la rue. Assis par terre ou encore cachés sous les tables, les enfants tremblent, muets de peur. Juanita et Sofia se sont agrippées à moi et je les tiens fermement contre moi, priant silencieusement pour que tout cela cesse.

Du coin de l’œil, j’aperçois sœur Maria-Pia revenir, suivie par quatre moines aux visages dissimulés sous leurs soutanes maronnées. Je tends discrètement l’oreille quand elle s’adresse à la Mère Supérieure :

— Nos frères se sont trouvés dehors au moment de la fusillade, je me suis permis de leur porter assistance et de les faire entrer.

— Vous avez bien fait, sœur Maria-Pia. Bienvenue dans notre école, les accueille Maria-Conception.

— Merci à vous pour votre hospitalité et votre bienveillance, répond le plus imposant des quatre hommes. J’ignore ce qui a bien pu se passer. Nous marchions tranquillement quand les coups de feu ont éclaté.

— Encore une de ces guérillas entre cartels ! s’exclame sœur Maria-Pia. Ces hommes ne sont que des assassins, des monstres qui tuent pour le plaisir. Ils mériteraient de brûler dans les flammes de l’Enfer !

— Hé ! crie Juanita, se relevant brusquement. Mes oncles ne sont pas des monstres ni des assassins !

Toutes les têtes se tournent vers elle. Le sourire de sœur Maria-Pia se crispe et avant qu’elle n’ait pu répondre quoi que ce soit, la Mère Supérieure répond à la fillette :

— Ce n’est pas ce qu’elle a voulu dire, Juanita. Calme-toi.

Serrée contre mon flanc gauche, Sofia pleure sur ma poitrine. Je me penche vers elle pour lui demander si elle va bien. Elle relève son joli visage de poupée et, les yeux embués par les larmes, elle hoquète :

— Je veux mes tíos12 .

— Ne pleure pas, Sofia. Je suis certaine qu’ils ne sont pas loin et puis je les connais assez pour savoir qu’ils ne laisseront jamais rien arriver à leurs deux princesses.

Malgré mes paroles que je veux réconfortantes, cela ne semble pas suffisant pour Sofia qui craque au moment où sœur Maria-Pia poursuit, hargneuse :

— C’est de leurs fautes à eux si nous sommes dans cette situation ! Sofia, ceux que tu appelles tes oncles sont des vauriens de la pire espèce et ce sont eux qui sont responsables de toutes ces misères !

— Menteuse ! hurle Juanita, les poings serrés et le visage déformé par la colère. Vous n’êtes qu’une menteuse !

Peu perturbée, la sœur hausse négligemment les épaules.

— Ne me crois pas si tu veux, mais c’est la vérité, lui répond-elle, hautainement. Ce sont des chefs de cartels, des narcotrafiquants… des meurtriers.

— Ma Sœur, cela suffit ! s'exclame la Mère Supérieure. Vous ne faites rien pour améliorer la situation et ces deux petites ne sont pas responsables des actes de leur famille. Et puis, vous savez aussi bien que moi que le cartel Alvarez fait de son mieux pour maintenir la paix dans le quartier. Je ne veux plus entendre un seul mot sur eux.

Sœur Maria-Pia ronchonne et baisse la tête, comme une enfant punie, puis la Mère se tourne vers les deux fillettes.      

— Juanita, Sofia, vos oncles sont ce qu’ils sont, mais ils vous aiment plus que tout. Je n’ai aucun doute là-dessus. Maintenant Juanita, rassieds-toi s’il te plaît.

Obéissante, Juanita reprend sa place à mes côtés et le silence se fait. Dehors, les échanges de balles se sont taris, le calme semble être revenu. Je pense à Santo, à Juan et à Valentina qui devait me rejoindre pour le déjeuner. J’espère qu’il ne leur est rien arrivé. Les coups de feu ont eu lieu dans la rue, pourtant ce n’est pas ce qu’il se passe à l’extérieur qui m’inquiète le plus.

Mon regard est fixé sur ces moines qui, selon moi, n’ont rien de bien catholique. Plus je les observe et plus je doute de leur véritable identité. Chaussures de combat, tatouages, cicatrices sur le visage, barbes mal entretenues… Ils ressemblent davantage à Santo ou Rafael qu’à des religieux. Instinctivement, je presse les petites contre moi. Le plus grand me regarde, yeux et cheveux aussi noirs que la mort, il m’offre un sourire retors, me donnant froid dans le dos.

— Qui sont donc ces deux adorables niñas13? questionne-t-il, les désignant d’un index tordu, comme cassé.

— Sofia Alvarez et Juanita Rojas. Leurs familles étudient ici depuis des décennies et font partie des plus importants donateurs de l’école, répond Maria-Conception.

— Alvarez et Rojas dites-vous? Comme Santo Alvarez et Juan Rojas?

Des moines? Mon œil !

La Mère Supérieure les regarde, les yeux plissés, et leur répond, suspicieuse :

— Et bien… oui. Ce sont leurs nièces. Mais comment les connaissez-vous?

— Disons que c’est en grande partie pour eux que nous sommes là.

D’un mouvement brusque, l’homme dégage de sous sa tunique une arme, qu’il dirige vers la Mère. Un à un, les autres hommes ôtent leur vêtement et les laissent tomber à leurs pieds, dévoilant un attirail digne des agents du SWAT. Armes aux poings, je confirme qu’ils n’ont vraiment plus rien de frères bénédictins.

Paniqués, les enfants s’agitent et commencent à crier. Sur le côté, j’aperçois une sœur qui tente de se sauver par la porte de derrière. Elle n’a malheureusement pas fait trois pas, que l’homme, sans sommation, lui loge une balle à l’arrière du crâne. Morte sur le coup, elle s’effondre au sol dans un bruit mou et le silence se fait. Il n’a pas cillé une seule seconde en ôtant la vie à la religieuse.

Je tente de cacher les yeux des filles, mais c’est trop tard. Aucun des enfants ne peut échapper à la vision de cette femme se vidant de son sang, au milieu des autoportraits peints à la gouache ce matin par des écoliers heureux et insouciants.

— Dommage, sa mort n’était pas prévue, s’amuse-t-il en montrant le corps sans vie. Si nous sommes ici, c’est pour quelque chose de précis. Aidez-nous à l’obtenir et tout devrait bien se terminer… en principe.

Il se tourne vers deux de ses acolytes et les apostrophe :

— Vous deux, allez vérifier que les autres n’ont pas besoin d’aide à l’entrée. Le bruit a sûrement attiré l’attention sur nous.

Les deux opinent et quittent la pièce, munis de leurs fusils.

Personne n’ose parler. Les enfants pleurent, mais font tout pour ne pas faire le moindre bruit, pendant que les bonnes sœurs, agenouillées, récitent des Notre Père leurs chapelets étroitement serrés dans leurs mains tremblantes. Il semblerait que je sois désormais la seule adulte encore capable de raisonner. Avec prudence, je me redresse, les mains en évidence pour montrer ma bonne foi.

— Dites-nous ce que vous voulez, je vous aiderai.

— Jolie chica14 que nous avons là, s’amuse le chef de bande.

Derrière lui, l’homme resté en retrait ricane avant de cracher au sol.

— Tu ne peux pas m’aider, ma jolie, reprend le grand brun, c’est les deux gamines qui te servent de sangsues que nous voulons.

Il me montre tour à tour Juanita et Sofia qui se sont levées et sont désormais accrochées à mes jambes. S’approchant, il s’accroupit et les contemple, un sourire malsain peint sur le visage. Il tend la main et je me tends, alors qu’il caresse la joue de Sofia du bout de son doigt tordu.

— La petite Sofia… le trésor de cet enfoiré de Santo Alvarez.

Il se tourne vers Juanita qui le dévisage, sans baisser un seul instant le regard. Il essaie de la caresser comme il vient de le faire avec Sofia, mais au dernier moment, Juanita le mord violemment.

— Putain !!!

Reculant, il tient sa main contre son torse et je vois du sang couler. Juanita n’a pas fait semblant, elle l’a mordu jusqu’au sang.

— Ne me touche pas, cabron15 ! s’exclame-t-elle.

— Sale petite garce ! Tu mériterais une bonne leçon d’éducation !

— Je suis très bien éduquée, la preuve puisque que je sais reconnaître un cabron quand j’en vois un, réplique Juanita, le regard victorieux et plein d’arrogance.

L’homme semble sur le point d’exploser, ses yeux brillant de rage. Craignant pour ce qu’il serait capable de lui faire, j’interviens et lui intime de se calmer. La petite m’écoute et se tait, retrouvant sa place contre moi. L’homme déchire un bout de son tee-shirt noir et l’enroule autour de son index.

— Juanita Rojas, le sang aussi chaud que cet enfoiré de Juan.

— Si vous nous disiez ce que vous voulez, le coupé-je afin de mettre fin à l’échange avec les petites.      

Le chef du groupe me dévisage et son regard glisse sur moi d’une façon qui ne me plait guère. Il tend son index et effleure ma joue, descend le long de ma gorge et se pose sur ma poitrine, le tissu imbibé de sang laissant une trainée rouge-carmin sur ma peau. Son toucher me dérange et il s’en aperçoit, son sourire s’élargissant, il me répond :

— Je te l’ai déjà dit, de toi je ne veux rien. Tu n’es personne, juste une jolie chica perdue dans ce grand monde de méchant. Les gamines, en revanche… elles ont de la valeur.

— Ce ne sont que des enfants !

— Des enfants qui vont nous servir de monnaie d’échange. Alvarez, Vargas et Rojas ont un truc que notre jefe veut et nous allons le récupérer.

— Quoi? Qu’ont-ils qui vaille la peine que vous attaquiez une école? De la drogue? Je suis sûre que votre « chef » n’en manque pas, m’énervé-je.

— Une clé USB, répond-il, c’est ça que Zorita veut. Alors, le deal est simple : c’est la clé USB contre la vie de leurs deux sobrinas16 adorées.

— Tout ça pour une clé USB? Vous savez que vous pouvez en trouver dans n’importe quel magasin, se moque Juanita.

— Celle-ci est spéciale, riposte l’homme. D’ailleurs, je pense qu’ils ne devraient pas tarder. Tout ce bordel a dû attirer leur attention et ça ne m’étonnerait pas qu’ils essaient de rentrer en contact avec nous d’ici peu. Je pourrai leur faire part de nos « revendications ».

— Si c’est leur parler que vous voulez, je peux vous aider. Mais laissez les filles en dehors de ça. Vous recherchez un moyen de pression? Prenez-moi à leur place.

Qu’est-ce qui ne va pas avec moi? Voilà que je me propose comme otage. Faut que j’aille consulter, je semble développer un important syndrome du héros. Mais je n’ai pas le choix si je veux mettre Juanita et Sofia à l’abri. Suite à ma proposition, l’homme éclate de rire.

— Toi? Mais que ferions-nous de toi? Si tu crois qu’ils vont donner ce qu’ils ont de plus précieux pour une simple petite puta qu’ils baisent surement à tour de rôle, c’est que tu es bien naïve. Tu n’es rien, personne. Les gamines, elles, valent de l’or. Elles sont leur sang et…

— Juan est mon frère, le coupé-je précipitamment, je suis sa petite sœur.

Pas un instant je ne songe à ce que ma révélation pourrait enclencher. Devant moi, l’homme cesse de rire. Son regard lubrique se plante dans le mien et je lutte pour ne pas baisser les yeux. Juanita ne l’a pas fait, je ne le ferai pas.

— La hermanita17 de Rojas? Et bien, en voilà une belle surprise! Tu savais, toi, que cette tête brûlée de Rojas avait une petite sœur aussi bandante? demande-t-il à son compagnon qui, depuis le début, ne fait rien d’autre que de se bidonner comme une hyène. À ton avis, comment réagirait ton grand frère chéri si je lui envoyais une vidéo de moi en train de te baiser?

J’inspire profondément et tente de conserver mon calme quand la petite voix tranchante de Juanita résonne à nouveau.

— Si tu la touches, tu es mort, le menace-t-elle. Tio Juan est le meilleur, il va te tuer d’une seule balle en plein crâne.

Sa répartie agace le brun qui s’énerve :

— Décidément, c’est de famille. Les Rojas ne savent pas se la fermer. Écoute-moi bien, sale chieuse, encore un mot de ta part et je descends un de tes petits camarades de classe, entiendes?

Afin de donner plus de poids à sa menace, il braque le canon de son arme sur le torse de Teddy, le meilleur ami des deux fillettes. Intelligente et raisonnée malgré son jeune âge, Juanita se tait, mais ne perd pas son expression hautaine et adresse un regard haineux à l’ennemi.

— Maintenant que l’on a les nièces et la sœur, on va bien s’amuser. Donne-moi ton téléphone !

Je le sors de la poche arrière de mon jean et lui tends. Mon portable nécessitant une reconnaissance faciale pour le débloquer, il m’attrape par la tresse et colle l’écran au plus près de mon visage pour le déverrouiller. Il fouille dedans puis le porte à l’oreille. Quand son interlocuteur décroche enfin, il se marre et répond :

— Et non, ce n’est pas elle !

— …

— Mon petit Santo, tu me fais de la peine. Mais ne sois pas jaloux, la notoriété des triplés Triaz dépassera bientôt la tienne et tu seras vite oublié.

Je n’entends pas la réponse de Santo, seulement ses hurlements grésillants qui ne perturbent pas un seul instant le brun.

— Des menaces, toujours des menaces. Ne pouvons-nous pas discuter tranquillement? Comme des hommes civilisés?

— …

— Mais oui, elles vont bien. Juste une sœur qui a rejoint le Seigneur plus vite que prévu. Retiens que tant que vous ne faites pas les cons, je ne toucherai pas un seul cheveu de vos chéries. Nous, tout ce que nous voulons, c’est la clé. Apportez-la nous et l’histoire ne sera plus que du passé.

— …

— De acuerdo. Pour te montrer ma bonne foi, j’accepte de te rendre des otages. Je garde juste les deux petites et la jolie blonde.

— …

— Si tu crois que je vais laisser un de tes hommes entrer pour récupérer, tu es vraiment stupide.

— …

— Une chica? Dale. Mais si je vois une seule arme, vous pourrez dire adieu à vos jolies têtes d’ange. Envoyez -là.

Il raccroche et chuchote à toute vitesse avec son collègue. J’essaie d’entendre une phrase, un mot qui pourrait m’éclairer un peu sur la situation, mais ils parlent trop bas. Je n’ai pas le temps de me poser plus de questions que le grand brun s’approche de moi et me caresse à nouveau le visage, avec une fausse tendresse.

— Au fait, je suis Pedro Triaz… mi cielo.

Je frissonne à ce surnom. Seul Santo m’appelle ainsi et je comprends de suite qu’en décrochant, il a cru que c’était moi qui l’appelais.

— Alors comme ça, en plus d’être la petite sœur de Rojas, tu es aussi la querida18 de cette merde d’Alvarez? Et bien, on dirait que j’ai tiré le gros lot aujourd’hui.

— Vous avez votre moyen de pression sur Juan et Santo maintenant, m’exclamé-je. Libérez les filles !

Il explose d’un rire gras et sadique.

— Non. Allez, assises et silence. Je ne veux plus vous entendre.

J’attrape les mains des filles et les tire vers le fond de la salle où je me laisse glisser contre le mur. Recroquevillées sur mes genoux, elles ont leurs joues posées sur ma poitrine, leur visage l’un en face de l’autre.

— Mia? chuchote Juanita contre mon sein.

— Oui, mia carina19?

— Ils vont nous sauver. Tu sais que le métier de tio Juan, c’est de tuer les gens de loin. C’est le meilleur, il ne loupe jamais. Tio Rafael m’a dit un jour qu’il serait capable de lui créer un deuxième trou de balle à mille mètres, continue-t-elle, un sourire en coin, certainement amusée par l’image de son oncle Rafael, sautant et hurlant de douleur par une balle enfoncée dans son postérieur.

À son tour, Sofia pouffe de rire et nous essayons toutes les trois de nous faire discrètes. Je les enlace et dépose un baiser sur leurs crânes.

— Oui, ce sont les meilleurs. Maintenant, nous n’avons plus qu’à les attendre.

Je crois en ce que je dis. Je les attends. Ils viendront, je le sais. Ils vont tout mettre en œuvre pour nous récupérer et cela me fait peur. Jusqu’où sont-ils capables d’aller pour cela?

 

 

 

 

 

Santo

 

Nos hommes ont pris leur position et encerclent désormais le bâtiment. Les commerces ont été fermés et les habitants barricadés chez eux. J’ai demandé à ce que l’on bloque les routes, empêchant quiconque de pénétrer dans le barrio, et nos contacts au sein de la police ont été prévenus de ne pas intervenir. Le cartel va pouvoir gérer cette situation merdique à sa façon. Même si, pour l’instant, aucun de nous n’a de plan concret. Tout ce que je sais, c’est que les hommes qui ont pénétré l’école ne s’en sortiront pas vivants. Foi de Santo Alvarez.

Alors que Rafael, Juan et moi nous réunissons pour élaborer une stratégie, une Mercedes grise déboule à toute vitesse. Dans un crissement de pneu strident et dégageant une odeur de caoutchouc brulé, la berline freine à quelques mètres à peine de nous. Claquant violemment la portière, mon frère Ugo en sort et vient à notre rencontre à grandes enjambées. Les yeux plissés, je lui demande, méfiant :

— Qu’est-ce que tu fous là ?

— Je suis venu vous aider, me répond-il, comme si c’était une évidence.

Dieu… qu’est-ce qu’il peut m’agacer. C’est physique. Avec sa chemise parfaitement repassée et son pantalon tiré à quatre épingles, accompagné d’une paire de mocassins noirs. Ugo est le portrait craché de notre père. C’est quoi cette nouvelle coupe de coiffure en plus? Il a vidé le pot de gel sur son crâne ou quoi? Irrité par sa simple présence, je rétorque :

— On gère la situation, nous n’avons pas besoin de toi. Tu peux partir.

— Vous gérez?

Il lâche un petit rictus méprisant et poursuit :

— Vous ne gérez absolument rien du tout. Des enfoirés ont pénétré l’école avec Sofia et Juanita à l’intérieur et n’en sont pas encore ressortis les pieds devant.

— Je t’ai dit de dégager Ugo.

— Tu te moques de moi? Tu réalises ce qu’il se passe? Luisa et Rosalinda sont dans tous leurs états. La nouvelle a fait le tour du barrio. Joaquin est resté avec elles pour tenter de les calmer, mais je t’assure que son état n’est guère mieux. Il était prêt à venir plomber les mecs qui retiennent sa fille. Je l’ai difficilement convaincu de ne pas bouger, négociant que je vous rejoigne sur le champ.

— Tu es là, tu as vu, maintenant casse-toi, grogné-je.

Mon petit frère pousse un soupir et croise les bras sur sa chemise immaculée :

— Je n’irai nulle part Santo. Que toi et moi, on ne s’entende pas c’est un fait. Mais là, on parle des vies de Sofia et Juanita. C’est non négociable.

Joder! Mais pourquoi ma mère a voulu tenter le troisième pour avoir une fille? Au final, elle s’est retrouvée avec, encore, un garçon et en prime, moi je me coltine un frère casse-couille et borné. Je le toise durement. Même si Ugo a ses défauts, je ne peux lui ôter, ce qui est d’ailleurs peut-être son unique qualité, le fait qu’il soit un fin stratège. Ugo est de ceux qu’il vaut mieux avoir avec nous, que contre nous.

— O.K, tu restes, capitulé-je. Mais que ce soit Rafael, Juan ou moi, si on te donne un ordre, tu exécutes. Entiendes?

Il approuve en silence. Bien. Bon garçon.

Un de nos gars nous interrompt, me tendant les plans que Ciro nous a dégotés. Je les étale sur le capot de la voiture de Ugo, lui arrachant une petite grimace contrariée. Mon frère déteste que l’on touche à sa précieuse voiture qu’il chérit comme un fou. Ai-je oublié ce détail? Non. Est-ce que je n’en ai rien à foutre et est-ce que je prends un malin plaisir à le torturer? Carrément. Mais, contre toute attente, il ne dit rien et se penche avec nous pour étudier les documents.

— Y’a une sortie de secours juste ici, indique Juan.

— Oui et l’accès par la porte de la cantine aussi, complète Rafael, les poings appuyés sur la voiture. Le seul problème qu’on ait, c’est que l’on ignore combien ils sont exactement. On nous a rapporté cinq OU six. Il suffit qu’on en néglige un seul et ce bâtard pourra être celui qui nous niquera.

— Avant d’entrer, il faut qu’on s’assure de leur nombre exact. Il f…

Je suis coupé par des cris de protestation s’élevant de derrière les barrières de sécurité.

— Écoute-moi bien, testa di stronzo20, tu vas me laisser passer sinon je jure que je vais démolir ton service trois pièces !

Synchronisés, nous relevons immédiatement la tête. Cette voix si douce et mélodieuse ne nous est pas inconnue. Valentina hurle à plein poumon sur un de nos hommes qui, devant ce petit bout de femme qu’est l’Italienne, semble désemparé. Alors qu’elle menace de l’émasculer, il recule, les mains protégeant ses précieux attributs.

Chargé de veiller sur elle et de l’escorter aujourd’hui, Aaron assiste à la scène, amusé. À ma droite, Rafael rit et secoue la tête avant de siffler fort, attirant l’attention de notre gars pour lui indiquer qu’il peut la laisser passer. Valentina s’avance, rejetant son impressionnante chevelure brune en arrière, le visage et la démarche triomphants. Hissée sur des boots à talons, elle fonce vers nous, attirant sur son passage bon nombre de regards masculins. Il faut dire qu’il est difficile de louper une fille comme elle. Le short en jean qu’elle porte galbe à la perfection son incroyable cul et son débardeur noir ne cache rien de ses seins moulés et rebondissant à chacun de ses pas.

Valentina dégage une aura sexuelle à laquelle il est quasiment impossible de résister. Même si pour moi, Mia est de loin la plus belle, ce serait mentir de dire que la brune n’est pas une putain de bombe. Et vue comment nos hommes la dévisagent, je suis content que Mia n’attire pas autant l’attention sur elle. Ma main à couper qu’ils ont instantanément oublié la raison de leur présence ici et qu’ils pensent à comment la mettre dans leur lit pour la culbuter. J’ignore comment Rafael fait pour rester aussi calme alors qu’elle traverse une allée d’hommes en chaleur, qui ne se gênent pas pour se retourner sur son passage et mater son cul. Je serai déjà devenu fou. Mais lui, il l’attend tranquillement, le regard satisfait et un sourire de garnement aux lèvres.

Arrivée à nos côtés, les poings sur les hanches, l’Italienne s’exclame :

— C’est quoi ce merdier? On vient chercher Mia et Julio pour déjeuner et on tombe sur une scène de guerre !

— D’ailleurs, il est où Julio? demande immédiatement notre jeune recrue.

— Au QG avec Ciro.

Aaron me scrute, perplexe, mais ne réplique pas. Je suis certain qu’au fond de lui, il sait que je mens. S’il est aussi proche de Julio que je le suis de Rafael et Juan, il a forcément décelé que quelque chose clochait. Mais je ne vais pas dire que son meilleur pote s’est pris une balle dans le bide alors que nous avons encore toute cette merde à gérer.

— Vous allez nous dire ce qu’il se passe? insiste Valentina.

Juan leur explique rapidement la situation, omettant la blessure de Julio.

— Si je récapitule bien, une armada de « faux prêtres » s’est introduite dans l’école et ont pris les élèves et les sœurs en otage? s’étonne-t-elle quand Juan a fini. Dans quel but?

— Je pense que c’est Zorita et qu’il va demander un échange : les otages contre la clé USB.

— Tout ça pour une clé USB? Il est sérieux ce mec?!

— Si, miquerida. Mais ne t’inquiète pas, nous avons la situation sous contrôle, lui répond mon frère. Tu devrais rentrer chez toi, ça peut vite devenir dangereux pour une jolie femme comme toi.

Valentina semble avoir tapé dans l’œil de ce dernier qui se pavane, fier comme un paon en pleine parade nuptiale devant la belle Italienne. Il attrape sa main et la porte à sa bouche, effectuant une petite courbette :

— Ugo Alvarez, à ton service. Considère que désormais, tes désirs sont mes ordres.

Valentina le regarde faire son baise-main, perplexe, puis se tourne vers moi :

— C’est ton petit frère?

J’hoche de la tête, peu enclin à avouer à haute voix que cet idiot de Casanova est bel et bien de ma famille. J’observe Rafael, amusé par ce qu’il se joue devant lui.

— Parfait ! s’exclame Valentina. Je suis Valentina, la cousine de Juan. Tu as bien dit que tu étais à mon service?

Un sourire grand comme celui du chat du Cheshire21, elle papillonne des cils à une vitesse ahurissante.

— Euh… oui.

— Tu seras donc mignon de bien vouloir aller me chercher une bouteille d’eau fraîche. On crève de chaud dans votre pays !

Hébété, Ugo reste quelques secondes comme un con, immobile et muet. Valentina est désormais passée à autre chose, puisqu’elle est penchée sur le plan avec Rafael et Juan qui lui expliquent le bourbier dans lequel nous sommes. Ugo n’ayant pas bougé, elle relève la tête et enchaîne :

— Et bien? Ma bouteille ne va pas venir toute seule.

Mon petit frère nous regarde, un par un, attendant qu’on lui confirme que tout ceci n’est qu’une blague. Je retiens un rictus face à sa tête de con de la lune. Réalisant qu’aucun de nous ne contredit Valentina, il fait demi-tour. Alors qu’il s’éloigne, Rafael se penche à l’oreille de sa brune et lui chuchote quelque chose.

— Rapporte-moi aussi un paquet de chewing-gum à la cerise! lui crie-t-elle.

— Valentina… soupire Juan, amusé.

— Quoi? Il a dit « à ton service ». Je le prends au mot. Bon, quel est le plan?

D’un coup, elle nous ramène à la dure réalité.

— Idéalement, il nous faudrait un éclaireur pour connaître leur nombre et leur position, explique Juan, et aussi la ou les salles où ils retiennent les otages.

— Je suppose que l’entrée principale n’est pas une option, note Valentina en observant le grand portail blanc.

— Non. Ils ont des tireurs placés là qui ouvrent le feu si on s’approche trop près. C’est quasiment impossible de pénétrer dans l’école sans être vu.

— Et en passant par les égouts? Sur le plan, on voit…

Mon téléphone sonne. Je le saisis et quand je lis le prénom de Mia clignoter à l’écran, mon cœur s’emballe. Je fais signe aux autres de se taire, décroche et active le haut-parleur de l’appareil que je pose au centre du capot de la voiture.

— Mi cielo? Les filles sont avec toi?

— Et non, ce n’est pas elle !

Quel con je suis! Pendant une petite seconde, j’ai eu l’espoir fou qu’elle ait réussi à se cacher dans l’école, ou mieux, à en sortir avec Sofia et Juanita.

— Je peux savoir à qui je parle, cabron?

— Mon petit Santo, tu me fais de la peine. Mais ne sois pas jaloux, la notoriété des triplés Triaz dépassera bientôt la tienne et tu seras vite oublié.

— Espèce d’hijo de puta, je vais te trouver et te buter !

— Des menaces, toujours des menaces. Ne pouvons-nous pas discuter tranquillement? Comme des hommes civilisés?

— On a entendu un coup de feu, est-ce que mes nièces vont bien?

— Mais oui, elles vont bien. Juste une sœur qui a rejoint le Seigneur plus vite que prévu. Retiens que tant que vous ne faites pas les cons, je ne toucherai pas un seul cheveu de vos chéries. Nous, tout ce que nous voulons, c’est la clé. Apportez-la nous et l’histoire ne sera plus que du passé.

On avait vu juste. Ils veulent la clé. Le problème, c’est que nous ne l’avons pas, cette putain de clé ! Face à moi, Rafael mime un geste des doigts et je comprends de suite ce qu’il me dit.

— Et tu penses que je vais te la donner sans rien en échange?

— De acuerdo. Pour te montrer ma bonne foi, j’accepte de te rendre des otages. Je garde juste les deux petites et la jolie blonde.

Non. C’est hors de question. Je suis sur le point de refuser quand je capte le regard de mes amis. Ils savent ce que je m’apprête à dire à ce mec et me font comprendre que si l’on peut évacuer en premier lieu les enfants et les sœurs, c’est déjà pas mal. Ils ont raison, mais il faut que je tire cet échange à notre avantage.

— Dale, accepté-je, tu gardes les trois filles et je t’envoie un homme pour récupérer le reste des otages.

— Si tu crois que je vais laisser un de tes hommes entrer pour récupérer, tu es vraiment stupide.

Fait chier! Valentina sautille, se montre du doigt et chuchote :

— Moi. Envoie-moi.

Joder. L’idée est bonne. Avec ce que l’on a découvert sur elle, je ne me fais pas de soucis pour elle. Elle peut gérer. Ce qui m’inquiète, c’est plus la réaction de son géant argentin. Pas sûr qu’il accepte si facilement de laisser sa chérie courir un aussi gros risque. Mais d’un hochement de tête sec, Rafael m’indique qu’il a compris qu’il s’agissait là de notre seule solution.

— O.K. Pas d’hommes, une fille du barrio.

— Une chica? Dale. Mais si je vois une seule arme, vous pourrez dire adieu à vos jolies têtes d’ange. Envoyez-là.

Il raccroche. Pas le temps de blablater.

— Juan, il faut un micro pour Valentina, demande Rafael, et un gilet.

— Non, le contre l’intéressée. S’ils me fouillent et le trouvent, on ignore qu’elle sera leur réaction. On ne peut pas risquer les vies de Mia et des enfants. Pareil pour le gilet.

— Te laisser y aller sans arme et sans protection? Hors de question, réplique mon second.

Je ne peux qu’être d’accord avec lui, mais choisis de ne pas me mêler de cette conversation.

— Ça prouve que nous lui faisons confiance et que nous ne tentons rien dans leur dos, poursuit-elle, essayant de convaincre son homme réfractaire. C’est notre meilleure option si on ne veut pas de dommages collatéraux.

Rafael gronde, peu convaincu. Lui comme Juan et moi ne souhaitons pas lui faire courir un si gros risque, mais il faut savoir s’incliner face à l’évidence. Valentina l’a dit : c’est notre meilleure option.

Au même moment, Ugo réapparaît, tendant sa bouteille à Valentina ainsi que le paquet de chewing-gums demandé. Celle-ci s’en empare et les donne directement à Rafael, qui en fourre deux dans sa bouche avant de ranger le paquet dans la poche arrière de son jean. Le tout sous le regard déconfit de mon frère, qui réalise qu’il s’est fait avoir.

— Bébé, s’il t’arrivait quelque chose…

— Je ferai attention, l’apaise-t-elle, caressant d’une main sa joue barbue. Pendant que je m’occupe des otages, ça vous laisse du temps pour trouver un autre plan pour les sortir de là, puisque l’on n’a pas ce qu’ils demandent.

— Et si justement, on la leur donnait, cette clé ? intervient Ugo.

— T’as écouté ce qu’on vient de dire ou tu fais exprès d’être stupide? craché-je, mauvais. On n’a pas cette putain de clé !

— Je ne suis peut-être pas le jefe comme toi, mais j’ai un cerveau et je sais l’utiliser, me répond-il en soupirant. Puisqu’ils pensent que tu l’as, fais-leur croire que c’est le cas.

— Développe, lui intimé-je.

— Demande à Ciro de créer une clé avec de faux renseignements. On l’utilisera pour faire l’échange, le temps qu’ils réalisent que ce n’est pas la clé qu’ils veulent, elles seront à l’abri.

— Même si ça me fait mal au cul de le dire, son idée tient la route, intervient Juan.

Bordel, il n’est pas le seul à avoir besoin d’un bon proctologue.

— Dale, capitulé-je. Ugo, tu t’occupes de la clé avec Ciro. Rafael, Juan et moi on est sur la libération des otages.

— Et moi?

Je me tourne vers Aaron qui, le fusil dressé au milieu de la poitrine, attend mes ordres. L’image de son ami ensanglanté me revient à l’esprit. Nous n’avons aucune nouvelle, j’espère qu’il va bien et que les médecins ont pu le soigner.

— Tu te mets à l’abri et tu surveilles. Je veux que tu sois nos yeux. Si un de ces enfoirés essaie de se faire la malle, tu me le plombes.

Obéissant, il part se trouver un point stratégique d’où il aura une vue globale sur le bâtiment.

— Va falloir y aller, annoncé-je à Valentina qui opine du chef, nullement stressée par ce qui l’attend.

Contrairement à Rafael qui, le teint blanchâtre, est sur le point de me clapser entre les mains. En même temps, si Mia était à la place de Valentina, je ne suis pas sûr que je serais dans un meilleur état.

— On va faire venir des bus scolaires pour les évacuer au plus vite. Quand vous sortez, on les fait monter dedans et ils seront conduits à la salle de sport. Kaï les attend et les prendra en charge le temps que les parents arrivent.

— Compris.

Elle recule et à peine a-t-elle fait un pas, que Rafael la stoppe d’une main sur le bras. Il se penche et l’embrasse longuement sur le front, avant de la lâcher. Alors qu’elle avance, Rafael et moi sortons nos armes et les chargeons, prêts à intervenir. Un des hommes de Zorita vient lui ouvrir le portail et nous regardons Valentina disparaître à l’intérieur.       

L’homme ne referme pas directement après elle et reste à nous observer, puis baisse sa capuche et nous dévoile son visage souriant. Joder! Il nous adresse un petit salut des deux doigts, avant d’à son tour s’éclipser derrière le battant métallique.

— Raf?

— J’ai vu.

— Qu’est-ce qu’Alejandro fout là ? Il est avec Zorita? s’étonne Juan.

— Cet enfoiré est mercenaire, il est au service de celui qui paie le mieux, grogne notre ami.

— Mais il travaille pour l’ennemi ! T’es son cousin, mierda !

— Ça, il n’en a rien à foutre. Il aime l’argent et m’emmerder. S’il peut toucher ceux que j’aime, il n’hésitera pas à foncer. Ça rendra même l’attrait pour cette mission encore plus excitant et intense pour lui.

— C’est lui !

Essoufflé, Arturo arrive en courant et haletant.

— C’est lui que j’ai vu récupérer Ricardo à la sortie du barrio.

— Tu es sûr de toi?

— Affirmatif.

— Merci. Retourne à ton poste.

Puis, m’adressant à Rafael, je poursuis :

— Si Alejandro roule sa bosse avec Zorita, tu crois qu’il a pu recruter Ricardo?

Il passe une main dans ses cheveux désordonnés et souffle, ennuyé :

— Je n’en ai foutrement aucune idée. J’ignorais que Ricardo et lui se connaissaient. Pour être honnête, je ne savais même pas qu’Alejandro était à Buenos Aires. Aux dernières nouvelles, il était à Tijuana à baiser et boire comme un trou.

— Avec Alejandro dans l’équation, va falloir que l’on se montre plus prudent.

— Joder! Si j’avais su qu’il était ici, je n’aurais jamais laissé Valentina y aller !

— Tu crois qu’il peut lui faire du mal? demande Juan.

— Je ne pense pas… Alejandro me déteste, mais il n’a jamais rien tenté avec Nora à l’époque où j’étais avec. Pourquoi le ferait-il avec Valentina?

— On verra bien. Dans tous les cas, faites passer le message que Triaz et lui, on les capture vivants. Les autres, on les élimine.

— Dale.

Les minutes passent sans que rien ne se passe. Rafael est sur le point de se créer une alopécie à trop tirer sur ses mèches brunes. Je vais pour lui faire la réflexion quand un de nos gars nous avertit que la porte du bâtiment s’est ouverte et qu’il voit les enfants et les religieuses sortir. D’un signe de la main, Juan ordonne à nos gars d’approcher les bus tandis que Rafael et moi, on ouvre en grand les grilles du portail, facilitant ainsi l’évacuation.

— Allez! On se dépêche !

Sous ma directive, les petits accélèrent et montent dans les bus, accompagnés des sœurs. Juan les observe puis s’exclame :

— Est-ce que Juanito est ici?

Les enfants se figent, puis fixent un enfant qui avance dans la foule.

— C’est moi, señor. J’ai fait quelque chose de mal? s’enquit-il, apeuré.

— Ne t’inquiète pas, chabon. J’ai simplement promis à ta mama de te ramener à elle. Tu vas monter dans le Hummer noir juste là et m’attendre, deacuerdo?

Il le pousse vers le véhicule où Gabriel est déjà installé. Putain, voilà que mon Hummer se transforme en halte-garderie.       Une fois tous les enfants installés, on ferme les portes et d’un coup donné sur la carrosserie, ordonnons leur départ. Nous retournons au portail de l’école, d’où nous apercevons enfin Valentina. Encore en haut des escaliers, elle est accompagnée de l’un des hommes de Zorita. Elle amorce un pas pour nous rejoindre, mais se stoppe.

Rafael plisse des yeux et grommelle :

— Qu’est-ce qu’elle fout?

Il l’appelle, attendant que sa jolie Italienne se décide à le rejoindre. Heureusement, Juan et moi sommes dotés d’excellents réflexes. Autrement, je ne suis pas sûr que nous aurions pu l’arrêter et le retenir alors qu’il hurlait :

— Gilipollas ! Te voy a22…