Cartel's Lovers Tome 2 - Partie 1 - Aurora Lewis - E-Book

Cartel's Lovers Tome 2 - Partie 1 E-Book

Aurora Lewis

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Beschreibung

De retour en Italie, Mia est seule, abandonnée par sa cousine, mais également par celui qu’elle aimait. Pire, elle doit faire face à une triste vérité : Santo l’a trahie pour son cartel. Mais cela devrait-il la surprendre d’un homme tel que lui ? Dont la seule chose importante à ses yeux est le pouvoir ?

Mia réalise soudainement que la vie n’est pas aussi rose qu’elle se l’imaginait et que bientôt, des comptes devront être réglés… Arrivera-t-elle à trouver assez de force et de courage pour faire face à ce monde empreint de secrets, de violence et de corruption ? Mia va se retrouver projetée dans un univers qui lui est étranger, là où la douceur et la gentillesse sont perçues comme des faiblesses. Son défi : trouver sa place tout en restant fidèle à elle-même, même si cela signifie d’affronter des épreuves difficiles et des choix déchirants. Notre petite Mia y parviendra-t-elle ?




À PROPOS DE L'AUTRICE

Aurora Lewis est une mère au foyer de 33 ans. Passionnée par la lecture et l’écriture depuis sa plus tendre enfance, elle a fait des études de littérature et de langues étrangères, avant de finalement se tourner vers le domaine médicale.

Son amour pour la lecture l’a mené à découvrir la plateforme Wattpad, où elle a commencé par être une simple lectrice, avant de se lancer à son tour. C’est soutenue par son mari et son entourage, qu’Aurora a écrit son tout premier roman : "Cartel’s Lovers".




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Seitenzahl: 732

Veröffentlichungsjahr: 2024

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CARTEL’S LOVERS

 

Tome 2

 

 

 

 

Partie 1

 

 

 

 

 

Aurora Lewis

 

AVERTISSEMENT

 

Ce livre contient du langage vulgaire, des scènes de sexe explicites, de viol et autres violences. Il est important de noter que tout cela relève de la fiction, et en aucun cas l’auteure ne cautionne de telles actions dans la réalité. Ce contenu est destiné à un public averti et peut ne pas convenir à tous les lecteurs.

 

 

 

Chapitre 1

 

Mia

 

Deux mois plus tard — Rome, Italie

 

Le mois de juin n’a jamais été aussi caniculaire que cette année ou c’est moi qui suis en plein dérèglement hormonal?

À peine ai-je mis un pied en dehors de la faculté que déjà la chaleur du soleil s’abat sur moi comme la guillotine sur le cou de la pauvre Marie-Antoinette. Je sors de quatre heures de droit pénal international en amphithéâtre et autant dire que j’ai déjà un sacré mal de crâne. Ce qu’il me faudrait là, c’est une douche. Un coup d’œil à mon portable me confirme que, malheureusement, je n’ai pas le temps de rentrer chez moi et que je vais devoir faire avec. Je m’arrête à un café et commande une boisson fraîche, demandant au serveur où se trouvent les sanitaires. Je récupère ma SanPellegrino et file vers la porte indiquée. Mes affaires posées sur le lavabo, je procède à une rapide vérification de mon état.

Bon, après une journée à suer sur les bancs de l’université, je ne suis pas trop mal. Je fouille dans mon sac à la recherche de ma pochette de secours d’où j’en extirpe une brosse à cheveux et de quoi retoucher légèrement mon maquillage. Rapidement, je refais ma queue de cheval, la tirant et la plaquant au maximum. Déodorant, anticerne, mascara et baume à lèvres. Parfait. Je vérifie une dernière fois mon reflet dans le miroir et par automatisme, ma main se porte à mon cou, cherchant comme toujours ce qui a disparu. Un pincement au cœur me saisit. Non. Je n’ai pas le temps pour ça, je suis attendue. Je récupère mon sac et quitte le café.

Il y a environ quinze minutes de marche pour rejoindre mon point de rendez-vous et je suis attendue dans dix. Si je me dépêche un peu, ça devrait le faire. Alors que je parcours les petites rues du centre-ville, j’observe l’agitation de la capitale italienne. Autour de moi, les touristes profitent de cette fin de journée, assis aux terrasses à consommer des gelati1, des verres de Chianti accompagnés d’antipasti, des Spritz, ce nouveau cocktail à la mode, qui, à mon sens, a plus le goût de sirop pour la toux qu’autre chose. Mais bon… c’est tendance et qu’est-ce que j’y connais moi, à ce qui est tendance ou non?

Je traverse une petite place peuplée de monde et parviens à me glisser à travers la foule amassée autour des différents stands d’artistes de rue. J’arrive enfin à destination. Une galerie d’art qui d’extérieur ne paie pas de mine, mais qui à l’intérieur regorge d’œuvres plus belles les unes que les autres à des prix scandaleux. À l’entrée, un homme trie les invités, une liste à la main. Pour avoir la chance d’entrer, il faut avoir reçu le « ticket d’or ». Autant vous dire que dans ce milieu, si vous tentez de vous rendre à un vernissage sans être inscrit sur cette sacro-sainte liste, c’est comme essayer d’entrer à la Maison-Blanche en passant par le grand portail : impossible. Le couple de Français juste devant moi vient de s’en rendre compte, lorsque le vigile les renvoie sans ménagement. C’est triste, mais c’est comme ça. Si vous ne faites pas partie de la haute société, certaines choses vous sont refusées, et ça sous quel prétexte? Que vous n’avez pas le porte-monnaie assez rempli? Que votre ascendance n’est pas assez digne pour que vous vous mélangiez à tous ces aristocrates, ces bourgeois qui pensent être l’élite d’hier, d’aujourd’hui et de demain? Gratin dont je fais malheureusement partie puisque, lorsque je me présente à mon tour, le vigile me sourit, ôte le cordon rouge et me laisse passer :

— Je vous souhaite une bonne soirée, signorina2 Conti.

La galerie est bondée. Les grands espaces d’exposition en général vides sont remplis de femmes en robes de soirée et d’hommes en costumes, des flûtes de champagne à la main, discutant et riant avec toute l’hypocrisie que ce monde offre. Je dois faire tâche avec ma petite robe jaune à volant et mes spartiates dorées, mais je n’avais pas le temps (ni l’envie), de bien m’habiller pour cet événement. Je suis venue et je considère cela comme déjà bien de ma part. Un serveur passe et j’attrape une flûte au vol, la bois cul sec, puis la lui rends vide. Le jeune me dévisage, ahuri.

— Merci, c’était exactement ce qu’il me fallait pour supporter tout ça !

Dans mon dos, j’entends une voix m’appeler et d’instinct, j’en prends une deuxième qui me sera d’une grande aide durant les minutes à suivre. J’avale une gorgée de la boisson dorée, inspire un bon coup, fige un sourire faux sur mes lèvres et me tourne vers l’hôte de la soirée. D’une main ferme sur ma taille, il me tire contre lui, baise ma joue et me chuchote à l’oreille :  

— Mia, tu es magnifique ce soir. Merci d’être venue.

Magnifique? D’un œil critique je le considère, perplexe. M’a-t-il bien regardée? Je n’ai fait aucun effort de tenue pour venir à son vernissage, je pensais que cela réussirait à lui faire comprendre que malgré ma gentillesse à son égard, mon intérêt pour lui est minime, voire inexistant. Mais même pas! Dans son costume à plusieurs milliers d’euros, Lino Grimaldi, jeune éphèbe italien dans toute sa splendeur, me sourit et m’admire comme si j’étais la déesse Aphrodite elle-même. La bile me monte à la bouche et je la fais disparaître grâce à une nouvelle lampée de cet excellent champagne. Ne remarquant pas un seul instant mon malaise, Lino poursuit :

— Cette exposition est tellement importante pour moi, tu n’imagines pas combien ta présence à mes côtés me ravit.

Il agrippe ma main libre et la porte à ses lèvres, ses grands yeux gris se logeant dans les miens. Je déglutis, silencieuse.

— Viens, je vais te faire faire le tour. Je voulais te montrer moi-même certaines photographies que j’affectionne tout particulièrement.

Je n’ai pas dit un seul mot qu’il me tire à sa suite. Lino est un jeune homme d’une vingtaine d’années que je connais depuis mon enfance. Lorsque je suis revenue à Rome, il a repris contact en obtenant mon numéro par l’intermédiaire de nos grands-mères, ces deux entremetteuses de malheur ! 

J’aurais pu refuser de le voir, mais j’ai accepté, avec le but premier d’être la fille la plus détestable au monde. Mais ça n’a pas fonctionné. J’ai beau être exécrable, de mauvaise humeur, le renvoyer dans ses pénates… Lino s’accroche et persévère. On peut dire qu’il est tenace. Moi qui pensais ainsi envoyer un message à mon grand-père en agissant de la sorte, c’est raté. Lino n’a pas soufflé un seul mot de mon comportement à sa grand-mère, tout au contraire, il n’a fait que mon éloge ! J’en suis arrivée à me poser la question s’il n’était pas masochiste, mais j’ai finalement compris que Lino était tout simplement un de ces êtres humains fondamentalement gentils et dénués de méchanceté. Le genre de personne que j’étais… avant. De celles qui ne disent pas un mot plus haut que l’autre, qui voient en chacun le bon et qui pensent pouvoir sauver les personnes par leur grandeur d’âme et par pure charité chrétienne. À la limite de la stupidité à vrai dire. Quel beau ramassis de conneries !

Lino m’emmène dans un coin de la galerie, un peu en retrait de l’agitation ambiante et s’arrête devant un pan de mur où sont accrochés trois tableaux en noir et blanc. Je me fige, les yeux grands ouverts sur ces photographies. Clouée au sol par la surprise, je n’ose répondre quand Lino me demande : 

— Alors? Qu’en penses-tu? Elles te plaisent? Ce sont mes plus beaux tirages, tout le monde se les arrache depuis l’ouverture.

Emporté par son excitation, il ne remarque même pas le trouble qui s’est emparé de moi. Sur le mur se trouvent trois immenses portraits de moi. Si grands, qu’il est impossible de les manquer. Si intimistes, que la douleur et la tristesse que je porte en moi se révèlent par chaque pore de ma peau, dans l’éclat morne de mon regard ainsi que dans mon absence de sourire. Ces trois photographies révèlent tout de moi et ce que je pensais réussir à cacher sans visiblement y parvenir. La peine perpétuelle et abyssale de mon cœur.

— Je les ai intitulés Jeune fille en deuil. Tu ne réalises pas toutes les émotions que tu es capable de faire passer à travers ton regard Mia, enchaîne Lino toujours dans son petit monde.

Je secoue la tête pour simple réponse et porte ma flûte à ma bouche. Comment... Je n’ai pas de mots. Je suis bloquée. Ces photographies me donnent envie de hurler et je me contiens de fracasser les cadres au sol.

— Je sais que la disparition de ton cousin a été très éprouvante pour toi, mais j’avoue que depuis le temps, je pensais que toutes ces expressions de deuil t’auraient quitté.

Les yeux rivés sur les tirages, je souffle : 

— Pourquoi me parles-tu de Nicco? 

— Avant de les exposer, je les ai montrées à ton grand-père Giovanni. Tu comprends, j’étais inquiet. Tu sembles si malheureuse. Il m’a expliqué que tu avais du mal à te remettre de sa mort et que c’était la raison pour laquelle tu étais ainsi ces derniers temps.

Je me raidis, me tourne vers lui et crache : 

— Et comment suis-je?

Comment a-t-il pu prendre ces photographies de moi? Les exposer sans m’en parler au préalable? Et pire que tout, comment a-t-il pu les montrer à mon grand-père? Une personne que je refuse de voir depuis des mois, qui lui raconte bien ce qui l’arrange tant que ce n’est pas la vérité.

— Éteinte, Mia. À chaque fois que l’on se voit, depuis plus d’un mois, tu n’es pas vraiment là.

Je m’énerve, serrant ma flûte entre mes doigts.

— Bien sûr que si, je suis là !

Lino secoue doucement la tête et poursuit :

— Tu es là, mais à contrecœur. J’attendais que tu m’en parles, que tu me dises ce qui te tracasse, mais rien. Tu n’as plus rien de la jeune fille que j’ai connue. Si je devais être honnête avec toi, avec une autre fille je n’aurais pas cherché plus et je serais parti. Mais c’est toi Mia, et je sais qu’au fond tu n’es pas cette personne si acariâtre et mauvaise que tu montres.

Lino se rapproche, prend ma flûte et la pose sur un mange-debout puis serre mes mains dans les siennes. Il plonge son regard gris dans le mien. Je vais vomir. C’est là, tout près. Au bord de mes lèvres, ce relent acide qui ne me quitte pas dès que je le vois. Lui et ses yeux gris. Gris. Il ne pouvait pas avoir les yeux noirs comme la plupart des Italiens?

— Tu souffres Mia et je veux être celui qui t’aidera. Je sais que je peux être cette personne pour toi. Laisse-moi passer tes barrières, laisse-moi te ramener à la vie. Je sais que la mort d’un être cher est capable de nous détruire, mais il faut pouvoir se reconstruire par la suite. Ce n’est pas parce que Nicco est mort que tu dois l’être aussi.

Il est persuadé que mon état résulte du décès de mon cousin. La perte de Nicco m’a bien évidemment affectée, mais je l’ai surmontée. En soi, sa conclusion n’est pas totalement erronée puisqu’effectivement, je me sens morte. Je ne vis plus, je survis. Mais qu’il l’ait remarqué et qu’il soit allé cancaner auprès de mon grand-père me met dans une rage folle. Le fusillant du regard, je siffle : 

— Et toi, au lieu d’en parler à la principale concernée, tu cours te plaindre auprès de son grand-père?

Ma soudaine saute d’humeur ne lui échappe pas et Lino recule, sans me lâcher. Pourtant, s’il avait un minimum d’instinct de survie, il le ferait. Il me laisserait partir, il abandonnerait cette foutue cause déjà perdue d’avance. Mais non, Lino signe et persiste !

— Mia, je suis désolé. Ce n’est peut-être pas le lieu pour avoir cette conversation, mais… il faut que tu comprennes que maintenant que nous sommes ensemble, tu peux tout me dire. Si tu as besoin, ma mère m’a donné le nom d’un excellent psychanalyste à Rome, je l’ai déjà contacté et il n’attend que mon signal pour te recevoir.

Ensemble? Comment ça « ensemble » ? Depuis quand Lino et moi sommes-nous… ensemble? Et c’est quoi cette histoire de psychanalyste? Alors, en plus d’être allé cafter auprès de Giovanni, il a fallu qu’il en parle à sa maman chérie? Il n’y a pas plus pipelette qu’Amelia Grimaldi et toute sa petite clique de pimbêches qui gravitent autour d’elle. Je ne serais donc pas surprise que toute la haute société italienne soit au courant que la pauvre Mia Conti ne se remet pas du décès de son cousin et qu’elle soit devenue une vraie harpie. Et son fils, gentil et dévoué comme il est, s’est retrouvé à devoir jouer au super-héros qui sauvera la fille Conti.

— Lino… je suis moi aussi désolée. Je ne sais pas ce qui dans mon attitude a bien pu te laisser croire que toi et moi nous étions… en couple. Mais ce n’est pas le cas. Tu es mon ami. C’est tout.

— Le déni.

— Quoi le déni?

— C’est l’un des principaux mécanismes de défense. Tu refuses d’accepter la mort de Nicco comme tu refuses de voir ce qu’il y a entre nous. J’ai remarqué ta façon de toujours éviter les discussions ou les contacts physiques. Jamais tu ne m’autorises à t’embrasser sur les lèvres, mais je l’accepte. Tu n’es pas encore prête. Je suis quelqu’un de patient, donc j’attendrai.

J’ai détourné la tête en l’écoutant déblatérer tout un tas d’inepties, mais soudainement, Lino change de tactique. Délaissant mes mains, il se saisit de mon visage et se colle à mon corps, me forçant à me plonger dans ses yeux alors que je ne veux pas, forçant le contact entre son corps et le mien. À cet instant, je n’ai qu’une envie : celle de lui arracher ses globes oculaires à l’aide d’une fourchette à cocktail.

— Lino, lâche-moi.

— Non. Mia, il faut que tu te réveilles. La vie est courte pour se ronger ainsi. Toi et moi on…

— Il n’y a pas de toi et moi Lino. Je te le redemande : lâche-moi.

— Laisse-moi te prouver que tu as tort, réplique-t-il.

D’un coup, il presse ses lèvres sur ma bouche. Je me fige quelques secondes avant de me ressaisir et de le repousser, mais il est fort et ne se laisse pas faire. Il me faut plusieurs tentatives pour réussir à me dépêtrer de son emprise et c’est lorsque je sens son excitation poindre à travers son pantalon que ma rage prend le dessus sur sa force. Je réussis enfin à l’éloigner et quand ses lèvres ne touchent plus les miennes, je porte ma main automatiquement à ma bouche et la frotte aussi fort que je peux. Je recule le plus loin possible de lui et crie : 

— Mais tu n’es pas bien !

— Je pensais qu’en te montrant mon désir pour toi, tu laisserais libre cours au tien. Mon corps réagit dès qu’il est près de toi, tu dois bien le ressentir toi aussi.

— Ressentir quoi? Du désir? Pour toi?

— Oui. Écoute, je ne te demande pas à ce que nous ayons des rapports sexuels dans l’immédiat. Il me semble d’ailleurs ne jamais t’avoir mis la pression pour cela, mais j’aimerais assez que notre relation avance. Alors je pense qu’un rendez-vous avec un professionnel saura t’aider. Je ne demande qu’à pouvoir t’embrasser, te caresser et finir par m’unir à toi. Tout simplement parce que je t’aime.

C’est un vrai malade que j’ai devant moi. Je ne sais même plus quoi dire pour me sortir de cette situation. Le petit diable à mon oreille me chuchote de ne pas prendre de pincettes, de lui dire ses quatre vérités et tant pis s’il va pleurer dans les jupons de sa grand-mère. Tandis que mon ange intérieur me prie de rester celle que j’ai toujours été : une Mia douce et compréhensive, qui ne supporte pas le mal fait à autrui. Et comme souvent alors que j’aimerais le contraire, mon ange prend le dessus. Je recule d’un pas, mettant un plus grand écart entre lui et moi.

— Lino, je pense que je te dois des excuses. Si mon comportement a pu te laisser croire que tu étais plus qu’un ami à mes yeux…

— Mais je suis plus qu’un ami! me coupe-t-il dans un cri. Je le sais, je le sens ! Tu m’aimes autant que je t’aime, simplement tu t’interdis d’être heureuse pour les mauvaises raisons.

Bon. J’ai écouté l’ange, ça ne donne rien, maintenant, je crois que mon petit diable a son mot à dire. De toute façon, s’il y en a un de nous deux qui est dans le déni le plus total, c’est bien lui. Il est donc temps de le ramener sur terre, et la chute va être douloureuse. Tant pis pour lui.

– Ça suffit Lino. Je ne sais pas où tu es allé pêcher ces conneries, certainement dansLa psychologie pour les nuls, mais je ne veux plus t’entendre. Je ne t’aime pas, je ne suis pas amoureuse de toi. Et le fait que je sois si malheureuse n’a absolument rien à voir avec la mort de Nicco. Mon grand-père le sait très bien et il t’a menti. Il te manipule dans l’espoir que je revienne à lui, ce qui n’est pas près d’arriver.

— Tu n’es pas amoureuse de moi...?

— Non.

— Mais tu as tous les symptômes du cœur brisé Mia ! s’exclame-t-il. Tu pleures, tu cries, tu te renfermes de plus en plus sur toi-même, tu ne souris plus… La mort de Nicco était la seule explication logique au fait que tu t’interdises d’être heureuse avec moi! Tu culpabilises d’être en vie alors qu’il ne l’est plus. Tu culpabilises de m’aimer alors que lui ne peut plus aimer. Ou alors c’est à cause de Vincenzo. Peut-être que tu l’aimes toujours?

— Je ne culpabilise de rien! Et oui ! J’ai le cœur brisé, mais ce n’est ni à cause de Nicco ni à cause de Vincenzo ni à cause de toi. Vincenzo et toi n’êtes pas l’homme dont je suis amoureuse. Vous n’êtes pas celui qui hante mes rêves toutes les nuits, celui qui m’a pris mon souffle il y a deux mois! Et toi, tu n’es pas lui Lino! La seule chose qui m’a fait tenir, c’est tes yeux. Tu as quasiment les mêmes que lui. Alors, quand il me manque trop, je te regarde longuement en pensant à lui. Mais dis-toi bien qu’à chaque fois que cela se produit, c’est lui que je cherche en face de moi. C’est lui que j’imagine avec moi quand je suis seule dans l’intimité, c’est ses mains, ses lèvres, son souffle que je sens sur moi, son corps à lui que je veux uni au mien alors que mon orgasme me prend, avant que je m’effondre en sanglots, car il me manque tellement que oui, je suis morte à l’intérieur ! C’est lui et lui seul Lino. Parce que je l’aime! Lui !

— Mais quand je t’ai embrassée, tu n’as pas pensé à lui, poursuit-il, imperméable à tout ce que je viens de dire. Je suis sûr que tu as apprécié.

Il ne m’écoute pas. Il est tellement focalisé sur sa propre personne qu’il n’a même pas réagi quand je lui ai dit que j’en aimais un autre. Quelqu’un que je connais très bien me dirait qu’à ce stade-là, c’est incurable et elle aurait raison.

— Apprécié ? Tu crois que j’ai aimé que tu m’embrasses de force? Je me suis sentie violée! Tu t’es jeté sur moi comme un animal en rut pour ton seul et unique plaisir. Pour essayer de me prouver quelque chose qui n’existe que dans ta tête ! Tu m’as pris ce qu’il me restait de lui, finis-je dans un souffle, mes doigts effleurant mes lèvres encore tremblantes.

Il était le dernier à les avoir embrassées. Le dernier homme à avoir posé ses lèvres sur les miennes, c’était lui. Et je chérissais ce souvenir plus que tout au monde. J’aimais ce sentiment de me sentir toujours liée à lui malgré ce qu’il m’avait fait. Et Lino a tout fichu en l’air! Il m’a volé une part de moi, il a effacé l’empreinte qu’il avait laissée sur mon corps. Les poings serrés, je suis à deux doigts de me jeter sur lui et de lacérer son visage de mes ongles. Puisque tout le monde me compare à une harpie dernièrement, cela ne devrait choquer personne, non?

— Mia… je pense qu’en effet il y a méprise. Je n’avais visiblement pas toutes les informations en main, me répond calmement Lino en reculant. Je ne sais pas qui est l’homme dont tu parles, mais il me paraît évident que ton grand-père n’a pas été honnête avec moi. Crois-moi, si j’avais su que tu étais dans cet état à cause d’un autre, je ne me serais pas aventuré sur ce terrain avec toi.

Face à moi, Lino est désormais tout timide et je retrouve l’enfant avec lequel j’ai grandi. Je me doute bien qu’il a été mal orienté et je ne suis pas surprise de savoir que Giovanni est derrière tout ça. Encore une fois, il a essayé et il a perdu. J’ai beaucoup de peine pour le jeune Italien qui réalise qu’il a été l’objet d’une querelle bien plus importante qu’il ne pourrait l’imaginer.

— Mon grand-père est passé maître dans l’art de la manipulation. Tu n’as pas à t’en vouloir. Il t’a berné comme il le fait avec beaucoup de monde. Je suis vraiment désolée d’avoir dû en arriver là, mais il fallait que tu comprennes. Toi et moi, c’est impossible.

— Tu penses ça maintenant, mais…

— Non. Si tu le souhaites toujours, on peut être amis, mais rien de plus. Et si tu ne te sens pas d’être seulement mon ami, dis-le-moi et je pars. Je ne voudrais pas te donner de faux espoirs que je ne suis pas sûre un jour de pouvoir combler.

— Tu dis ça comme si tu te pensais incapable d’aimer à nouveau Mia, plaisante-t-il en passant une main dans ses cheveux.

— C’est le cas. Jamais je n’aimerai comme je l’aime lui. Et crois-moi, ça me bouffe.

— Tu te rends compte que lorsque tu souris enfin, c’est en évoquant le fait que tu n’aimeras plus?

— Non. Je souris, car parler de lui à voix haute me rappelle que lui et moi, ça a bien été réel. Que nous avons existé, même si ce fut court! Et j’en avais besoin. Alors, cela peut paraître étrange, mais merci Lino.

— De rien. Même si je t’avoue ne pas tout comprendre à ton raisonnement, rigole-t-il.

— Il n’y a rien à comprendre, je crois ! 

Nous partons tous les deux dans un grand éclat de rire. Incroyable, mais ça me fait le plus grand bien. Je m’approche de lui et pose ma main sur son avant-bras, le stoppant dans son fou rire.

— Dois-je te dire au revoir? Ou alors puis-je te tenir compagnie ce soir, en amie fidèle et dévouée, pour braver toutes ces personnes venues s’extasier devant ton talent?

Lino me sourit tout en couvrant sa main de la mienne.

— Viens, on va bien rigoler. Tout à l’heure, j’ai croisé une vieille qui m’a pincé les fesses. Je suis sûr qu’elle te plaira.

— Elle t’a pincé les fesses? Tu as invité Giuseppina?

— Non. La seule Conti ici c’est toi et crois-moi, c’est largement suffisant! se moque Lino en me guidant vers les autres invités.

— Je ne te contredirai pas, car je pense effectivement que tu as raison. Nous regrouper à plusieurs dans une salle en ce moment relèverait de la mission suicide.

— Vous qui étiez une famille si soudée j’ai l’impression que ça n’est plus vraiment le cas. Tu veux m’en parler?

— Peut-être plus tard. Ce soir, on est là pour toi. Je crois que l’on a déjà eu assez de drama pour la soirée.

— Tu as raison. J’ai des chèques à récolter si je veux pouvoir t’inviter au restaurant demain soir.

— En amis?

— Évidemment, si cela te convient.

— Cela me semble parfait.

 

***

Le vernissage a fini bien plus tard que je ne le pensais et il est quasiment deux heures du matin quand le taxi me dépose en bas de chez moi. J’essaie d’être la plus discrète possible, ne souhaitant pas réveiller ma colocataire Giada qui doit déjà dormir depuis longtemps. Je referme la porte de ma chambre et allume ma lampe de chevet avant de m’affaler comme une loque sur mon lit. J’ai la tête qui tourne, résultat d’un trop grand nombre de flûtes de champagne ingurgitées ce soir. Malgré ma réticence à me rendre à cette soirée, je me suis amusée. Une fois l’abcès crevé avec Lino, nous avons bien rigolé. Il a beaucoup de talent et ses œuvres sont parties comme des petits pains. Y compris mes portraits qui ont subi des enchères silencieuses selon la responsable de la galerie. Les trois tableaux ont été achetés par le même vendeur, un aristocrate écossais. Moi qui n’ai jamais mis un pied en Écosse, j’aurai au moins mon portrait accroché dans un vieux château des Highlands. En tout cas, Lino, tout comme la responsable, était ravi du cachet qu’ils ont rapporté. Le malheur des uns fait visiblement le bonheur des autres…

Je n’ai ni la force ni le courage de prendre une douche ce soir, alors je me contente de me déshabiller et de m’étendre sur mes draps après avoir éteint la lumière. La fenêtre est ouverte et je peux ainsi ressentir l’air frais de la nuit sur mon corps. La lune éclaire partiellement la pièce. Aucun nuage à l’horizon pour ternir cette magnifique nuit de juin. Et pourtant, Dieu seul sait combien de nuages noirs et menaçants planent sur moi depuis quelques mois. Ma vie est partie en mille éclats, comme un miroir brisé qu’il serait impossible de réparer, tellement il y a de débris éparpillés de partout.

Tout en réfléchissant à ce qu’est devenue ma vie, je ne quitte pas la lune du regard. Cette même lune qui éclaire son ciel, à lui. Les astres sont désormais la seule chose qui nous relie. Il n’y a pas deux lunes, deux soleils… alors, lorsque je les regarde et que mes pensées dérivent vers lui, je prends quelques secondes pour croire qu’il pense également à moi, de n’importe où sur le globe. Mais en le connaissant, cela me paraît peu probable.

Hypnotisée par la beauté du compagnon de la Terre, mon esprit se libère et flotte au-dessus de moi. La fatigue de la journée, mélangée à la chaleur et au champagne que j’ai bu ce soir, forment un cocktail détonnant sur mon organisme. Ma main droite se fraie un chemin jusqu’à mon sein et titille mon téton pointu. Je frissonne lorsqu’une brise passe sur ma peau nue, allant jusqu’à se glisser entre les plis intimes de mon sexe. De mon autre main, je descends le long de mon ventre jusqu’à trouver mon clitoris qui n’attend que moi pour le soulager. Lino a beau ne pas être lui, il me suffit de me concentrer uniquement sur la couleur de ses yeux pour m’imaginer à ses côtés et j’avoue que cela m’a excité une bonne partie de la soirée. Je suis revenue chez moi la culotte humide, les cuisses trempées et le sexe gonflé de désir. Si j’étais le genre de fille pour qui le sexe n’est qu’une futilité, j’aurais très bien pu demander à Lino de venir m’aider à assouvir mon désir, mais ça n’aurait pas été honnête. Surtout après les révélations qu’il m’a faites, concernant ses sentiments à mon égard.

Alors, je me contente de fermer les paupières pendant que mon doigt s’active sur mon petit bouton nerveux. Plus le temps passe, plus les souvenirs de lui s’effacent et plus j’ai du mal à me remémorer la sensation de ses doigts sur moi, de sa langue lorsqu’elle parcourait avec gourmandise mon sexe pulsant de désir et de l’émerveillement que je pouvais ressentir à chaque fois qu’il s’enfonçait en moi pour me posséder. Je délaisse mon sein et introduis deux doigts en moi. Je me sens vide sans lui. Les sextoys n’ont pas su remplacer sa présence écrasante alors je les ai vite jetés, me sentant plus sale qu’autre chose. J’ai essayé, ça n’était pas pour moi. 

Mon dos se cambre sur le matelas, mon souffle s’accélère. Les yeux clos, je le visualise au-dessus de moi, entrant et sortant de mon corps à un rythme soutenu, qui me mènera à coup sûr à un orgasme dévastateur. J’accentue la pression sur mon clitoris gonflé et un gémissement de plaisir s’échappe de ma gorge lorsque je l’entends grogner à mon oreille que je lui appartiens. Encore et toujours, il me répétait sans cesse que j’étais sienne. Il avait raison. Deux mois après, je ne peux pas laisser un homme entrer dans ma vie. Au point que, je me retrouve à me donner des plaisirs solitaires en pensant à lui. Pathétique !

Sentant mon plaisir grandir au fond de moi, j’accélère mes caresses et mon clitoris subit cet empressement, cette course à l’orgasme qui me saisit. Je finis par exploser, mon vagin se resserre sur mes doigts comme il le faisait si bien sur son sexe et je pousse un râle d’extase tout en criant son prénom :

— Santo !

Ma gorge se serre comme à chaque fois que je prononce son prénom à voix haute. Haletante sous la puissance de mon orgasme, je reste quelques minutes allongée, essayant de reprendre doucement mes esprits. Je retire mes doigts désormais enduits de mon plaisir et me relève pour me rendre à la salle de bain. Malgré l’heure tardive, une douche ne me fera pas de mal finalement.

J’allume le jet d’eau et me place dessous, rejetant ma tête en arrière, je laisse enfin libre cours aux larmes trop longtemps retenues. La discussion avec Lino a ramené en moi des sentiments que j’essayais désespérément d’oublier. Honte, colère, tristesse… regret, manque, amertume… et amour. Un mélange d’émotions contradictoires. Penser à Santo et à ce qu’il m’a fait il y a deux mois lorsque nous étions à Las Vegas me déchire le cœur. J’ai beau me repasser en boucle tout ce qu’il m’a dit, qu’il n’était pas un homme bien, qu’il n’avait jamais eu de petite amie et que pour lui les femmes n’étaient rien d’autre qu’un passe-temps utile pour prendre du plaisir, jamais je n’aurais imaginé une seule seconde qu’il ait pu me faire ça. Comme quoi, je suis tout aussi naïve que Lino. J’ai cru à ses belles paroles, j’ai cru que cet homme avait changé pour moi. Tu parles! Il s’est servi de moi afin d’obtenir ce qu’il voulait et maintenant il doit bien rire dans sa villa à Buenos Aires.

D’un geste rageur, je coupe l’eau et m’enroule dans une serviette propre tout en sortant de la douche. Face au miroir, je me sèche énergiquement les cheveux et fixe mon regard dans le reflet de la glace. Les larmes ont disparu, mon visage a repris son aspect de marbre sans émotion, seuls mes yeux crient à la colère. 

— Va te faire foutre Santo Alvarez. Toi, ton cartel de malheur et ta putain de clé USB !

 

Chapitre 2

 

Mia

 

Ne dit-on pas que le temps aide à soigner toutes les blessures? Et bien, ce dicton ridicule a forcément été inventé par une personne qui n’a jamais dû souffrir dans sa vie. Car me concernant, plus les jours passent, plus j’ai l’impression de disparaître peu à peu. Allongée dans mon lit, je repense à ce que Lino m’a dit hier soir. Il n’a pas tort, je suis comme une coquille vide. Mon corps est ici, tandis que mon esprit est ailleurs. Il faut que je me ressaisisse. Je ne peux pas laisser Santo avoir un tel pouvoir sur moi, au point où je me sens mourir à petit feu loin de lui. Surtout quand on sait qu’il a certainement déjà dû mettre une autre pauvre fille tout aussi naïve que moi dans ses draps. Je suis encore jeune, j’ai la chance d’être jolie, tout le monde aime à dire que je suis d’une extrême gentillesse, douce et aimante. Et me voilà à dépérir à cause d’un narcotrafiquant argentin! Non. Décidément, cela ne va pas. Je dois absolument réussir à aller de l’avant. Ce qu’il s’est passé il y a deux mois doit disparaître de ma mémoire. Ce qu’il se passe à Vegas reste à Vegas.

Finalement, la conversation d’hier soir aura eu un impact sur moi. J’ai enfin ouvert les yeux, il faut que je me reprenne en main. Hors de question que cette « aventure » d’à peine un mois avec un homme que je ne connaissais pas si bien que ça se répercute autant sur ma vie. C’est décidé, aujourd’hui, je sors de cette grotte sombre où je me suis prostrée, et retourne à ma vie. Et je sais par où commencer.

Je m’adosse contre le mur, récupère mon téléphone sur le chevet et passe un appel qui, je le sais, se soldera par un échec. Je tombe immédiatement sur la messagerie comme toujours depuis deux mois, où je demande à la personne de me rappeler rapidement et raccroche. Ce n’est pas une surprise qu’elle n’ait pas répondu et je sais pertinemment qu’elle ne rappellera pas. Je fixe mon portable où j’ai toujours cette photographie de nous deux en fond d’écran.

Plus de deux mois sans nouvelles d’elle… Jamais Valentina et moi ne sommes restées si longtemps sans nous parler ou nous voir. Cette séparation est un vrai supplice. En plus d’avoir perdu l’homme que j’aimais, j’ai également perdu ma sœur, ma moitié. Une fois de retour sur le sol italien, elle est partie avec son père Umberto et depuis elle n’a plus répondu ni à mes textos ni à mes appels ni à mes e-mails. Comme si elle avait disparu de la surface de la Terre. Excédée, j’en suis même arrivée à appeler Giovanni, notre grand-père, à qui je refusais de parler depuis que j’ai découvert la vérité sur notre famille, pour lui demander s’il était derrière la « disparition » de ma cousine. La seule réponse que j’ai réussi à obtenir de sa part fut : « si tu t’inquiètes tant pour Valentina, viens me voir à Palerme que l’on en discute tous les deux ». Vous le sentez le traquenard? Parce que moi, je l’ai vu venir à mille lieues à la ronde.

Je n’ai vu aucun membre de ma famille depuis mon retour à Rome. Je me revois descendre l’escalier d’embarquement en pilote automatique et trouver au sol, nous attendant gentiment alignés en rang d’oignons devant des SUV noirs aux vitres teintées, nos pères, mes frères Alessio et Enzo, ainsi qu’une quantité non négligeable de gardes du corps. Si j’avais encore pu avoir un doute sur l’appartenance de ma famille à la mafia italienne, c’était bel et bien fini. Complètement groggy et désorientée par ce qu’il s’était passé les dernières heures, j’ai simplement eu le temps de voir mon oncle Umberto embarquer Valentina dans une voiture avant que mon père et mes frères ne me fassent monter dans la leur. Je pensais que nous prendrions la même route, mais lorsque je me suis retrouvée devant la porte de mon appartement romain sans Valentina, j’ai vite compris qu’elle ne me rejoindrait pas.

J’ai demandé des explications à mon père concernant tout cela, mais bien entendu, je n’ai eu que son silence en retour. Mes frères étant tout aussi muets que lui, se contentant de me regarder d’un air grave que je ne leur connaissais pas. Extrêmement fatiguée et d’une sensibilité exacerbée depuis mon départ chaotique et forcé des États-Unis, je n’ai pas cherché plus longtemps. Je suis sortie de la voiture en leur criant qu’ils pouvaient tous aller se faire voir et m’oublier, avant de claquer la porte comme une furie. Depuis j’ignore toutes leurs tentatives de me joindre. J’ai même ordonné à Leonardo de ne rien leur dire me concernant, sous la menace que je coupe également les ponts avec lui. Cela dit, Leonardo n’a pas besoin que je le menace de ce genre de représailles. Il est d’une confiance à toute épreuve et je sais qu’il ne me trahira jamais. La preuve en est, puisque visiblement il aurait été mis à l’écart des réunions de famille par Giovanni lui-même, sous prétexte qu’il doute de sa fidélité à son égard. Notre grand-père est loin d’être stupide, il sait très bien qu’à l’instar d’Alessio ou Enzo, Leonardo me fera toujours passer en première, quitte à se mettre le reste du clan à dos.  

Comment ma vie a-t-elle pu en arriver là ? Il y a trois mois, je découvrais que j’avais un demi-frère en Argentine et maintenant, je me retrouve seule à Rome, quasiment sans famille et le cœur en miettes. Parce qu’en plus d’avoir été lâchement trompée par Santo, je l’ai également été par Juan! Ce demi-frère tout heureux d’avoir une « sœur », une « famille » comme il disait si bien, n’a pas donné un seul signe de vie. Silence radio de tout le continent sud-américain. C’est à se demander s’ils ne sont pas morts. C’est horrible à dire, mais ça me rassurerait presque de savoir que tout ce que j’ai cru, concernant leurs sentiments à mon égard, n’a pas été une simple comédie. Une comédie si bien ficelée que ni Valentina ni moi n’avons douté un seul instant d’eux. Que ce soit Rafael, Santo ou Juan, nous avons cru être importantes pour eux. Or, il s’avère que nous n’étions rien de plus qu’un moyen d’obtenir le Saint Graal : cette fichue clé USB! Des pièces sur l’échiquier mondial de la criminalité.

Ce qu’il s’est passé ce soir-là, jamais je ne pourrai oublier et pardonner. Je déteste que l’on me manipule. Il ne faut pas avoir de cœur pour jouer à ce point avec les sentiments des autres. Être un vrai criminel, sans sentiments ni scrupules. Un véritable narcotrafiquant argentin, comme Santo Alvarez l’est.

 

Analepse

 

Deux mois plus tôt — Las Vegas

 

— Il n’y aura aucun choix à faire Mia. Je pense que, lorsque tu rentreras à Palerme, tu déchanteras. La petite principessa3 que tu es redescendra rapidement de son piédestal, sur lequel, ce narcotrafiquant semble t’avoir mise ! s’écrie Lucca.

J’entends ce que me peste cette ordure de Lucca au visage, mais j’ai du mal à croire qu’il puisse sincèrement penser m’effrayer avec ses menaces. Et puis son geste dédaigneux de la tête envers Santo. Comment peut-il se permettre de le juger ainsi? Il est hors de question que je le laisse dénigrer l’homme que j’aime. Avant que je ne puisse répondre, une main forte et musclée se glisse tendrement dans la mienne et me tire en arrière. Mon corps se retrouve collé à celui de Santo, qui s’empresse de chuchoter à mon oreille :

— Viens mi cielo4. Retournez dans vos chambres Valentina et toi, vous devez être fatiguées.

Il ne m’en faut pas plus pour comprendre où Santo veut en venir. Derrière lui, bras croisés sur sa poitrine et le regard noir, Rafael me fixe silencieusement, Valentina collée à son flanc. Je plonge mon regard dans celui métallique de mon narcotrafiquant, hoche la tête en signe d’assentiment. Ce qui doit être fait doit être fait. Facilement, je décode à la façon dont Santo se tient et me regarde, que ce n’est pas qu’à Vincenzo à qui je vais dire adieu ce soir. Rafael et lui ne prendront pas le risque de laisser un seul témoin derrière eux. C’est la fin des cousins Zangari et cela me convient. J’accroche ma main à sa nuque pour l’embrasser, avant de le laisser faire le ménage.

— Tu as raison. Valentina et moi ferions mieux de monter nous coucher, la journée a été longue et mouvementée.

Qu’est-ce que j’aime cet homme! Ainsi perdue dans ses yeux, j’en oublierais presque le monde qui continue de tourner et les personnes qui m’entourent. Mais un ricanement méprisant suivi d’une réplique cinglante me ramène immédiatement à la réalité.

— Il y a au moins une chose qui n’a pas changé chez toi Mia, c’est que l’on peut vraiment te faire faire ce que l’on veut. Il suffit que ton narco te dise que tu es fatiguée pour que tu le sois, que tu dois remonter dans ta chambre pour que tu lui obéisses. Obéissante jusqu’à l’os, c’est bien ma belle, tu auras une récompense, persiffle Vincenzo alors que Santo le dévisage froidement.

Ses doigts se resserrent sur ma taille. Je sens sa colère et sa fureur à travers son corps. Santo se retient de ne pas exploser, ne quittant pas une seconde Vincenzo des yeux. Je me penche à nouveau à son oreille et lui murmure doucement :

— Faites ce qui doit être fait.

De nouveau, je les autorise, Rafael et lui, à tuer deux hommes. Santo grogne entre ses lèvres :

— Tu es sûre de toi Mia? C’est ton dernier mot?

Il me donne une dernière chance pour me raviser, de ne pas devenir une meurtrière par procuration. Ce soir, sa main est la mienne. Le doigt qui appuiera sur la gâchette sera intimement lié au mien. Car même si je ne suis pas celle qui tiendra l’arme, ce sera tout comme. Mais ma décision est prise. Elle l’a été le jour où j’ai appris ce que Valentina avait subi. Alors, sans le moindre regret, je prononce la sentence d’une voix froide :

— Si.

Avant de le quitter, j’ai besoin de sentir une dernière fois ses lèvres sur les miennes, alors je l’embrasse. Me décollant difficilement de lui, je perçois une lueur de crainte sur son visage, venue de je ne sais où, ce qui me pousse à le rassurer avant de partir. La main sur son cœur, je l’embrasse à nouveau :

— Je t’attends dans notre suite. Tout ira bien, je te fais confiance.

Sans la moindre hésitation, je continue :

— Je t’aime.

N’attendant aucune réponse de sa part, je me détache de lui pour rejoindre Valentina et nos hommes. Ensemble, nous quittons la pièce sans un regard en arrière. Nous traversons rapidement les salles de jeux du casino et gagnons les ascenseurs. Serrée entre Valentina et les deux gorilles qui nous accompagnent, je baisse la tête et trouve un fort intérêt à mes chaussures. Personne ne parle. Le ding de l’ascenseur résonne, me faisant sursauter. Valentina, inquiète, me serre tendrement l’avant-bras :

— Tu vas bien?

— Bien sûr. Comme j’ai dit à Santo, je suis juste fatiguée. J’ai hâte d’aller me coucher.

— Tu es sûre? Mia, je te connais, si tu veux me parler de quelque chose c’est maintenant.

— Mais puisque je te dis que je vais bien ! 

— Mia, cette soirée…

Les portes s’ouvrent sur notre étage, la coupant dans sa phrase et m’offrant ainsi l’occasion d’esquiver cette conversation. D’un pas résolu, je prends la direction de la suite que je partage avec Santo, mais il semblerait que Valentina n’en ait pas terminé avec moi. Sa chambre est à l’opposé de la mienne et j’entends le bruit de ses talons me suivre. Rapidement, j’ouvre ma pochette de soirée et en sors la clé de la chambre. La main tremblante, je la scanne une fois, mais le lecteur bipe et s’allume en rouge, me refusant l’accès. Je tente à nouveau d’ouvrir la porte, sans succès.

— Cazzo5 ! 

Je frappe la porte avec ma paume. Valentina se saisit de la carte et tente à son tour de déverrouiller la porte, qui s’ouvre comme par miracle. Génial ! Même pour ça, Valentina est plus douée que moi! Ignorant ma cousine, je pénètre dans la suite. Elle rentre à son tour et referme derrière nous. D’un geste, je me déleste de mes talons qui finissent au pied du canapé et commence à ôter mes boucles d’oreilles. Tant que Santo ne sera pas à mes côtés, sain et sauf, je n’irai pas bien. S’ils font réellement partie de la mafia italienne, Lucca et Vincenzo ne se laisseront pas tuer sans se battre. Rafael et Santo sont forts et entraînés, mais cela ne m’empêche pas de me faire du souci pour eux.

— Mia, tu es anxieuse. Calme-toi. La soirée s’est bien passée, j’ai remporté la clé USB. Nous n’avons rien à craindre, tente de m’apaiser Valentina.

Je me fige. Tranquillement assise sur l’accoudoir d’un fauteuil, elle m’observe m’agiter. Elle ne sait pas ce que les garçons comptent faire aux Zangari. Elle ne sait pas que c’est loin d’être terminé. Si elle ignore que j’ai demandé à Santo de tuer Vincenzo, elle qui est si intelligente, comment peut-elle ne pas se douter que Rafael nourrisse une vengeance envers l’Italien? Jamais Rafael ne laisserait son violeur s’en tirer et rentrer chez lui sur ses deux jambes. Est-elle aussi aveugle? Doucement, je dépose mes bijoux sur la table basse devant moi et m’adresse à ma cousine :

— Nous avons laissé les garçons avec Lucca et Vincenzo.

— Oui. Et?

— Tu ne t’inquiètes pas pour eux?

— Pourquoi le devrais-je? J’ai une totale confiance en Rafael et Santo. Ils vont clore cette conversation et monter nous rejoindre, me répond-elle posément, tout en lissant le tissu doré de sa robe sur ses incroyables jambes.

— Tu…

Je suis coupée par un grand fracas provenant de l’autre côté de la porte. Valentina et moi nous tournons vers le bruit. Son visage se plisse sous la surprise puis se teinte d’inquiétude.

— Qu’est-ce que c’est que ce merdier? Les deux gorilles envoyés par nos pères sont censés monter la garde devant la chambre, murmure-t-elle en se levant.

— Nous devrions aller voir.

— J’y vais, reste là, m’ordonne-t-elle tout en me faisant signe de reculer derrière le canapé.

Mais je ne l’écoute pas et vais vérifier moi-même ce qu’il se trame dans le couloir. Avant qu’elle n’ait pu me dire quoi que ce soit, j’ai déjà ouvert grand la porte et tombe nez à nez avec ma cousine Irina. À ses pieds, assommés, nos hommes, tandis que deux armoires à glace se tiennent à ses côtés. 

— Que...?

Irina me pousse sans ménagement pour entrer. Suivie de ses deux mastodontes, elle avance, conquérante et sûre d’elle. D’un geste de la main, elle fait signe à un des hommes l’accompagnant. Celui-ci se dirige vers la chambre que je partage avec Santo tandis que l’autre se poste derrière Valentina.

— Surprise, cousine? Allons, tu devais bien te douter qu’à un moment ou un autre ta petite virée prendrait fin.

Méfiante, je lui demande : 

— Qu’est-ce que tu fais là ? 

Du coin de l’œil, j’observe l’homme dans la chambre et alors qu’il fourre mes vêtements dans ma valise, je m’écrie : 

— Hé ! Ne touchez pas à ça !

Je me jette sur lui et tente de l’arrêter en m’accrochant à son bras, mais le mastodonte ne semble même pas remarquer ma présence et continue à faire mon bagage. Au moment où il prend une de mes petites culottes, je décide que c’en est assez et lui plante mes ongles dans le bras, le plus profondément possible, jusqu’au sang. Le Russe pousse un rugissement de douleur et rue avec violence, m’envoyant à terre. La rage se lit sur son visage alors qu’il se tourne vers moi. Au sol, je tente de reculer comme je peux de cet homme que j’ai passablement énervé. D’une main, il me saisit par le cou, me relève et me plaque contre le mur. Comprimant ma gorge, je sens l’air quitter peu à peu mon corps et tente comme je peux de me défaire de sa prise, mais tout ce que je trouve à faire c’est de balancer mes pieds dans le vide et m’essouffler.

— Lâche-la tout de suite! crie Valentina en s’élançant pour m’aider.

— Oleg ! Maîtrise-la! ordonne Irina.

Ni une ni deux, le fameux Oleg encercle Valentina qui crie et se débat. Le Russe ne bouge pas d’un iota et Irina s’avance vers moi. Telle une vipère prête à mordre, elle ondule des hanches et son regard s’illumine de cruauté.

— Doucement Vadim, n’oublie pas que nous devons les ramener vivantes.

L’homme ne desserre pas ses doigts pour autant. Le dévisageant, j’enregistre son faciès qui est loin d’être séduisant. Des yeux bleus plus clairs que les miens, la peau albâtre, sourcils et cils d’un blanc polaire, une immonde cicatrice rouge traverse son visage du front au menton, passant par son œil droit, tandis que son sourire dévoile une rangée de dents argentées. Un filet de bave coule sur son menton alors qu’il grogne tel un chien et que ses doigts se crispent encore plus, m’étouffant. Ma vision se brouille et peu à peu je me sens partir.

— Vadim! Assez !

Tel un gentil toutou à sa maîtresse, Vadim me lâche au sol et recule. L’air réinvestit mes poumons et je m’éloigne en toussant. À genoux, je m’aide du canapé pour me relever tant bien que mal. 

— De quoi parles-tu, Irina? s’énerve Valentina. À qui dois-tu nous ramener?

— Il se trouve que j’ai été mandatée ici dans un but précis. Outre le fait que je devais mettre la main sur cette fichue clé USB, votre grand-père nous a donné l’ordre de vous rapatrier au pays. Il semblerait que votre petite escapade romantique soit terminée.

— Nous?

— Oui. Lucca, Vicenzo et moi allons vous ramener en Italie. Leurs hommes s’occupent actuellement de récupérer les affaires de Valentina.

— Nous n’avons aucunement l’intention de vous suivre, que ce soit toi ou un des cousins Zangari. De plus, Santo ne te…

— Santo? me coupe-t-elle. Ton précieux Santo est au courant depuis le début. Il sait très bien ce qui est en train de se passer actuellement. Pourquoi crois-tu qu’il vous a renvoyées dans vos chambres?

C’est impossible! Jamais Santo n’aurait fait ça. Irina ment.

— Oh, oh, oh… il semblerait que vos petits chéris argentins ne soient finalement pas si épris que ça de vous, ricane ma cousine. Lorsque Giovanni les a contactés en leur proposant de leur laisser la clé USB contre vous, ils n’ont pas hésité une seule seconde.

J’adresse un regard paniqué et désespéré à Valentina. J’ai confiance en Santo. Même s’il ne m’a jamais dit qu’il m’aimait, je sais qu’il tient à moi.

— Tu racontes de la merde, Irina ! s’énerve Valentina. Tu mens tellement que tu ne dois même plus discerner le vrai du faux dans tout ce que tu racontes. Que Giovanni vous ait demandé de nous ramener, je peux le concevoir et cela ne me surprend guère. Mais par contre, laisse Rafael et Santo en dehors de ça !

— Valentina a raison, poursuivis-je. Tu ne les connais pas. Une fois qu’ils en auront fini avec Lucca et Vincenzo, ils…      

— Fini? Mais fini de quoi? Lucca, Vincenzo et vos Argentins sont de mèche dans tout ça. Le deal était que le cartel récupère la clé contre vous. Giovanni m’a envoyée ainsi que les Zangari pour mener à bien cette transaction. À l’heure qu’il est, ils sont tous les quatre en train de boire un verre, se félicitant du coup qu’ils vous ont joué !

Je ne sais pas quoi répondre. Irina est connue pour être une menteuse invétérée. Mais cette fois-ci, je n’arrive pas à discerner si ce qu’elle dit est vrai ou non. La porte s’ouvre et deux hommes chargés de bagages entrent. Sans connaître leurs noms, je sais qui ils sont. Je les ai déjà vus plusieurs fois lorsque je me rendais chez Vincenzo. Ils travaillent pour la famille Zangari. 

— Parfait. On va pouvoir y aller.

— Nous n’irons nulle part avec vous, Irina, rétorque froidement Valentina. Nous voulons voir Rafael et Santo.

Mes deux cousines s’affrontent du regard. Le corps tendu, Valentina semble prête à sauter à la gorge d’Irina qui pousse un soupir de lassitude :

— Que ne comprends-tu pas dans ce que je vous ai expliqué, Valentina? On nous bassine depuis toujours que tu es plus qu’intelligente, mais je commence sérieusement à avoir des doutes. Vos narcotrafiquants vous ont vendues, ils ne viendront pas.

— S’ils nous ont vendues comme tu dis, qu’ils viennent nous le dire en face! On veut les voir et ensuite, on vous suivra. N’est-ce pas Mia?

— Oui, laisse-nous parler avec eux et ensuite, nous rentrerons avec toi.

— Le problème, c’est qu’ils ne veulent plus vous voir, ricane Irina. Ils ont été assez explicites lors de la négociation avec Giovanni.

— C’est ce que tu nous as dit, mais tu comprendras que nous aimerions en discuter avec eux. Je…

— Assez! Vous allez faire ce que je vous dis, sans discuter, sinon…

— Sinon quoi? la provoque Valentina, le regard noir.

D’un pas lent, Irina s’approche d’elle, un sourire mauvais aux lèvres. Valentina tente de s’extraire une fois de plus de l’étreinte du Russe, sans succès.

— Ma chère Valentina… il va vraiment falloir que tu apprennes à calmer tes humeurs de chienne. De ce que j’ai compris, une très longue conversation avec Giovanni t’attend une fois de retour à Palerme. Et crois-moi, je n’aimerais pas être à ta place. Maintenant, ma patience a atteint ses limites. Oleg ! 

Je remarque une seringue dans sa main qu’il enfonce profondément dans le cou de ma cousine, appuyant sur le piston, il lui injecte je ne sais quel produit dans le corps. Valentina rue sous la douleur et ses cris se mélangent aux miens. Je tente comme je peux de me libérer pour venir l’aider, mais je suis entravée dans mes mouvements. Le sbire d’Irina me tient trop fort et j’assiste impuissante à la chute au sol de Valentina, inconsciente.

— Et d’une, s’écrie joyeusement Irina. Vadim?

Je n’ai pas cessé un seul instant de me débattre et, par chance, celui qui me retient semble moins habile que son acolyte. Le temps qu’il se saisisse à son tour de la seringue qu’il devait cacher dans son costume, j’ai la possibilité de me faufiler sous son bras et de m’enfuir. Je me précipite vers la porte, priant pour l’atteindre et pouvoir trouver de l’aide dans le couloir. Mais c’était sans compter la main qui se saisit de ma chaîne, me tirant en arrière. J’ignore qui est dorénavant derrière moi, la seule chose que je sais, c’est que cette personne a assez de force pour m’étrangler avec mon collier. Portant mes mains à mon cou, je tente comme je peux de retrouver mon souffle, tirant sur la chaîne qui finit par se briser. Je sens que l’on me plante violemment une aiguille dans la nuque. Ma tête tourne, je vacille, ma respiration ralentit et je me sens partir. Je m’écroule sur le sol, luttant pour ne pas sombrer. Ma vue se brouille et devient floue. J’arrive encore à percevoir quelques bribes de conversations et Irina qui donne des ordres.

— N’oubliez pas la puce GPS de Valentina, il ne faudrait pas qu’ils puissent la retrouver. Embarquez-les… je préviens Lucca et Vincenzo…

Et c’est le trou noir.

 

Retour présent

 

Je me souviens avoir été réveillée par des cris. Il m’a semblé reconnaître les voix d’Irina et de son frère Sergei. Un visage blond s’était penché sur moi, une main m’a caressé le visage et une voix m’a tendrement dit de me rendormir. Ce que j’ai fait. Arrivée à l’aéroport de Rome, c’est la dernière fois que j’ai vu Valentina et que j’ai parlé à mon père et mes frères. Ils m’ont déposée et tout ce que mon père m’a dit fut :

— Oublie tout ça mi principessa et reprends le cours de ta vie.

Ils sont partis, sans plus d’explications. Depuis deux mois, je refuse tout contact avec ma famille, excepté Leonardo et mes arrières grand-mères qui malheureusement ne savent rien concernant cette histoire. Giuseppina et Lucrezia ont été mises au ban pour nous avoir envoyées en Argentine. Elles non plus ne savent pas où se trouve Valentina, ce qui les met dans une rage folle. Mon grand-père les a prévenues qu’elles sont désormais surveillées. Elles lui ont demandé à mainte et mainte reprise de parler à Valentina, sans succès. Lucrezia, la mère de Giovanni, a même menacé d’entamer une grève de la faim, rien n’y a fait. Son fils lui a simplement répondu qu’elle lui donnerait l’argument ultime pour la faire interner. Giuseppina a tapé du poing, hurlant que personne ne pourrait l’empêcher de voir son arrière-petite-fille, mais son gendre n’a pas cédé. Mon grand-père refuse de nous dire où est Valentina et il a formellement interdit à quiconque de ma famille de nous donner cette information. Si tant est qu’ils aient cette précieuse information. Selon Leo, Michelangelo, le frère de Valentina, serait rentré de toute urgence à Palerme il y a de cela un mois, exigeant de voir sa sœur. Sa demande s’est bien évidemment soldée par un refus et il ne sait toujours pas où se trouve sa petite sœur. Personne ne semble le savoir, excepté Giovanni Conti lui-même. Ce qui n’est en rien rassurant.

Je n’ai rien de prévu aujourd’hui, mais je ne peux pas rester à me morfondre dans mon lit. Ma décision de me reprendre en main commence par me lever de mon lit. L’appartement est silencieux, la cuisine et le salon sont vides, je suppose donc que Giada est déjà partie à l’université. Une fois mon café servi, je m’installe sur notre petit balcon pour le déguster et ainsi profiter de ce début de matinée. Je commence à planifier ma journée, celle du renouveau.

 

***

C’est la fin d’après-midi lorsque je sors du salon de coiffure avec ma nouvelle tête : un carré blond, ondulé, m’arrivant au-dessus des épaules. Une nouvelle tête, pour un nouveau départ. Les bras encombrés des nombreux sacs de vêtements que j’ai achetés (merci à la carte bleue de papa), je peine à répondre à mon portable qui sonne. J’y arrive à la dernière sonnerie, manquant de faire tomber mon sac Gucci avec ma nouvelle robe.

— Allô ?

— Mia, c’est Lino! Comment vas-tu depuis hier soir?

Je m’assois dans un coin des escaliers de la Piazza di Spagna6 et lui réponds en plaisantant : 

— Bien, le champagne ne tape plus dans ma tête.

— Nous avons quelque peu abusé sur la bouteille, répond-il dans un grand éclat de rire. D’ailleurs, si tu n’es pas trop mal en point, je souhaiterais réitérer mon invitation à dîner. Serais-tu libre ce soir?

— Je ne sais pas, tu es sûr que c’est une bonne idée?

— Je t’ai dit que je tenais à t’offrir un dîner afin de m’excuser de mon attitude plus qu’impolie et déplacée. Mais je veux également remercier mon meilleur modèle qui m’a fait gagner quelques milliers d’euros, rien qu’avec son doux sourire.

— Continue à me flatter ainsi et je vais finir par te demander un pourcentage sur la vente.

— Tu pourrais! Alors, pour ce soir?

— Je ne fais rien de spécial.

— Perfetto7! J’ai déjà réservé.

Toujours sur le ton de la plaisanterie, j’enquille : 

       — Tu t’es dit que la pauvre et acariâtre Mia n’avait rien à faire ce soir?

Même si c’est une triste vérité. 

— Pas du tout, réplique-t-il, j’avais simplement hâte de te revoir, en amis. C’est sincère. Je veux que nous soyons amis.