Chemins croisés - Tome 2 - Sarah Dheilm - E-Book

Chemins croisés - Tome 2 E-Book

Sarah Dheilm

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Beschreibung


"Loin des yeux, loin du cœur", mais un seul regard parvient à détruire les barrières que Cat avait érigées pour se protéger.

Sa première année de fac touche déjà à sa fin, et les examens arrivent à grand pas. Cat pensait son histoire avec Alex oubliée, jusqu'à ce qu'elle croise le regard du jeune homme, ravivant tous les souvenirs et sentiments qu'elle avait tenté d'enfouir au fond d'elle. Alors que celui-ci semble filer le parfait amour avec Carrie, un rapprochement inattendu décide Cat à lui montrer qu’il compte toujours à ses yeux.

Meurtri entre ses sentiments profonds et son désir de protéger Cat de lui-même, le cœur d’Alex balance entre raison et passion. Mais son passé ne le condamnerait-il pas d'avance ? 

Son premier tome l'annonçait déjà et ce deuxième ne vient que le confirmer : Sarah Dheilm sait indéniablement jouer avec les émotions de ses lecteurs. Une romance qui se lit comme si on la vivait.


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Chapitre 1 Joyeux anniversaire

L — 1) Allez, tu ne vas quand même pas ne rien faire du tout !

2) Trop claquée par ce WE !!!

C — 1) Franchement je sais pas, ça ne me tente absolument pas

2) Pourquoi ?

L — 1) Mais si, ce sera sympa, il y aura Steph, tout ça…

2) Dormi tard chez Chris…

Je récupère la feuille que Léa fait discrètement glisser jusqu’à ma main en fronçant les sourcils, puis je jette un regard au professeur avant de commencer à lui répondre. Rien de tel que les conversations par écrit pour dialoguer en toute impunité.

C — 1) Tout ça qui ?

2) C’est ça de faire des folies de son corps…

L — 1) Je sais pas, faut que je voie avec tout le monde

2) Même pas. En fait on est rentrés tard parce qu’on est sortis avec « celui dont on ne doit pas prononcer le nom »

Alex… Chaque fois que je pense à lui, un petit poids vient peser au fond de mon estomac. Sans doute est-ce un peu de nostalgie… Elle est comme une vieille amie maintenant, qui a pris l’habitude de m’accompagner dans la vie, toujours présente et qui arrive la plupart du temps à se faire oublier, même si elle est toujours dans les parages…

Léa et Chris les fréquentent de plus en plus souvent, lui, Steph, le reste de la bande et… Carrie. Du coup, je préfère m’enfermer chez ma tante les week-ends où je rentre, ou me contenter de rester dans notre logement universitaire.

L — C’est pénible tu sais, que tu refuses de sortir pour ne pas le voir. Tout ça à cause d’une histoire qui date de la préhistoire. C’est bon, c’est loin maintenant, non ?????

C — Oui oui

L — Bon, donc on fête ton anniversaire samedi à la Crypte

C — …

L — Grrrrr… promis pas d’Alex

Aujourd’hui, j’ai dix-huit ans. Léa veut à tout prix fêter ça ce week-end dans une espèce de bar à l’ambiance de boîte de nuit. Pourtant, elle n’en est pas une grande amatrice, mais elle est persuadée que cela me remettra un pied à l’étrier.

Cela fait sept mois que nous sommes à la fac, et occuper mes soirées en faisant des parties de tarot me suffit largement. Ce n’est pas faute d’avoir essayé de me bouger, mais je suis incapable de m’amuser dans ces soirées. C’est à cause de cette fichue nostalgie qui revient sonner à la porte de mon esprit régulièrement. Surtout quand Léa passe ses week-ends avec…

C — OK mais aujourd’hui… Champagne !!

L — Tu sais bien que je n’aime pas ça !

C — Peu importe qu’on aime… Pourvu qu’on ait l’ivresse !!!

L — Je sens que je vais le regretter… Mais OK, ça marche…

Maintenant que nous avons planifié les différentes manières de célébrer mon anniversaire, j’essaie de me raccrocher au long laïus du professeur Lars et de reprendre le fil du cours de géographie humaine.

La géographie du don.

Ma foi, ce n’est pas inintéressant. Le principe de base est simple. Offrir un café c’est offrir son amitié. Si la personne à qui on propose ce café l’accepte, c’est qu’elle accepte également votre amitié. Et si elle en propose un en retour, c’est que la relation est entérinée.

Peut-être devrais-je offrir un café (ou autre chose) à quelqu’un ? Il y a bien ce Max qui est plutôt sympa au premier étage de notre immeuble…

En fait, il m’a proposé de boire un verre l’autre jour. Mais j’ai décliné poliment l’invitation. J’ai donc refusé son amitié, et plus si affinités… Ce n’est pas comme cela que je vais en finir avec ce long célibat.

Nous n’avons pas cours cette après-midi. J’ai donc décidé de fêter mon anniversaire dignement au champagne avec Léa. La bouteille est au frais et nous attend sagement.

Une fois dans ma chambre, je sors deux gobelets en plastique et les remplis du précieux liquide chargé de bulles couleur or. Au contact du plastique, il se met à mousser plus que la normale avec bruit.

— À tes dix-huit ans, que ton année soit riche en évènements !

— À mes dix-huit ans. Enfin majeure et vaccinée !

Je regarde Léa d’un air sévère :

— Cul sec !!

Elle fait la grimace en vidant son verre d’un trait et ferme fort les yeux, comme si cela allait l’aider à avaler. Je fais de même puis repose mon gobelet blanc, les yeux encore fermés.

À jeun, il a tôt fait de me monter à la tête. Déjà je me sens plus légère.

— Alors, quelles sont tes bonnes résolutions ?

— Ce n’est pas au Nouvel An qu’on fait ça ?

— C’est pas grave, vas-y !

Je réfléchis un instant.

— Changer, dis-je tout en nous remplissant un deuxième verre.

Je tends le sien à Léa, l’objectif avoué de cette dégustation étant de découvrir la sensation de l’ivresse. Elle l’avale à demi, cette fois.

— Changer ? s’étonne-t-elle.

— Changer ! M’amuser ! Profiter de chaque moment et en créer !

— Créer des moments ?!

Je vide mon deuxième verre comme le premier : d’une seule traite.

— Oui, ne plus attendre que les choses viennent à moi. Aller les chercher.

Le troisième verre fait disparaître de mes pensées l’image qui me hante, celle de ce visage pâle qui contraste tant avec ses cheveux bruns. Il suffit en général que Léa mentionne son nom pour que cela me prenne deux ou trois jours pour parvenir à l’effacer. Ensuite, je peux passer plusieurs semaines sans y repenser. Jusqu’à la fois suivante.

Au quatrième verre, ce n’est plus la tête qui me tourne, mais la pièce tout entière qui bouge.

— Alors, tu ne fais plus la grimace ? demandé-je à ma meilleure amie qui sirote à présent tranquillement son champagne.

— Non, dit-elle en secouant la tête, le sourire aux lèvres. J’aime bien finalement, ça passe mieux dès la fin du deuxième verre…

Je m’apprête à nous resservir, mais seul un mince filet sort du goulot.

— Zut, y en a plus…

Je fais la moue. Les mots sont sortis de ma bouche au ralenti. Avec Léa, nous échangeons un long regard.

— À ton avis, l’effet commence seulement ou on est déjà au max et ça va redescendre ?

Mon amie réfléchit longuement, le regard flou.

— Je ne sais pas, mais j’ai pas envie que ça s’arrête, c’est chouette finalement.

— Tu penses à ce que je pense ?

Elle hoche la tête.

— Ouais, on y va.

C’est chancelantes que nous partons vers le supermarché, qui n’est fort heureusement que de l’autre côté de la rue.

— Attends, annonce Léa en s’arrêtant si brusquement que je lui rentre dedans et que nous manquons toutes les deux de peu de nous étaler de tout notre long. Faut que j’achète des clopes.

J’essaie de me concentrer, j’ai l’impression de bouger alors que je suis en principe immobile. Je serais bien incapable de dire si c’est le cas ou si c’est mon cerveau qui interprète mal les signaux de mon corps enivré.

— Je reste dehors… Vaut mieux…

Afin de ne pas exposer mes problèmes d’équilibre aux personnes environnantes, je m’assieds difficilement sur le trottoir, les pieds dans le caniveau. Il ne doit être que quatorze ou quinze heures, les personnes normales ne sont pas dans cet état à cette heure. Mais on n’a pas tous les jours dix-huit ans…

Quelques minutes plus tard, Léa sort en riant du bureau de presse, elle titube carrément. Elle a bien du mal à arrêter de s’esclaffer. Entre deux éclats de rire, elle parvient tout de même à m’expliquer les raisons de son amusement.

— Je voulais pas me tromper en demandant mes cigarettes.

Elle marque une pause, pliée en deux de rire.

— Et ? l’invité-je à poursuivre.

— Je me suis entraînée dans ma tête pour bien dire « un Marlboro light s’il vous plaît » sans me tromper.

Elle rit de plus belle.

— Qu’est-ce qu’il y a de drôle ?

— Les gens me regardaient bizarrement, et puis j’ai compris. Tout du long je me suis entraînée à voix haute.

C’est à mon tour d’éclater de rire. Tandis que nous avançons jusqu’à la supérette, nous sommes encore pliées en deux de rire et de champagne.

Chapitre 2 Pourvu qu’on ait l’ivresse

Dans le supermarché, nous peinons à ne pas nous faire remarquer.

— Là !

Léa est enfin parvenue à trouver le seul rayon où nous ne mettons habituellement jamais les pieds. Je saisis la bouteille la moins chère. Elle semble tellement lourde entre mes doigts que je dois la tenir à deux mains, et ai malgré tout encore peur de la faire tomber.

— Léaaaa, aiiiide-moi ! J’arriverai pas à la porter toute seule !!!

J’ai chuchoté le plus fort possible. Mon Dieu, je suis à présent totalement ivre, c’est sûr.

Après nous être trompées deux fois de direction dans ce qui nous semble être devenu un véritable dédale, nous voilà tenant à deux le fruit de notre forfait devant la caisse. Aucune de nous n’ose regarder dans les yeux l’hôtesse, et nous partons sitôt payé, étouffant des éclats de rire.

Une fois rentrées dans notre logement universitaire, nous nous installons avec le plus grand sérieux autour de la table de ma chambre de douze mètres carrés.

Pour ma part, l’effet de l’alcool commence déjà à s’estomper. Léa fronce les sourcils, son regard peine toutefois à être clair.

— L’effet se dissipe, on ferait mieux de se dépêcher d’ouvrir la bouteille.

Je hoche la tête, et c’est toute la pièce qui semble vouloir bouger avec.

Léa me prend la bouteille des mains juste après que j’aie fait sauter le bouchon.

— Attention !

C’est trop tard, elle a versé trop fort et le verre de plastique se renverse avec son contenu.

— Eh ben voilà, tout ça de perdu.

Léa me regarde, complètement éméchée.

— Pas pour tout le monde.

Alors elle se penche sur la nappe de coton enduit et aspire du bout des lèvres la mare de champagne qui s’y est accumulée.

Sous la surprise, je pars dans un grand éclat de rire.

— T’es dingue ! m’esclaffé-je en l’observant finir de récupérer ce qu’elle peut de champagne du bout de la langue.

— Hé ! C’est toi qui m’as fait boire, alors ne te plains pas si j’y prends goût !!

La bouteille se vide à une vitesse vertigineuse, nous plongeant dans un piteux état d’ébriété.

— J’espère que je ne serai pas malade, marmonne Léa.

— Attends…

Je pars fouiller dans mon placard et en reviens en brandissant fièrement au-dessus de ma tête une cuvette de plastique rose.

— S’il le faut, on a ça.

— Faut qu’on aille montrer qu’on est bourrées à Théo.

— Ouais !

Nous sommes devenues très proches de Théo, chez qui nous passons dorénavant l’essentiel de nos soirées, un étage plus bas. Pouffant de rire, je descends les marches en longeant le mur, la bassine rose à la main.

Léa frappe à la porte portant le numéro 12. Aucune réponse ne se fait entendre.

Mes jambes ne parviennent plus à me soutenir et je m’écroule au sol, la bassine toujours entre les jambes en cas de besoin, riant jusqu’à plus soif.

— Chut !!!!

Une fille de l’autre côté du couloir sort la tête de sa chambre. Je la regarde, amusée.

— Chuuuuuuuuuuuut ! lui dis-je pour toute réponse.

Léa m’imite à son tour, l’index devant la bouche.

— Chuuuuuuuuuut !

La fille aux cheveux bouclés lève les yeux au ciel puis elle claque bruyamment la porte de sa chambre.

C’est clairement idiot, mais je suis fière d’être pour la première fois de ma vie dans cet état. Et Léa aussi. Nous décidons donc d’appeler toutes les personnes de nos répertoires pour nous en vanter et partager avec elles notre liesse.

— Oh non, j’ai plus de batterie, s’attriste Léa en affichant un air désespéré.

— Pfffff viens, on va dans la vieille cabine.

— Oooooook.

— Chuuuuuuuuuut.

Je ris encore plus fort en traversant les locaux communs où se situent les douches et les toilettes. La vieille cabine téléphonique, par miracle toujours en service, se trouve au fond de ce long couloir de commodités.

Je prends le combiné, glisse la carte bleue de ma tante dans la fente prévue à cet effet, et tente de composer le premier numéro dont ma mémoire floue parvient à se rappeler. Malheureusement mes doigts ne répondent plus aux commandes et s’échouent ici et là, sans aucun contrôle.

— Pfffff laisse-moi faire.

Léa m’écarte pour prendre ma place. Manifestement elle arrive à viser mieux que moi.

Bientôt, les choses deviennent de plus en plus floues autour de moi. Quelques images, quelques mots, me parviennent encore, mais j’ai atteint les limites de ce que je suis capable d’analyser.

J’émerge peu à peu, et un puissant besoin d’air frais vient m’oppresser la poitrine.

Tout à coup la fraîcheur du printemps me revigore. J’ouvre les yeux. J’ai le bassin appuyé contre le seuil de la fenêtre, et je suis tellement penchée en avant que mes pieds quittent le sol. Je me ressaisis juste à temps pour basculer le poids de mon corps de manière à reposer les pieds du bon côté de la fenêtre.

Mon cœur bat à cent à l’heure. Une seconde de plus et je basculais dans le vide, deux étages plus bas.

Chapitre 3 Descente

— Ça va mieux ?

Je hoche la tête. Apparemment, le gérant a appelé Théo pour lui demander de venir nous gérer. Il nous aurait trouvées toutes deux dans les escaliers, n’osant plus monter ou descendre étant donné notre état d’ébriété avancé. Avec l’aide de Julien, il nous a aidées à descendre les quelques marches que nous avions espéré monter pour regagner nos chambres (à quatre pattes !) et nous a fait nous asseoir sur son lit. Il a posé avec soin ma bassine près de nous, craignant sans doute que nous ne vomissions dans sa chambre.

Je ne peux réprimer un sourire.

— Ouais, ça va. En fait, je ne me suis pas sentie aussi bien depuis longtemps.

Léa plisse les yeux.

— Pas moi. Une fois redescendue, c’est pas le top.

Je ferme les yeux. Je n’ai plus cette étrange sensation de déséquilibre comme tout à l’heure. Et surtout, je me sens libérée d’un poids, je ne sais pas pourquoi. Je suppose que c’est le déclic qu’il me fallait pour démarrer ma nouvelle vie. J’ai dix-huit ans, il est grand temps de me mettre un coup de pied aux fesses.

Le lendemain matin, je déchante légèrement devant ma première gueule de bois. La lumière semble vouloir me scinder le crâne en deux, et nous avons cours à huit heures. Le réveil, tout comme le kilomètre qui nous sépare de l’aile de géographie, est difficile à surmonter pour Léa comme pour moi.

L — Trooooop mal au crâne

C — M’en parle pas, et j’ai rien pu avaler ce matin

L — Chris m’a envoyé un SMS. Apparemment je l’ai appelé hier pendant notre beuverie

C — Ah ? T’es sûre ?

L — Apparemment on était à deux à lui parler mais il comprenait que la moitié de ce qu’on disait

Ça ne me dit absolument rien. De brèves images me reviennent, mais dans un désordre absolu. Je revois Léa agacée me reprendre le combiné des mains. Je l’entends dire « Je t’aime »…

C — Euh, tu l’as appelé pour lui dire que tu l’aimais ?

L — Franchement j’en sais rien, c’est le noir total.

C — 1) Moi aussi et je me suis fait peur avec la fenêtre

2) Qu’est-ce qu’on a pu faire pendant ce trou noir ????

L — 1) Ouais c’était bien sur le coup, mais les conséquences sont pas top du tout

2) D’après Chris on a dit qu’on avait appelé plusieurs personnes avant…

C — Super… Bon logiquement moi j’étais à la fenêtre, c’est toi qui as dû téléphoner. J’espère que tu vas pas coûter un bras à ma tante et que t’as pas appelé en Chine… !!!!

L — Ah non mais c’est l’horreur là !

Je me demande si nous saurons un jour ce que nous avons pu faire pendant ce laps de temps d’une durée d’ailleurs indéterminée…

Chapitre 4 Malentendu

Enfin la fin de la semaine arrive, et les vacances de printemps avec elle. C’est avec plaisir que je retourne chez ma tante. Cela fait trois semaines que je n’y suis pas revenue, préférant travailler mes cours et, de ce fait, avoir une bonne excuse pour ne pas sortir.

Cette fois, je ne vais pas pouvoir y couper, puisque j’ai donné mon accord à Léa pour fêter mon anniversaire.

— Je dois sortir ce soir. Mais si tu veux que je reste, pas de problème…

— Non, non, vas-y, fête ça dignement !

Au moins j’aurai tenté de trouver une échappatoire… Les bonnes résolutions que j’ai prises il y a trois jours me reviennent en mémoire. J’ai décidé de reprendre ma vie en main et ce n’est pas en m’enterrant chez moi que cela va arriver.

Après le repas, je vais d’un pas tout sauf motivé me préparer dans ma chambre. La plupart de mes affaires sont restées dans le grand placard qui occupe tout un mur de la pièce. J’en fais coulisser la porte.

Après plusieurs essayages, je choisis un bustier noir brodé de perles brillantes ainsi qu’une jupe trapèze assortie. Pour ce qui est des chaussures, mon choix finit par se porter sur une paire d’escarpins avec un talon suffisamment petit pour pouvoir les supporter sans problème toute la soirée, maintenus élégamment par une bride à la cheville. Je relève mes cheveux en un chignon fouillis et me maquille suffisamment pour souligner mon regard et mes lèvres sans être vulgaire. Là j’ai l’impression d’avoir dix-huit ans. Peut-être plus.

Lorsque la sonnette retentit, cependant, ma détermination s’évapore. Alors je serre les dents puis regarde mon reflet d’un air résolu. Je reprends le contrôle !

— On va où déjà ? demandé-je à Léa et à son petit ami une fois arrivée à hauteur de leur voiture.

Ce que j’apprécie avec Chris, c’est que malgré ma tenue il ne m’a pas regardée un instant ailleurs que dans les yeux.

— À la Crypte.

— C’est où ?

— Pas loin d’ici. Tu verras, c’est sympa.

Le bar en question se situe un peu à l’angle d’une rue, à l’extérieur du centre de la ville. Son immense porte, formée par une grande arche de pierres, explique à elle seule d’où est venue l’idée de le nommer « la Crypte ». Déjà, lorsqu’on s’en approche, on entend les basses de la musique qui annoncent à quel point elle sera forte.

La large porte donne directement sur des escaliers qui descendent et mènent à une salle bondée et bruyante, aux murs façonnés dans la pierre.

J’ai l’impression d’être en boîte tant la musique est assourdissante. Il fait sombre et la salle n’est éclairée que par des spots multicolores positionnés çà et là. Un peu perdue, je suis Léa et Chris en tâchant de me faufiler dans la foule tandis que Chris nous fait signe de nous diriger vers le fond de la salle.

J’ai l’impression de perdre la perception de tous mes sens au moment où nous arrivons à destination et que je me retrouve face à Alex. Même mon cœur semble avoir cessé de battre. Je n’entends plus la musique, je ne sens plus mes jambes… En fait, je crois bien que j’ai perdu le contrôle de mon corps tout entier. Même ma bouche reste bêtement entrouverte et la salive me manque.

Le temps reprend son cours au moment où je réalise que Carrie est à ses côtés, tout sourire, la main posée sur son bras en signe d’appartenance. Elle se tend vers moi pour me faire la bise au-dessus de la table. Anesthésiée, je ne peux que la laisser faire. C’est lorsqu’Alex se penche vers moi pour faire de même que je reprends le contrôle de ma main et l’arrête dans son geste. Je ne sais pas si le choc se lit dans mes yeux, mais il comprend immédiatement que je refuse tout contact avec lui.

Qu’est-ce qu’il fait ici ? Je me tourne vers Léa, qui hausse les épaules d’un air gêné. Apparemment, elle ignorait elle aussi qu’ils seraient là.

Quand un instant plus tard, Steph arrive à son tour, ce dernier ne semble pas avoir conscience de mon trouble et me salue en me tenant par les hanches, un large sourire aux lèvres.

— Joyeux anniversaire !!

Les larmes aux yeux, je le remercie.

— C’était jeudi.

— Rho c’est pareil. On fête ça quand même aujourd’hui.

— Oui, intervient Alex. On a commandé du champagne pour fêter ça dignement.

Léa grimace, et moi aussi. Pas à cause de notre cuite deux jours plus tôt, mais parce qu’entendre la voix d’Alex pour la première fois depuis ce jour si merveilleux que nous avons passé à la mer vient de faire un ultime trou dans mon cœur.

Malgré la tristesse de le voir ici, la douleur se mue rapidement en ce sentiment familier qui prime en la présence d’Alex et qui vient emplir tout mon être : je brûle littéralement de colère. Elle est d’autant plus forte lorsque je remarque sa façon de me regarder. Il est doux et affable, comme s’il était heureux de revoir la vieille amie que je suis. Sauf que je me considère comme étant tout sauf une amie.

Avant que quiconque ait le temps de trinquer ou de porter un toast en mon honneur, j’attrape la coupe qu’il me tend et la vide d’un trait, la lui tendant immédiatement après pour qu’il la remplisse de nouveau.

— Et bien…, commente-t-il en levant un sourcil.

Je le regarde froidement.

— J’avais soif.

La musique est si forte qu’elle nous épargne à tous le besoin de parler. Ce qui est sans doute préférable, vu la fureur qui parcourt mon corps et attise mon animosité.

Je me fais intérieurement la remarque qu’il n’y a qu’un pas qui sépare l’amour de la haine. Les deux sentiments sont puissants et embrasent le corps tout entier, dévorant chacune des fibres qui siègent dans ma poitrine. C’est sur ce constat, regardant Alex pour la première fois depuis des mois, que je réalise à quel point il a pu compter pour moi. J’ai longtemps cru que je ne pouvais juste pas m’empêcher de céder à ses caresses, à sa façon de me regarder, si sensuelle, que tout cela n’était qu’un jeu de séduction auquel je m’étais un peu trop laissé prendre… Mais depuis le début c’est beaucoup plus profond que cela, je ne peux plus le nier.

Le voir ici, avec elle, me regardant si gentiment, me fait mal et finit de dévorer ce qu’il peut rester de mon âme.

Plus loin, de l’autre côté de la salle, une zone est réservée à ceux qui veulent s’essayer à danser, chose dont je suis incapable si je n’ai pas un petit coup de pouce alcoolisé. J’en suis pourtant à ma troisième coupe de champagne, mais pour le moment l’effet escompté se fait attendre, la colère étant la grande gagnante sur mes nerfs.

Lorsque mes camarades se lèvent pour aller danser, Steph essaie de m’entraîner à sa suite, mais je décline l’invitation en secouant la tête et en reprenant mon verre. Quand je relève la tête, je plonge férocement mes yeux dans ceux du seul à ne pas avoir non plus voulu se rendre sur la piste. Alex me rend mon regard et, cette fois, il a l’air agacé.

Au bout de ce qui me semble être une éternité, je romps le contact puis me lève. Finalement, le champagne a dû faire plus d’effet sur mon équilibre que je le pensais car je chancèle. Hors de question de montrer le moindre signe de faiblesse : je me redresse, attrape ma veste, puis, la tête haute, je me tourne vers l’entrée. Je traverse ensuite la salle en me tortillant pour passer entre les gens qui rient et boivent, jusqu’à enfin atteindre les escaliers dont je monte les marches deux à deux. Une fois à l’air libre, j’en prends une grande goulée pour me calmer tout en fermant les yeux.

Il est froid en comparaison de l’intérieur du bar, mais à cette heure il fait frais de toute façon. Adossée dans l’embrasure de l’arche qui sert d’entrée à cet ersatz de boîte de nuit, je sors une cigarette. Lorsque des bruits de pas résonnent, je me retourne vivement, le cœur battant. Deux hommes émergent des escaliers en me scrutant de la tête aux pieds avant de me lancer un clin d’œil. Mon instinct me joue des tours, j’aurais juré avoir senti sa présence.

— Bon sang, mais qu’est-ce qui te prend ? crache une seconde plus tard cette voix que je reconnaitrais entre mille en me faisant sursauter si fort que je manque d’en lâcher ma cigarette.

J’ai à peine le temps de plonger dans ses yeux au bleu perçant qu’Alex reprend, visiblement agacé :

— Ça fait des mois qu’on ne s’est pas vu et tu me regardes comme si tu me détestais.

Tout en faisant mon possible pour rester de marbre, j’extrais une bouffée de nicotine de ma cigarette et lui lance un regard noir.

— C’est peut-être parce que c’est le cas justement.

— Oh, je t’en prie. Tu m’appelles complètement bourrée il y a deux jours et…

Je le regarde, choquée. Alors je l’ai appelé… Qu’est-ce que j’ai bien pu lui dire ? Mieux vaut parfois ignorer certaines choses.

— Écoute, j’ai appelé la moitié de mon répertoire téléphonique ce jour-là. Mais crois-moi, les mots ne sont pas assez forts pour décrire la haine que je ressens pour toi en ce moment.

L’intensité de mon regard doit être efficace, tout comme la froideur de ma voix, car je le vois reculer d’un pas, comme si je lui avais porté un coup à l’estomac. Puis, les mâchoires serrées, il se redresse, me toisant de toute sa hauteur.

— Et pourquoi ?

— Vraiment ? Il faut vraiment que je te le dise ? Eh bien je ne sais pas, commençons par ce que ça peut me faire de te voir là, surtout aujourd’hui, avec Carrie. Ou est-ce qu’il faut que je te parle de la dernière fois qu’on s’est vu ?

— La dernière fois qu’on s’est vu, c’est toi qui m’as foutu dehors, je te signale.

J’en reste coite. J’avais presque oublié cet épisode. Alex avait débarqué à la sortie de mes cours alors que je lui avais expressément demandé de disparaître de ma vie pour me permettre de l’oublier, et j’ai vu tellement rouge que je n’ai pas été des plus agréables. Mais je ne lui ai certainement pas montré la porte.

— Je… Non, ça ne s’est pas passé comme ça… Je…

— Tu ne m’as pas dit clairement de partir, mais c’était tout comme.

J’hésite. Tout se mélange dans ma tête. J’avais été odieuse tant j’étais surprise de le voir arriver comme ça. Et, avec lui, dès que mon cerveau ne sait pas comment analyser une situation, la colère prend le relais.

— Tu es venu, je t’avais supplié de ne plus me faire de mal, et tu es venu quand même…

Ma voix se brise. La colère s’est subitement retirée, ne laissant que la douleur…

— Tu as été claire. Tu m’avais demandé de choisir et de revenir si je t’aimais. Ce jour-là, je venais de faire mon choix. Tu…

Je secoue la tête, perdue.

— Non, je t’ai juste demandé de me laisser t’oublier.

— Peut-être que si tu avais ressenti quelque chose pour moi, ton choix aurait été autre et que tu serais revenu vers moi…

Il me cite. Il cite la seule partie que j’ai laissée ouverte dans ma lettre, celle dans laquelle j’avais aménagé une sorte de porte de sortie, s’il voulait changer d’avis… Et dont j’avais totalement oublié l’existence, tant j’avais perdu espoir.

Je le regarde, horrifiée, et la panique que je lis dans ses yeux m’indique que lui aussi vient de comprendre.

Je n’ai jamais réussi à m’expliquer pourquoi il était revenu ce jour-là. Je l’avais presque occulté de ma mémoire, me raccrochant inconsciemment à la dernière belle journée passée en sa compagnie.

Il m’avait choisie… Il était simplement revenu vers moi parce qu’il m’avait choisie…

Alex 3Ça faisait un bail

Je finis de me préparer devant le miroir quand j’y vois le reflet de Carrie qui entre dans la chambre. Elle s’approche doucement et se serre contre moi. Je bascule le poids de mon corps en arrière pour me mettre contre elle et lui rendre son étreinte.

Pas besoin d’observer son visage pour savoir qu’elle est inquiète.

— Tu sais bien que tu n’as pas à t’en faire.

— Vraiment ? soupire-t-elle en se serrant plus fort contre mon dos. Moi je pense que j’ai les meilleures raisons du monde de m’inquiéter.

— C’est loin tout ça, soupiré-je. Maintenant on vit ensemble, et j’ai arrêté les conneries.

Elle frotte doucement sa joue contre mon épaule.

— Oui, je sais. Mais avec elle, c’est différent.

— Non, c’est bon. Je t’assure que je ne pense plus du tout à elle comme ça.

Plus depuis qu’elle m’a montré à quel point elle se fichait de moi, ce jour où je suis venu la retrouver.

Je ne m’attendais pas à ce qu’elle m’accueille à bras ouverts, mais… en fait, si. Je pensais qu’elle serait heureuse de voir que je l’avais choisie. Dans ma tête, je la voyais déjà me sauter au cou, un peu comme dans ces films qu’elle aime regarder. Elle m’aurait embrassé passionnément en me disant qu’elle aussi elle m’aimait. Mais au lieu de ça, elle n’a fait que m’aboyer dessus en me faisant bien comprendre qu’elle ne voulait plus de moi dans sa vie.

J’ai mis pas mal de temps à digérer ça et à m’en remettre. Carrie était là, elle m’attendait patiemment. Jusqu’à ce que, naturellement, les choses se fassent…

Je ne peux pas dire que je n’ai pas pensé à elle de temps en temps. Souvent même… Mais j’ai tiré une croix dessus.

Et puis il y a eu ce coup de fil, avant-hier. Elle était clairement bourrée.

— Alex… Je… Tu me manques tellement… Je t…

Ensuite, il y a eu un drôle de bruit, j’ai vaguement entendu la voix de Léa en train de râler, et ça a coupé.

Ça m’a remué, je l’avoue. Alors quand Steph m’a dit qu’ils fêtaient son anniversaire ce soir à la Crypte, j’ai sauté sur l’occasion. Je suis très clair dans ma tête, je suis vraiment bien avec Carrie. C’est juste que je veux en avoir le cœur net. J’ai un goût d’inachevé en repensant à cette histoire et si je lui parle, je pourrai peut-être comprendre pourquoi elle m’a écrit cette saleté de lettre alors que clairement elle n’a jamais voulu être avec moi.

Alex 4Boomerang

Quand je la revois, descendant les marches dans sa petite jupe et ce haut qui a l’air carrément moulé sur son corps, ça me fait un plus gros choc que ce à quoi je m’étais préparé.

Ce n’est plus la jeune fille de dix-sept ans que j’ai connue. Ses traits se sont très légèrement affinés, ses joues sont moins pleines. Maquillée et habillée comme ça, elle a vraiment l’apparence d’une jeune femme. C’est une jeune femme d’ailleurs.

Mais peu importe. Il n’y a jamais réellement eu quelque chose entre nous. Je m’étais juste bêtement emballé en pensant qu’elle ressentait la même chose que moi. Tout en prenant une grande inspiration pour garder le contrôle, je prends la main de Carrie, me souvenant de ce que j’ai maintenant, et qui est bien plus important.

Au moment où le regard de Cat croise le mien, elle devient blême. Je n’aurais peut-être pas dû venir, finalement. Elle a vraiment l’air contrarié. C’est même plus que ça. Il y a tant de haine dans son regard… Comme si elle préférerait me voir mort plutôt qu’ici.

La voir si agressive sans raison commence à me taper sur le système. Il est vraiment temps que j’aie une explication. Quand elle attrape son paquet de cigarettes et sort fumer, j’attends quelques instants avant de la suivre. Je me glisse derrière deux gars qui sortent en titubant du bar et la trouve dehors, l’air toujours aussi furieux. J’ai besoin de savoir pourquoi elle me déteste tant.

Quand, enfin, nous nous expliquons, elle s’entête à me dire qu’elle m’avait demandé de ne plus jamais revenir. Mais la seule chose que j’aie retenue de sa lettre, cette lettre que j’ai lue et relue un million de fois jusqu’à la foutre au feu pour arrêter de me faire du mal, c’est quand elle m’a dit que si je l’aimais, je devais lui revenir.

Je me souviens très bien de ce jour-là. Quand je suis tombé sur l’enveloppe chez Basile, que j’ai vu mon nom dessus, il m’a dit qu’il l’avait complètement oubliée. Je savais qu’elle venait d’elle avant même de l’ouvrir. La façon dont mon nom était écrit sur l’enveloppe, de cette écriture si ronde et féminine… Je me souviens avoir bondi dans ma voiture avant même de finir de lire la lettre. Je ne pensais plus qu’à la rejoindre.

Devant son regard perdu, je comprends alors que jamais on n’a été sur la même longueur d’onde. Elle n’a pas compris que j’étais venu la retrouver, elle a cru que j’étais juste venu me rappeler à elle, l’empêcher de m’oublier, pour repartir et l’abandonner encore et encore.

J’ai l’impression d’être pris dans les rouleaux d’une lame de fond et de me noyer, complètement désorienté.

C’est pour ça qu’elle est tellement en colère contre moi !

Mais c’est trop tard. La situation est désespérée. J’ai mis des mois à cesser de l’aimer. Maintenant je suis heureux sans elle. J’ai appris à être sans elle. C’est comme si j’avais mis tous mes sentiments dans un boomerang que j’avais jeté au plus loin de moi, et qu’il me revenait en pleine gueule.

Chapitre 5Pas de danse

Au bord des larmes, je concentre tout ce que je peux encore rassembler de mes forces pour les retenir, car si je me laisse aller, je ne saurai plus jamais les arrêter.

Il se passe les mains dans les cheveux, suspendant son mouvement lorsqu’elles arrivent à l’arrière de sa tête, comme chaque fois qu’il est égaré. Jamais je ne lui ai vu un tel regard, c’est comme si mille pensées parcouraient son esprit et qu’il en avait perdu la raison.

— Je n’avais pas compris…, dis-je dans un souffle.

— C’est trop tard, murmure-t-il en baissant brusquement les bras.

Je suis incapable de répondre à cela. J’ai l’impression de m’être effondrée au sol, et que seul mon corps n’a pas suivi le mouvement. Mais Alex n’attend pas de réponse, il parle plus pour lui-même qu’à mon intention.

— C’est trop tard… Ça devait être comme ça… C’est que c’est mieux ainsi.

Tout à coup une vive douleur me saisit, me faisant tressaillir et me permettant de sortir de ma léthargie par la même occasion. Ma cigarette s’est consumée sans que je m’en rende compte, jusqu’à me brûler les doigts.

Au même moment, des bruits de talons résonnent dans les marches près de nous. Carrie nous rejoint, un grand sourire aux lèvres.

— Alors, vous venez ?

Alex acquiesce et elle l’entraîne dans son sillage. Je décide de descendre également, mais uniquement dans le but de récupérer mon sac. Ma seule et unique envie est de rentrer chez moi et de pleurer dans mon oreiller jusqu’à ne plus avoir de larmes.

Léa me rejoint pile au moment où je reviens vers la table pour reprendre mes affaires tout en en profitant pour vider mon verre.

— Tu fais la gueule ?

— Non, peut-être… Je ne sais pas.

Elle soupire bruyamment.

— Oh, t’es chiante. C’est ton anniversaire !! Je croyais que tu passais à autre chose, que tu voulais t’amuser et te créer des moments ! précise-t-elle en signant des guillemets avec ses doigts pour montrer qu’elle me cite.

Je saisis la bouteille et remplis ma coupe, que je bois d’un trait. Avec ces deux verres de plus, mon esprit commence à s’embrumer et la douleur dans ma poitrine à s’engourdir.

Je pose brutalement mon verre et le remplis à nouveau.

— Ouais, t’as raison. Créer des moments.

Je hoche la tête plus longtemps que nécessaire. Il est hors de question qu’ils gâchent mon anniversaire. J’ai déjà passé l’intégralité de mes dix-sept ans à pleurer sur mon sort… Ça suffit !

Je passe devant Alex et Carrie (et note au passage qu’il a le bras autour de sa taille) et me dirige vers la piste d’un pas décidé, faute d’être ferme.

Cette fois, je suis suffisamment éméchée pour onduler au rythme de la musique.

Au bout de quelques danses, des mains chaudes se posent sur mes hanches. J’aimerais pouvoir penser que c’est lui, mais il est assis à notre table avec Steph.

Je me tourne lascivement pour découvrir un beau brun large d’épaules. Mon premier réflexe serait de m’éloigner de lui, sauf que je suis clairement ivre. Pas au point d’en avoir un trou de mémoire comme jeudi, il doit me manquer encore un verre pour cela. Et surtout j’ai envie de m’amuser, de me prouver qu’Alex n’a pas le contrôle de ma vie, que c’est moi qui l’ai, et de lui montrer qu’il n’a pas détruit mon cœur trente minutes plus tôt.

Je me colle contre ce bel inconnu et danse langoureusement tout contre lui, tandis que ce dernier suit les mouvements de mon bassin tout en continuant de me tenir par les hanches.