Chemins croisés - Tome 3 - Sarah Dheilm - E-Book

Chemins croisés - Tome 3 E-Book

Sarah Dheilm

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Beschreibung

Leurs chemins se recroiseront-ils un jour ? 

Cat et Alex suivent dorénavant leur propre destin. Cette fois, c’est certain, leurs routes ne se croiseront plus. Dans son cheminement vers l’âge adulte, Cat va se découvrir des failles qu’elle ne soupçonnait pas. Alex, quant à lui, essaie désespérément de reprendre sa vie en main. Mais, même s’ils essaient d’avancer et de faire face aux obstacles, les deux anciens amants restent hantés l’un par l’autre. Parviendront-ils à s’oublier ou leurs chemins sont-ils inexorablement destinés à se retrouver ?

Découvrez dans ce dernier tome quelle fin est destinée à Cat et Alex, dont l’amour passionnel est plus destructeur que salvateur.  


À PROPOS DE L'AUTEURE


Sarah Dheilm a toujours aimé extérioriser sa créativité en dessinant ou en écrivant. Il y a cinq ans, frustrée que ses lectures ne prennent pas le chemin qu'elle souhaitait, elle a décidé d'écrire elle-même ses histoires.


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Note de l’auteure

Bonjour (ou bonsoir) à toi, lecteur (si tu n’aimes pas être tutoyé, tu peux transposer ce texte à la deuxième personne du pluriel).

Dans ce troisième tome, tu vas retrouver Cat et Alex. Si tu ne vois pas de qui je parle, il va falloir lire Chemins croisés – Tome 1 : 17 ans, et Chemins croisés – Tome 2 : 18 ans (dans cet ordre).

La petite nouveauté dans ce tome 3, c’est que les points de vue de Cat et d’Alex sont en deux parties totalement indépendantes l’une de l’autre.

Se rejoindront-elles ? Suspense…

Tu peux d’abord lire le point de vue de Cat, et ensuite celui d’Alex. Ou l’inverse. C’est à toi de décider. Tu peux même passer de l’un à l’autre autant que cela te plaît.

Pour rendre les choses un peu plus faciles à suivre, tu trouveras des indices de dates au début de certains chapitres.

Je te souhaite une bonne lecture, et une bonne gymnastique.

PS : Si tu veux lire les deux histoires séparément sans te spoiler la fin, change de point de vue quand tu arrives au mois de décembre…

CAT

Prologue

Mes pieds me font mal à force d’avoir marché pieds nus dans la rue. Je me souviens vaguement avoir ôté mes chaussures, elles me blessaient trop la peau. Puis je me suis retrouvée sur ce pont. Mes cheveux, chassés par le vent, fouettent mon visage, brouillant davantage ma vision.

Tant pis.

Le contact avec le métal clouté du pont est glacial. Mais je suis trop coupée de la réalité pour frissonner ou avoir une quelconque réaction au froid.

Alors que je vacille, une part de moi, la dernière encore quelque peu consciente des événements, essaie de se souvenir de comment j’en suis arrivée là.

Février - Deux mois plus tôt

Chapitre 1 : Premier pas

— Tiens.

Léa me regarde de son air le plus noir. Je lève les yeux au ciel tout en prenant le joint que Max me tend avec un air interrogateur.

— C’est bon, Léa, ça ne va pas me tuer.

Je sais que ce que je m’apprête à faire n’est pas ce qu’il y a de plus raisonnable, mais j’en ai besoin pour me détendre. Cela fait trois fois que nous sortons avec Max et sa bande d’amis. Je sais qu’il désire plus que ma simple amitié. Et je sais aussi qu’il est temps que je me fasse violence et que j’avance.

Mais la simple idée d’embrasser un autre me serre le cœur et je m’en sens incapable. Un petit coup de pouce ne sera sans doute pas superflu. Avant de porter le joint à mes lèvres, je finis mon verre de vodka-pomme. La piqûre de l’alcool me serre la gorge, la brûlant au passage. Elle se fait cependant moins forte qu’à la première gorgée.

— Ouais, j’en suis pas sûre, moi. Ça reste de la drogue.

Toto, le meilleur ami de Max, se met à rire grassement.

— Ouais, fais gaffe, un joint et tu vas devenir toxico.

Il me prend l’objet du délit des mains, tire une bouffée et souffle sa fumée en direction de Léa, qui se met à tousser tout en chassant la fumée de ses mains, son regard se faisant d’autant plus sévère. Toto rit de plus belle.

— Ça y est, rien que ça et tu vas être intoxiquée.

Toto me rappelle Basile, mais en version stupide. Je marche déjà sur des œufs avec Léa en ce moment, et il ne m’aide pas en la provoquant ainsi.

— Bon, allez, Cat, viens, on y va.

Les sourcils froncés, je prends un court instant pour réfléchir.

— Non, vas-y. Je rentrerai plus tard. Max, tu pourras me ramener ?

— Bien sûr.

Toto ne peut s’empêcher de faire un clin d’œil appuyé à Max, lui signifiant qu’il a sans doute gagné sa soirée. L’angoisse commence à me tordre l’estomac à l’idée qu’il a sans doute raison, et ma tension s’allège à peine en voyant Max lever les yeux au ciel d’un air agacé.

— OK, ben salut alors, nous annonce Léa après avoir soupiré bruyamment. On se voit en cours demain, j’imagine.

J’acquiesce d’un hochement de tête, puis attrape le joint qui trône dans le cendrier.

Avalant une nouvelle bouffée de fumée, je fais mine d’être détendue. En réalité, je suis extrêmement mal à l’aise. Max est gentil, mais ses amis sont d’un genre particulier. Il a l’air d’un ange à côté d’eux.

— Tu devrais arrêter de faire ça.

Je me tourne vers Max, l’air interrogateur. Il se contente de porter un regard appuyé sur mon bras.

Je m’aperçois alors que j’ai glissé la main sous la manche de mon pull et que je suis en train de me gratter le poignet en remontant le long de mon avant-bras, lacérant discrètement ma peau au passage.

Je n’ai pas le souvenir de l’avoir laissée cicatriser depuis… Noël dernier. C’est comme si me blesser ainsi me permettait d’évacuer la douleur. J’ai besoin d’avoir mal, mal dans ma chair comme j’ai mal dans le cœur.

Les beaux jours revenant, il va falloir que je perde mes mauvaises habitudes. Si cacher l’état de mon bras est facile sous un haut à manches longues, ce sera plus dur quand un temps plus clément appellera aux petits hauts d’été.

— Montre-moi.

Alors que Max tend les mains vers mon poignet, je retire brusquement ma main de mon genou.

— Ce n’est rien, juste un peu d’eczéma.

Je ne saurais dire si j’ai reculé ainsi parce que je ne veux pas qu’il se rende compte d’à quel point j’ai perdu la raison, ou si c’est l’idée de la promiscuité d’un contact physique avec lui qui m’effraie.

Fred, l’ami de Max chez qui nous sommes, se lève et va chercher de quoi remplir nos verres. Le ratio alcool/jus de pommes semble se faire de plus en plus en faveur de la vodka, mais il me faut au moins ça pour dépasser mes peurs.

Lorsque je bois une gorgée du breuvage que me tend Fred, la brûlure dans ma gorge confirme qu’il y a été fort, et les larmes m’en montent aux yeux.

Quand nous sortons de chez Fred, je chancelle presque. Le mélange de joints et d’alcool est explosif mais il a le mérite d’avoir fait passer mes états d’âme, pour le moment tout du moins.

Max a dû sentir que mon équilibre est mis à rude épreuve car je sens sa main s’appuyer contre mon dos, me guidant jusqu’à sa voiture.

Alors qu’il sort ses clés pour l’ouvrir, je m’appuie contre la portière, aspirant à grandes goulées l’air frais de la nuit.

— Ça va aller ?

Je hoche la tête en fermant les yeux.

— Tu n’as pas l’habitude de fumer, n’est-ce pas ? ajoute-t-il.

— Non. Mais ça va. J’ai juste besoin d’une petite minute si ça ne te dérange pas.

Il sourit, posant un regard presque attendri sur moi. Je le regarde dans les yeux pour la première fois. Jusqu’ici j’avais toujours plus ou moins évité son regard. Il a de beaux yeux, il faut bien l’avouer. Ils sont entre le vert et le marron, légèrement ambrés.

Il se place devant moi, suffisamment près pour m’embrasser, mais pas assez pour que je me sente oppressée. Je sais que c’est le moment où, d’un geste, je peux repousser ses avances ou lui donner le feu vert.

Mon cœur et tout mon être me crient que je n’appartiens qu’à Alex. Mais ma raison me dit que c’est la seule façon d’en finir avec lui. Je ne l’oublierai pas, c’est une certitude indiscutable. Mais je dois cesser de me consumer à petit feu, frôlant la destruction.

Max pose lentement ses mains sur mes hanches, comme au ralenti, sans doute pour me donner une dernière occasion de faire marche arrière. Faute de participer à cet ersatz de moment romantique, je décide de simplement le laisser faire.

Alors qu’il dépose doucement ses lèvres sur les miennes, je sens une larme rouler sur ma joue.

Chapitre 2 : Cassée

Embrasser Max me donne l’impression de faire mes devoirs, sans enthousiasme, et de faire ce qui doit être fait. Mon instinct reprend malgré moi le dessus lorsque sa main droite quitte ma taille pour remonter doucement. Je ne peux retenir un hoquet de dégoût.

Les choses ne tournent plus rond chez moi. Cela fait des mois que c’est fini. Personne ne m’a touchée depuis. Max est gentil, même si ses fréquentations sont discutables. Il est plutôt mignon d’ailleurs. Très, en fait. La mâchoire carrée, large d’épaules, les cheveux châtains avec de légers reflets auburn… Mais c’est comme si j’avais été cassée. Ou plutôt déformée pour n’être que pour lui et pas pour un autre.

— Ça va ?

— Oui.

— Tu pleures ?!

— Quoi ? Je… Non, c’est le froid. Ça me fait ça des fois.

— Oh, tu me rassures, si je commence à faire pleurer les filles quand je les embrasse, je n’ai plus qu’à me pendre…

Je tâche de rire à sa plaisanterie mais reste muette de peur de m’effondrer en larmes si je prononce le moindre mot de plus.

Max me prend au dépourvu lorsqu’il se penche à nouveau vers moi pour m’embrasser. Fort heureusement, il ne peut percevoir mon mouvement de recul puisque mon dos est bloqué contre la voiture. Je ferme les yeux. Si son baiser ne me procure aucune sensation, il n’est pas désagréable non plus. Je suppose que si j’étais plus encline à laisser mon passé derrière moi, je trouverais cela plaisant.

L’alcool aidant, je rassemble mes dernières forces pour lui rendre son baiser et l’enlacer. Cette fois les mains de Max restent sagement posées derrière mon dos. Sous ses airs blagueurs, peut-être a-t-il compris pourquoi j’avais interrompu notre baiser juste avant…

Nous nous embrassons ainsi durant une éternité, du moins c’est l’impression que j’en ai. Lorsqu’enfin Max se détache de ma bouche, son sourire me laisse penser qu’il a apprécié les dernières minutes écoulées et n’a pas perçu mes réticences. J’essaie de lui rendre son sourire, mais malgré tous mes efforts, les coins de mes lèvres se soulèvent à peine. Cela fait trop longtemps que mes zygomatiques n’ont pas été sollicités.

Cette fois, le sourire de Max s’estompe. Je ne dois pas être assez bonne comédienne.

— On rentre ?

— Oui.

Ma voix est rauque, comme toujours quand je retiens mes larmes depuis trop longtemps. Autant dire que depuis quelques mois, je pourrais devenir une vraie chanteuse de rock avec mon timbre constamment rocailleux.

Max trouve sans peine le chemin de ma résidence universitaire puisqu’il y habite également. Je le laisse au premier étage, où se situe sa chambre. Il me dépose tendrement un baiser sur la joue en me souhaitant une bonne nuit. Je ne demande pas mon reste et me dépêche de regagner ma chambre.

Comme d’habitude, maintenant que je suis enfin seule et que je peux enfin laisser mes larmes couler à loisir, je suis en panne sèche, vidée. Vide.

Seule la douleur dans ma poitrine se fait entendre. Lancinante. Pulsatile. Comme des vagues qui viennent encore et encore creuser un peu plus ma poitrine, qui s’érode tellement sous leur action que la bouche béante du gouffre qui y tient lieu et place s’agrandit un peu plus chaque jour, jusqu’à ce que bientôt il ne reste plus rien.

J’entends un ploc et perçois entre mes pieds un petit choc sur le linoléum. Je baisse les yeux et constate qu’une goutte de sang vient de s’y écraser, tandis que mes ongles creusent un peu plus la chair de mon avant-bras.

Chapitre 3 : Suivre le chemin

Plus les choses avancent avec Max, plus je me demande si je n’aurais pas dû m’abstenir de me mettre un coup de pied à l’arrière-train. Après tout, des tas de gens vivent célibataires, parfois pour toute une vie, comme les nonnes… Et bien que je n’en connaisse aucune, je suis convaincue qu’elles n’en sont pas malheureuses pour autant.

Certes ce n’était pas mon cas, c’en était même très loin, mais être avec Max n’aura pas forcément l’effet escompté. Cela dit j’imagine que ça pourrait être pire.

Une fois n’est pas coutume, je m’autorise à faire le point sur ce qui m’a conduit dans ses bras, à l’« après-Alex ».

Lorsque nous nous sommes quittés ce soir de décembre, tout semblait flou et clair à la fois.

Le laisser ainsi fut tout bonnement déchirant, et pourtant cela me semblait être une évidence, la suite logique d’une histoire très certainement vouée depuis le début à l’échec. La souffrance de ne plus être avec lui était revenue en même temps que tout le reste. J’avais été submergée par tout ce que j’avais remisé inconsciemment au fond de moi. Le père de Carrie avait raison : mon esprit s’était protégé des derniers événements. Là où j’avais fait erreur, c’est d’avoir pensé que cela était dû à la rupture avec Alex. Je ne m’étais pas doutée d’à quel point j’avais été terrorisée par Kevin et ses sbires. C’est lorsque je me suis retrouvée là-bas, dans l’incertitude de la nuit, que tout m’est revenu en pleine figure.

Une fois l’affolement passé, j’avais ensuite dû me rendre à l’évidence : je n’étais pas faite pour le monde d’Alex, et il avait besoin de quelqu’un de solide pour l’accompagner et le sortir de sa tourmente. Ce qui n’était clairement pas mon cas, pauvre petite chose fragile qui fuit au premier problème…

La douleur a été vive les semaines suivantes, mais elle a fini par s’atténuer. Elle revenait par vagues, de plus en plus rares, imprévues… Elle me submergeait subitement, sans raison, m’entraînant temporairement vers le fond, même si je tâchais de garder la tête hors de l’eau. Et je me suis fait peu à peu une raison. Alex n’était pas l’homme de ma vie, en tout cas pas celui qui la partagerait, et il fallait que j’avance et que j’arrête de regarder sans cesse en arrière. Après tout, à dix-huit ans, on a la vie devant soi !

Et puis, un soir, en revenant seule de cours, je suis tombée sur Max. On se croisait de temps en temps, dans les escaliers ou dans le hall du bâtiment. Chaque fois, il arborait un grand sourire en nous saluant Léa et moi. En première année, il m’avait déjà proposé d’aller boire un verre, mais j’avais poliment décliné à cause… d’Alex.

À y repenser, c’était tellement ridicule… J’avais passé plus de temps sans lui, à me morfondre et surtout à me fermer à ceux qui m’entourent, que je n’en avais passé avec lui !

Alors, quand Max a réitéré sa proposition, j’y ai vu un moyen de faire un pied de nez au destin, un signe, que sais-je…

J’ai donc accepté une première sortie, le soir même. J’en ai découvert un peu plus sur Max ce soir-là.

Il est calme, toujours posé et souriant. Drôle, aussi, même si je suis mauvais public ces derniers temps, mais j’essaie de m’arranger. Il a une petite fossette au menton que je devrais trouver carrément sexy. Quand il ne vit pas dans notre immeuble d’étudiants, il habite à quatre-vingts kilomètres de là, à l’exact opposé de la ville d’où je viens. Enfin, venais. Détail amusant, c’est exactement ce que j’avais raconté sur son compte, un certain soir où je nous avais inventé une amourette. Et ça le rapproche de chez ma tante.

À chaque rendez-vous, j’ai cependant tâché d’esquiver les moments de rapprochement qui auraient pu conduire à une nouvelle étape de ce qui semble se dessiner comme une vraie relation.

Jusqu’à hier soir, quand nous nous sommes embrassés.

Je soupire et me laisse tomber dans mon lit en serrant mon oreiller dans les bras.

Somme toute, je suis plutôt fière de moi, finalement. Ce n’était pas si horrible, il est gentil, mignon, vraiment mignon à vrai dire, n’essaie pas de me tenir loin de lui. Ou de me faire croire qu’il est quelqu’un d’autre. Bon, il doit bien avoir un passé. Mais tout le monde n’a pas un passé vraiment peu reluisant dès le début de son passage à l’âge adulte.

Au fond de moi, j’espère qu’Alex va mieux, lui aussi. J’ai eu trop honte de ne pas avoir été à la hauteur pour oser prendre de ses nouvelles. Je ne suis de toute façon pas de celles qui gardent le contact avec leurs ex, je me sais incapable de passer à autre chose. Cependant, j’aimerais savoir s’il va bien, s’il a réussi à chasser ses démons. Peut-être la culpabilité serait trop grande si j’apprenais que ce n’était pas le cas. Finalement, je dois reconnaître que je suis lâche : je préfère ne pas savoir plutôt que de découvrir qu’il continue de se détruire à petit feu… En l’occurrence, je pense qu’on peut davantage parler d’un brasier étant donné sa façon de s’y prendre.

Les remords et les regrets me tordent l’estomac en remuant toutes ces pensées, mais il me faut moi aussi relever la tête et me montrer égoïste. J’essaie de remonter la pente. De toute façon, remuer le passé et surtout une décision qui ne dépend pas de moi – après tout, il a dit lui-même qu’il avait eu raison de me quitter – ne sert à rien, à part à souffrir davantage.

Je n’ai fait que survivre ces derniers temps, de moins en moins péniblement… Je suppose qu’on peut considérer que c’est plutôt bon signe et que je suis sur la bonne voie.

Je suis au milieu de toutes ces pensées entremêlées entre passé, présent et avenir, lorsque Léa entre et me ramène à la réalité de ma petite chambre d’étudiante.

— Tu es prête ? On doit partir en cours dans cinq minutes.

— Oui, encore un coup de peigne et c’est bon.

Elle me regarde du coin des yeux, la bouche tordue par une moue désapprobatrice. Il est temps de passer par l’étape du sermon…

— Oh, vas-y, dis ce que tu as à dire, qu’on puisse passer à autre chose.

— Tu sais très bien ce que j’en pense. Ils sont bizarres, les copains de Max.

— Bizarres mais drôles, et sans prise de tête.

— Bizarres et drogués, oui, plutôt !

Je lève les yeux au ciel.

— C’est bon, ce n’était qu’un simple joint. La plupart des étudiants en fument, je te signale. Même Chris nous a avoué que ça lui était déjà arrivé !

— Oui, et j’ai failli rompre avec lui alors qu’il n’avait tiré qu’une latte ! Franchement, je les sens pas, ces gars-là, ils sont définitivement trop bizarres.

Les yeux clos, j’enfonce ma tête entre mes mains. Avec Léa tout est toujours tout blanc ou tout noir, sans nuances. Et il est peine perdue d’essayer de lui faire voir les choses autrement. Plus ça va, et moins je peux me confier à elle. Elle a toujours un avis tranché sur tout, et comme elle part du principe que son avis est universel, quiconque s’avise de ne pas abonder dans son sens est targué de personne non fréquentable/à éviter/qui n’est pas dans le droit chemin – c’est-à-dire le sien.

— Oui, tu as raison. Que veux-tu, il faut croire que je n’aime être qu’avec les pires personnes du monde. Bon, on y va ?

Léa ne décroche pas un mot durant tout le trajet jusqu’à la fac. J’aimerais lui parler du baiser que j’ai échangé avec Max hier soir, mais je n’en vois pas l’intérêt. Nous ne sommes plus sur la même longueur d’onde depuis quelque temps. Il faut dire qu’il faudrait être branché sur une fréquence totalement perturbée pour réussir à me comprendre…

Arrivées aux trois quarts du cours, elle fait glisser vers moi la feuille habituelle qui nous permet d’avoir une conversation discrète.

L – Alors, t’as fini la soirée avec Max ?

C – Il m’a ramenée, oui.

L – Vous avez fait crac-crac ?

C – Non. Premier baiser.

L – Seulement ? Ça m’étonne de toi !

C – Je ne couche pas à tout va !

Dès que le professeur nous libère, nous reprenons notre conversation de vive voix.

— Ça n’a pas toujours été le cas, je te rappelle…

— Quoi ?

— Coucher au bout d’une semaine.

— Ça n’a rien à voir.

— Un garçon, une fille…, commence-t-elle en faisant un cercle d’une main tout en faisant rentrer son doigt dedans. Quelle différence ? Et ne me dis pas que tu aimais Alex, tu le connaissais à peine quand il y a eu cet épisode dans les bois.

Je ne peux pas m’empêcher de frissonner en l’entendant prononcer son prénom, ce qui a au moins le mérite de me décontenancer suffisamment pour m’empêcher de me mettre en colère.

— Ne compare pas l’incomparable. Entre Alex et moi, il y a eu cette espèce d’alchimie dès l’instant où on s’est rencontré. Personne ne me fera plus jamais un effet pareil.

— C’est triste que tu penses ça.

— C’est un état de fait, que veux-tu que je te dise…

— Tu veux dire que tu penses que tu ne vivras plus jamais un truc pareil avec un autre garçon ? À bientôt dix-neuf ans, je t’assure que c’est triste de te dire que ta vie amoureuse a fini avant de commencer.

— Justement, j’essaie de me lancer dans une nouvelle relation, et tu es déjà en train de me dire que c’est une mauvaise idée.

— Je te dis juste que son entourage est bizarre.

— Oui, ben il faut bien que je me remette le pied à l’étrier. Le principal, c’est que ça me fasse du bien, peu importe si c’est bien ou mal aux yeux des autres.

— Ouais, tu te fiches de mon avis, quoi.

— Je ne te l’ai pas demandé, je te signale.

Agacée, je force l’allure pour m’éloigner de Léa avant qu’elle n’ait le temps de répondre autre chose. Je me fiche pas mal de son monde binaire, où tout n’est que blancheur immaculée ou sombres ténèbres, je me fiche pas mal de ce que pense quiconque. Même de ce que je pense moi, en fait. J’en ai fini d’analyser les choses. Je veux juste mettre des œillères et avancer sans me poser de questions. J’ai besoin de simplicité, et Max est simple, ça fera très bien l’affaire.

Chapitre 4 : Champion

Je fais escale deux étages plus tôt que prévu. Max m’accueille avec un sourire charmeur. L’espace d’un instant, j’ai une montée d’angoisse en me demandant si maintenant que nous avons échangé notre premier baiser, il va m’embrasser. Mes pas m’ont guidée ici sans même que je ne le décide réellement, et je n’ai pas eu le temps de me préparer psychologiquement.

Il m’invite à entrer d’un geste et me dépose un simple baiser sur la joue. Je sens le rose me monter au visage.

Sa chambre est l’exacte réplique de la mienne, à ceci près qu’elle est inversée : les meubles sont disposés en un parfait miroir des miens. Elle est propre et bien rangée, quelques trophées trônent sur les planches de la bibliothèque au-dessus de son lit. Plusieurs livres, un bloc-notes et un crayon sont posés sur son bureau, il était de toute évidence en train de travailler.

— J’espère que je ne te dérange pas.

— Non, au contraire, tu me donnes une bonne excuse pour faire une pause.

Il me fait un clin d’œil tout en m’invitant à m’asseoir sur son lit. Avant de prendre place, je passe machinalement un doigt sur le bord de la plus grosse coupe de son étagère. Elle est joliment ciselée, et sur son socle, une petite plaque gravée porte l’inscription « championnat national de rugby ».

— Tu as remporté un championnat ?

— Oui, j’étais capitaine. Mais je n’ai plus le temps de jouer, enfin je continue de temps en temps, mais les championnats, c’est fini, avec les études.

Je tourne les yeux vers lui et mon regard se porte inévitablement sur ses épaules puis descend sur son torse. Je le trouvais plutôt carré, mais je réalise qu’il n’est pas juste large d’épaules. Sous son tee-shirt, on devine une jolie musculature, toute en finesse mais suffisamment puissante pour faire pâlir d’envie bon nombre de ses congénères. Le vêtement moule ses pectoraux et descend sur son ventre sans le toucher, signe qu’il doit être sans une once de gras.

Je m’assieds en m’apercevant que je me mords la lèvre inférieure. J’ignore s’il l’a remarqué, mais un silence gêné s’installe et je ne peux m’empêcher cette fois de regarder le sol.

— Que me vaut ce plaisir ? demande Max en s’installant sur une chaise, face à moi.

— Je rentrais de cours, et j’ai eu envie de passer te voir.

— Tu as bien fait, je pensais à toi justement.

Je jette un coup d’œil sur la tranche d’un des livres posés sur son bureau.

— Tu pensais à moi en bûchant sur un traité de génie enzymatique et cellulaire ?

— Tu n’as pas idée de ce qu’on peut trouver dans ces livres.

Il se met à rire doucement et je me joins à lui.

— Ça te va bien, tu sais, dit-il en continuant de sourire.

— Quoi donc ?

— De sourire. Ça ne t’arrive pas souvent, tu as toujours l’air… d’être perdue dans tes pensées.

— Oh… Disons que ces derniers temps, je n’ai pas été dans mon assiette.

Il fronce les sourcils et me regarde intensément, comme s’il cherchait à me sonder. Peut-être devrais-je lui dire que je suis en morceaux et que j’essaie de me recoller ? Ça sonne si pathétique…

Il se penche vers moi, puis passe doucement son pouce le long de ma paupière inférieure. La sensation de fraîcheur me fait comprendre qu’il essuie une larme solitaire. Décidément, j’ai passé tant de temps à être incapable de pleurer… et me voici à verser une larme sans même m’en apercevoir.

— J’espère que ça ira de mieux en mieux maintenant.

Il a parlé si doucement que sa voix était à peine perceptible. Je hoche faiblement la tête, et cette fois, c’est moi qui initie notre baiser. J’ai besoin de réconfort, et c’est ce que m’offre la douceur de ses lèvres. Je suis aussi celle qui le rompt. Il devenait plus intense, et j’ai préféré arrêter là lorsque j’ai senti ses lèvres s’entrouvrir.

Je me lève, et il fait de même en mettant les mains dans les poches arrière de son jean, l’air décontenancé.

— Il faut que j’y aille, Léa doit se demander où je suis passée.

— Oui, bien sûr.

— Bon, ben, à bientôt.

— Attends. Il y a une soirée samedi, ça te dit de venir avec moi ?

La perspective d’une soirée avec Max sans Léa comme chaperon, puisqu’elle rentre chaque week-end retrouver Chris, devrait m’enchanter. Bien entendu, elle me l’effet inverse et je sens une vague de panique poindre dans mon estomac.

Devant mon hésitation, le visage de Max se ferme.

— C’est pas grave, laisse tomber.

— Non, non. C’est une super idée, bien sûr que je veux venir.

J’ai bien peur d’avoir mis une touche d’enthousiasme de trop. Max a l’air surpris mais décide finalement de me lancer un sourire amusé.

— OK, je passe te prendre à 20 heures alors.

— OK, ça marche.

Je file sans demander mon reste avant que l’idée de me dire au revoir comme il se doit ne lui prenne.

Chapitre 5 : Contre-visite

Je reste assise dans ma voiture un long moment. J’avais trouvé l’adresse du docteur Ficheur dans l’annuaire il y a déjà bien longtemps, un jour où je repensais à Alex et au moyen d’avoir de ses nouvelles. Il a coupé les ponts avec tous les membres de la bande depuis notre rupture, mais étant donné l’inquiétude qui emplissait les yeux de cet homme lorsqu’il est venu me voir ce soir de décembre, si quelqu’un doit avoir des informations, c’est bien lui.

Je suppose que c’est la perspective de sortir « en amoureux » avec Max qui m’a fait sauter le pas et m’a décidée à le rencontrer. J’ai besoin d’avoir toutes les cartes en main pour décider de ce que j’attends de cette soirée.

Cependant, plus je patiente devant son cabinet, plus je me dis que c’est une mauvaise idée de vouloir remuer le passé. Il y a toute une variété de réponses qui peuvent m’être données par cet homme – ou peut-être aucune ? –, et en y réfléchissant bien, j’ai peur qu’aucune ne puisse me satisfaire. Si Alex est dans le même état ou si la situation a empiré, j’en aurai le cœur brisé, mais suis-je prête à entendre qu’il va mieux maintenant qu’il m’a rayée de sa vie ?

Je rassemble mon courage et sors de la voiture. Au même moment, la porte s’ouvre, et je vois l’homme qui était venu me demander – m’implorer même – de sauver son protégé sortir, sa trousse à la main. Il s’arrête brusquement lorsque ses yeux se portent sur moi et blêmit. En voyant son regard me fuir, je jurerais même qu’il a envisagé de se sauver pour éviter notre inéluctable rencontre. Puis son visage se ferme, se revêt d’un air déterminé, et l’espace d’un instant je reconnais en lui les traits de Carrie, dans la version pleine d’assurance qu’elle arborait le jour où elle s’est accrochée au cou d’Alex lors de notre toute première sortie, mettant fin une première fois à notre idylle. Mes jambes semblent vouloir se dérober mais maintenant que je suis là, je ne peux plus faire marche arrière. Il semble que nous soyons tous deux coincés par mon idée saugrenue de venir aux nouvelles…

— Bonjour, mademoiselle.

Sa voix est posée, mais je sens y couver un mélange d’inquiétude et de… panique ?

— Bonjour, docteur Ficheur. Je suis désolée de venir à l’improviste, auriez-vous quelques instants à m’accorder ?

— Eh bien, je suis un peu pressé, mais je suppose que vous avez fait un long chemin. Entrez, je vous prie.

— Merci.

Il s’écarte pour me laisser passer, me montrant le chemin de la main. Je pénètre dans un couloir lambrissé le long duquel sont disposées trois chaises de la même teinte de bois sombre, très certainement pour permettre à ses patients d’attendre leur consultation.

La porte de la pièce qui lui sert à les recevoir est vitrée, d’un verre dépoli qui laisse leur intimité aux patients. Il ouvre la porte à clé puis m’invite à entrer.

La salle est sombre mais chaleureuse. Elle semble sortie d’un autre temps. Les murs sont également décorés de lambris couleur chêne sur leur partie basse, la moitié haute est tapissée d’un papier peint crème parsemé de petites fleurs çà et là. Les meubles sont assortis aux lambris : les chaises sont garnies de velours rouge sur l’assise et le dossier, maintenu par de gros clous d’un doré légèrement passé. Un divan de la même facture se trouve le long du mur, encadré de deux magnifiques bibliothèques emplies de livres de médecine d’un côté et de psychanalyse de l’autre.

Son immense bureau de chêne massif trône un peu à l’écart. Il n’y a qu’un dessous de main en cuir rouge, un porte-plume et un magnifique globe terrestre aux couleurs d’antan qui sont posés sur sa surface lustrée.

La disposition des lieux indique de manière évidente que lorsqu’il parle avec ses patients, il s’installe sur la chaise qui fait face au divan et aux deux autres sièges, sûrement pour favoriser ses échanges avec eux. Cependant il décide de s’installer dans le fauteuil en cuir derrière son bureau. Il est clair qu’il a décidé de maintenir entre nous une certaine distance.

Il s’assied, les mains jointes du bout des doigts.

— Je vous écoute.

Je tâche d’apprivoiser ma respiration : l’homme que j’avais rencontré la dernière fois semblait vulnérable. Touché en plein cœur par les déboires d’Alex, il était rongé par l’inquiétude, prêt à tout pour le sauver. À présent, il est froid, impressionnant, et me met tout bonnement mal à l’aise. Je me sens tout sauf à ma place dans cet endroit, malgré l’ambiance créée dans le but d’avoir l’effet inverse.

— J’aimerais savoir comment va Alex, et j’ai supposé que peut-être vous auriez de ses nouvelles.

Il se concentre en fronçant les sourcils.

— Il va bien mieux maintenant, dit-il après de longues secondes. Il a fait un long travail sur lui-même, et a cessé d’utiliser toute substance qui pouvait lui faire du mal.

J’ai l’impression que ces quelques mots ont retiré un poids qui pesait sur mes épaules depuis des mois et dont je n’avais même pas conscience. Je perçois immédiatement la différence, même physiquement. Je me tenais affaissée, recroquevillée sur moi-même sans même m’en apercevoir depuis tout ce temps. J’ai maintenant l’impression de mieux respirer et de me tenir plus droite. J’avoue que je n’avais pas réalisé à quel point cela avait pu jouer sur moi, jusqu’à avoir une incidence sur mon corps.

— C’est une excellente nouvelle.

Le docteur Ficheur semble chercher ses mots.

— Oui, je ne pensais pas que la « rencontre » qu’il a fait récemment lui ferait autant de bien.

J’ai cette sensation de tomber un court instant, celle qu’on a parfois au moment de l’endormissement et qui donne l’impression de perdre pied en envoyant une brusque salve d’adrénaline en plein cœur. Les larmes commencent à monter la seconde suivante et je dois me mordre l’intérieur de la joue pour les faire disparaître et reprendre le contrôle.

— Oh, c’est… c’est bien, je suis contente pour lui.

— Oui, cette jeune femme a su de toute évidence faire taire ses mauvais démons.

Je me lève, incapable d’en entendre davantage, tandis qu’il plante des yeux vides de toute émotion dans les miens. A-t-il seulement conscience du mal que peuvent faire ces mots ? Le temps a passé, j’imagine qu’il pense que tout ça m’est égal maintenant et que c’est un soulagement pour moi de savoir que je n’ai plus de rôle à jouer dans l’histoire d’Alex. Ça devrait être le cas, je suppose…

Sans lui laisser le temps de se lever à son tour, je lui tends la main afin de prendre congé avant de perdre toute dignité en m’effondrant en larmes.

— Bien, je vous remercie. Je ne vous embêterai pas davantage. Je suis contente de savoir qu’il va bien.

Le soulagement se lit aisément dans son regard. Finalement, peut-être avait-il peur de me voir péter les plombs en apprenant qu’Alex a refait sa vie tranquillement.

Il prend la main que je lui tends après une seconde d’hésitation.

— J’espère que vous allez bien également, lorsque je vous avais rendu visite, vous ne sembliez pas être dans la meilleure des formes.

Je secoue la tête en essayant d’afficher un sourire de complaisance qui doit plus ressembler à une grimace.

— Ça va très bien maintenant.

Il faut que je m’échappe, j’ai de plus en plus de mal à contenir mes larmes. Je cligne des yeux plus que de raison pour les dissiper et m’empresse de détourner la tête. La première larme roule sur ma joue à l’instant où je pivote vers la porte, rapidement suivie par ses sœurs jumelles. Espérons que cela lui ait échappé.

Je démarre ma voiture et m’échappe de cet enfer le plus vite possible.

Tout en rentrant, en larmes, je réalise que trouver Alex occupé, comme je l’ai fait il y a trois mois, entre les cuisses d’une bimbo ne m’aurait jamais touchée autant que de le savoir tout simplement amoureux d’une autre. Et je me jure de tout faire pour l’oublier à mon tour.

Mars

Chapitre 6 : Sacrée soirée

J’ai mis un jean ajusté et mon bustier brodé de petite perles noires et brillantes. Simple et passe-partout, il s’adapte à tous les styles de soirées. Quant au maquillage, je me suis contentée de rehausser mon regard d’un trait d’eye-liner.

J’essaie de balayer de mon esprit la pensée qui m’assaille en me souvenant de la dernière fois où j’ai porté ce bustier, il y aura bientôt un an, lorsque j’avais fêté mes dix-huit ans à la Crypte.

Je ferme les yeux devant mon reflet dans le miroir et prends une grande inspiration pour me détendre. Ça n’a malheureusement pas l’effet escompté. Fermer les yeux me renvoie à ces moments dans la salle de bain d’Alex où je me préparais à sortir. Il se glissait chaque fois derrière moi, m’enlaçait tout en me fixant de ses yeux brûlants par le biais du miroir. J’ai encore l’impression de sentir ses bras autour de ma taille, puis parcourir mon corps, ses baisers qu’il parsemait dans mon cou, les mots qu’il me susurrait à l’oreille et qui faisaient vibrer chaque fibre de mon corps. La plupart du temps, bien sûr, nous arrivions en retard, et j’avais encore les joues rosies par nos ébats amoureux.

J’expire de toutes mes forces, espérant chasser ces idées de ma tête en même temps que j’expulse l’air de mes poumons. Quand j’ouvre les yeux, c’est un reflet sévère aux sourcils froncés que me renvoie le miroir.

Je pigne, agacée.

— Allez, bouge-toi, ça ne sert à rien de ruminer le passé ! Il est passé à autre chose, maintenant, toi aussi !

Voilà que je parle toute seule, décidément, j’ai tout gagné dans cette escapade chez le docteur Ficheur…. Je file de ma chambre avant de renoncer, et manque de percuter Max en passant la porte. J’ai juste eu le temps de poser mes mains sur son torse pour éviter de lui rentrer dedans tête la première. Le contact avec ses pectoraux est étonnamment ferme, je peux sentir leur dessin sous ma paume. La chemise qu’il porte paraît légèrement trop petite, tendue sur les muscles de son torse. Max me fait un petit sourire en coin, visiblement amusé. Je déglutis en retirant rapidement mes mains, que j’avais de toute évidence laissées prolonger le contact un peu trop longtemps.

— Bonjour.

Une expression embarrassée vient vite remplacer son air satisfait. Il me faut bien admettre que ça vire au ridicule : soit nous sommes ensemble et nous nous disons bonjour comme n’importe quel couple, soit il est temps d’arrêter les choses dès à présent. Mais quoi qu’il en soit, il faut définitivement que j’arrête de minauder, car c’est bien moi qui ai instauré ce malaise entre nous.

Je repose mes mains là où elles se trouvaient juste avant et me tends sur la pointe des pieds pour l’embrasser. Mes lèvres s’entrouvrent comme pour lui donner l’autorisation de caresser ma langue de la sienne.

Son baiser est doux, tout en retenue. C’est agréable de sentir qu’il s’aligne ainsi sur moi sans jamais outrepasser mes limites. Une pointe de culpabilité me rattrape, mais je ne saurais dire si c’est le fait de me servir ainsi de Max ou le mal-être de simplement vouloir passer à autre chose. Si je ne sais déterminer si c’est l’un, l’autre ou l’affreux mélange des deux, ce sentiment donne un arrière-goût désagréable à ce baiser et me pousse à m’écarter. Voir son sourire rassuré apaise quelque peu ma mauvaise conscience. Je le lui rends en répondant :

— Bonjour. Comment ça va ?

— Bien, encore mieux maintenant. Et toi ?

— Ça va. Alors, où est-ce que tu m’emmènes ?

— À une soirée du côté du City. Il y aura pas mal de monde, dont Toto, Fred et Nath.

— Toute la bande au complet alors.

Bizarrement, je me détends un peu. Ses amis sont sympas et savent mettre les gens à l’aise. Il acquiesce en me prenant par la main et nous nous dirigeons vers sa voiture, trois étages plus bas.

Nous nous retrouvons aux pieds d’un immeuble très semblable à celui de notre résidence universitaire, à ceci près qu’elle n’est clairement pas gérée par le cerbère qui surveille la nôtre. La fête semble commencer dès l’extérieur, dans une grande cour sur laquelle donne l’entrée et où traînent des jeunes visiblement déjà éméchés. Les portes de l’entrée sont grandes ouvertes malgré le froid piquant de ce début mars. La fête bat son plein dans une grande salle au fond de laquelle il y a une zone suffisamment vaste pour danser sous des spots colorés et la musique assourdissante. Pourtant, la plupart des fêtards sont vautrés sur les canapés et poufs disposés un peu partout. Il y a bien une salle telle que celle-ci dans notre résidence, mais jamais personne n’y met un pied puisque le moindre bruit vaut une convocation chez le gérant.

— Hé salut blondinette !

Toto se lève avec un large sourire et me serre fort dans ses bras pour me dire bonjour, m’étouffant presque du haut de son mètre quatre-vingt-dix et de ses cent bons kilos au compteur, puis il donne une bonne bourrade dans le dos de Max. Il a déjà l’air d’avoir bien entamé la soirée.

— Salut.

J’échange un regard amusé avec Max. Je me demande comment ces deux-là sont devenus amis, ils n’ont vraiment pas l’air d’appartenir au même univers.

Toto m’invite à m’asseoir à sa place, et va chercher un pouf, qu’il traîne jusqu’à l’autre côté de la table basse, avant de s’y laisser tomber lourdement. Je me serre contre Fred pour faire une place à Max, qui me rejoint en plaçant son bras autour de ma taille, sans doute pour m’éviter un contact direct avec son ami.

— Alors, quoi de neuf, les tourtereaux ?

— Pas grand-chose, le train-train habituel. Vous avez déjà l’air bien partis les gars, vous avez commencé à faire la fête à quelle heure ?

— 22 heures.

Je regarde ma montre, perplexe. Il est 20 h 30.

— Hier, à 22 heures, rectifie Toto.

Ce dernier nous sert à boire avec l’une des multiples bouteilles qui jonchent la table. La soirée se passe plutôt bien, je tire à plusieurs reprises sur le joint que les garçons font tourner. Seul Max ne fait pas de même. En y repensant, je ne me souviens pas l’avoir vu tirer sur celui qui avait circulé lors de notre dernière soirée chez Fred.

— Tu ne fumes jamais, toi ?

— Non, la seule fois où j’ai essayé, j’ai toussé pendant dix minutes, et ça ne me réussit pas.

— Ah ah ! se moque Toto. C’est son côté sportif, ça. Un corps sain, tout ça…

— Ouais, que veux-tu, je préfère préserver mes poumons, plutôt que de m’intoxiquer.

Je lui donne un petit coup d’épaule en riant.

— Merci pour moi.

— Eh, je ne juge pas, tu fais ce que tu veux, précise-t-il en m’offrant un sourire protecteur. C’est pas mon truc, c’est tout. Mais il y a plein d’autres façons de s’amuser.

Je me sens étrangement bien. J’ai déjà bu quelques verres, peut-être quatre ou cinq… ou six. La dernière fois, fumer avait intensifié les effets de l’alcool, mais cette fois, j’ai les idées parfaitement claires, et surtout, je me sens sereine. Il faut croire que le poids que m’a ôté des épaules le docteur Ficheur hier m’a tout bonnement libérée. Je n’ai plus à m’en vouloir du mal que j’ai fait à Alex, de mon manque de confiance qui l’avait poussé dans ses vieux déboires. Il n’a jamais eu besoin de moi, il avait peut-être besoin de cette fille, simplement. Elle doit lui donner tout ce que j’étais incapable de lui apporter. Maintenant, je peux être simplement égoïste. J’observe Max tout au long de ma réflexion, sa mâchoire, comme taillée dans le marbre, dont l’angle joue avec l’ombre lorsqu’il parle… Je frotte mon visage contre son épaule et dépose un baiser sur ce point de sa mâchoire qui me semble soudain si attirant. Max me regarde, d’abord surpris, puis il me fait ce sourire en coin dont lui seul a le secret.

J’ai posé ma main sur son torse sans même m’en apercevoir, c’est le contact de ses muscles qui me fait le réaliser. Leur dessin sous ma main me donne envie de le découvrir davantage.

Alors je passe ma jambe au-dessus des siennes pour me mettre à califourchon sur lui et l’embrasser à pleine bouche.

La tension de ses muscles passe de l’état catatonique créé par la surprise, à celui où il partage notre étreinte, plutôt deux fois qu’une, d’ailleurs.

— Eh ! Vous pouvez prendre ma chambre si vous voulez tous les deux, dit Toto, mi-sérieux, mi-amusé.

Max desserre sa prise et en profite pour reprendre sa respiration.

— Non, mec, c’est bon.

— Elle est où ?

Je pourrais dire que je m’étonne moi-même, mais ce n’est pas le cas : j’ai effectivement envie d’une intimité avec Max que cette salle remplie d’étudiants à moitié ivres ne me permet pas d’avoir, et l’idée commençait déjà à germer dans mon esprit avant que Toto nous fasse son offre. Les autres, en revanche, ont l’air plus que surpris.

Toto m’indique où trouver refuge, et je me lève en entraînant Max à ma suite, devant un Toto plié de rire.

J’ai décidé de ne pas me jeter à son cou. Même si je suis gouvernée par mes hormones en cet instant, je crois que je lui ferais peur. Je me contente de le regarder en me mordant la lèvre pour résister à la tentation, tentation qui se fait de plus en plus grande au creux de mon ventre.

— Cat, tu es sûre que tu veux entrer là ? J’veux dire, d’habitude tu es super distante et là…

— Tu préfères quand je suis distante ?

— Non, bien sûr que non. C’est juste qu’on a bien bu, enfin je n’ai bu que deux verres, mais toi…

— Tu as peur que je ne sois pas en état de faire mes choix…

— Ben… Oui… J’en ai plus qu’envie, tu peux me croire, mais…

— Ne t’inquiète pas, j’ai bien bu, mais je ne me sens même pas ne serait-ce qu’un peu éméchée. Je t’assure que je sais très bien ce que je fais.

Je joins les gestes à la parole et l’embrasse en glissant cette fois mes mains sous sa chemise. Son ventre, lui aussi, est comme taillé dans la roche. Bon sang, jamais je n’avais été avec un garçon avec un corps pareil. Mes doigts suivent les ondulations de ses abdominaux puis remontent sur ses pectoraux, et je m’embrase littéralement au fur et à mesure que mes mains parcourent son torse.

Mes arguments ont dû faire mouche car sitôt entrés dans la chambre, Max se défait de sa chemise, tandis que je retire mon bustier. Heureusement qu’il suffit de le délacer pour l’enlever sans trop de difficultés.

Je reste en arrêt quelques secondes devant le spectacle que m’offre son torse dénudé, le jean légèrement déboutonné. Il a un corps tout simplement magnifique, de ceux qu’on ne voit que dans les films ou dans les pubs de sous-vêtements, avec ce V en bas du ventre qui semble indiquer quelle est la direction à prendre pour passer à la prochaine étape. Je n’ai pas le souvenir d’avoir eu autant envie d’un homme. En même temps, je n’ai eu que deux amants, avec un corps tout à fait convenable, mais certainement pas aussi musclé et qui donne envie de se damner.

Il entreprend de finir de déboutonner son pantalon, mais je le devance et m’agenouille pour l’en défaire. Lorsque je le libère pour le mettre dans ma bouche, j’entends un râle de plaisir sortir de sa gorge. Là aussi, il est plutôt au-dessus de la moyenne, le point de jonction de ma mâchoire devient rapidement douloureux, mais ça m’est égal, j’aime le mettre dans cet état. Je lève les yeux vers lui, nos regards se croisent et le désir que je lis dans ses yeux décuple mon excitation. Il pose une main sur ma tête.

— Cat, arrête, j’ai envie de m’occuper de toi, maintenant.

Il m’allonge sur le lit et retire mon jean. Il commence par m’embrasser sur la bouche puis descend dans mon cou, tandis que ses mains glissent lentement de mes fesses jusqu’à mes seins. Elles s’attardent sur eux, bientôt rejointes par sa bouche.

Je colle mon bassin contre le sien pour soulager la pression, de plus en plus forte. Je ne suis pas certaine de vouloir que les préliminaires se prolongent, j’ai trop envie de le sentir en moi. Je regrette immédiatement d’avoir songé à l’interrompre lorsque sa bouche s’affaire en bas de mon ventre et m’arrache un orgasme en à peine quelques coups de langue.

Je l’arrête avant que le plaisir ne se transforme en inconfort. D’habitude, avoir un orgasme fait retomber mon désir, mais cette fois je le veux en moi plus que jamais.

Je le fais remonter en plaçant doucement mes mains en coupe autour de sa tête, sa bouche s’attardant une fois de plus sur mes seins avant de m’embrasser. Je sens son érection contre moi, il est sur le point de me pénétrer quand il s’arrête, se tortille pour attraper son jean et retire un préservatif de sa poche. J’ai l’impression de me consumer de désir en le voyant ainsi, véritable dieu grec au corps à présent luisant de sueur, agenouillé au-dessus de moi en train de se protéger. Une goutte de sueur dévale le long de son torse et je n’ai qu’une envie, en lécher chaque centimètre carré. Il a les joues rougies, quelques mèches collées sur le front, et savoir que je suis responsable de son état est un plaisir à lui tout seul.

Lorsqu’enfin il me pénètre, je me contracte pour augmenter notre plaisir commun. Nous bougeons à l’unisson, et, étonnamment devant un tel apollon, je me sens à l’aise comme jamais avec mon corps. Rien ne me retient, j’ai l’impression d’explorer ma sexualité au gré des différentes positions dans lesquelles nous nous essayons, certaines me donnant des orgasmes plus poussés que d’autres.

Quand Max se laisse tomber sur l’oreiller, hors d’haleine, un large sourire étire ses lèvres.

— Attends, j’ai besoin d’une pause là.

— Très bien, je t’accorde cinq minutes.

— J’ai bien peur d’avoir besoin d’un tout petit peu plus de temps que ça, s’amuse-t-il. Tu es… incroyable. Jusqu’à tout à l’heure, je croyais que tu n’avais pas envie ne serait-ce que de m’embrasser, et là…

Je m’allonge à ses côtés, promenant mon index sur les sillons tracés par ses muscles. Pour ma part, je crois que je pourrais continuer toute la nuit ainsi, sans me lasser de son corps.

— Tu as le plus beau corps que j’aie jamais vu.

— Merci. C’est pas mal de boulot à entretenir maintenant que je ne fais plus autant de rugby.

Je hoche la tête, toujours concentrée sur les courbes de son torse, la lèvre inférieure coincée entre mes dents.

Il hausse un sourcil, amusé.

— Tu n’en as jamais assez, toi, en fait.

— Il faut croire que non.

Nous rions de concert puis reprenons les choses là où nous les avions laissées avant de faire cette pause.

Chapitre 7 : Feu vert

Le lundi matin, j’ai bien du mal à me concentrer sur le cours de géomorphologie. J’ai ressassé ce qui s’est passé entre Max et moi tout le dimanche après-midi. Nous avons fait l’amour une bonne partie de la soirée, puis il m’a ramenée et nous avons recommencé dans sa chambre et ensuite dans la mienne. Il a fini par demander grâce dimanche midi, en disant qu’il avait un devoir à rendre et que s’il continuait de me prendre encore et encore, il n’aurait jamais assez de l’après-midi et de la nuit pour le terminer.

Même avec Alex, avec lequel j’avais l’impression que nos corps s’accordaient à merveille sur ce point, je n’ai jamais connu ça. Ni en quantité ni en intensité. C’est comme si toutes mes barrières avaient cédé et que j’avais pu laisser libre cours à toutes mes envies.

Est-ce que c’est l’effet que produit son corps sur le mien ? Il faut bien admettre qu’il est à tomber à la renverse et que pouvoir l’avoir à moi, en moi, est l’une des choses les plus satisfaisantes qu’il m’ait été donné de connaître.

J’avoue ne pas regretter ce qui s’est passé, c’était incroyablement bien. Mais je reste sonnée par ce qui s’est débloqué en moi. Comment ai-je pu passer d’être incapable de l’embrasser sans verser une larme à me transformer en véritable nymphomane ?

La question est aussi de savoir si cela me convient ou si je devrais calmer mes ardeurs. Mais, somme toute, ce n’est pas vraiment une interrogation que j’ai besoin d’avoir. Ça me convient, je me suis sentie bien, je me sens encore bien aujourd’hui. J’ai réussi à me vider la tête de tous mes tracas. Je ne suis pas amoureuse de Max, mais d’ailleurs, en ai-je besoin ? C’est bien mieux ainsi, ça évite les peines de cœur. En revanche, je suis peut-être tombée amoureuse de son corps.

L – Tu te mordilles la lèvre comme quand on tombe sur un film où le mec est à tomber par terre.

C – C’est parce que je pense au corps de Max.

L – Ah ça y est, vous avez couché ensemble.

C – Pas du tout, j’ai juste eu l’occasion de le voir torse nu.

Ce n’est qu’un pieux mensonge qui m’évitera de me faire rebattre les oreilles pendant des heures sur le sujet houleux de ma vertu et des multiples règles de Léa, à savoir rester au moins trois mois avec un garçon avant de gagner le droit de pouvoir passer aux choses sérieuses.

L – Voyez-vous ça… Et ?

C – Waouh ! Tu vois le mec dans la série de l’autre jour ?

L – Celle où t’as bavé tout le long de la scène de combat torse nu ?

C – Celle où ON a bavé…

L – À ce point ?

C – Mieux !

L – Je veux une photo !!

C – J’aimerais bien aussi, histoire de pouvoir le reluquer à loisir !!

L – Bah logiquement tu peux le voir quand tu veux.

C – Je croyais qu’il fallait attendre 3 mois ?

L – Si ça te permet de ne plus me sortir que t’en as fini avec ta vie sexuelle depuis qui tu sais, franchement, je préfère que tu surfes sur la vague.

C – Donc, si je te dis que je compte coucher avec, très bientôt, tu ne vas pas me bassiner que c’est pas bien, gna gna gna ?

L – T’as mon feu vert, faut vraiment que tu passes à autre chose.

Je l’observe attentivement pour m’assurer qu’elle ne dit pas cela uniquement pour me tirer les vers du nez. Elle a l’air d’être sérieuse, il faut croire qu’elle préfère avoir une amie « dépravée », selon ses propres critères, plutôt que pathétique…

Lorsque nous remontons vers nos chambres, j’hésite à faire un détour par celle de Max. Je me sentais si bien la nuit dernière – et la matinée qui a suivi –, que je dois admettre que j’ai envie de retrouver cette sensation qui m’a permis de laisser tous mes doutes derrière moi. Mais je ne veux pas non plus passer pour une obsédée sexuelle qui n’a d’yeux que pour son corps… Après une brève hésitation, je décide de poursuivre mon chemin jusque chez moi et de lui laisser l’envie de venir me retrouver.

Ce qu’il fait vingt minutes plus tard…

Cette fois, Max n’hésite pas à m’embrasser pour me dire bonjour, nous avons largement passé le stade des échanges embarrassés en une simple nuit de débauche. Léa, qui était en train de regarder la télévision dans ma chambre, se lève pour lui dire bonjour.

— Bon, ben, je vous laisse.

Elle quitte ma chambre, non sans le détailler de la tête aux pieds une fois dans son dos, et me fait un petit signe de tête pour valider que ce qui se cache sous ses vêtements doit être plaisant. Je sens le rouge me monter aux joues. Je ne sais plus trop comment me comporter. L’atmosphère n’est plus du tout la même, loin des moments que nous avons partagés hier, emportés dans le feu de l’action par nos hormones, et les choses ne semblent plus aussi naturelles… Je me fais intérieurement la remarque que quand on est longuement en couple, on regrette les premiers moments, la découverte où tout n’est que passion, mais quand on est en en train de le vivre en temps réel, il est très compliqué de savoir quelle attitude adopter, car on a l’impression de marcher sur des œufs la plupart du temps. C’était si simple samedi… Tout s’est réglé quand nous sommes passés à l’acte, encore et encore. Même si je n’ai pas envie que notre relation se résume au sexe, je veux protéger mon cœur et n’ai aucune envie de retomber dans une vraie relation amoureuse.

Et voilà que je recommence à me poser trop de questions… Si seulement je pouvais tout simplement arrêter de me « prendre la tête avec toutes ces conneries », comme dirait une personne… que j’essaie d’oublier.

Je vais m’asseoir sur mon lit, laissant suffisamment de place à Max pour qu’il prenne place à mes côtés.

— Alors, ça va, tu as réussi à finir ton devoir ?

— De justesse. J’avoue que j’ai eu du mal à me mettre au travail après t’avoir laissée, répond-il en me faisant son petit sourire en coin super craquant.

— Je suis désolée, je ne voudrais pas être un frein à tes études, dis-je en souriant.

— Non, ça va. Je dois avouer que j’ai découvert un côté de toi que je ne soupçonnais pas. Mais je t’assure que ce n’est pas pour me déplaire.

— Je dois dire que je me suis surprise moi-même.

— Toi non plus tu n’avais jamais passé une nuit aussi… intense ?

Je secoue la tête, très certainement les joues cramoisies, de plus en plus gênée par le tour que prend la conversation. Je n’ai pas atteint un seuil d’intimité suffisant avec Max pour parler de ces choses-là. Le seul moment où je me suis sentie vraiment bien avec lui, c’est quand on a couché ensemble, et mon instinct de survie me crie de remettre le couvert pour retrouver cette sensation de bien-être que j’ai ressentie dans ses bras, aussi paradoxal que cela puisse paraître.

Il sourit tendrement et m’embrasse, mais mon malaise ne se dissipe pas. L’image d’Alex flotte devant mes yeux dès que je ferme les paupières. C’est avec lui que mon cœur veut être. Sauf que cet imbécile d’organe n’a de toute évidence pas encore assimilé que c’est une cause perdue. Il faudrait que mon cerveau lui passe un peu mieux le message…

Alors, pour que toutes mes pensées s’envolent, j’attrape le tee-shirt de Max et le fais passer par-dessus sa tête. La vision de son corps, à moitié allongé, réveille ma libido, pas autant que je l’aurais voulu, mais je compte bien faire en sorte d’arranger ce problème. J’embrasse d’abord son ventre puis remonte doucement en le regardant. Je retire une certaine satisfaction en constatant que cette fois c’est lui qui se mord la lèvre inférieure, tout en m’observant remonter jusqu’à sa bouche.

Je prolonge notre baiser plus que nécessaire, le temps de puiser le courage de passer à l’étape supérieure. Il roule sur le côté pour se placer au-dessus de moi puis marque une pause pour m’observer, le sourire aux lèvres.

— Qu’est-ce que tu es belle…

Ne sachant quoi lui répondre, je replonge dans un nouveau baiser. J’ai juste besoin de revivre ce qui s’est passé l’autre nuit, de ne plus ressentir que nos corps l’un dans l’autre, rien de plus. Ni pensées ni émotions, juste deux corps qui se découvrent.

Il retire mon pull puis chacun de nous enlève le reste de ses vêtements. Il entreprend de me caresser, mais je resserre mes jambes pour amplifier le contact de son bassin contre le mien, avide de passer tout de suite à l’action.

Chapitre 8 : Différent

Je rentre dans la chambre de Léa en même temps que je frappe à sa porte puis vais m’échouer sur la chaise qui fait face à son lit, à moitié affalée sur sa table. Léa est à fond dans son émission, un bol de céréales dans les mains, chose pas si incongrue pour une étudiante aux faibles moyens un soir à dix-huit heures. Quand elle tourne enfin son attention vers moi, elle fronce les sourcils.

— Ça va ?

— Bof.

— Ça s’est mal passé avec Max ?

— Non… enfin… je sais pas.

Elle m’interroge du regard.

— On a couché ensemble, précisé-je. Mais c’était pas terrible.

— Eh ben, aussitôt dit, aussitôt fait… C’est normal pour une première fois, t’inquiète pas.

Je pousse un long soupir.

— On l’a déjà fait ce week-end. Et à ce moment-là, c’était… waouh…

Léa semble hésiter un instant entre me reprocher mon mensonge du matin et poursuivre la conversation. Elle finit par choisir les détails croustillants.

— « Waouh » comment ?