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« Dans les séparations, celui ou celle qui prend l’initiative de quitter l’autre ne peut en sortir indemne. Soit, il part pour vivre seul et l’ego de l’autre en est mortifié. Soit, il part pour vivre avec “l’autre de l’autre sexe” et arrive la comparaison permanente. Soit, il part pour vivre avec l’autre “de même sexe” et le vice s’invite dans les jugements. Maudit soit celui qui part ! Malheur à celui par qui le scandale arrive… »
À PROPOS DE L'AUTEUR
Dès son jeune âge, Elpy a été initié à la lecture par des textes de Jacques Prévert qui lui servaient alors de support. Cet éveil à la poésie l’a conforté et, spontanément, depuis 1994, il a choisi l’écrit pour les cris, les mots pour les maux, en développant des sujets pouvant tous nous concerner.
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Seitenzahl: 119
Veröffentlichungsjahr: 2025
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Elpy
Chiennes de vie
Roman
© Lys Bleu Éditions – Elpy
ISBN : 979-10-422-3436-2
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L. 122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivante du Code de la propriété intellectuelle.
Les « romans1 » que j’écris ne constituent pas des suites entre eux. Leur ordre de parution suit leur ordre d’écriture, mais chacun peut se lire séparément des autres.
J’ai juste créé les personnages qui y habitent. C’est une grande satisfaction, lorsqu’on est né – par hasard et sans préméditation – de sexe masculin, d’accéder à l’aspect hermaphrodite de l’écriture.
Depuis, en grandissant, comme mes propres enfants dans la vraie vie, mes enfants virtuels m’ont échappé. Ils vivent leur propre vie et, de temps à autre, passent prendre un thé (mes enfants) ou un verre de rouge (mes personnages) chez moi.
Là, on s’installe et nous nous racontons nos vies.
L’écriture fait le reste.
Pour les personnages de mes romans, je ne garantis pas que leurs mémoires, croisées avec la mienne, respectent quelque chronologie ; ce que je sais, c’est qu’ils sont incapables de mentir. Tout au plus, ils enjolivent les réalités…
Elpy
Laurelli Ben Thévenard
Bonjour ma Copine,
C’est un jour particulier aujourd’hui.
Il y a dix ans, on te disait un dernier au revoir.
Comme le temps est passé vite. Je nous revois tous comme si c’était hier dans ce petit cimetière de campagne en bord de mer. Et même, dans ton cas, en bord de grand-mère… Il avait gelé blanc le matin, et ce début d’après-midi était frais mais ensoleillé.
C’est ta grand-mère qui avait préparé la messe. Étant sur place, elle avait sermonné le curé à plusieurs reprises pour qu’il « parle le moins possible ; la petite n’aurait pas aimé ça. Par contre, elle aimait les chants. » Et cette messe chantée fut réconfortante, même pour ceux qui, dans la petite assistance, n’étaient pas croyants, ou pas de cette manière.
Nous n’avions pas le cœur à chanter. Ta grand-mère s’en doutait, et avait rameuté ses copines du village. Ces dernières ne s’étaient pas fait prier. Elles t’aimaient bien, elles aussi.
Et c’est important de bien aimer. Tant de gens qui disent « je t’aime » s’y prennent tellement mal… Leur amour s’adresse plus souvent à eux-mêmes qu’à leur interlocuteur/trice.
Ce jour-là, c’était un peu comme si tu t’étais enfin décidée à organiser une présentation de ceux qui te sont proches entre eux. Tu as bien lancé les invitations, mais nous avons dû improviser le moment venu… Ta maman était effondrée. Ton père la portait littéralement dans ses déplacements.
Ah, ton père… Il n’aurait pas pu te renier ; le même maintien, le même regard fier et droit, la même impassibilité apparente. Les mots qu’il a prononcés étaient comptés. À dire vrai, ce fut un seul mot, prononcé avec une telle intonation que je l’entends encore : « merci. » Il l’a exprimé cinq ou six fois, rien de plus.
Pour moi, c’était la première fois que je rencontrais Jean-Baptiste. C’est avec lui que tu avais eu une de tes dernières conversations. Seulement, cette fois-ci, tu ne m’as pas appelée pour me confier la rencontre de Lisa et ta première impression !
Sam et lui se sont trouvés autour de l’écriture, facette avouable de leurs autres points communs enfouis. Au fil du temps, on en découvre encore… Que les hommes peuvent être complexes et secrets… En même temps, c’est ainsi que je les préfère. A priori, Lisa aussi, puisque cela fait également quinze ans que leur « colocation sans nom » a démarré.
Ton patron, le Libraire, avait fait le déplacement en Bretagne. Il avait même fermé la librairie, affichant sur la porte :
Fermeture pour deuil.
Nous pleurons la perte de Béatrice ;
votre vendeuse faisait partie de notre famille.
Cérémonie intime.
Dons possibles à Suicide Écoute2
S’en étaient suivis des articles dans la presse locale. Je n’ai pas cherché à chiffrer l’apport financier que cela a pu représenter pour l’association. Le geste m’avait suffi.
C’est Esposito (Muriel lui avait servi de chauffeur puisqu’il ne peut plus conduire. Saleté de maladie ! Ils étaient arrivés la veille et avaient pris une chambre à l’auberge. À présent, il lui faut trois heures de mise en route le matin. C’est le prix à payer pour que la fibromyalgie le laisse avoir un après-midi quasi normal…)
Excuse cette phrase mal construite. Je reprends. C’est Esposito, en arrivant, qui m’a informée qu’Alex se tenait de l’autre côté du mur d’enceinte du cimetière. Il était venu, mais veillait à ne pas croiser les membres de ta famille, persuadé qu’ils partageraient à son encontre ces sentiments de responsabilité et de culpabilité lors de ton départ…
Dans ces cérémonies, il y a toujours un moment de flottement entre l’instant où l’on se retrouve sur le parvis (ici, c’était plutôt une pelouse) et celui où l’on entre dans le bâtiment pour le dernier hommage. J’en ai profité pour m’éclipser et visiter Alex.
Quelque part, ça me faisait plaisir qu’il soit venu, malgré l’imminence de la naissance de son enfant. Tu vois, je crois que c’est la première fois que j’ai tardé à t’informer. D’accord, quinze ans de retard, j’ai battu les records. Je n’y arrivais pas. Certains mots se refusent à être écrits. Et un jour…
En même temps, tu ne m’auras jamais prévenue pour Jean-Baptiste et Lisa !
Donc, Alex était là.
En costume, tiré à quatre épingles pour te rendre hommage. Ébranlé mais digne. Il n’arrêtait pas de s’excuser. « Je ne pensais pas… » « Je ne souhaitais pas… » « On ne connaît jamais vraiment les gens, même en vivant avec… » « C’était la femme de ma vie et je ne m’en suis pas aperçu. Maintenant… » J’étais loin sur le moment de penser qu’Alex était déjà en train de basculer, et que les années à venir porteraient l’ombre de ce mur de cimetière…
Je t’en parlerai dans une prochaine lettre. Pour aujourd’hui, ce que je voulais que tu saches, c’est qu’Alex faisait partie du dernier carré qui t’a accompagnée à votre impressionnant caveau de famille.
Nous n’avions jamais discuté de nos cimetières respectifs lorsque nous allions au théâtre ensemble, et c’est vrai que ce n’est pas un sujet de conversation auquel on pense. À la rigueur, ça aurait pu sortir de toi dans les improvisations… Pour le coup, ça m’aurait vachement inquiété !
La jeunesse nous préoccupe tant de créer nos propres traces qu’on n’imagine même pas qu’il en sera autrement en arrivant au cimetière. Il est vrai que tu nous as tous doublés par la gauche pour y arriver la première.
Bref, voilà qu’on s’est fait rattraper par tes ancêtres une fois au cimetière.
Heureusement que ta grand-mère était encore vivante, elle a servi de guide à l’assemblée, curé inclus.
Je comprends pourquoi tu partais chez elle quand plus rien n’allait.
Elle avait un talent inné de conteuse, et tout ce qu’elle narrait se transformait illico en histoire fabuleuse sortie de la nuit des temps.
On ne pouvait que l’écouter sérieusement, a fortiori devant cette chapelle miniature en plein cimetière, dont il fallait franchir la lourde porte de fonte ouvragée pour accéder à l’autel de marbre et aux ex-voto familiaux.
Pour ne pas choquer monsieur le curé, qui lui avait fait l’amitié de venir exceptionnellement jusqu’au cimetière, elle avait scindé le récit de ses souvenirs en deux.
Nous avons eu droit aux souvenirs plus « volages » autour de la brioche partagée tous ensemble au bistro sur la place. Il m’a semblé à cet instant-là que ta maman avait retrouvé des forces en entendant le babillement de sa propre mère, contre laquelle elle s’était assise.
Ce moment a d’ailleurs permis à ton père, sous prétexte de faire le plein d’essence, d’aller pleurer en solitaire. À son retour, il avait chaussé ses lunettes noires. Ça m’a rappelé des souvenirs avec toi ! Tes fameuses lunettes noires à grands carreaux… J’ai compris ce jour-là d’où te venait leur modèle.
Revenant de me préparer un thé, j’ai eu la curiosité de compter les pages que cette lettre va occuper dans « ton » cahier de correspondances. Ben dis donc, je n’ai pas vu le temps passer cet après-midi.
Je prends encore mon thé avec toi, et après je reprendrai le cours de ma-petite-vie-que-j’aime-tant-comme-elle-est. Pour le thé, il t’aurait plu. C’est un « avis de tempête ». Il se décline en vert ou en noir et c’est mon thé d’automne favori depuis que je l’ai découvert.
Mon Sam nous fait un rajeunissement express en ce moment.
Figure-toi que son premier recueil de poèmes a été édité !
Il lui aura fallu le temps mais, à force de taquineries, Jean-Baptiste a dû trouver le bon bouton pour le motiver.
Il était tellement persuadé que c’était inutile qu’il avait préparé un éventail de poèmes écrits à différentes époques, différents âges et dans différents contextes.
Lorsqu’il m’en a parlé, il pensait que ce serait intéressant d’avoir un retour professionnel. Avec le retour du comité de lecture, il saurait ce qu’il fallait reprendre et ce qui n’intéressait personne. L’expérience lui semblait positive, un peu comme une évaluation de capacités.
Je te laisse imaginer sa tête lorsqu’il a reçu le retour du comité de lecture, accompagné d’une proposition de contrat d’édition, un vrai, pas un « à compte d’auteur »…
Depuis, lui qui s’était mis à la peinture parce que les mots ne se bousculaient plus, a retrouvé le chemin des stylos, papeteries et autres marchands de carnets. Il va bien, c’est l’essentiel pour moi.
Et puis, pour ne rien te cacher, c’est quand même émouvant lorsque, le soir, tu trouves posé sur ton oreiller le(s) poème(s) que ton bonhomme a écrit(s) en pensant à toi dans la journée… On va arrêter là pour aujourd’hui !
Je t’embrasse tout fort, ma Copine.
À tout bientôt,
Katia
« Dis, Papa, pourquoi vous vous êtes séparés, avec Maman ? »
« On en a déjà parlé ma Puce
À quoi bon lui rappeler que la dernière fois, c’était cet été, à son retour de vacances chez sa mère… Il y a juste trois mois…
Alex va répéter, comme il l’a déjà fait, comme il devra encore le faire, les enfants ayant cette capacité – sans calcul – à ne retenir que les éléments qui les dérangent le moins dans les explications des « grands ».
« Tu sais, quand on est amoureux, on est sûr que c’est pour toujours, on ne peut pas se tromper, c’est comme ça !
« Voui.
Alex ouvre le four, pour surveiller la cuisson du poulet de ferme dont il a fait la surprise à Emma. Les fumets qui s’en échappent génèrent dans son dos onomatopées et borborygmes de satisfaction.
« Mais moi, quand je vous vois, Maman et toi, vous vous parlez bien… »
« Bien sûr. C’est parce qu’on t’aime très fort tous les deux.
Emma s’enfuit dans la salle et Alex entendait déjà le doux tintement des verres entre eux…
Il avait toujours eu à cœur de ne pas mentir à sa fille, persuadé que les enfants sentent ce qui est faux. En même temps, il faut leur rendre les choses accessibles.
Et ce thème du divorce revenait régulièrement chez Emma, avec les mêmes questions ou presque au fil des semestres.
Petit à petit, il lui dévoilait des bribes de la réalité. Sur ce coup-là, ça l’arrangeait bien quand même que sa mère ne lui « lâche pas le morceau » tout à trac un soir d’exaspération…
Emma avait neuf ans.
Comment lui expliquer – sans la choquer – que son Papa, à l’enterrement de sa fiancée précédente, avait réalisé que la femme de sa vie était partie pour toujours ?
Fallait-il lui parler de la scène de jalousie que sa mère, enceinte de sept mois, lui avait faite à son retour d’un enterrement auquel elle ne comprenait pas qu’il se rende ?
Pouvait-on dire à Emma que ce bébé, tellement désiré jusque-là par ses parents, était devenu à partir de ce moment un sujet de reproches et de discordes au quotidien, tel un boulet dans le ventre de sa Maman ?
Était-il opportun qu’Emma sache qu’à partir de ce moment-là, sa Maman avait pris son corps en détestation, et avait cessé tout soin d’entretien à son égard ?