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« Je suis envoyé par la mort, Samuel. Elle vient te chercher tout à l’heure. » La sentence de l’émissaire de la mort est sans appel, Samuel vit ses derniers instants. Mais lorsqu’un accident rend l’inopportun amnésique, tout bascule et Samuel est bien décidé à défier les trois femmes qui franchiront tour à tour sa porte au cours de cette soirée surréaliste sans qu’il ne sache pourtant laquelle est sur le point de mettre en œuvre son plan funeste. Piégé dans un huis clos oppressant, alors que le chaos gronde au-dehors, dans les rues de Paris, Samuel tente d’influer sur l’issue des évènements, alors qu’une course contre l’inéluctable commence au rythme envoûtant des notes de Frédéric Chopin…
À PROPOS DE L'AUTEUR
Avec finesse,
Aymeric Castelli allie créativité musicale et écriture heuristique. Inspiré par Edmond Rostand et Éric-Emmanuel Schmitt, il publie en 2016 "La suite", sa première pièce. Convaincu que la littérature comble les failles de l’existence, il questionne, avec une pointe d’humour, les thèmes qui lui semblent essentiels : la mort, l’absurde et la violence du monde. "Chopin, Place Vendôme…" s’inscrit dans cette quête de sens, où la musique résonne parfois en écho du destin.
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Seitenzahl: 112
Veröffentlichungsjahr: 2025
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Aymeric Castelli
Chopin, Place Vendôme…
Théâtre
© Lys Bleu Éditions – Aymeric Castelli
ISBN : 979-10-422-6409-3
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
À Babou, toujours là… et là.
Tout commence par une interruption.
Paul Valéry
Ne nous prenons pas au sérieux, il n’y aura aucun survivant.
Alphonse Allais
La scène se passe dans le salon d’un appartement assez élégant : canapé, piano sur le côté gauche, tableaux aux murs, parquet au sol.
On y retrouve Samuel, jeune homme de trente-cinq ans.
Il est habillé de manière classique, « cool », il « bulle » dans son canapé.
La télévision fonctionne.
On sonne.
Ding-dong.
SAMUEL (surpris, regardant sa montre puis le public, se levant pour aller ouvrir) : Qu’est-ce qui vient m’emmerder à cette heure-là ? … (Fort.) Oui ? Qui est-ce ?
L’AUTRE (à travers la porte) :Samuel Parienti ?
SAMUEL(hésitant à répondre) : Qui le demande ?
L’AUTRE : C’est bien vous, Samuel Parienti ?
SAMUEL : Vous avez un message ?
L’AUTRE : Oui, tout à fait. C’est assez urgent, en réalité !
SAMUEL : Huissier ?
L’AUTRE : Non.
SAMUEL : Les impôts ?
L’AUTRE : Non, l’Autre !
SAMUEL(ne comprenant pas) :L’Autre ?
L’AUTRE : Écoutez, on ne va pas y passer la soirée non plus. Vous m’ouvrez, ou je me débrouille pour entrer !
SAMUEL(surpris par cette réponse agressive) : J’appelle la police si vous tentez d’entrer ! (Il fait un pas en arrière et sort son téléphone.)
L’AUTRE : Vous n’avez aucun réseau ! Vous ne pouvez pas appeler !
SAMUEL : Comment le savez-vous ?
L’AUTRE : Je le sais, c’est tout. Je suis assez doué pour ces choses-là !
SAMUEL : Ces choses-là ? Vous vous foutez de moi ou quoi ? Si vous entrez, je vous préviens, je… (il cherche sur le passe-plat entre sa cuisine et son salon et trouve une pelle à tarte) je suis armé !
L’AUTRE : Vous me prenez pour une tarte ?
SAMUEL(interdit) :Comment…
Samuel va chercher autre chose dans sa cuisine.
L’Autre entre alors dans l’appartement en ouvrant simplement la porte. Il paraît relativement jeune, quarante-cinq ans environ.
Il referme la porte et reste devant en attendant que Samuel s’aperçoive de sa présence.
SAMUEL (découvrant l’Autre, il pousse un cri) :Ah !
L’AUTRE (tendant la main pour saluer) : Bonsoir. (Plaisantant sur la pelle à tarte.) Jean-Pierre Tatin. Vous avez parfaitement choisi votre arme !
SAMUEL(restant dans sa cuisine, sautillant sur place, prêt à se battre) :Qui êtes-vous ?
L’AUTRE : Je plaisante. Je ne m’appelle pas Tatin, c’est juste votre pelle à tarte qui…
SAMUEL (l’interrompant, en criant) :Sortez de chez moi ! Immédiatement !
L’AUTRE : Je voudrais bien, mais je n’en ai pas le droit. Elle doit venir ici tout à l’heure et je n’ai pas le droit de vous laisser sortir !
SAMUEL (toujours aussi agité) :Mais de qui parlez-vous ?
L’AUTRE : Je vous l’ai dit, Elle ! Vous n’avez pas saisi ?
SAMUEL : Saisi quoi ?
L’AUTRE : Le jeu de mots ! Je suis assez taquin, pas tatin ! J’aime bien, ça pimente un peu les missions qu’Elle me donne.
L’Autre se dirige vers le canapé et s’y installe, il a une mallette qu’il ouvre.
Samuel suit de loin, toujours prêt à se battre.
L’AUTRE : Calmez-vous, pensez à votre cœur ! Vos palpitations vont vous tuer, vous savez !
SAMUEL : Mais de quoi parlez-vous ?
Samuel s’approche et se calme un peu. Il restera sur ses gardes.
L’AUTRE(se tournant vers Samuel) :Mais enfin, vous connaissez bien Benjamin Franklin, non ?
SAMUEL : Oui, de nom ! Mais ça ne va pas plus loin. Quel est le rapport ?
L’AUTRE : Eh bien, sachez, Monsieur Parienti, car j’ai maintenant la certitude qu’il s’agit bien de vous, Benjamin Franklin avait raison !
SAMUEL : À propos de quel sujet ?
L’AUTRE : En ce monde, rien n’est certain.
SAMUEL : Et ?
L’AUTRE : Vous me demandiez si j’avais un message des impôts tout à l’heure non ?
SAMUEL : Il n’y a qu’eux pour venir à toute heure vous emmerder !
L’AUTRE : Eh bien, j’ai effectivement un message, mais pas des impôts, (un temps) d’Elle !
SAMUEL(se calmant enfin, s’approchant de l’Autre) :D’Elle ?
L’Autre se lève et vient se mettre face à Samuel.
L’AUTRE : En ce monde, rien n’est certain, à part la mort et les taxes. Benjamin Franklin !
SAMUEL(ne comprenant visiblement rien) :Et ?
L’AUTRE : Et quoi ? Vous ne comprenez pas quand on vous parle ?
SAMUEL (agacé) :Si, mais vous ne parlez pas, vous me balancez des citations !
L’AUTRE(grandiloquent) :Je ne viens pas pour les taxes.
Samuel s’écarte et s’assoit sur un fauteuil, en reprenant son souffle.
SAMUEL : Tant mieux, je ne suis pas d’humeur pour un contrôle fiscal en ce moment !
L’AUTRE(badin, jouant avec le public) :Je tombe bien, finalement !
SAMUEL : Je n’ai toujours pas compris qui vous envoie, soit dit en passant. Et je n’apprécie pas du tout que vous soyez assis tranquillement dans mon canapé ! D’ailleurs, comment êtes-vous entré ?
L’AUTRE : La porte était ouverte !
SAMUEL : Je ne l’ai pas verrouillée ? J’oublie parfois, mais… (Il s’arrête de parler et regarde l’Autre.) Mais… il n’y a pas de poignée à l’extérieur !
L’AUTRE (dubitatif) :C’est embêtant, en effet.
SAMUEL : Qui êtes-vous ?
L’AUTRE : Qui je suis n’a que peu d’importance. Croyez-moi. Celle pour qui je viens en a plus !
SAMUEL(répétant) :Qui êtes-vous ? Que me voulez-vous ?
L’AUTRE(dépité) : Si vous insistez, je peux vous dire que j’ai eu une enfance merveilleuse dans une petite ville française, Aix-les-Bains. Ma rue, l’avenue d’Italie, longeait en partie la voie ferrée, et la maison de mes parents donnait dessus. Je suis donc devenu cheminot assez logiquement après la guerre. Ce qui m’a permis de voir du pays et de connaître parfaitement les gares, les villes que je traversais. J’ai été marié à une magnifique femme du nom de Madeleine, et nous avons eu trois enfants merveilleux, que j’ai moi-même pu accompagner auprès d’Elle lorsque leur tour… (sourire ému) est venu. (Se reprenant.) Ma nouvelle affectation, si j’ose dire, me permet de rencontrer beaucoup de gens, beaucoup… et j’ai remarqué que je m’entends toujours bien avec les gens qui écrivent. J’adore les écrivains. Ils sondent en quelque sorte l’endroit d’où je viens avec une certaine réussite… parfois.
SAMUEL(intrigué et interdit) :Et d’où venez-vous ?
L’AUTRE : D’un endroit où Benjamin Franklin aurait à moitié raison, à moitié tort !
SAMUEL : Mais encore ?
L’Autre dévisage Samuel longuement.
L’AUTRE : Vous ne comprenez toujours pas ?
SAMUEL(énervé): Rien ! Rien ! Rien du tout ! Vous savez à quoi me fait penser votre citation ?
L’AUTRE : Allez-y !
SAMUEL(il se lève) :Au film avec Brad Pitt, j’ai oublié le titre. (Il cherche.) Vous savez, le gars qui rencontre la mort qui s’est matérialisée sous les traits de Brad Pitt justement, et qui a un empire financier… Comment s’appelle ce film ? Ça va me revenir… En tout cas, à la fin, la mort cite cette phrase à un associé véreux… et… (Se perdant dans son explication.) Vous l’avez vu, non ?
L’AUTRE : Je l’ai vu, oui. En effet, il cite Benjamin Franklin.
SAMUEL : Voilà ! Ça me fait penser à ce film…
L’AUTRE : Et ?
SAMUEL : Et c’est tout, ça ne me dit pas ce que vous venez faire chez moi à cette heure-là !
L’AUTRE : Je suis moins beau que Brad Pitt.
SAMUEL(paraissant s’inquiéter un peu) : Vous n’êtes pas si beau, je confirme.
L’AUTRE : Je n’ai pas besoin de l’être pour ce que je viens faire.
L’Autre se lève et rejoint Samuel de l’autre côté du canapé.
SAMUEL (paraissant plus inquiet) : Mais encore ?
L’AUTRE (après un silence) :Je suis envoyé par la mort, Samuel. Elle vient te chercher tout à l’heure.
Samuel regarde l’Autre pendant quelques secondes et part dans un fou rire monumental, l’obligeant à se rasseoir !
SAMUEL (reprenant difficilement son souffle) :T’as pas de chance, mon ami, je n’ai pas de fille dont tu peux tomber amoureux !
L’AUTRE(décontenancé) :Mais…
SAMUEL(il attrape l’Autre par le col et l’oblige à sortir de chez lui) : Y a pas de mais ! Tu dégages avec ta caméra cachée, ou sinon, je vais me mettre vraiment en colère !
L’AUTRE(se retrouvant sur le palier en trois secondes, il se retourne et regarde Samuel) :Tu n’y échapperas pas, Samuel. Elle vient ce soir.
SAMUEL : Dis-lui de passer prendre des clopes, j’en ai plus. Maintenant, tu dégages ou… (Il perd son souffle un instant.)
L’AUTRE : Ou ?
SAMUEL : Ou je m’occupe de toi à ma façon ! (Il claque la porte sur l’Autre et revient s’asseoir sur son fauteuil, visiblement essoufflé, il frissonne.) C’est qu’il me ficherait la trouille avec ses conneries…
Noir.
La scène se passe dans la continuité de la précédente.
Samuel est toujours assis sur son fauteuil.
L’Autre apparaît par une porte située de l’autre côté de l’appartement.
L’AUTRE : C’est chose vaine de vouloir me mettre à la porte. Elles sont toutes ouvertes pour moi. Je peux même choisir par lesquelles j’apparais.
SAMUEL (très surpris de voir apparaître l’Autre) :Quoi ? Comment faites-vous cela ? Par où êtes-vous passé ?
L’AUTRE : Je n’ai pas besoin de passer quelque part. Je suis là où je veux. J’ai frappé tout à l’heure par pure politesse. Si tu deviens désobligeant, je vais me passer des convenances, sache-le.
SAMUEL : Et moi, je t’ai prévenu à l’instant, alors tu vas goûter à… (Il se lève et semble vouloir sauter sur l’Autre, mais une force l’en empêche, il se laisse tomber sur le canapé, dépité.) Qu’est-ce qui m’arrive ?
L’AUTRE : Je préfère qu’il en soit ainsi. Je suis certain que tu n’aimerais pas me voir me mettre en colère.
SAMUEL : Mais enfin, qui êtes-vous ?
L’AUTRE : Je te l’ai dit, Samuel. Qui je suis n’a que peu d’intérêt, c’est plutôt qui m’envoie qui devrait te préoccuper !
SAMUEL (il hésite et regarde l’Autre un moment) :Ça y est ! J’ai compris. C’est Jeff ?
L’AUTRE : Jeff ?
SAMUEL (il parle comme si quelqu’un d’autre écoutait) :T’es grillé, mec ! Sors du placard et buvons un coup ensemble !
Il se lève et attend une réaction. L’Autre le regarde.
L’AUTRE :Je boirais bien quelque chose, en effet !
SAMUEL(sans avoir écouté l’Autre) :Jeff ! J’ai du boulot demain, moi, j’ai pas que ça à faire ! Sors !
L’AUTRE : Qui est Jeff ?
SAMUEL : L’enfoiré qui t’a donné les clefs de chez moi et qui organise cette caméra cachée qui commence à m’agacer sérieusement ! (Criant.) Jeff, sors maintenant.
L’AUTRE : Il n’y a que moi, ici, ce soir, Samuel. Il n’y aura que moi… et Elle.
SAMUEL : Qui ça, « Elle » ?
L’AUTRE : La mort !
SAMUEL : Mais qu’est-ce que c’est que cette histoire de fou ? Jeff, si tu ne sors pas de ta cachette maintenant, je poste la vidéo que nous connaissons tous les deux sur le Net dans l’heure. T’es prévenu !
L’AUTRE(se déplaçant vers la fenêtre pour regarder dehors) :Tu n’en auras pas le temps, je le crains. Elle arrive. (Il enchaîne rapidement, sur un ton humoristique.) Mais non, je plaisante ! Je ne sais jamais quand Elle fait irruption !
SAMUEL(ironique) :C’est rassurant !
L’AUTRE(riant et retournant vers le canapé) : Ça ne change pas grand-chose de toute façon !
Samuel le regarde avec un air mauvais.
L’AUTRE : Pardon ! Je ne voulais pas dire ça ! Habituellement, je ne plaisante jamais avec mes dossiers. (Il fouille dans sa mallette.)
SAMUEL(surpris): Tes… dossiers ?
L’AUTRE(sérieux) :Je bosse, moi ! Tu crois que je viens par plaisir. Je prépare le terrain, Elle débarque, fait son œuvre et ensuite… je… nettoie, quoi !
SAMUEL : Tu… nettoies ?
L’AUTRE(se voulant rassurant) :Rien de physique, ne t’inquiète pas. Je m’occupe des âmes.
SAMUEL : Ah bon ! Je suis effectivement rassuré !
L’AUTRE : C’est assez intéressant comme métier. Plus que cheminot, en réalité.
SAMUEL (ironique) :Pour postuler, il faut quel diplôme ?
L’AUTRE : Il suffit d’être mort et de s’y connaître en nettoyage !
SAMUEL : Tu es supposé être… mort ?
L’AUTRE : Depuis vingt-huit ans, la semaine prochaine. Le temps passe vite pendant la vie, mais pendant la mort, je ne te dis pas ! Ça file !
Samuel se lève et se prend la tête.
SAMUEL : Tu es en train de me dire que tu es une sorte de fantôme ?
L’AUTRE(semblant choqué) :Tout de suite les grands mots ! Je ne suis pas un fantôme, je suis chargé de préparer les âmes à leur passage vers l’ailleurs. C’est tout !
SAMUEL(halluciné) :