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Dans l'ombre étouffante de sa vie en apparence parfaite, Némo étouffe sous le poids de l'ennui et de la routine. Son désir ardent d'évasion trouve écho lorsqu'il croise le chemin d'un chat noir au pouvoir énigmatique. Mais lorsque cet espoir lui est cruellement arraché, Némo est prêt à tout abandonner pour ce qu’il a perdu. Il s’engage dans une quête désespérée, où la frontière entre réalité et fantaisie s'estompe. Au cœur de cette saga épique, où la magie et le destin se mêlent dans une danse envoûtante, une question plane : jusqu'où iriez-vous pour retrouver ce qui a donné un sens à votre existence ?
À PROPOS DE L'AUTRICE
Cassandra Blouet est une jeune Toulousaine née en 1995. Étudiante en lettre moderne à Toulouse, elle se passionne pour la lecture et l écriture de roman Fantasy
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Seitenzahl: 264
Veröffentlichungsjahr: 2025
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Chronique des Mondes
Tome 4 : Fantaisie
Cassandra Blouët
A l’âme généreuse qui a lancé une annonce pour offrir d’adorables chatons il y a 9 ans. J’avais promis de donner des nouvelles malheureusement, les chatons demandent beaucoup d’attention et ma mémoire est très courte. Quant à l’unique félin noir issu de cette portée, je me dois de confesser qu'il prospère malgré ses petites excentricités. Manifestant un penchant pour les troubles d'attachement, les tourments intestinaux, une anxiété perpétuelle et une propension marquée à la maladresse, il s'est avéré être un investissement financier plutôt conséquent, totalisant l'indécent montant de 1570 euros cette année seule. Il est à noter que ses tentatives d'étouffement nocturnes sur mon compagnon se sont réduites à trois le mois dernier. Néanmoins, son charme indéniable fait de lui un modèle prisé sur les réseaux sociaux.
On dit que les chats noirs portent chance dans maintes contrées. Je ne saurais confirmer cette assertion, mais je peux vous affirmer que nous avons cultivé un syndrome de Stockholm réciproque, fusionnant nos destins de façon inextricable.
Némo était un garçon singulier, doué d’une intelligence et d’une bienveillance à toute épreuve, selon sa mère. Pour son père, Némo avait des capacités remarquables, particulièrement en sport et en science : un futur champion. Depuis sa naissance, et probablement jusqu’à sa fin, Némo serait considéré comme l’enfant prodige, le miracle tant attendu aux yeux de ses parents.
En réalité, Némo était l’une des personnes les plus ordinaires de ce monde. Il était né un 15 mai et, durant sa courte vie n’avait présenté aucune maladie rare. Il prononça son premier mot à dix mois : un simple « papa ». Son père célébra cet instant pendant plusieurs semaines, y voyant le signe d’un lien indéfectible entre père et fils. S’il avait été plus informé, il aurait su que l’assemblage de cette syllabe n’était dû qu’au fruit du hasard, et à sa simplicité de prononciation. Le « papa » frénétique prononcé par Némo, ne concernait en rien son père, mais plutôt le bocal rempli de bonbons multicolores. Autour de lui, les adultes se mirent à crier de joie. Némo répéta sa demande, mais cela n'eut pour effet que d’accentuer leur excitation, et jamais l’enfant ne put accéder à sa requête. Cette expérience fut douloureuse et marqua Némo d’un profond manque.
A onze mois, Némo décida de combler son désir par ses propres moyens. Pris d’un élan soudain, il prit appui sur sa table en plastique bleue et verte et se redressa. Même debout sur ses deux pieds, le bocal restait un peu haut, mais Némo était résolu. Il trouva la position étrange, peu stable. Doucement, il avança son pied droit, puis le gauche. Il sourit : c’était plutôt simple. Némo continua son périple, chancelant mais jamais il ne chuta. A présent, il n’était qu’à un pas du bocal. Son sourire s’agrandit. Un cri derrière lui le fit sursauter, le faisant retomber sur les fesses. Sa mère accourut, le prit dans ses bras et le fit tournoyer dans les airs en criant « papa », l’éloignant du bocal. Ce fut à cet instant précis que Némo comprit : jamais il ne pourrait atteindre ces bonbons se contentant d’admirer leur belle couleur. A sept ans, il perdit sa première dent en mangeant ses céréales matinales. Il reçut sa première pièce et avec elle, le désir de rencontrer et côtoyer l’extraordinaire et le fantasque. Il enquêta sur cette mystérieuse souris, le père Noël et le lapin de Pâque pendant deux ans. La veille de Noël de ses neuf ans, son cousin germain, Léo, vint lui proclamer l’inexistence du Père noël et de ses paires. C’est ainsi qu’un vingt-quatre décembre, entouré des rires amusés de sa famille, Némo comprit trois choses : d’abord, il haïssait son cousin ; ensuite, que ce soient des bonbons idylliques, une souris voyageuse, un lapin pondant des œufs, ou tout autre chose d’imaginaire, jamais il ne pourrait ni les atteindre, ni les toucher. Mais surtout il ne pourrait jamais ressentir le goût de la victoire obtenue par l’exploit accompli, ou tout simplement l’enquête résolue. Némo comprit que sa vie appartenait au milieu, avant la découverte d’un mystère, après le lancement d’une intrigue. Sa vie appartenait à ce moment trop vague et trop commun pour être narré.
Les années qui suivirent ne firent que confirmer sa pensée. Il finit par rejoindre une faculté de droit comme la plupart des jeunes de son âge. Il ne savait pas vraiment ce qu’il désirait être plus tard, quel métier il désirait exercer, mais il savait que ce serait le même que tout le monde, le plus commun, le plus basique. Alors pourquoi s’en préoccuper ? Oui, Némo avait atteint l’âge adulte en abandonnant tout rêve, toute illusion, tout désir d’une vie meilleure. Némo était désabusé avant même d’avoir eu l’occasion de l’être. Il était la norme, le chiffre dans toute statistique, l’histoire que personne ne racontait. Tel un condamné, il l’acceptait. Il n’était plus qu’un sentiment morne, une mélancolie ponctuée de petites joies et de peines, rien de bien méchant, rien de bien dangereux, rien de bien amusant. Chaque minute avait la même saveur, et Némo savait qu’elle le recouvrait complètement.
Ce jour-là aussi était ordinaire, identique en tout point aux autres. Némo avait débuté sa journée à sept heures, répétant les mêmes gestes que les autres jours : douche, café, habillage, chaussures, métro. Ses cours étaient toujours aussi ennuyeux depuis quatre ans, et comme toujours, il les suivait attentivement, prenant des notes les diapositives ponctuées des commentaires des professeurs qui se relayaient dans l’amphithéâtre. Après une journée entière derrière un bureau, il reprit le chemin vers son appartement, un sublime studio de vingt-quatre mètres carrés sous les toits. Toute la journée, le ciel s’était couvert, passant du bleu au blanc, du blanc au gris, et à présent devenait de plus en plus foncé, comme si le jour cherchait à atteindre la noirceur de la nuit. En sortant de la station de métro, une goutte d’eau percuta le bras de Némo. Ce dernier se résolut à sortir son parapluie du fond de son cartable. Les nuages avaient déjà commencé à produire ce bourdonnement typique précédant l’orage. Mais Némo ne craignait pas l’orage, il savait que jamais le ciel ne tomberait sur sa tête. Ce fait serait bien trop exceptionnel pour prendre place dans sa vie. Le grondement devenait de plus en plus fort, comme la pluie, les gouttes s’écrasaient nombreuses et violentes sur la toile de son parapluie. Némo marchait serein, ne pensant pas à grand-chose. Dix minutes le séparaient de la station de métro à son domicile. Dix minutes, ce n’était rien, et rien ne pouvait se produire en dix minutes. Il tourna à droite, rentrant dans une ruelle : sa ruelle. Petite grise, sans aucune décoration spécifique, deux balcons fleuris, pas plus. La ruelle était étroite, assez pour qu’aucune voiture ne puisse passer sans risquer d’esquinter l’un de ses rétroviseurs. Némo marcha en direction de la porte verte un peu plus loin. Un chat croisa sa route. Némo chercha activement, dans son sac, ses clés, pas inquiet du ciel grondant au-dessus de sa tête. La bête noire passa à cet instant devant lui, à précisément deux pas et demi de sa porte. Némo, ne voyant pas l’animal, marcha sur une de ses pattes, entraînant un miaulement strident. Surpris, Némo bondit en arrière, s’emmêla les pieds et glissa sur le sol humide. Il se retrouva la tête contre le pavé, les vêtements souillés par le mélange de saleté et d’eau. Pour ajouter à la tragédie de sa situation, l’animal, totalement remis de son traumatisme, s’approcha de son bourreau, reniflant avec prudence les abords de son corps. Agacé, Némo voulut le chasser d’un geste de la main. Mais l’animal, au branchement cognitif inexistant, pris le geste de Némo comme un appel et bondit sur le ventre du malchanceux. Le ciel grondait au-dessus de leur tête. Némo ne le savait pas encore, mais c’était dans ces quelques secondes que résidait la suite du destin qui le lierait à jamais à ce chat : un éclair, ou du moins ce qui y ressemblait, traversa le ciel gris, dans un grondement strident. La lumière fut violente et percuta nos deux protagonistes. Enfin, plus l’un que l’autre. Némo n’eut pas le temps de penser à la douleur, et la mort certaine qui l’attendait. Aveuglé par la lumière, il ferma les yeux. Une minute entière passa avant qu’il n’ose les rouvrir. Comment se faisait-il qu’il sentait encore ses fesses meurtries par sa chute ? Que sa chemise trempée collait encore à sa peau ? N’était-il pas mort ? Suspicieusement, il ouvrit un œil, incertain de ce qu’il découvrirait. Rien n’avait bougé, le chat était toujours sur lui, tétanisé, les oreilles rabattues en arrière. D’un bon, Némo se releva, faisant fuir l’animal. Que venait-il de lui arriver ? Lui qui menait une vie si ordinaire, était-ce possible que l’univers ait enfin remarqué sa présence ? Un peu perdu, il se précipita jusqu’à son appartement, tremblant, faisant tomber plusieurs fois ses clés avant d’ouvrir la porte d’entrée. Il ne savait plus où donner de la tête. Il était perdu, n’arrivant pas à croire qu’il puisse être encore en vie après avoir été percuté par un éclair.
Il haletait sous le coup de l’émotion, son corps entier se crispait, tremblait, au bord de l’effondrement. Sur le chemin de sa douche, il laissait tomber chacun de ses vêtements sales et trempés. Il passa une heure sous l’eau, retournant l’événement dans sa tête, cherchant un indice expliquant toute cette scène. La vérité, c’était qu’aucun éclair ne l’avait touché. Ce qui était venue du ciel ce soir-là était bien plus ancien, bien plus instable et n’avait rien à voir avec un signe de l’univers, du moins celui-ci. L’eau commençait à devenir froide, signe qu’il avait complètement vidé son chauffe-eau. Némo sortit de la douche. Il passa sa main sur le miroir embué de son lavabo. Son reflet apparu, identique aux autres jours. Était-il possible qu’aucune trace de cet évènement ne réside sur lui ? Son corps s’était à présent calmé, mais il sentait encore cette vague d’adrénaline parcourir son corps. Beaucoup auraient voulu éviter revivre une telle expérience, mais pour Némo, c’était la première fois qu’un tel fait percutait sa vie. Il en était tout retourné. Maintenant que la peur était partie, il ne restait que l’excitation, le désir de retrouver cette sensation. Il avait retourné l’évènement cent fois dans sa tête, et il était persuadé d’en avoir trouvé la cause. Lui qui n’avait jamais connu la surprise, l’angoisse, la chance et la malchance, pensait ne pas pouvoir retourner à sa vie morne. Il attrapa un pantalon et un t-shirt dans son armoire et tout en s’habillant, il courut vers l’extérieur.
Arrivé dans la rue, il se moqua bien des trompes d’eau qui s’effondraient sur le sol, ni même qu’il était pieds nus encore trempé de sa douche, seulement vêtu d’un jean et d’un t-shirt. Son regard parcourait la ruelle à la recherche du déclencheur de son infortune. Derrière une poubelle, légèrement abrité de la pluie, il la trouva : cette chose, cette petite boule de poils noirs recroquevillée dans un coin. Le chat souffla, montrant les crocs, probablement terrifié. Quand il reconnut Némo, il se radoucit et timidement, il approcha sa truffe. Précipitamment, Némo l’attrapa et le plaça maladroitement dans ses bras. Il le serrait jalousement, regardant autour de lui, comme si quelqu’un allait apparaître subitement pour lui prendre. Si une personne avait regardé à cet instant dans la ruelle, il aurait pu voir un jeune homme pieds nus, trempé, regardant tel un fugitif le reste du monde, un chat entre les bras, et aurait probablement pensé avoir affaire à un autre de ces fous qui peuple les rues des grandes villes.
Son trésor dans les bras, Némo se précipita dans son studio. Il ferma la porte à clé derrière lui et posa l’animal sur le petit bar qui séparait la cuisine du reste de l’appartement.
Le studio était plutôt bien rangé. Se trouvant sous les toits, il avait les poutres apparentes dont certaines permettaient une séparation entre son lit et le reste de la pièce. Seuls ses vêtements de tout à l’heure, éparpillés sur le sol, ternissaient la propreté de son habitat. Pris d’une soudaine paranoïa, il vérifia plusieurs fois que personne ne se trouvait chez lui, derrière sa fenêtre ou derrière sa porte avant de se retourner vers le chat.
C’était un animal comme un autre, ses poils étaient mi-longs, complètement noir. Ses yeux étaient d’un joli vert où se dispersaient quelques filaments bleutés. Il remarqua que sa tête était plutôt petite contrairement à la taille de ses oreilles. Le chat le fixait lui aussi, attendant la suite probable des évènements sans comprendre le comportement de cet humain. Qu’est-ce qu’il cherchait en l’auscultant de la sorte ? Agacé, il poussa un petit miaulement. Némo sortit de sa réflexion :
« J’imagine que tu as faim », dit-il à l’animal.
Pour seule réponse, le chat miaula. Némo se surprit lui-même de ne pas y avoir pensé. Qu’allait-il donner à cette pauvre bête ? Elle devait être affamé, après tout, il l’avait retrouvée près des poubelles. Il se retourna et commença à sortir tous les aliments de son frigo. Batavia, tomate, poivron, courgette, aubergine, etc… Pourquoi avait-il acheté que de la nourriture saine ? Il se dirigea vers un placard, et finalement, derrière un paquet de muesli et deux boites de thés, il trouva une petite boîte de thon émietté. Il ouvrit la boite et la déposa devant la bête touffue. Le chat ne prit pas le temps de renifler et se jeta sur la nourriture, dévorant chaque parcelle de thon. Némo le regardait, un peu déçu il est vrai, il caressait machinalement le dos de l’animal :
« Tu n’es qu’un chat affamé, pas vrai ? murmura-t-il, je me fais des idées. Si seulement il pouvait arriver quelque chose qui me prouverait le contraire. »
A peine eut-il murmuré son souhait que le toit juste au-dessus de sa table basse s’effondra dans un parfait cercle de cinquante centimètres de diamètre. Dieu merci, il ne pleuvait plus. Dans tous les cas, Némo s’en moquait, il venait d’avoir sa preuve. Dans la brève seconde qui suivit, il comprit : jamais il ne quitterait ce chat. Ce ne pouvait pas être une coïncidence. C’était un signe. Némo alternait son regard entre le trou et le chat qui continuait sans broncher à manger.
C’était trop pour son petit être, lui qui n’avait jamais pu connaître le plaisir d’un bonbon et toutes ces autres surprises de la vie. Lui que l’univers avait oublié, venait d’obtenir le plus beau cadeau que l’on pouvait lui offrir. Sa chute de l’après-midi ne lui semblait plus si pathétique, mais miraculeuse. Némo avait croisé le chemin d’un chat noir. Pour d’autres, cela aurait été le signe d’un grand malheur, mais pour lui, rien n’aurait pu être plus beau. Il attrapa le chat, le sortant de sa gloutonnerie, et le leva au-dessus de sa tête, riant à gorge déployée. L’animal, lui, ne comprenait toujours pas les agissements de ce jeune homme, mais il s’en moquait. Il avait un toit au-dessus de la tête et on lui avait donné du thon, le reste avait peu d’importance. Il commençait même à s’attacher à ce petit humain sans importance qui lui avait marché sur la patte.
Deux La nuit fut courte pour Némo. Le trou dans son plafond laissait rentrer l’eau par fine goutte, résonnant dans le sceau qu’il avait mis dessous. Chaque goutte ne faisait qu’attiser son excitation. Il ne pouvait s’empêcher de faire des plans pour le lendemain, priant pour que le soleil se lève rapidement. Le chat, quant à lui, s’était installé confortablement : après avoir exploré méticuleusement chaque recoin, s’appropriant par frottement intensif chaque meuble, il avait finalement trouvé sa place au pied du lit, sur la couette, allégrement étendu, ronflant d’un son étrangement humain pour un félin. Même dans son sommeil, Némo ne pouvait s’empêcher de penser au chat. Il dormait à peine, se réveillant plusieurs fois pour vérifier sa présence, se perdant parfois entre rêve et réalité.
La fatigue finit par l’emporter. Au matin, Némo fut réveillé par la lumière envahissant la pièce à travers le trou dans le toit. La veille lui semblait floue. Il lui fallut plusieurs minutes avant de remettre ses pensées et souvenirs en place. Il vit la lumière inondant la pièce, il vit le trou, et tout lui revint. Dans un bond il se releva, à la recherche du chat. Mais l’animal était introuvable. Paniqué, Némo était prêt, habillé d’un simple caleçon, à courir les rues jusqu’à trouver l’animal. Il tourna la tête et vit la bête sur le comptoir, le fixant de ce regard énigmatique qui lui était propre.
Un soupir de soulagement s’échappa de Némo, son cœur reprenait un battement sain. Jusqu’à ce qu’il s’aperçoive de l’heure : 10h02. Lui, l’élève modèle, avait loupé son premier cours de la journée, et serait en retard pour le second. Il se précipita dans la salle de bain, enchaînant douche et brossage de dents, glissant sur le sol trempé tandis qu’il cherchait à enfiler son pantalon sur une peau encore humide. Il attrapa son sac, sans vérifier qu’il avait avec lui les affaires nécessaires, et tout en se chaussant, dévala les escaliers de son immeuble. Les cheveux en bataille, mouillés, il attrapa la première rame de métro et arriva précisément à 10h30 précise devant sa salle de cours.
Némo, qui n’avait jamais été en retard auparavant, était désorienté. Il ouvrit grand la porte de la pièce et sans prêter attention aux murmures désapprobateurs des autres élèves, il rejoignit ses amis : Antoine, Driss, et Aline au deuxième rang. Le professeur reprit son cours, mais Némo ne l’écoutait pas. C’était comme s’il reprenait conscience. Sortant d’un rêve, il s’apercevait des gens autour de lui, de ses cheveux humides contre sa nuque. Le quotidien continuait son cours et Némo avait plus que l’impression de ne plus en faire partie. Il sortit machinalement son ordinateur, sa trousse, et quelques feuilles au cas où, et chercha à se concentrer un peu plus, en vain. Il n’avait plus envie de suivre cette journée. Il avait envie de découvrir le monde, de prendre ses affaires, et de retourner à la découverte des mystères qui séjournait chez lui.
Ses doigts sur le clavier de son ordinateur portable, partirent en direction d’internet. Némo était régit par son inconscient qui le poussait à en savoir plus. Il tapa « chat magique » dans la barre de recherche. La page annonça plus de seize millions de résultats. Il descendit lentement la page. La plupart des sites proposé était des vidéos, des blogs d’animaux, et en grande partit des sites d’achat. Il revint sur la barre de recherche, dans l’espoir de préciser son centre d’intérêt : chat survivant aux éclairs. Cette fois-ci fut bien pire que la dernière, la page était bourrée de top sur les animaux. Il souffla et pesta. Internet, la beauté de notre siècle, des milliards de sites, de blogs, de vidéos, d’informations en tout genre et incroyablement atteint par l’idiotie humaine. Du coin de l’œil, il vit Aline dévier son regard vers l’écran. Immédiatement, il ferma l’onglet. Némo, les coudes sur le bureau, joignit ses mains et posa son menton dessus. Il fixait le professeur, simulant une profonde écoute, mais il était toujours ailleurs.
Il était évident qu’avec le mot chat dans ses recherches, il ne trouverait rien de bien intéressant. Le mot chat, était probablement le plus présent sur les réseaux. A croire que tous les propriétaires de ses bêtes se devaient d’harceler le monde entier de leur boule de poil, par des photos, des vidéos, et des textes que la majorité se contrefoutais. C’était à un tel point que Némo se demandait pourquoi aucun de ses propriétaires n’avaient écrit de livre sur leur animal.
Némo regarda l’heure : quinze minutes seulement s’étaient écoulé. Il soupira de plus belle. Il ne rentrerait jamais chez lui. Que faisait le chat en ce moment ? Créait-il d’autre anomalie dans son espace ? Que ratait-il encore de cette vie trépidante qu’il avait goutté la veille ? Il fallait qu’il connaisse la raison de se chamboulement.
Némo se ressaisit, ouvrit un nouvel onglet et fixa l’écran blanc, réfléchissant à une recherche qui lui éviterait toutes les stupidités d’internet. Peut-être que le chat n’était pas responsable de tout cela. Peut-être que lui aussi avait été pris au dépourvu par la pluie et surtout par la foudre. Némo ruminait : peut-être que la réponse était au-delà de sa portée terrestre, peut-être dans le ciel ? Après tout, c’était l’éclair qui avait provoqué sa rencontre avec le chat. Cet éclair ne lui avait causé aucun dommage, ni à lui ni à la boule de poils. Peut-être que c’était l’éclair qui était porteur de pouvoir. Peut-être qu’autant que le chat, Némo avait acquis de nouvelles capacités.
Un sourire naquit sur son visage : qu’était-il capable de faire ? Il tapa rapidement dans la barre de recherche : « capacité apportée par la foudre ».
Depuis des temps immémoriaux, l’humanité semblait fascinée par ce phénomène céleste, le représentant dans ses mythes et ses légendes. Les premières traces remontaient à une cité antique portant le nom d’Isin. Puis tout s’accélérait, chaque civilisation, chaque religion - nordique, chinoise, grecque, aztèque, et bien d’autre encore - faisait de la foudre un pouvoir divin. Tous ont cru en la puissance du feu céleste, lui attribuant une importance plus grandiose qu’aujourd’hui. Puis, les scientifiques étaient arrivés, réduisant les récits des anciens à de simples contes pour enfants. Aujourd’hui, aux yeux du monde, la foudre n’était rien de plus qu’un phénomène naturel, résultant de l’accumulation d’électricité statique dans des zones de nuages d’orage.
Plus Némo en lisait, plus il se sentait unique. Quelles étaient les probabilités pour qu’un tel phénomène se produise dans sa rue ? Qu’il le touche ? Et plus encore, comment avaient-ils survécu, lui et le chat, alors que l’air tout entier s’était enflammé à plus de trente mille degrés ? Némo se sentait tel un miraculé, convaincu que sa survie ne pouvait être que divine. C’était ce qu’il pensait, assis au milieu de sa classe, ne remarquant pas les regards intrigués de ses amis et leurs chuchotements.
Némo voyait dans cet évènement un signe divin, mais il se trompait. L’explication d’un tel miracle était simple, mais aucun humain n’aurait pu la formuler : l’éclair n’en était pas un, et ce qui semblait être un miracle, un message divin, n’était simplement qu’une erreur, la conséquence d’un évènement se déroulant bien au-delà de l’univers ordinaire de Némo.
Le cours se termina, et un sentiment nouveau s’empara de Némo : une sorte d’orgueil montant, lui faisant croire qu’il était unique, spécial, et que sa place était loin de cette foule qui se précipitait de ranger ses affaires pour découvrir les affres d’un sandwich aux multiples conservateurs. Il enfourna son ordinateur et sa trousse dans son sac et se dirigea vers la sortie, oubliant les feuilles sur son bureau. Il était déjà loin, en train de planifier ses prochaines découvertes. Derrière lui, Driss, Antoine et Aline l’observaient. Ils avaient clairement remarqué le comportement plus qu’étrange de leur camarade, le considérant comme un somnambule qu’aucun d’entre eux n’osait réveiller.
Normalement, Némo avait encore deux cours après l’heure du déjeuner, mais cela ne l’intéressait plus. Il se dirigea vers la bouche de métro. Aline, elle, avait quitté le groupe et avait continué à suivre Némo, cherchant un moyen de le ramener à la réalité :
« Némo ? »
Némo ne se retourna pas. Il aimait bien Aline, c’était l’une de ses plus vieilles amies depuis qu’il était entré à la faculté. Elle avait à peu près son âge, n’avait pas changé de ville, et passait son temps à se plaindre de tout : parents, professeurs, politique, économie, avenir, et vacances, tout y passait. Elle ponctuait ses plaintes de long discours captivants mais sans véritable finalité. Elle pouvait être incroyablement agaçante pour certains, puisque, d’après elle, sa vie était bien plus que toutes les autres, en bien ou en mal. Cela ne dérangeait pas Némo, du moins avant, quand sa vie était encore banale et ennuyeuse.
Devant les portes ouvertes de la rame de métro, elle lui tira le bras et Némo se retrouva forcé de lui faire face. Elle n’était pas jolie, pas moche non plus. De long cheveux bruns bouclé, un nez un peu long et un visage fin comme sa taille, avec des formes généreuses qu’elle aimait mettre en valeur avec des vêtements moulants :
« Je vais chez moi, répondit-il calmement.
— Pourquoi ? demanda-t-elle de manière intrusive.
— J’ai oublié des affaires », mentit-il.
Némo n’avait pas envie de lui dire la vérité. D’une part, parce qu’il n’aurait pas su par où commencer, ni même si elle le croirait. Mais surtout, parce qu’il ne voulait partager cela avec personne. C’était son moment à lui, son évènement extraordinaire. En aucun cas il ne voulait que quelqu’un puisse lui voler ne serait-ce qu’une partie de cela :
« Je t’accompagne », répondit-elle avec son sourire amèrement aimable.
Némo soupira. Il savait qu’il ne pourrait pas refuser. Les dix minutes de métro qui les séparaient de son arrêt allaient être longues et pénibles, pensa-t-il.
A peine rentré dans le wagon, Aline s’empressa :
« Tout va bien pour toi ? »
Némo ne prononça aucun mot, se contentant de hocher la tête. Il espérait ainsi éviter une avalanche de questions auxquelles il ne voulait pas répondre. Un espoir vain, comme il le savait :
« Tu étais en retard ce matin », continua-t-elle.
Encore une fois, il acquiesça d’un signe de tête, regardant par la fenêtre du métro, pressé de voir apparaître la station :
« Tu as l’air ailleurs. Tu as fait quoi hier soir ?
— Chez moi.
— Avec quelqu’un ? demanda-t-elle, son sourire se crispant légèrement.
— Non. »
Némo fit mine de ne pas remarquer le soupir soulagé de son amie. Les portes s’ouvrirent et il se précipita hors du métro avec la masse de passagers, cherchant un moyen de se débarrasser d’elle. Aline ne semblait pas pour autant satisfaite. Elle le suivait de près, marchant dans son ombre. Elle regarda l’heure de son portable et il sut qu’elle se doutait qu’ils n’arriveraient jamais à l’heure au prochain cours :
« Tu peux partir rejoindre les autres, tenta Némo, je ne pense pas que l’on aura le temps de manger et d’arriver à l’heure.
— Non, je ne vais pas te laisser tout seul », insista Aline.
Némo soupira, mais sans aucun soulagement. Il était maudit. Il y aurait toujours quelqu’un entre lui et ses désirs. Tant pis. Si cela devait en être ainsi, il ferait avec.
Aline ne semblait pas comprendre son désir qu’elle parte et le suivit le long du chemin, racontant une histoire sur une soirée qui avait eu lieu, il ne savait trop quand. Némo ne l’écoutait pas. Il avait un pressentiment en lui qui lui faisait accélérer le pas, se moquant des feux rouges et des klaxons des voitures quand il traversait. Et il n’avait pas tort.
Arrivés en haut des escaliers, Némo découvrit la porte de son appartement au sol, arrachée de ses gonds. Il laissa tomber son sac et se rua à l’intérieur. Le studio avait été mis à sac, mais Némo se moquait bien des dégâts matériels : le chat était introuvable.
Sur le seuil de la porte, Aline était tout aussi effarée que lui. Dans un réflexe, elle composa le numéro de la police. Némo s’effondra sur son lit : il n’aurait jamais dû partir, il aurait dû rester avec le chat. Comment allait-il faire pour retrouver cette sensation, ce sentiment de surprise que seul l’animal lui procurait ?
Aline vint jusqu’à lui :
« Ne t’inquiète pas, j’ai appelé la police, ils ne vont pas tarder. »
****
Quelques minutes après leur découverte, plusieurs agents avaient débarqués. A présent, ils étaient tous là, examinant son appartement, cherchant à déterminer ce qui avait pu être endommagé. Plusieurs d’entre eux se penchaient autour du trou dans le plafond, se demandant la raison de sa présence et comment celui-ci avait été provoqué. Aline prenait plaisir à détailler ce qu’elle savait à l’inspectrice. Pendant ce temps, Némo restait assis sur son lit, immobile. Il ne voyait rien, n’entendait rien, ne pensait rien. Il aurait pu être heureux d’avoir expérimenté une vie hors norme, ne serait-ce que pour une soirée, mais il se sentait vide, anéanti, désorienté.
L’inspectrice s’approcha de lui :
« Votre amie m’a expliqué en détail votre journée. Avez-vous remarqué des personnes suspectes près de votre immeuble récemment ?
— Non, répondit Némo sans une once d’émotion.
— Avez-vous vérifié si toutes vos affaires sont présentes ?
— Non. »
L’inspectrice fronça les sourcils :
« Y aurait-il une raison particulière pour que votre appartement ait été vandalisé de la sorte ?
— Non.
— Jeune homme, s’impatienta-t-elle, si vous souhaitez que l’on vous aide, il faudrait être un peu plus coopératif. Est-ce que vous savez ce qui a disparu ?
— Le chat, dit-il en tournant des yeux pleins de larmes.
— Le chat ? Votre amie ne nous a rien dit à propos d’un animal.
— C’est pas le mien. »
L’inspectrice passa une main dans ses cheveux, visiblement exaspérée, avant de reprendre :
« Saviez-vous à qui il appartenait ?
— Non, c’était un chat dans les poubelles, mais il était spécial.
— C’est à dire ?
— Il pouvait faire des trucs, répondit Némo, fixant l’inspectrice. »
Elle semblait plutôt compréhensive. Attentive à ses paroles. Némo commença à espérer à nouveau. Peut-être pourrait-elle vraiment l’aider, peut-être qu’elle retrouverait l’animal et l’aiderait à comprendre ce qu’il ne comprenait pas ? C’est pourquoi il ajouta :
« C’est lui qui a fait le trou dans le plafond. »
Némo se trompait. L’inspectrice pouvait être aussi performante qu’il le pensait. Certaines choses ne sont pas à la portée de tous. Némo aurait pu parler de trafic de drogue, d’armes, voire d’une conspiration gouvernementale, il aurait eu plus de chance d’être cru. Mais là, cela dépassait les limites de la rationalité humaine. L’inspectrice fronça les sourcils et résuma :
« Donc, des individus ont saccagé votre appartement pour récupérer un chat des rues qui peut faire des trous dans les plafonds.
— Oui. »
En disant ce mot, Némo comprit qu’il n’y avait aucun espoir. Personne ne le croirait. L’inspectrice se leva, et ajouta simplement :
« Reposez-vous, appelez votre propriétaire, remettez une porte à votre appartement, réparez le toit. Si vous remarquez que quelques choses manquent venez au poste de police nous le dire.
— Mais le chat, insista Némo.
— Il s’est sûrement enfui. Reprenez-vous. Les cambriolages sont plus fréquents qu’on y pense. Venez au poste de police quand vous aurez les idées plus claires. »
L’appartement se vida rapidement de la foule de policiers. Némo se leva, traînant des pieds, vagabondant entre les débris jusqu’à la porte. Aline s’approcha de lui :
« Je viens d’avoir Antoine, il a prévenu le prof, et il nous envoie les cours, tu veux venir chez moi, si tu veux on passe prendre une pizza, en chemin et …
— Va-t’en, dit Némo d’un ton abrupt.
— De… quoi ?
— Rentre, sors, amuse-toi. J’ai autre chose à faire.
— Y a un truc que tu me dis pas, c’est ça ? Tu sais, je n’ai pas parlé à la police de ton allure étrange aujourd’hui. Je commence à me demandais si… tu as fait quelques choses de mal ? », demanda Aline sur le pas de la porte.
Némo éclata de rire, nerveusement :
« Pas encore », lui répondit-il.
Aline écarquilla les yeux, surprise de sa réponse, mais ne dit rien. Némo saisit la porte par terre et la remis en place dans l’encadrement. Tant pis si elle retombait, tant pis si les gens s’inquiétaient, tant pis pour tout. Il avait réalisé ce matin qu’il ne voulait plus d’une vie normale, surtout après avoir goûté à l’étrange. Il se retourna vers la pièce en désordre. Si la police était incapable d’effectuer correctement son travail, alors il enquêterait tout seul et retrouverait le chat.