Rêveries - Cassandra Blouet - E-Book

Rêveries E-Book

Cassandra Blouet

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Beschreibung

Un choix difficile entre deux mondes...

Chloé a 15 ans. Sa vie défile entre ses parents, le lycée, et ses amis. Pourtant elle n’arrive toujours pas à trouver sa place. Tout semble manquer cruellement de sens.
Un soir suivant son amie Sarah, elle se trouve propulsée dans un monde qui semble lui être plus familier qu’elle ne souhaite se l’avouer.
Choisira-t-elle de rester ou de partir ? Le temps lui est compté…

La première partie d'une série de romans jeunesse fantasy à dévorer sans hésiter !

EXTRAIT

Je me réveillai en sursaut. Prise de tremblements, je me recroquevillai sur moi-même cherchant un réconfort quelconque. Le cauchemar était encore revenu, plus intense, comme s’il devenait de plus en plus vivant, de plus en plus réaliste. Je pouvais encore sentir le sang couler d’une plaie invisible au niveau de ma poitrine, ainsi que la peur, et la solitude. Il fallait que cela cesse.
Deux jours que nous marchions dans cette forêt sans fin, me semblait-il. Le ciel avait fini par disparaître, et il ne restait plus que des arbres à perte de vue. Il était impossible de savoir depuis combien de temps nous errions. Au-delà de la faim et de la soif, c’était l’impression d’être prise au piège, enfermée qui me tuait à petit feu. J’avais l’impression de devenir folle. Le babillage incessant des autres me rendait dingue. Angy n’arrêtait pas de râler à propos de tout, mais surtout à propos de moi. Ses paroles ne me blessaient pas, j’en avais tellement entendu à mon sujet que ses petites piques n’avaient plus aucun effet. Non, la seule chose qui m’exaspérait était de voir Sébastien prendre mon amie dans ses bras, caresser sa joue, lui murmurer des mots à l’oreille, la faire rire, tout en gardant le regard fixé sur moi. Il croyait me rendre jalouse, et bien c’était raté. J’avais juste de plus en plus de difficultés à me retenir de lui mettre mon poing dans son beau petit minois d’ange.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Cassandra Blouet dite Cassy est née en 1995.

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Prologue

L’univers cache de multiples secrets, et si vous en doutez, une nuit, regardez par la fenêtre. Regardez ces millions d’étoiles et cherchez une réponse à toutes ces questions qui vous assailliront. Oui, l’univers est grand et vaste, et nous ne représentons rien, nous ne semblons être qu’un minuscule petit grain de sable dans un désert sans fin. Toutes ces millions de choses, toutes ces guerres, ces actions qui se font sans que rien ni personne en ait réellement conscience. C’est triste. Triste de savoir que je vais mourir sans que personne ne s’en rende compte. J’ai tellement mal, que je n’ai même plus la force de crier.

Pourquoi moi ? J’étais une fille banale, sans importance, une fille qui était destinée à vivre simplement, trouver un travail, se marier, avoir des enfants, et mourir dans l’insignifiance la plus totale. Alors pourquoi je suis là, seule, démunie sans aucune chance de m’en sortir.

Avec le peu de force qu’il me reste j’arrache la lame qui, peu de temps avant, m’avait transpercée, un liquide chaud se répand progressivement sur ma main. Du coin de l’œil je vois mon sang, mon propre sang qui coule de la plaie béante. Cette vision m’arrache un sanglot, et des milliers de larmes ruissellent sur mon visage. J’étais pas prête, pas prête à ça, et la même question revient: pourquoi ? J’ai envie de crier, mais rien ne sort, à part ces foutus sanglots. Maintenant vient la peur. J’ai peur. Non, je suis terrifiée. Je ne veux pas mourir, pas maintenant, pas toute seule, pas ici. Il y a tellement de choses que je n’ai pas pu faire, dont je n’ai pas su profiter. Il y a tellement de questions sans réponse. Et puis j’abandonne, la douleur est tellement présente, trop présente, et mon sang si peu dans mon corps, que je commence à oublier, à tomber dans une sorte de transe. Pour la dernière fois je vois le soleil se lever, c’est si beau, cette infinité de couleurs, cette chaleur… J’en oublie de pleurer. Petit à petit tout devient flou, tout s’efface, mes souvenirs défilent dans ma tête, tous ces moments appartenant à une autre vie, me semble-t-il : mon premier baiser avec Sébastien, les crises de rire avec Sarah, ma rencontre avec Robin. Puis il ne reste plus rien, juste un vide, un fond noir.

Soudain au fond, tout au fond de moi apparaît une petite flamme, toute petite, vacillante : un espoir. Un espoir de vivre, un espoir de paix, un espoir d’aide. Je ne sais pas, je ne sais plus, la seule chose que je sais c’est que j’espère encore et toujours, et que j’espérerai à jamais. Espérer quoi ? Je ne sais pas je ne sais plus, la seule chose que je sais c’est que j’espère toujours.

J’ouvris les yeux en grand. Je tremblais et mon souffle était erratique. Des gouttes de sueur perlaient sur mon visage. Mais il n’y avait rien à craindre après tout, ce n’était qu’un rêve. Un rêve terrifiant, un peu trop réel, mais ce n’était juste qu’un simple rêve. Je fermai les yeux et me rendormis.

Chapitre I

Je m’appelle Chloé, j’ai seize ans, enfin je les aurai le 26 novembre. Je suis une lycéenne en classe de première. Répétant banalement des choses banales dans ma tête. J’aimerais être une de ces filles que personne ne semble voir. J’aimerais être tant de choses, toutes, n’importe lesquelles, sauf moi.

Le professeur continue à parler, mais aucun des mots qui sortent de sa bouche ne semble avoir de sens. Enfin même s’ils en avaient, je ne pense pas que j’y prêterais attention. Non vraiment les cours ce n’est pas pour moi. Je pose mon coude sur la table, ma main me servant d’appui. Tournant la tête j’observe les feuilles aux couleurs du feu volant dans le ciel gris d’octobre. Je sens qu’il va pleuvoir. Heureusement ce soir je vais chez Sarah. Elle pense toujours à prendre un parapluie. Elle pense toujours à tout. Peut-être que son père viendra nous chercher. Sinon nous pourrions rentrer à pied, tranquillement, la musique dans les oreilles, le vent d’automne dans nos cheveux, un peu de pluie, et… :

– Baker, vous faites quoi encore ! Ça va, on ne vous dérange pas trop ? S’énerva le professeur, me faisant sursauter par la même occasion.

– Non mais j’écoutais monsieur, répondis-je.

– Vraiment ! S’exclama-t-il, un sourire malsain se dessinant sur son visage. Très bien répétez moi ce que je viens de dire !

– Ben que des nombres..., enfin dans un cercle…, articulai-je cherchant des indications au tableau, qui sont des nombres correspondant à d’autres…

– Dans un repère, on peut tracer un cercle trigonométrique qui, nous permettra d’obtenir une mesure en radian d’un angle qui sera égale à celle en degré, me chuchota discrètement Sarah à côté de moi.

– Le cercle trigonométrique dans un repère donne des angles qui sont en radian et qui sont égaux aux degrés, répétai-je.

– Merci Mademoiselle Arker, dit-il en prononçant chaque syllabe avec une articulation forcée.

Il sembla réfléchir, et je crus pendant un court instant être sauve. Enfin ce n’était qu’un futile moment, et en quelques secondes son regard de psychopathe, meurtrier, sadique s’était à nouveau scotché sur moi. Il se racla la gorge avant de parler :

– Quant à vous mademoiselle Baker, vous me copierez le cours d’aujourd’hui pendant les deux heures de retenue que vous aurez lundi soir.

Puis sans me prêter plus d’attention, il se retourna vers son tableau, et se remit à gribouiller des symboles sans queue ni tête tout en continuant son cours.

Pourquoi je passais-je mon temps ici ? Enfermée dans une classe, écoutant des cours sans véritable intérêt. En quoi apprendre la probabilité qu’un dé fasse un six ou un trois, ou encore de savoir dériver une fonction et d’en déduire la variation, me serait utile pour mon futur ? Je soupirai, exaspérée. Plus tard, le futur. Je ne savais déjà pas ce que j’allais faire demain, qui je serais, si demain je trouverais encore au moins un peu d’intérêt dans la vie, alors le futur. C’était un bien grand mot, sans aucun sens… Moi je rêvais d’aventure, de partir loin d’ici, loin de cette vie épuisante, étouffante qui m’entraînait inlassablement vers la même destination que tout autre personne. Vivre enchaînée à un bureau sans avoir vécu, sans n’avoir rien connu... :

– Chloé tu devrais au moins faire semblant de t’intéresser au cours…

– Quoi ? !

– Le prof te regarde, fais au moins semblant de prendre le cours, déjà que ton lundi soir est mort…, reprit en chuchotant Sarah.

– Sarah le truc qu’il ne sait pas, dis-je en ricanant, c’est que lundi soir la prof d’allemand m’a déjà pendant deux longues heures.

– Baker ! S’écria le professeur, nous faisant sursauter toutes les deux.

– Oui ? Demandai-je en affichant un magnifique sourire plein d’arrogance, sachant pertinemment qu’il n’y avait rien à tenter.

– Vous empêchez mademoiselle Arker de suivre le cours, je me vois donc dans l’obligeance de vous demander de sortir, ainsi nous éviterons que d’autres personnes de cette classe vous suivent dans votre échec scolaire par votre faute.

Sans un mot je me levai, pris mes affaires, et sortis de la classe sous le regard médusé des autres élèves. De toute façon Monsieur Herman ne m’aimait pas vraiment, pour ne pas dire du tout. Rien que pendant la première heure de cours, il avait pris mon carnet de correspondance et m’avait mis deux heures de retenue. De toute façon je ne l’aimais pas vraiment non plus : il avait une façon de regarder les élèves avec suffisance et dédain, et ce besoin d’autorité qu’il se devait d’assouvir continuellement. J’étais persuadée que cela était dû à des problèmes traversés pendant sa propre enfance.

Avant de sortir de la classe, qui était plongée dans un silence à faire froid dans le dos, je lançai un regard vers Sarah. Elle remua ses lèvres et je pus y lire : « dans une heure au parking ». Enfin quelque chose qui y ressemblait. Je lui fis un petit signe de la main pour lui dire au revoir, et sortis de la classe prenant un malin plaisir à claquer la porte derrière moi.

Tenant mon sac d’une main je partis discrètement vers le rez-de-chaussée, me fiant à chaque petit bruit que je pouvais entendre. En effet la principale du lycée, m’avait gentiment expliqué, deux jours auparavant, que si j’étais une nouvelle fois mise à la porte il se pourrait que ce ne soit pas simplement une exclusion du cours mais du lycée, qui pourrait s’avérer par la suite définitive. J’avais donc grand intérêt à ne pas me faire prendre. J’avais aussi l’intention de sortir en douce. Ce qui n’était pas chose simple.

Heureusement pour moi, j’avais découvert au début de l’année précédente un petit passage qui me permettait de sortir du lycée. Pour cela il fallait traverser un long couloir qui passait devant la salle des professeurs, puis entrer dans le secrétariat, pour ensuite ouvrir avec le passe partout du lycée - que j’avais emprunté, pour un certain temps non déterminé, mais ceci est une autre histoire - une porte qui donnait sur un vieux bureau sans aucune utilité. Ce bureau était le seul à posséder une baie vitrée, qui donnait sur l’arrière du bâtiment. Il me suffisait ensuite d’escalader le grillage et j’étais libre. Un vrai jeu d’enfant. Depuis le temps que je le faisais, ce n’était pas aujourd’hui que j’allais avoir des problèmes.

Ce fut donc à pas de loup, collée au mur, que j’avançai dans le couloir. Personne ne sembla le traverser. J’atteignis mon objectif avec une tranquillité effrayante. Arrivée devant le secrétariat, je passai discrètement la tête devant la porte. Elle comprenait une fenêtre, toute petite, et pleine de traces de doigts. À peine ma tête était-elle arrivée à la hauteur de celle-ci, que la principale en personne ouvrit la porte. Je me collai alors à nouveau contre le mur, fermant les yeux et priant pour qu’elle ne me voit pas. Elle ne sembla pas faire attention à moi et tout en parlant avec la secrétaire qui la suivait, elle partit en direction de la salle des professeurs. Quand elles furent à une distance à peu près convenable, je fis le tour de la porte et la fermai derrière moi. Je m’écroulai contre celle-ci, relâchant tout mon souffle, mon cœur battant à rompre ma cage thoracique. Une courte pause, rien de plus. Il n’y avait pas de temps à perdre. À tout moment quelqu’un pouvait arriver et me prendre sur le fait. Je me relevai et ouvris mon sac pour prendre la clé. Rien. J’avais beau fouiller, elle n’y était pas. Je me mis donc à sortir mes affaires pour la retrouver tout en ruminant intérieurement :

– Chloé ! que faites-vous là ?

Tremblant comme une feuille je me retournai, pour voir ma prof d’histoire géographie, une jeune femme blonde avec un long nez fin, toujours habillée d’un chemisier rentré dans une longue jupe droite, me regarder avec interrogation derrière ses petites lunettes rectangulaires :

– J’attends la secrétaire, dis-je tremblant plus que de raison.

– Tu n’as pas cours à cette heure-ci ?

– Si, mais elle m’avait dit de passer à cette heure-là, enfin c’est pour quelque chose d’assez compliqué et important.

– Au sujet de … ?

– C’est personnel, répondis-je instinctivement cela marchait à tous les coups.

– Tu sais si…

– Elle est partie avec la principale, la coupai-je, elle m’a dit d’attendre un petit moment.

– Très bien, dit-elle, je vais te laisser, juste pourras-tu lui dire que je suis passée… ?

– Oui, oui, la coupai-je à nouveau, au revoir Madame.

Elle sortit de la salle, un peu trop lentement à mon goût. Chaque pas qu’elle fit jusqu’à la sortie sembla prendre des heures. J’attendis que le claquement de ses talons sur le sol ne soit presque plus qu’un simple souvenir pour reprendre ma fouille intensive. Où pouvait bien être cette clé ? J’aperçus un trou dans la doublure de mon sac. Jurant, j’y faufilai ma main. J’y trouvai l’objet tant convoité. Ce bref moment de satisfaction fut coupé par les voix de la principale et de la secrétaire. Juste le temps de remettre toutes mes affaires dans mon sac, de glisser la clé dans la serrure et j’avais disparu.

D’une façon des plus mécaniques, sans aucune réflexion, je me retrouvai derrière la porte, les jambes flageolantes, le cœur prêt à sortir de ma poitrine, et un sourire victorieux sur les lèvres. J’adorais ça. Cette sensation, cette sorte de transe qui m’attrapait soudainement, sentir l’adrénaline se disperser partout dans mon corps, j’en frissonnais. Mon portable vibra : En cours ?, rapidement j’envoyais une réponse : donne-moi cinq minutes. Je remis mon téléphone dans mon soutien-gorge, et prenant mon sac sur mon épaule je partis en direction de la baie vitrée.

La seule fois où Sarah était venue avec moi, j’avais cru qu’elle allait faire un arrêt cardiaque en l’ouvrant. En effet la porte faisait un bruit épouvantable, grinçant comme jamais, de sorte que même moi, lors de mes premières “heures de liberté”, j’avais cru que ma fin était proche, qu’à tout instant quelqu’un allait débouler dans la pièce, et que j’aurais de sérieux ennuis. En réalité personne ne pouvait l’entendre, car la secrétaire de l’établissement avait pour habitude de mettre de la musique quand elle était seule, dans les autres cas, et bien soit elle parlait, soit elle n’était pas dans son bureau. Donc rien à craindre. Ce fut avec la posture la plus décontractée que j’ouvris la fenêtre et me glissai à l’extérieur. Je pris soin de la refermer avant de me diriger vers le grillage vert qui séparait l’établissement du monde extérieur. Je balançai mon sac de l’autre côté, puis grimpant j’envoyai ma jambe droite pardessus, puis ma jambe gauche, et me laissai retomber avec souplesse sur le sol. Reprenant mon sac, je marchai jusqu’au coin de la rue. Quelques secondes suffirent pour qu’une moto noire arrive en dérapant à mes côtés. Le conducteur portait un blouson de cuir noir, et le casque de même couleur sur sa tête empêchait de distinguer qui était cette personne :

– Tu cherches vraiment à me tuer ? T’es un vrai malade tu sais ? Criai-je un sourire aux lèvres trahissant mon amusement.

Je savais très bien qu’il ne me répondrait pas, et j’imaginais très bien le sourire narquois naissant sur ses lèvres. Instinctivement je remis bien mon sac près de moi et montai à l’arrière de la moto. Je passai mes bras autour de sa taille, et posai ma tête contre son épaule. J’inspirai son odeur tellement inquiétante, un mélange d’herbe coupée, d’ébène, avec une touche de mystère. À peine l’air sorti de mes poumons, que la moto repartit à toute allure vers notre destination, laissant mes cheveux voler au vent. Libre. Seulement pour un temps.

****

« - Tu viens ce soir ? Demandai-je les yeux fermés, allongée dans l’herbe fraîche.

– Tu disais ? Demanda-t-il à son tour, les yeux toujours fermés, le visage tourné vers le ciel, profitant des derniers rayons du soleil avant l’hiver.

– Tu viens ce soir ? Répétai-je avec agacement.

– Pourquoi je viendrais ?

– Parce que je te l’ai demandé ! dis-je me retournant vers lui avec un grand sourire.

– Ah bon ! Quand ?

– ROB ! m’énervai-je

– Si tu veux princesse je viendrai, comme toujours… »

Le silence se fit à nouveau. Je refermai les yeux me laissant bercer par la douce mélodie de l’herbe dansant dans le vent d’automne, cherchant à comprendre le chant des oiseaux qui s’apprêtaient à partir vers des ciels plus bleus. J’aimais bien être là, avec Robin. Je n’étais plus Chloé Baker, la petite peste que tout le monde enviait, la reine du lycée, qui subitement était tombée dans une descente des plus vertigineuses depuis que son copain l’avait délaissée pour sa meilleure amie. Je n’étais plus cette fille que toutes les personnes regardaient avec pitié et moquerie dans les couloirs. Je n’étais plus aucune des rumeurs. J’étais juste moi.

Chez moi… Il n’y avait pas vraiment de place, j’étais Chloé l’invisible. Les seuls moments où l’on faisait attention à moi, c’était quand un professeur ou la principale me convoquait, et au pire quand j’étais ramenée par la police. Il est vrai que je n’étais pas la fille la plus sage du monde, mais le souci était que je ne supportais pas d’entendre et réentendre de la part des adultes cette maudite phrase : “Voyons Chloé, pourquoi poses-tu tant de problèmes, tout va bien, tu n’es qu’une enfant, tu n’as aucune préoccupation vraiment importante.”. J’avais alors cette affreuse envie de leur crier qu’ils se trompaient, qu’ils ne comprenaient rien, qu’ils ne voyaient rien. Ils ne ressentaient pas cette impression d’être toujours seule, que le monde n’était pas normal. Cette sensation de ne pas être à la bonne place, d’être différente, peut-être un peu trop. Souvent je fermais les yeux à l’entente de cette phrase et un « oui » plein de haine sortait de ma bouche, mais jamais au grand jamais je ne me suis excusée. Je les détestais tous.

Bien sûr ici, avec Robin, j’étais bien. Je ne savais pas vraiment d’où il venait, ce qu’il faisait, ou ce qu’il avait fait, lui non plus ne savait rien de moi. Ou peut-être était-ce l’inverse, nous savions tout l’un de l’autre, mais seulement ce que nous étions, pas le reste. Le reste n’avait pas d’importance. Le reste n’était rien, juste des dires balayés par le vent. Après tout nous étions identiques : deux êtres un peu perdus, un peu trop différents, et un peu trop seuls, rêvant comme les oiseaux d’un autre ciel, un peu plus bleu, sans nuage et où le soleil brillait de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel :

– Chloé ?

– Hum.

– Tu lui as dit ?

– Dire quoi à qui ?

Je savais de quoi il voulait me parler, mais je préférais feindre l’ignorance.

– À Sarah sur Sébastien. Me dit-il sur un ton un peu agacé.

– Pourquoi je lui dirais ? Elle s’en fout et puis elle ne me croirait pas. Tu sais comment elle est. Pour elle le monde est un immense champ de pâquerettes, où tout le monde se tient la main en chantant la chanson de l’amour.

Un rire doux s’échappa de sa bouche, et je pus sentir son regard gris me transpercer :

– Ça me rappelle quelqu’un.

– N’importe quoi j’ai jamais été comme ça ! Répondis-je.

Le silence se remit en place. Je sentais un certain malaise, un non-dit qui restait encore en l’air. Je sentais qu’il me cachait quelque chose. Je ne pus attendre plus :

– Raconte.

Je l’entendis prendre une grande inspiration avant de répondre :

– Le mois prochain je pars. Dit-il dans un murmure

– Quoi ? ! m’exclamai-je en me retournant vers lui.

– J’ai trouvé un job, il est très bien payé et c’est une chance unique pour moi.

– Tu reviendras au moins ? demandai-je timidement

– Je ne sais pas princesse, me caressant les cheveux il continua, tu sais il y a trop de mauvais souvenirs ici, et si je ne pars pas maintenant je ne partirai sûrement jamais, je pourrai pas revenir, je suis désolé, murmura-t-il.

– Tu pars pas simplement pour un job ou il y a autre chose ? Devinai-je

Robin ne me répondit pas :

– C’est à propos… ? demandai-je hésitante.

– Faut que je la retrouve, me répondit-il avec une voix rauque

– Mais c’est qu’un rêve, une invention de ton esprit Rob, tu sais que c’est faux.

– Et pourtant c’est tellement … Si réel, j’ai besoin de la retrouver, je sais, au plus profond de moi que ma mère ne m’a pas abandonné, elle voulait me protéger, j’ai besoin de savoir.

– Promets-moi simplement qu’on se retrouvera et…

– Bien sûr que je te le promets, on ne laisse pas en plan une princesse.

– Et que tu viendras à la fête de ce soir avec moi, finis-je

– Très bien si tu te tais et que tu me laisses profiter de ce moment, accepta-t-il un sourire sur les lèvres.

Je m’allongeai la tête sur son ventre, et observai les feuilles des arbres, déjà bien jaunes tomber doucement comme des flocons de neige sur le sol. Le temps se ralentit, les secondes devinrent des minutes, tout s’évapora peu à peu, et finalement le noir revint encore une fois.

Chapitre II

Comme à chaque fois, j’avais l’impression d’être pleinement éveillée. Il n’y avait que le noir et mes pensées. Puis doucement, timidement, vinrent les siennes. Je ne la connaissais pas. Je ne l’avais jamais rencontrée. Je ne savais ni son nom, ni d’où elle venait. Je n’étais plus qu’une infime petite chose dans sa tête, ressentant chacune de ses sensations et entendant chacune de ses pensées. La première chose que je ressentis fut la peur, elle envahissait tout son corps, tout son être. Son impuissance, je la sentais en moi. Cette envie de crier, de hurler, mais de ne pouvoir rien faire. Ensuite une pensée, répétée, tremblante, la seule : « Pas de peur, il ne viendra pas, ils ne nous rattraperont pas ». Une odeur de sang vint à moi, forte intense, et inconsciemment je savais que cela ne venait pas de moi, de nous, d’elle. Le vent sifflait dans mes oreilles. J’entendais des cris stridents derrière nous, loin, pas assez loin. Chacun d’eux provoquaient en moi des tremblements incontrôlés dans tout mon corps, son corps, m’obligeant à m’agripper à celle qui me transportait. Mais vers où ? J’avais juste une seule envie c’était de me cacher, ou plutôt elle avait envie de se cacher.

Avant, il y a bien longtemps, j’arrivais parfaitement à faire la distinction entre elle et moi. Mais aujourd’hui la limite entre nos deux êtres était bien trop faible, et parfois inexistante. Peut-être un jour elle n’existerait plus ? Cette pensée me terrifiait. Cela voulait dire perdre mon identité, et je m’y refusais. Que ce soit en rêve ou dans la réalité, c’était la seule chose que je possédais, et je ne pouvais me résoudre à l’abandonner.

La course s’arrêta. J’ouvris les yeux, ou plutôt elle. En face de moi se trouvaient de gigantesques arbres, grands, puissants, sombres, se fondant dans l’obscurité de la nuit. Les cris provenaient de là. Notre corps fut pris de tremblement. Une main prit la nôtre. Je captai un mot dans ses pensées « mères ». Je fus prise de curiosité. A quoi pouvait-elle ressembler ? J’avais beau me tordre dans tous les sens son visage restait flou et caché par ses longs cheveux noirs. Elle me tira vers l’intérieur de la clairière. Au centre se trouvait un immense puits, gigantesque, d’au moins vingt mètres de diamètre. Et tout autour se trouvaient quatre paires de statue, chacune représentant à ce qu’il me semblait un homme et une femme. D’au moins deux mètres de haut, elles étaient finement sculptées, et je pouvais dire sans aucune prétention que je n’avais jamais vu un travail aussi parfait.

L’inconnue nous tira vers une des statues féminines. Elle détacha une chaîne à son cou portant un médaillon, alors qu’elle se mettait à genou devant la pierre. Moi j’observais cette gigantesque statue. Elle représentait une femme, tenant dans sa main un casque aux multiples arabesques, vêtue d’une armure fine. Dans son autre main un arc fin, comportant des symboles qui m’étaient inconnus. Ses cheveux flottaient, portés par un vent invisible. Sur son épaule se tenait un oiseau, ressemblant à s’y m’éprendre à un faucon, et seule la queue d’une longueur d’environ un mètre, le démarquait de l’espèce originale.

Le vent se mit à souffler. Juste un souffle rien de plus, mais il n’avait rien de naturel. C’était comme...un appel.

Un cri plus fort me sortit de mes pensées. Une pensée violente, assourdissante vint se mêler au mienne : « Aide-moi, je t’en supplie ! ». Je sursautai. Savait-elle que j’étais là ? En elle ? Comment pouvait-elle me sentir ? Tout cela était-il vraiment un rêve ?

La femme se releva d’un mouvement souple et attrapa mon visage pour m’empêcher de me retourner. Notre corps tremblait. Ce n’était pas de la simple peur. Non. C’était la terreur même, à l’état pur. La femme prit ma main et y plaça un médaillon. Je n’y prêtai pas vraiment attention. Mes yeux ne voulaient pas se détacher de son visage. C’était la première fois que je le voyais, pourtant je ne sais comment mais il m’était familier. Ses yeux d’un gris sombre, ses cheveux noirs corbeau, ses lèvres en forme d’amande, ses pommettes tranchantes, cette fine mèche de cheveux tombant inévitablement sur son visage. Tout cela me provoquait un sentiment étrange, comme-ci quoi qu’il arrive si elle était là tout irait bien. Elle me regarda avec cette même intensité qu’une mère a pour son enfant quand le danger vient. Je pus voir le désespoir dans son regard, la terreur, et cela me fit bien plus de mal que s’il venait d’une autre personne. Elle s’approcha de notre oreille et murmura : « Regarde Moira, regarde toutes ces étoiles, c’est magnifique n’est-ce pas ? Rappelle-toi bien mon trésor, où que tu sois, qu’importe le monde, il te suffira de regarder les étoiles et tu sauras que je suis là, avec toi, tu ne seras jamais seule, qu’importe l’endroit, je te le promets. N’oublie jamais ça ! L’Univers cache de multiples secrets, mais il montre aussi de multiples espoirs Moira, il te suffira de le regarder pour le voir ! Adieu Moira, adieu ma fille !”. Tout se passa très vite, je sentis seulement mon souffle se couper à cause de la forte pression qui s’abattit sur mon torse. Puis le noir vint, et dans cette noirceur un cri, un appel : « Aide-moi ! ! ».

Je me réveillai en sursaut poussant un cri. Robin se releva aussitôt, ses yeux cherchant activement la cause de mon comportement. Je m’efforçai à reprendre mon calme.

À chaque fois c’était la même chose : un réveil brutal, violent, avec une fichue crise d’angoisse. Je n’arrivais plus à distinguer le vrai du faux. Le rêve semblait être la réalité, et la réalité le rêve. Je m’accrochai par tous les moyens à cette réalité : cherchant le contact de l’herbe sous mes doigts tremblants, la chaleur du soleil sur ma peau blanche, la douceur de la brise, retrouvant peu à peu le contrôle de ma respiration. Et parfois, même si mon cœur battait à nouveau normalement, que mon souffle était régulier, une petite voix dans ma tête continuait à me murmurer que tout n’était qu’illusion, que la réalité n’était qu’un vulgaire mensonge. Mais cette fois-ci c’était différent. Je n’avais pas envie. C’était comme si mon être entier ne voulait pas oublier, n’acceptait pas que ce puisse n’être qu’un simple rêve. Tout était si… vrai, et cette voix, cet appel… il résonnait encore comme un glas dans ma tête.

Je n’avais sûrement pas les idées claires. Après tout cela faisait trois semaines que je ne dormais plus. Trois semaines où chaque fois que je fermais les yeux, j’étais remplie de visions aussi réelles que pouvait l’être la réalité elle-même. J’en étais venue à redouter l’heure du coucher. Elles n’étaient pas toutes violentes, parfois elles étaient remplies de joie, presque apaisantes. Celles-ci étaient les pires. Je me réveillais alors dans une crise de larme incontrôlée, dont je ne connaissais même pas la cause. Il y en avait une bien plus terrible que toutes réunies. Dans celle-ci je n’étais pas la petite fille, non, j’étais moi. C’était moi qui sanglotais dans l’herbe, c’était moi qui me vidais de mon sang, seule. C’était moi qui mourais dans la douleur et l’insignifiance. Et ce rêve se répétait encore et encore. C’était d’ailleurs bien le seul à réapparaître de la sorte.

J’aurais sûrement dû en parler, dire à quel point chaque nuit devenait de plus en plus pénible à vivre. Mais à quoi bon ? Personne n’écoute les filles comme moi.

Comme si cela ne suffisait pas, il fallait en plus que Sarah devienne la petite amie de cette espèce d’enflure de Sébastien. Que devais-je faire ? Lui dire la vérité ? De toute façon elle ne me croirait pas. Personne ne me croyait jamais. Pour tous j’étais Chloé, celle qui mentait, qui trichait, qui manipulait, Chloé la fille au mille et un garçons, la peste, celle à qui personne ne faisait confiance, celle qui n’était jamais restée pendant deux heures d’affilée en cours. Personne ne m’aimait vraiment et je le savais :

– Chloé ça va ?

– Hein ? ! Quoi ?

J’avais pendant un moment oublié Robin. Une personne quelconque aurait pu dire qu’il n’avait que faire de mes problèmes. Moi je le connaissais, et dans chacun de ses traits je pouvais y lire l’inquiétude :

– T’inquiètes pas tout va bien, c’est juste que…que j’avais pas vu l’heure Sarah doit m’attendre depuis déjà cinq minutes !

J’avais menti c’est vrai, mais pas totalement. Cela devait bien faire vingt bonnes minutes que Sarah devait m’attendre. Robin n’insista pas plus, pensant à juste raison que cela ne servait à rien :

– Ah oui, t’as raison, debout princesse je te ramène à ta prison, dit-il.

– Rob, une princesse ne va pas en prison mais dans un donjon.

– C’est la même chose, dans tous les cas elle est enfermée.

Il monta sur sa bécane et mettant son casque il me lança d’un ton arrogant :

– Alors princesse tu montes ou tu as l’intention d’attendre que le carrosse se transforme en citrouille ?

– Tu as raison, j’ai un grand bal ce soir, ironisai-je.

– Peut-être y rencontreras-tu ton prince charmant ?

– J’en doute, murmurai-je plus pour moi-même.

À peine avais-je posé mes fesses sur le siège arrière que déjà la moto partait à toute allure. Robin allait un peu trop vite, il avait dû sûrement dépasser la limite de vitesse depuis un bon bout de temps, mais je m’en fichais, à ce moment j’étais bien. Les yeux plissés, incapables d’être plus grand ouverts à cause des rafales de vent, je distinguais les paysages qui avaient bercés ma courte existence. Les petites maisons identiques, collées les unes aux autres, les ruisseaux, les platanes parsemés au bord de la route, le ciel bleu. Sur le moment je me sentis un peu nostalgique, comme si je ne reviendrais jamais, comme si c’était la dernière fois. Je chassai cette idée de ma tête, je n’allais quand même pas baser ma vie sur des impressions déjà qu’elles semblaient assez étranges avec ces rêves.

Je n’eus pas le temps de finir ma réflexion que déjà la moto s’arrêta. Nous étions arrivés. Le parking du lycée était presque vide, seul y traînaient encore quelques groupes de jeunes se demandant où ils pouvaient aller en cette fin d’après-midi. Au milieu, seule, les bras croisés, l’air sévère, avec un regard de meurtrier, se trouvait mon adorable petite Sarah.

Espérant l’adoucir un peu je lui lançai un sourire, grand, plein d’affection. Mais je crois que cela eut l’effet inverse. Descendant doucement de la moto et appréhendant la suite je murmurai à Robin :

– Je crois que je vais mourir avant d’aller à la fête.

– Ah non ! me dit-il, je ne vais pas y aller tout seul quand même !

– Tu viens ! dis-je étonnée, mais depuis quand ?

– Depuis que tu me l’as demandé, dit-il avec un grand sourire, maintenant excuse-moi mais je crois que ton dragon t’attend je vais te laisser.

– Sale lâche ! criai-je alors que la moto repartait déjà dans un nuage de fumée.

Je me retournai prête à affronter mon destin. Sarah n’avait pas bougé d’un cheveu, son regard toujours braqué sur moi. À part ses doigts de sa main droite qui commençaient à « jouer du piano » sur son bras. C’était vraiment mauvais signe, j’allais devoir sortir une bonne, même très bonne explication. Prenant mon courage à deux mains, j’expirai un grand coup et partis en direction de mon bourreau.

Chapitre III

Je me tournais et retournais, pourtant la jeune fille au corps trop pâle, aux yeux gris, aux hanches un peu trop larges, au visage arrondi, et aux cheveux trop courts, trop lisses, trop blonds, ne semblait pas vouloir disparaître. Je savais que c’était mon reflet, c’était ce à quoi je ressemblais, je le savais tout ça. Alors pourquoi j’avais cette impression de n’être pas dans le bon corps ?

Je frôlai du bout des doigts les courtes mèches qui retombaient en vrac. Cet été encore ils étaient longs, descendant en bas de mes omoplates. Puis les choses étaient parties en vrac, complètement, lamentablement. Le jour de la rentrée avait été terrible. Le regard des gens, les chuchotements et les rires à mon passage... je n’avais pas supporté. Le soir même j’avais pris une paire de ciseaux, et j’avais détruit tout ce qui restait de moi. Pourquoi j’avais fait ça ? Bonne question. Je n’en avais moi-même pas vraiment idée.

Expirant un grand coup je me dirigeai vers la salle de bain. Sarah finissait d’arranger sa tenue. Je me collai contre le mur en face d’elle, l’observant.

Du plus loin que je m’en souvenais, Sarah avait toujours été une enfant studieuse, sage, respectant chaque petite règle, une enfant sans problème. Elle n’était jamais maladroite, toujours d’une douceur remarquable même avec les plus odieuses personnes. C’était une fille sans histoire, à l’inverse de moi. Parfois pourtant, j’arrivais à voir au fond de ses yeux une petite lueur. Je ne savais trop si c’était de la malice, de l’espièglerie, de la curiosité, de l’excitation, ou un mélange de tout cela. Je savais qu’elle me suivrait. Dans ces moments-là, elle avait l’air d’une enfant à qui on avait promis une soirée dans une fête foraine. La voir ainsi me donnait toujours envie de sourire, et chassait indirectement ma mauvaise humeur :