Compère Guillery - Victor Séjour - E-Book

Compère Guillery E-Book

Victor Séjour

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Beschreibung

Extrait : "ROBERT, arrivant : Personne au rendez-vous. Aurait-on donné contre-ordre... (Examinant les lieux.) Non, aucun avertissement... Les pierres sont en place... Pas une branche brisée... — De là haut on aperçoit notre forteresse... Voyons si le drapeau d'alarme n'y flotte pas. (Il grimpe dans l'arbre et regarde.) Non. (Il va pour descendre et s'arrête en entendant la voix de Gobéus.) Quelqu'un ! "

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• Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin.
• Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.

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Seitenzahl: 125

Veröffentlichungsjahr: 2015

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Personnages

GUILLERRY

GASTON DE JUSSAC

ROBERT

GUILLAUME

CHRISTOPHE

GOBÉUS

MARTIN

KEROUEC

UN MÉDECIN

EUSTACHE

PREMIER SOLDAT

DEUXIÈME SOLDAT

TROISIÈME SOLDAT

LE PASTEUR

UN ÉCUYER

UN PARTISAN

UN MUSICIEN

UNE SENTINELLE

UN ÉCUYER

BLANCHE

LA DUCHESSE

ANGELETTE

UNE GOUVERNANTE

Acte premier
La Chaise de Poste

Une forêt ; plusieurs routes. – La grotte de Saint-Méderic, à gauche.

Scène première

Robert, puis Gobéus, Kérouec et un bourgeois.

ROBERT, arrivant.

Personne au rendez-vous. Aurait-on donné contre-ordre… Examinant les lieux. Non, aucun avertissement… Les pierres sont en place… Pas une branche brisée… – De là-haut on aperçoit notre forteresse… Voyons si le drapeau d’alarme n’y flotte pas. Il grimpe dans l’arbre et regarde. Non. Il va pour descendre et s’arrête en entendant la voix de Gobéus. Quelqu’un !

Il se cache derrière une branche. – Kérouec sort de la grotte suivi du Bourgeois, et de Gobéus.

GOBÉUS, de l’escalier, aux gens de la grotte.

Oui, madame la duchesse, oui, ce sera fait. Remontant. Elle ne m’entend pas. Une fois dans ce souterrain, on est comme à cent pieds sous terre, Aux Bourgeois. J’ai bien fait de m’être détourné de mon chemin et de vous avoir suivi. La merveilleuse chose que cette grotte de Saint-Médéric. Je comprends les pèlerinages qu’on y fait. Grâce aux porte-flambeaux de la duchesse…

KÉROUEC, l’interrompant.

Avez-vous vu les stalactites du coin ?

GOBÉUS, se rengorgeant.

Ce sont des stalagmites.

KÉROUEC

Ah ! père Gobéus, vous voilà bien… toujours à cheval sur les mots… – et pourquoi des stalagmites ?

GOBÉUS

Parce que ne sont pas des stalactites, voilà tout.

KÉROUEC, lui tournant le dos.

Oh ! Aux Bourgeois, bas. Un écrivain public… un ancien fruit sec de la basoche de Rennes…

Il lui prend le bras et s’éloigne avec lui en grommelant.

GOBÉUS, boutonnant son habit.

Il ne fait pas trop chaud… Aux deux Bourgeois. Vous retournez à Rennes, moi aussi, attendez donc !… Les Bourgeois continuent leur chemin. Ah ! monseigneur Gaston de Jussac !

Gaston arrive ; Gobéus s’arrête en l’apercevant et le salue profondément.

Scène II

Gobéus, Gaston, Robert, dans l’arbre.

GASTON

Vous ici, monsieur Gobéus ?

GOBÉUS

Je viens de vendre un missel au curé du village voisin. En passant je n’ai pu me défendre de visiter la grotte de Saint-Médéric.

GASTON

Vous avez dû y rencontrer la duchesse de Chaulnes ?

GOBÉUS

J’ai eu cet honneur, monsieur le comte. Elle vous attend avec impatience.

GASTON, à part.

Il faut encore la ménager, À Gobéus, après avoir regardé autour de lui. Eh bien, est-ce fait ?

GOBÉUS

Ce sera prêt demain soir. L’écriture est difficile à imiter.

ROBERT, dans l’arbre ; à part.

Hein !

Il écoute.

GASTON

Demain ?

GOBÉUS

Nous ne sommes pas en retard, monsieur le comte : mademoiselle Blanche de Penhoël est née le 10 novembre 1384, nous sommes au 14 novembre 1604, vous avez donc quarante-huit heures, vous voyez, pour lui remettre la lettre que le comte de Penhoël, son père, vous a confiée en mourant, ou celle par laquelle nous la remplaçons ; car, si je vous ai bien compris, pour exécuter la volonté du mort, la chose ne peut même se faire que le jour où mademoiselle de Penhoël accomplirait sa vingtième année ?

GASTON

C’est vrai. Mais qu’est-ce que ce bruit ?

GOBÉUS, regardant.

Un cavalier qui met pied à terre.

GASTON, regardant.

Mon écuyer !…

L’Écuyer arrive.

L’ÉCUYER, à Gaston, en lui remettant un pli.

Un message pressé venant de Paris.

GASTON, ouvrant le message, à part, avec satisfaction.

De monsieur de Sully ! Lisant. « Je vous envoie votre brevet de lieutenant-colonel et l’ordre de lever de nouvelles recrues. Quant à la lieutenance de roi en Bretagne, vous l’obtiendrez en épousant mademoiselle de Penhoël. » À lui-même. Blanche !… ah ! comme je l’aimerai pour m’excuser à mes propres yeux de l’avoir un instant recherchée et désirée par ambition. Lisant. « Mais ne vaut-il pas mieux justifier cette faveur par un nouveau service rendu ou Roi ? » À lui-même. Voyons ! Lisant. « Les Guillery, de jour en jour, deviennent plus dangereux et plus menaçants. Ils ont douze cents hommes sur la frontière du Poitou ; cinq escadrons faisant sept cents hommes effectifs aux environs de Rennes ; plus, leur château fort des Guillery et la ferme du Ravin. Voyez à les soumettre. Je vous envoie par le courrier la somme nécessaire à la formation de nouvelles compagnies de troupes réglées. Ce étant, bonne chance, et Dieu vous garde ! » À l’Écuyer. C’est bien ! L’Écuyer s’éloigne. Vive Dieu ! messieurs les rebelles, si vous tenez à vos têtes, je tiens à ma lieutenance, moi, prenez garde ! À Gobéus. Mademoiselle de Penhoël sera ce soir à Rennes.

GOBÉUS

Bien. J’aurai donc l’honneur d’aller demain porter moi-même à monsieur le comte l’original et la copie ; c’est-à-dire la lettre que monsieur le comte m’a confiée pour modèle et celle que nous avons imaginée.

GASTON

Non, j’irai vous les demander. Vous serez content de moi.

GOBÉUS

Je le crois sans peine, monsieur le comte ; à moi seul, j’aurai plus fait pour votre mariage que le curé et le père ensemble ; le père, par exemple, conseille simplement à sa fille de vous épouser…

GASTON

Bien ! bien !

GOBÉUS

Tandis que moi, dans la lettre que je vais…

GASTON

Oui, je comprends !

GOBÉUS

Je le lui ordonne, sous peine de malédiction.

GASTON, lui tournant le dos.

Parbleu ! je le sais bien ! Il descend dans la grille ; – d’une des marches de l’escalier. À demain soir ! Il entre dans la grotte.

GOBÉUS, le suivant en descendant quelques marches.

Mon échoppe est sur la petite place du faubourg de Rennes, à droite, adossée à l’église, À lui-même. Allons, en route ! Il s’éloigne.

ROBERT, de son arbre.

Les coquins ! Il descend. Ont-ils de l’imagination ces drôles-là ! et dire que leur secret ne peut me servir à rien. Écoutant. Non ! ils se sont trompés d’heure, sans doute, un cri au loin. Ah ! ah ! du côté de l’occident, c’est Christophe !

Christophe arrive.

Scène III

Robert, Christophe, puis Guillaume.

CHRISTOPHE

Salut, frère ! Pourquoi ce rendez-vous ici ?…

ROBERT

Par prudence… on nous prendra pour des curieux ou des pèlerins qui veulent visiter la grotte de Saint-Médéric. Écoutant. Guillaume, sans doute.

Arrive Guillaume.

GUILLAUME, arrivant.

Mort de ma vie ! j’ai failli me casser la jambe en sautant par-dessus une fondrière, À Christophe. Comment vous va ?… Où est le Compère ?

CHRISTOPHE, riant.

Bon, le Compère ?… Mais toujours en retard, vive Dieu ! S’il n’est pas à ferrailler dans un coin contre un mari ou un amant, il est sûrement à conter fleurette à la femme de l’un ou à la maîtresse de l’autre.

GUILLLAUME, à Robert.

Combien d’hommes aurons-nous ?

ROBERT

Trente. Mais tu sembles être au fait. Le Compère t’a donc confié ?…

GUILLAUME

Oh ! rien du tout… il m’a seulement dit que tu avais conçu un plan à désespérer nos ennemis, et que tu nous conterais cela au moment de l’entreprise, à la grotte de Saint-Médéric ?

ROBERT

Je m’expliquerai devant lui… À Christophe, en lui désignant la rosette qu’il porte à son habit. Hein ! mais qu’est-ce que ça ?

CHRISTOPHE

Ça ? mais c’est le signe par lequel se reconnaîtront les protestants.

ROBERT, riant, à Guillaume.

L’entends-tu ? À Christophe. Mais puisque nous tenons pour la Ligue, maintenant ?

CHRISTOPHE, arrachant sa rosette.

Ah ! c’est vrai… J’avais oublié… Nous sommes avec Mayenne, j’aime mieux cela. On est né Guillery et gentilhomme, vrai Dieu ! et on ne tient pas à être excommunié. Pourvu que ce diable de Compère ne nous fausse pas compagnie !

GUILLAUME

Au moment d’une bataille ? Tu es fou, Christophe ; – et toi aussi, Robert. – Parce que nous sommes ses frères, vous vous croyez le droit de le calomnier. Pauvre cher Compère ! C’est un fou, je le veux bien ; mais un fou qui tient une épée comme un héros ! et quel entrain dans le danger ! Je l’ai vu monter à l’assaut son épée entre les dents, comme s’il grimpait à une échelle de soie au balcon de sa maîtresse… et cependant les balles pleuvaient comme grêle et les coups d’estocade tombaient dru !… Et ce fantassin qu’il a fendu d’un coup de sabre ! Mais, en revanche, il s’est jeté dans une tour en flammes pour sauver un enfant de la mort. Il est ainsi : du bon et du mauvais ; du lion et de l’agneau ; de l’aigle dans le regard et de la panthère dans les pieds ; il regarde comme l’un et bondit comme l’autre, gare dessous !

On entend chanter le biniou, et une noce bretonne débouche par l’allée par haute de la forêt, Guillery donne le bras à Angelette, la mariée ; il a un gros bouquet à son justaucorps.

GUILLAUME

Bon ! le voilà d’une noce, maintenant !

Scène IV

Les mêmes, Guillery, Angelette, Martin, la noce.

MARTIN, à la noce, en montrant Guillery.

Oh ! il peut parler bas à ma femme… C’est un ami… c’est le capitaine Guillefort… Figurez-vous qu’il nous est tombé une nuit… il était blessé… par qui ?… C’est ce que nous ne savons pas encore… mais nous l’avons tout de même soigné et guéri, Angelette et moi… et le voilà plus fort et plus beau que jamais. Donnant la main à Guillery. Pas vrai, Capitaine ?

GUILLERY, lui serrant la main.

Parbleu ! Bas à Angelette. Mariée à ce butor ?

ANGELETTE

Dame, vous n’avez pas voulu m’épouser.

GUILLERY

Es-tu toujours peureuse ?

ANGELETTE

Peureuse ! C’est le père Jean qui m’a fait cette réputation, parce qu’une nuit le vent se lamentait dans les herbes, tant et tant que j’ai fini par trembler et me trouver mal.

LE MUSICIEN, voulant se remettre en marche.

Second couplet !

MARTIN

Mais attends donc !

GUILLERY, à Angelette.

Te souviens-tu du moulin ?

ANGELETTE

Étais-je bête, hein, de prendre des sacs de farine pour des fantômes et de me jeter dans vos bras ?

LE MUSICIEN, voulant s’en aller.

Second couplet !

MARTIN, le retenant.

Est-il enrageant !

GUILLERY, bas, à Angelette.

Tu t’en repens ?

ANGELETTE, rougissant.

Assez causé, je suis mariée maintenant.

MARTIN, à Guillery, en s’approchant.

Qu’est-ce que vous lui dites donc là ?

GUILLERY

Oh ! je lui fais un petit sermon sur les devoirs du mariage.

MARTIN

C’est bien, l’ami, ça ne peut pas nuire.

LE MUSICIEN

Second couplet !

GUILLERY

Tais-toi, drôle, Angelette va nous chanter la chanson que je lui ai apprise.

MARTIN

C’est cela ! Et nous danserons sur le refrain ! Allons, Angelette, chante !

ANGELETTE

Je le veux bien.

Elle chante.

Il était un p’tit homme
Qui s’appelait Guillery
Carabi ;
Il s’en fut à la chasse,
À la chasse aux perdrix
Carabi.
Toto, carabo,
Toto carabi
Compère Guillery,
Te lairas-tu (bis) mouri ?
TOUS
Compère Guillery,
Te lairas-tu (ter) mouri ?
MARTIN

Second couplet !

ANGELETTE
Il monta sur un arbre
Pour voir ses chiens couri,
Carabi ;
La branche vint à rompre,
Et Guillery tombi,
Carabi.
Toto, carabo, etc.
TOUS
Compère Guillery, etc.
ANGELETTE
Les dam’s de l’hôpital
Sont arrivées au bruit,
Carabi.
L’une apporte une emplâtre,
L’autre de la charpi,
Carabi.
Toto, carabo, etc.
TOUS
Compère Guillery, etc.

Sur la ritournelle, Guillery repousse Martin, qui dansait avec Angelette, et prend sa place.

ROBERT, à Guillaume.

Et voilà le capitaine des Guillery.

GUILLAUME

Plains-toi donc !… un vaillant dont les hommes ont peur, et dont les femmes raffolent.

GUILLERY

Quatrième couplet.

ANGELETTE

Ah ! mais je ne m’en souviendrai peut-être plus ?

MARTIN

C’est vrai, elle ne s’en souviendra peut-être plus.

GUILLERY

Je le lui soufflerai.

MARTIN, aux gens de la noce.

Oh ! il va souffler ma femme !

ANGELETTE
Pour remercier ces dames,
Guillery…

Hésitation d’Angelette ; Guillery l’ombrasse.

Les embrassi,
Carabi.
Ça prouv’ que par les femmes,
L’homme est toujours guéri,
Carabi.
Toto, carabo,
Toto, carabi,
Compère Guillery,
Te lairas-tu (ter) mouri ?
TOUS, en chœur.
Compère Guillery,
Te lairas-tu (ter) mouri ?
MARTIN

Maintenant, en route !

GUILLERY, reprenant le bras d’Angelette.

En route !

CHRISTOPHE, lui tirant son habit, bas.

Eh bien ?

GUILLERY, se retournant.

Quoi ? Qu’est-ce ?

ROBERT

Faut-il te crier tout haut ce que nous avons à te dire ?

GUILLERY, se rappelant.

Ah !… À part. Le diable les emporte ! À Angelette. Vous permettez, chère enfant… Ces cavaliers m’attendaient…

MARTIN

Alors, au revoir ! nous allons habiter Rennes ; nous entrons en service chez monsieur de Trailles, le tuteur de mademoiselle de Penhoël… Vous devez le connaître ? Enfin si vous passez par là… Fausse sortie. Eh bien capitaine, vous n’embrassez pas ma femme ?

Guillery embrasse Angelette.

ANGELETTE, prenant le bras de Martin et l’entraînant.

Allons, viens !

La noce reprend sa marche et disparaît.

GUILLERY, les suivant des yeux.

Cette Angelette !… C’est qu’elle est toujours jolie… – plus jolie !… Oh ! les femmes, c’est étonnant comme elles embellissent lorsqu’elles deviennent les femmes des autres !

Scène V

Guillaume, Guillery, Christophe, Robert.

GUILLAUME, tapant sur l’épaule de Guillery.

On te reconnaît là !… – mais embrasse-moi en attendant.

GUILLERY, l’embrassant.

Mon bon Guillaume !

GUILLAUME, le tenant toujours dans ses bras.

Mais ton rêve, ta passion ?…

ROBERT

Au fait, la jeune fille de la barque ?

CHRISTOPHE

Que tu n’as jamais revue et que tu adores ?…

GUILLAUME

Que tu adores comme une vision, et que tu oublies comme un rêve toutes les fois que tu tombes eu arrêt devant deux beaux yeux ?

GUILLERY

Bien, bien, raillez !… À Guillaume. Méchant garnement, raille aussi, toi… À tout. Mais rassurez-vous, mon rêve ne me tuera pas. Pour me guérir, j’ai le fugitif et gai sourire des beautés faciles.

CHRISTOPHE

Belle philosophie, qui te permet d’aimer toutes les femmes !

GUILLERY

Douce philosophie, qui me permet de les oublier !…

ROBERT

Çà, voyons, n’avons-nous pas autre chose de plus sérieux dans la vie ?… n’avons-nous pas…

GUILLERY

Quoi ?… des arquebusades ? des coups d’épée ? des assauts gigantesques où l’on s’élance l’épée aux dents et le pistolet au poing ?… Mais c’est la poésie du danger, ça, comme l’amour est la poésie du bonheur… Nous sommes d’un temps où les vaillants mènent tout cela de front.

ROBERT

Oui ! le duc de Mercœur, par exemple ?

GUILLERY