Connexions - Cliquesad Digital Poète - E-Book

Connexions E-Book

Cliquesad Digital Poète

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Beschreibung

Trente nouvelles poétiques sont réunies au sein de Connexions, recueil moderne et incisif qui retrace le parcours d'une âme torturée. Pression, dépression, répression. Un schéma sombre et pourtant plein d'espoir. Un éclair de poésie pour qu'on se connecte.

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Seitenzahl: 99

Veröffentlichungsjahr: 2023

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Table des matières

I - PRESSION

verbal

crocodile

personnage principal

dorsaux

graille

crise

l’artiste

sabre

angoisse

sabotage

II - DÉPRESSION

état d’âme

cascade

l’hiver dure

nuit

dodo

méduses

errance

cœur vibre

6 dogs

falaise

III - RÉPRESSION

sans titre #71

gronde

le piège

contretemps

connexions

angle d’attaque

monde

civil

para bellum

point final (épilogue)

I - PRESSION

verbal

Les marteau-piqueurs me réveillent à huit heures, le soleil traverse la chambre, je sors du putain de lit. La journée démarre péniblement, mon crâne me fait mal, terriblement. Bon, aspirine diluée, un demi-litre de café, j’écris un peu puis je sors dehors. Faut aller vite, mais j’évolue difficilement à travers les éléments du décor urbain, dans ma tête c’est le chaos, les pensées se fracassent comme la vague sur le rocher, comme les tessons de bouteilles. C’est ça qu’on appelle la cuite, la vraie. Je fronce les sourcils, je souris à l’envers sous le masque, j’évite la contamination. C’est comme ça que j’avance tu sais, je prohibe la stagnation même si parfois je crois que je régresse, je continue de mener la lutte, tout en étant un atome dans l’économie, j’essaie de pas trop m’affaiblir avec la merde qu’on nous fait bouffer tous les jours. Sous le soleil implacable passent les chats sales des rues, quartier merdique et loyer élevé, je veux pas trop me poser de questions là, je marche encore, j’ai l’impression d’être au ralenti pendant que la planète tourne sur elle-même, enlisée dans sa propre merde. Des clochards m’interpellent pour que je lâche deux ou trois pièces, des marginaux aux drôles de mutilations, je lâche rien j’ai qu’un billet bleu. À deux pas les motivés attendent un désistement devant le centre de vaccination. Des fois j’ai des absences, mon esprit part dans les astres et mon corps bouge tout seul, puis quand je reviens rien n’a changé, tourner en rond c’est faire du surplace.

Le parcours est ponctué d’obstacles, j’achète un briquet, il est jaune mais peu importe, le buraliste est malpoli, j’y comprends rien à comment fonctionnent les gens moi, à leurs côtés je suis mal à l’aise pourtant j’ai besoin de leur présence. Toujours la migraine qui me remplit le crâne, j’ai les yeux rougis par le whisky de la veille, de quand j’étais allongé sur le carrelage glacé de la cuisine et que j’avais l’impression que j’étais mort. Sous la veste je sens les traces de griffures dans mon dos, les chenapans se baignent dans la fontaine publique, sur le monument aux morts les pigeons chient, bref je fais mon chemin dans les rues étroites, ça ressemble à un jour normal.

J’ai accepté que très peu de décisions m’appartiennent et que les sillons qui nourrissent le monde soient corrompus, avec de l’argent, de l’ambition, avec de la poudre aux yeux. Je resterai pas sans rien faire, et dès que j’aurai assez de sous je les sortirai de la banque, je m’offrirai un petit panorama, avec de l’huile d’olive et des verres polarisés. Loin de l’inflation. En attendant je navigue, entre l’esclavage moderne, les théories du complot, les politiciens véreux, les animaux qui crèvent la gorge remplie de pétrole, la publicité, l’argent sale qui passe d’une poche à l’autre, le soleil de plomb, le poids écrasant de la gravité terrestre, tout ça si près et si loin, j’essaie de faire des efforts. J’accumule les secondes et les années jusqu’à ce qu’elles s’effondrent et qu’après je suis mort, je garde ça en tête et je fais mon chemin, soldat de l’ivresse je crains pas le trépas. Je m’arrête à l’angle pour observer cette dystopie tout à fait banale, asservissement calme, valeurs aseptisées, il va falloir se vendre afin d’amasser un maigre bénéfice. La vie nous boxera. Va falloir pas trop se faire marave. Les choses je les supporte moins ces derniers temps, et quand je traverse la route je regarde que devant moi, en espérant que le bus m’écrase.

Ça commence bien. Mais bon j’ai des remèdes quand même, tu sais comment je fais ? Le stylo dans une main et la feuille dans l’autre, je crée de l’éternité, noyée pour toujours dans l’océan d’informations qui nous vomit dessus du matin au soir. J’ai noirci des pages. Vidé les Bics. J’espère que t’es prêt.

crocodile

Ces temps-ci c’est pas trop la forme, je porte toujours les mêmes vêtements comme si c’était mon uniforme. J’ai en moi co co colère, incapable de contrôler quoi que ce soit, je cours comme les personnages de cartoons : dans le vide. J’ai plongé dans le système sans me boucher le nez, et j’évolue dans le trouble, les sables mouvants du quotidien. La routine de la vie d’adulte c’est un tourbillon, c’est comme si t’es pas libre. C’est un mal trop banal qu’il faut éviter à tout prix, pourtant j’y suis dedans comme dans un bain d’huile. Alors quand je rentre le soir, j’enchaîne les bières fortes, je regarde Elephant, et puis je me pose des questions. J’essaie d’oublier le concret pour me concentrer sur l’essentiel. Je sais pas si mon avenir est déjà tout tracé ou si je vais devoir l’écrire, avec de la sueur et du sang, avec des larmes de crocodile. Tout sera une question de choix, sûrement. Est-ce que j’entrerai dans la banque avec le six coups et le sac, ou avec le costard et le chèque ?

Je patiente, mais j’attendrai pas en vain, cette société me donne la nausée, j’ai besoin de soleil, de sincérité, je veux la plus belle, je veux que le béton fleurisse pour une fois, que les aveugles voient.

Et de nos jours, tout le monde est aveugle, tu peux me croire, moi-même je me cogne sans cesse aux obstacles de la vie, j’essaie de pas refaire les mêmes erreurs et je les refais, les vices m’enlacent, parce que je suis qu’un putain d’humain, un code-barres qui respire. Et le béton il fleurira pas, il restera tout gris.

J’en viens à me dire que l’avenir est invisible, là, dans un terrain vague, et qu’il faut lui donner forme, le construire brique par brique, en s’appliquant bien pour pas qu’il soit nul à chier. Facile à dire ça. L’idée fait envie. Mais moi je fais qu’attendre la gueule ouverte sans bouger, j’y connais rien en construction, en bricolage, j’ai pas les outils. Moi je sais qu’écrire.

Sur la table les traces de bouteilles se multiplient. Par la fenêtre les étourneaux s’envolent vers le soleil couchant, il les emporte dans sa chute, et moi avec. C’est facile de se dire qu’on va juste vivre, ça se passe jamais comme ça. Derrière la fenêtre refroidie par l’automne qui éclôt, je m’assombris. Encore une journée de froissée, un brouillon. Un peu triste, un peu remplie mais un peu vide. Loin du chantier.

personnage principal

Capuché, cerné jusqu’à la rétine, je déambule entre les rayons inhospitaliers du supermarché. Et j’ai pas fait les choses à moitié : j’ai pris un chariot. Chez moi le frigo est vide, alors tu comprends à certains moments faut faire des sacrifices et venir perdre son temps ici, entre les promos, les dégustations de jambon, les publicités aguichantes et toute la merde que tu voudras bien payer. À mesure que j’avance entre les allées je m’encombre de trucs inutiles. Le schéma est classique.

Les étals de boucherie sont parsemés de bouts de bidoche, morceaux de cadavres soigneusement disposés pour donner faim. Le boucher moustachu, toujours à l’œuvre, nettoie son hachoir. Il me regarde. Au détour d’une allée une armée pachidermique m’envahit, enragée, prête à s’engouffrer dans le rayon des conserves. Ça bouscule et ça râle. Les chariots s’entrechoquent. Acculé, je respire des haleines peu plaisantes dont l’âcre parfum est plein de lassitude et de routine mortelle. La sueur se répand sur les vêtements bon marché, les pas sont lents et monotones. La fraîcheur industrielle du rayon surgelés, la moisissure fermentée de la fromagerie, le mélange de senteurs douces et toxiques des lessives, l’odeur du trop propre, du désinfecté. Cette atmosphère étouffante me comprime le sternum.

Rapidement je me demande ce que je fous là. Je marche dans l’ordre, comme si je suivais docilement les rails d’un itinéraire programmé, sérieux j’ai l’impression d’être un automate.

Je suis vraiment humain, ou alors une erreur de la nature ? Ou les deux ? Qui je suis, je vais te le dire moi. Je suis dans les magasins, dans les files d’attentes, les embouteillages, les transports, les passages piétons, les Starbucks, les stations-essence, les bowlings, je suis dans les faits divers et dans les boucheries, je suis dans les commentaires Youtube et dans les bulletins de vote, je suis dans les poches profondes de la Française des jeux, je chie je rote et ça me convient, je suis partout et aussi nulle part : c’est moi le connard moderne.

Mais trêve de futilités, aujourd’hui y a plus de je suis, y a plus le verbe être, aujourd’hui, je remplis le compte et puis j’achète. Peut-être que j’exagère ? Arrive pourtant le moment tant redouté mais si fatidique de la caisse, et sa pénible file d’attente. Sortez les cartes de fidélité, brandissez-les comme des fanions fraternels. Dégainez vos promotions et vos avantages client, vos petites vignettes, pour douze yaourts achetés y en a six offerts avec en prime le sexe veineux et bandé du système capitaliste. Je pose les articles sur le tapis crasseux. La bouteille de gin fait glouglou. La caissière me sourit à l’envers. Faut la comprendre, c’est en enfer qu’elle travaille, qu’elle passe une partie conséquente de son temps, alors que ses jours sont comptés, que chaque minute écoulée ronge peu à peu sa jauge de vie et que dans pas si longtemps, elle mourra. Normal qu’elle ait le seum. Mais peu importe.

Ma carte passe pas, c’est pas étonnant. J’ai atteint ce que la banque appelle « le plafond », et c’est plein de toiles d’araignées. J’ai plus qu’un billet de 10. Je pourrai pas tout prendre, va falloir faire des choix. Je procède pas par élimination ni par logique, j’enlève tous les trucs utiles, je garde que l’alcool et les nouilles instantanées. La caissière me juge pas, elle en a rien à foutre.

En sortant je retrouve l’air crépusculaire. Devant moi s’étend le ciel tiède, parcouru de taches violacées, je perçois les vibrations de la ville qui défait sa ceinture après une longue journée de travail. Je suis en vacances mais j’ai plus un rond, on est à peine le 15. Je veux que le monde aille se faire enculer. Que je rentre dans ma fusée et que je me casse loin, parcourant les régions inconnues de la Voie Lactée à la recherche d’astres plus chaleureux. Jamais je reviendrais. Sauf peut-être quand j’aurais plus de gin.

dorsaux

On me dit détends-toi, prends des trucs, je me mets à trembler nerveusement, je remplis des pages en vain en écoutant en boucle les mêmes morceaux, je titube avec les yeux rouges au milieu des chiens errants et des vautours, sous les briques et les nuages bas. Noctambule déprimé, à contre-courant, je rentre dans aucune case, aucune que je coche, et le coche ça fait longtemps que je l’ai raté.