Contes de Grèce - Gilles Decorvet - E-Book

Contes de Grèce E-Book

Gilles Decorvet

0,0

Beschreibung

Embarquez dans ces sept contes grecs adaptés par Gilles Decorvet et illustrés par Emilia Stepien.

EXTRAIT DE La reine des sirènes

Il était une fois un roi et une reine qui avaient un fils. Or, autant le père et la mère étaient bons, autant le prince était méchant. Dans le château, vivait encore le premier ministre du roi – son vizir, comme on dit – qui avait un fils, lui aussi. Mais, si le fils du roi était mauvais et teigneux, le fils du vizir, lui, était brave et gentil. Si bien que le premier cherchait par tous les moyens à faire du mal au second.
Un jour, le fils du vizir partit à la chasse avec son maître d’école. Tandis qu’ils chevauchaient tous les deux, le garçon aperçut tout à coup, au bord du chemin, une plume éclatante, qui brillait au soleil.
« Maître, demanda-t-il, est-ce que je peux ramasser cette plume qui est si jolie ?
— Ma foi, mon garçon ! lui dit le maître, qui était un savant. Si tu la ramasses, tu en auras du remords, mais si tu ne la ramasses pas, tu en auras des regrets.
— Eh bien ! dit le garçon, je vais la ramasser, puisqu’elle me fait envie ! »
Il mit pied à terre, prit la plume et la planta dans ses cheveux.
Pendant ce temps, le prince, qui était monté tout en haut du donjon pour observer le paysage avec une paire de jumelles, vit un éclair de lumière, brillant comme un diamant. « Tiens ! se dit-il. Qu’est-ce que ça peut bien être ? » Il ajusta ses jumelles et se rendit compte que la lumière provenait d’une espèce de panache que le fils du vizir portait sur la tête.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Conteur, comédien et traducteur littéraire du grec au français, Gilles Decorvet est né en 1962 à Genève, en Suisse. En tant que traducteur littéraire, il a contribué à faire connaître en France l'oeuvre de grands écrivains grecs, tels que Georges Vizyinos, Nicos Panayotopoulos ou Takis Théodoropoulos. Il a également publié un recueil de Contes de Grèce et de Chypre, aux éditions Esprit Ouvert. Comme conteur, il se produit régulièrement en Suisse et en France, dans les bibliothèques, les écoles et les théâtres.
Par ailleurs, il est comédien. Il a participé à de nombreux spectacles, tels que : Zorba d'après Nikos Kazantzaki, Ezéchiel d'Albert Cohen, 100 dessus dessous de Miguel Fernandez-V., Le dîner de Babette d'après Karen Blixen et La confession d'Abraham de Mohamed Kacimi.

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern

Seitenzahl: 103

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



Couverture

Collection

Contes d’Orient et d’Occident

1.Histoire d’Aladdin Roi de l’Yemen

William Beckford

2.Les Quatre Talismans

Charles Nodier

3.Contes de Fez

Anonyme

4.Contes de l’Alphabet I

E. & B. de Saint Chamas

5.Contes de l’Alphabet II

E. & B. de Saint Chamas

6.Contes de l’Alphabet III

E. & B. de Saint Chamas

7.Contes de Berbérie

José Féron Romano

8.Nouveaux contes de Fez

Anonyme

9.Le prince dont l’ombre était bleue

J. Féron Romano et E. Tabuteau

10.Contes des six trésors

E. & B. de Saint Chamas

11.Qamar az-Zaman et la princesse de la Chine

M.-C. Baillaud

12.Contes du Japon

Mayumi Watanabe

13.Le roi qui aimait les contes I

Boubaker Ayadi

14.Le roi qui aimait les contes II

Boubaker Ayadi

15.Le roi qui aimait les contes III

Boubaker Ayadi

16.Histoires de trolls et autres contes nordiques

Monique Ribis

17.Contes de Grèce

Gilles Decorvet

18.Tali Nohkati I

Koza Belleli

19.Tali Nohkati II

Koza Belleli

20.Une chanteuse à Médine et autres contes arabes

Boubaker Ayadi

Titre

Le conteur
Gilles Decorvet exerce les activités de traducteur littéraire (du grec vers le français) et de conteur.
L’illustratrice
Emilia Stepien est étudiante en illustration au lycée Auguste Renoir, à Paris.
DU MÊME TRADUCTEUR-ADAPTATEUR
AUX ÉDITIONS DU JASMIN
Eugène Trivizas,La promesse du bonhomme de neige, roman jeunesse
CHEZ D’AUTRES ÉDITEURS
Contes de Grèce et de Chypre, Esprit Ouvert
Georges Vizyinos, Sortilèges et Maléfices,nouvelles, la Différence
Takis Théodoropoulos, Le paysage absolu,roman, Actes Sud
Takis Théodoropoulos, Les sept vies des chats d’Athènes, roman, Sabine Wespieser
Nicos Panayotopoulos, Le gène du doute,roman, Gallimard
NicosPanayotopoulos, Saint Homme,

Copyright

À Nathalie et à Thibault
G. D.
Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés pour tous pays. © 2011 Éditions duJasminwww.editions-du-jasmin.com ISBN 978-2-35284-722-9 Avec le soutien du

Introduction

Depuis une dizaine d’années maintenant, je pratique ce qu’il est convenu d’appeler l’art du conte. Il faut comprendre par là que, régulièrement, je me produis comme conteur dans des bibliothèques, des écoles ou sur des scènes de théâtre pour partager avec le public des récits, drôles ou magiques. Petits et grands, pendant ces « conteries », se laissent captiver par ces histoires étranges qui les emportent sur les voies de leur imaginaire personnel, puisqu’ils sont libres de créer, en guise d’illustrations, leurs propres images.
Tous les contes du monde ont ce pouvoir. C’est aussi le cas de ces récits venus de Grèce.
Venus de Grèce…
Vraiment ?
Oui, si l’on considère qu’ils ont bel et bien été puisés auprès de personnes – souvent analphabètes – parlant grec, puis fidèlement retranscrits par divers collecteurs, avant d’être réunis sous forme d’ouvrages par Yorgos Mégas (le recueilHellinika paramythia, paru aux éditions Hestia en 1927 pour la première fois) ou Yorgos Ioannou (Paramythia tou laou maschez Hermis, en 1974). Non, si l’on garde à l’esprit le fait que les contes se rient des frontières, qu’ils sont d’éternels voyageurs, transmis de bouche à oreille, à jamais répétés et chaque fois déformés, comme des êtres surnaturels qui n’en finissent pas de se métamorphoser.
Ma propre démarche de conteur est fidèle à cette tradition. Ni folkloriste ni auteur, je suis un passeur d’histoires, un narrateur, un comédien de passage, qui trimballe sur son dos un sac rempli de fables, où j’aime à puiser. Publier à l’occasion ce genre de contes peut être utile afin de mieux les faire connaître. Les dire en public – de mémoire, bien sûr – pour les faire résonner devant des auditeurs s’avère, forcément, plus riche encore. Mais, après tout, la publication n’empêche pas la narration publique. Elle peut même la susciter, parfois. N’est-ce pas en lisant d’abord ces légendes, en grec, que l’envie m’est venue ensuite de les raconter dans ma langue maternelle ?
Lors du passage d’une langue à l’autre, les écarts sont assez flagrants. Je le reconnais volontiers : tels que présentés dans les pages qui suivent, ces contes de Grèce, en français, prennent une allure inédite. En version originale, en effet, les contes populaires grecs semblent souvent secs, directs, factuels, dépourvus de description, de psychologie, d’explication. Pour les auditeurs francophones, à mon sens, une certaine liberté d’adaptation s’impose. J’espère avoir su le faire en gardant toujours à l’esprit ceci : c’est la parole qui compte, la fantaisie des mots et des trames. Le conteur, lui, ne fait que passer. Merci à ceux qui l’écoutent.
Pour cette édition, les textes s’accompagnent des très belles illustrations d’Emilia Stepien. Je ne saurais trop la remercier pour sa contribution.
Gilles Decorvet

La pauvresse et le roi

Il était une fois une jeune fille très pauvre, si pauvre que, toute la journée, elle travaillait chez les gens pour gagner un peu d’argent et, le soir venu, elle travaillait encore dans sa pauvre maison. Elle tissait, cousait, brodait à longueur de nuit. Si bien que, la malheureuse, elle tombait de fatigue. Elle aurait tellement voulu dormir ! Alors, pour se donner du courage et pour s’empêcher de s’assoupir, elle disait une chanson qu’elle avait composée elle-même en l’honneur du sommeil. Et, tous les soirs, la pauvresse chantait :
Te voilà donc, sommeil ? Bonsoir !
Voici l’escabeau pour t’asseoir,
Voici des haricots bien tendres
Et voici le lit pour t’étendre.
Quand j’aurai fini de tisser,
J’arriverai pour t’embrasser.
Et, chaque soir, la pauvre fille disait la même chanson.
Or il se trouve que le roi de ce pays s’appelait justement Sommeil, Sa Majesté le roi Sommeil, et il se trouve aussi que notre amie la pauvresse avait pour voisine une vieille femme très curieuse, qui adorait écouter ce qu’il se passait dans les maisons d’à côté.
Et la vieille bonne femme, à force d’entendre sa pauvre voisine chanter tous les soirs :
Te voilà donc, sommeil ? Bonsoir !
Voici l’escabeau pour t’asseoir,
Voici des haricots bien tendres
Et voici le lit pour t’étendre.
Quand j’aurai fini de tisser,
J’arriverai pour t’embrasser.
La vieille bonne femme, donc, à force d’entendre sa pauvre voisine chanter cette chanson toutes les nuits, se mit à imaginer que la pauvresse était amoureuse du roi Sommeil. Et que, tous les soirs, elle l’introduisait dans sa pauvre maison, lui donnait des haricots à manger, avant de l’emmener dans son lit pour l’embrasser… ! « Oh, là, là ! Quelle affaire ! », se dit la vieille qui, ni une, ni deux, serre son foulard autour de la tête et court au palais pour raconter cela à la mère du roi :
« Majesté, Majesté, j’en ai une bien bonne ! piailla la commère devant la mère du roi. Figurez-vous que j’ai une voisine qui est bien pauvre, la malheureuse. Eh bien, figurez-vous qu’elle est amoureuse de votre fils le roi Sommeil ! J’en suis sûre. Tous les soirs, elle lui ouvre la porte, elle lui donne des haricots à manger et elle va l’embrasser dans son lit ! Si, si ! Et pour vous prouver que je dis la vérité, je m’en vais vous dire la chanson qu’elle lui chante tous les soirs.
Te voilà donc, sommeil ? Bonsoir !
Voici l’escabeau pour t’asseoir,
Voici des haricots bien tendres
Et voici le lit pour t’étendre.
Quand j’aurai fini de tisser,
J’arriverai pour t’embrasser. »
La mère du roi crut ses paroles. Et elle ne fut pas du tout choquée d’apprendre que, soi-disant, son fils le roi Sommeil, après lui avoir souhaité la bonne nuit, n’allait pas dormir dans sa chambre, mais se rendait chez une jeune fille du voisinage pour, chaque soir, dormir auprès d’elle. En revanche, elle fut désagréablement surprise de penser qu’après le souper Sa Majesté mangeait en plus de simples haricots et, surtout, qu’il dormait dans un lit qui était sûrement une affreuse paillasse pleine de poux ! Alors, sitôt la vieille repartie, la reine fait venir ses servantes et leur dit :
« Écoutez. Allez à la cuisine et prenez-y un bon repas. Puis, allez dans ma chambre et prenez-y un matelas tout neuf, des draps tout blancs, afin que mon fils mange et dorme à son aise. On peut être reine, on n’en est pas moins mère. »
Les servantes du palais, obéissantes, emportèrent tout cela chez la pauvresse qui, à la vue de ces affaires, devina ce qui s’était passé : « C’est sûrement ma vilaine voisine qui a inventé des histoires sur mon compte, songea-t-elle. Eh bien, tant pis pour elle. Je vais garder tout cela pour moi. »
Et, le soir venu, la pauvresse chanta de plus belle :
Te voilà donc, sommeil ? Bonsoir !
Viens, nous allons nous régaler :
Voici des pommes, voici des poires,
Voici des coings et du raisin…
Et tout en chantonnant, elle goûtait aux aliments qu’avaient apportés les servantes royales.
À ces mots, la vieille voisine, qui, décidément, avait l’oreille bien tendue, la langue bien pendue et l’esprit mal tourné, se dit :
« Ça alors ! Elle a changé sa chanson. Qu’est-ce que ça veut dire ? Écoutons voir. « Voici des pommes, voici des poires, voici des…  » Oh, oh ! Mais oui ! Je parie qu’elle est enceinte, maintenant ! Elle attend un bébé du roi ! Oh, là, là ! Quelle affaire ! »
À cette idée, la vieille serre son foulard autour de la tête et court au palais pour raconter cela à la mère du roi :
« Majesté, Majesté, j’en ai une bien bonne ! Figurez-vous que ma voisine, l’amie de votre fils le roi Sommeil, voilà qu’elle est enceinte maintenant ! Elle attend un bébé du roi ! »
La mère du roi crut ces paroles. Alors, sitôt la vieille repartie, elle frappa dans les mains, fit venir ses servantes et leur dit :
« Écoutez. Allez à la cuisine et prenez le meilleur repas que vous y trouverez, puis vous irez le livrer chez la pauvresse. Et vous recommencerez tous les jours pendant neuf mois, afin que le bébé qu’elle porte dans le ventre croisse et naisse dans de bonnes conditions.»
Les servantes royales, obéissantes, se rendirent chez la pauvresse et lui dirent :
« Voilà. Nous avons appris que tu étais enceinte. Alors, sur ordre de la mère du roi, nous t’apportons ce bon repas et nous recommencerons tous les jours, afin que le bébé que tu portes dans le ventre croisse et naisse dans de bonnes conditions. »
La jeune pauvresse n’en revint pas. « Encore ma sacrée voisine qui a fait des siennes ! », se dit-elle. Mais elle décida de jouer le jeu et de faire semblant d’être enceinte. Alors, sous sa robe, elle se mit à glisser des étoffes, des bouts de tissu. Régulièrement, elle rajoutait une couche pour faire croire qu’elle grossissait. Si bien qu’au bout de neuf mois elle avait l’air d’avoir un ventre bien rond et bien dodu. Là-dessus, elle prit le lit et se déclara fatiguée.
En apprenant cela, la mère du roi fit venir ses servantes et leur dit :
« Écoutez. J’ai l’impression que la pauvresse est sur le point d’accoucher. Alors, s’il vous plaît, rendez-vous chez elle et voyez si le petit est né. Vous demanderez à voir l’enfant, puis vous reviendrez ici pour me dire de quoi il a l’air. Oh, j’espère qu’il est mignon, ce bébé ! Dire que je suis devenue grand-mère ! »
Les servantes royales se rendirent chez la pauvresse, frappèrent à la porte – toc, toc, toc ! – et demandèrent, à travers la porte :
« C’est nous, les servantes royales. Eh, bien, dis-nous, tu as accouché maintenant ? Il est né, le bébé ? On peut le voir ? »
À quoi la pauvresse répondit, en prenant une voix fatiguée :
« Oui, oui, il est né. Mais il est si petit, et moi je suis si fatiguée, que je ne veux pas vous le montrer maintenant. Attendez quarante jours, et passé ce délai, je viendrai moi-même au château pour le montrer à Sa Majesté. »
Les servantes s’en retournèrent au palais pour dire à la mère du roi :
« Oh, là, là ! Votre Majesté ! Il est né, le bébé, vous savez. Nous l’avons vu. Il est mignon comme tout, cet enfant, vous ne pouvez pas savoir ! Et c’est le portrait du roi Sommeil tout craché ! Il a même un grain de beauté, juste à côté du nez, pareil à celui de Sa Majesté. »