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Un florilège de mythes, de contes et de légendes permet de pénétrer dans l'imaginaire des Comores
Je suis l'enfant d'une contrée de sagesse et de folie. Bercé par le son des tam-tams, je viens, les pieds nus, vous transmettre les mots de mes ancêtres bantus. Sachez que Conte n'aurait pas existé si la vieille femme ne s'était pas perdue à Allahalélé ; si le vieux Gombé ne lui avait pas donné la petite marmite en terre qui contenait de belles histoires; si Soleil, jaloux et aigri, ne l'avait pas cassée. Depuis, chaque pays détient des contes, mais prenez garde de ne jamais les raconter en présence de Soleil. Quand je vous dirai : " Allahalélé ", répondez : " Gombé ". Ainsi, ensemble, nous scellerons le pacte des origines du Verbe.
À PROPOS DE LA COLLECTION
« Aux origines du monde » (à partir de 12 ans) permet de découvrir des contes et légendes variés qui permettent de comprendre comment chaque culture explique la création du monde et les phénomènes les plus quotidiens. L’objectif de cette collection est de faire découvrir au plus grand nombre des contes traditionnels du monde entier, inédits ou peu connus en France. Et par le biais du conte, s’amuser, frissonner, s’évader… mais aussi apprendre, approcher de nouvelles cultures, s’émerveiller de la sagesse (ou de la malice !) populaire.
DANS LA MÊME COLLECTION
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Contes et légendes de France
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Contes et légendes du Burkina-Faso
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Contes et légendes d'Allemagne, de Suisse et d'Autriche
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Contes et récits des Mayas
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Seitenzahl: 160
Veröffentlichungsjahr: 2015
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Pour Wissam et Laurence A la mémoire de maman et de ma grand-mère maternelle qui m’a transmis tous ces contes et qui s’en est allée pendant l’écriture de ce livre.
Ewulimo djuwani n’gudjola m’vuliniNe wandzo yende yeka huwono hule.
Qui sème au soleil mangera à l’ombreEt celui qui désire aller loin ne regarde pas la distance.
Proverbe comorien
Je suis l’enfant d’une contrée fort lointaine, un pays de sagesse et de folie, un pays de lumière et de pénombre, un pays entouré d’eau et érigé sur un volcan.
Emporté par le vent, bercé par le son des tam-tams et du balafon, je viens, les pieds nus, vous apporter les mots de mes ancêtres bantus. Mélangez-les avec vos propres mots et donnez naissance à un fleuve, le fleuve des origines. Mais avant de commencer la veillée, sachez ceci :
Autrefois, dans un petit village, vivait une petite femme vieille et sans âge. Nul ne se souvenait du moment de sa naissance ni même de son enfance. Elle avait toujours été là, disait-on, et certains allaient jusqu’à prétendre qu’elle était plus âgée que les pierres et les arbres.
Dans ce village-là, le soleil était l’ami des habitants. Tous les jours, il s’arrêtait pour discuter avec les uns et les autres.
Un matin, la vieille petite femme partit aux champs, parce qu’elle avait encore la force d’un zébu mais, à la nuit tombante, elle ne regagna pas sa case. Tous les villageois, inquiets, la cherchèrent longuement et partout. En vain. Trois jours et trois nuits passèrent et la vieille petite femme resta introuvable. Certains avancèrent qu’elle avait dû être mangée par des djinns malfaiteurs, d’autres soutenaient l’hypothèse que des crocodiles en avaient certainement fait un festin, somme toute bien maigre.
Le soleil, qui parcourait le monde, la chercha à son tour, demanda des nouvelles aux oiseaux, à la lune et aux étoiles, mais personne ne l’avait vue.
Les hommes, résignés, firent donc la prière de l’absente et la vie reprit son cours.
Un jour, à l’aube, un homme courut et commença à hurler :
– Elle est revenue ! Elle est revenue !
Tous les villageois se réveillèrent en sursaut et trouvèrent la vieille petite femme, tranquillement assise sur un rocher, à l’entrée du village. Le maître du tambour fit résonner son tam-tam et toute la population dansa et chanta.
– Où étais-tu ? demanda le chef du village à la vieille petite femme.
Alors, celle-ci raconta :
– Je reviens d’un pays lointain, un pays de lumière.
– Comment s’appelle donc ce pays-là ?
– Allahalélé, répondit-elle. A Allahalélé, le patriarche s’appelle Gombé et il m’a fait don de sa plus grande richesse !
La revenante montra une petite marmite en terre.
– Voyez-vous, dit-elle, avant de l’ouvrir, il me faut dire le nom du pays des lumières et en retour, vous devez prononcer celui du patriarche Gombé. Tel est le pacte que j’ai scellé avec les autorités de Allahalélé. Si je ne le respecte pas, je deviendrais muette et si vous ne dites pas Gombé, vous finirez vos jours sourds. Mon pacte est aussi le vôtre.
Les villageois, curieux de savoir ce que pouvait bien contenir cette petite marmite en terre, acceptèrent le pacte. Alors, la vieille petite femme lança :
– Allahalélé !
Et les villageois répondirent en chœur :
– Gombé !
La vieille petite femme souleva le couvercle. Soudain, une très belle mélodie s’éleva et de merveilleuses histoires commencèrent à sortir de la petite marmite en terre. Tout le monde était subjugué et ravi. Aucun ne songea à manger, tellement les histoires étaient envoûtantes.
Le lendemain, le soleil fit son entrée dans le ciel et trouva tous les villageois assis autour de la petite marmite en terre. Il les salua, mais personne ne leva le regard ni ne lui adressa la parole. Tous étaient captivés par les histoires. Tantôt ils riaient, tantôt ils pleuraient. Le soleil, déçu, continua son chemin.
Le troisième jour, le soleil passa et salua les villageois, qui ne lui prêtèrent pas la moindre attention.
Le quatrième jour, le soleil ne passa pas par ce village-là, mais ses habitants s’en moquèrent. Ils avaient la petite marmite en terre qui les distrayaient et les rendaient heureux. Une semaine s’écoula et les villageois se rendirent enfin compte que la présence du soleil leur était indispensable. Ils le prièrent de revenir.
– Vous n’avez pas besoin de moi ! Vous possédez la petite marmite en terre !
– Reviens, ami Soleil, reviens !
Mais le soleil se laissa longtemps désirer avant de proposer :
– Je suis d’accord pour revenir mais je ne veux jamais plus voir votre petite marmite en terre !
Les villageois acquiescèrent. Aussi, pour profiter des histoires de la petite marmite en terre, ils convinrent de ne sortir l’écouter que la nuit, en l’absence de l’astre de lumière.
Voilà pourquoi on ne raconte jamais d’histoires en présence du soleil. Voilà aussi la raison pour laquelle avant de commencer une histoire, le conteur dit toujours allahalélé, nom du pays des contes et que le public doit toujours répondre par gombé, nom du patriarche du pays des contes. Enfin, les contes se disent hale en comorien, parce qu’ils viennent du mot allahalélé, nom du pays de lumière.
Un jour, quelqu’un cassa malencontreusement la petite marmite en terre et les contes s’éparpillèrent partout. La vieille petite femme, mon aïeule, se baissa, en ramassa quelques-uns et me les confia.
Les oiseaux de mon enfance me disent :
– Tu parles trop ! Méfie-toi ! Ne te noie pas dans le lac de tes mots ! Laisse les autres devenir ivres de tes paroles. N’oublie pas de demander l’autorisation aux djinns de tes aïeuls, car ils sont le berceau de tes racines.
Rendons hommage aux djinns bantus :
Salam ya Musumbiyani
Je te salue ô Musubiyani
Salam ya Djini Rale
Je te salue ô Djini Rale
Salam ya Songo M’nara
Je te salue ô Songo M’nara
Salam ya Djini N’kutra
Je te salue ô Djini N’kutra
Salam ya Bonde Suli
Je te salue ô Bonde Suli
Salam ya Djini N’kanga
Je te salue ô Djini N’kanga
Salam ya Djini Bahari
Je te salue ô Djini Bahari
Salam ya Simba
Je te salue ô Simba
Salam ya Songoro Matratra
Je te salue ô Songoro Matratra
Namnipve zendrazi
Bénissez-mo
Haruma zehale nizambawo
Pour les contes que je vais dire
Alors, braves gens, allahalélé…
Autrefois, les animaux avaient une vie sociale très bien organisée. Chien, pour gagner sa vie, avait un travail formidable, celui de transporteur.
Un jour, Chat décida de faire le tour du monde. Pour cela, il appela Chien et lui fit part de son projet :
– Je voudrais bien t’aider, Chat, mais il m’est impossible de m’absenter.
– Pourquoi donc, Chien ?
– Parce que je suis le seul transporteur ici. Si je m’absentais, comment feraient les autres animaux ?
Chat réfléchit un instant avant de proposer :
– Chien, je te paierai le double de ce que tu aurais gagné durant ton absence.
L’offre parut fort alléchante à Chien, qui finit par accepter. Ce fut ainsi que Chat se retrouva sur le dos de Chien.
Les deux compères arrivèrent dans un premier pays. Dans ce pays-là, il y avait une place publique. Sur cette place publique-là, il y avait une mosquée. Devant cette mosquée-là, il y avait des hommes. Ces hommes-là lisaient le Coran et étaient fort intrigués de voir un chat sur le dos d’un chien. Aussi demandèrent-ils :
– Où allez-vous ainsi, Chat et Chien ?
Chat bomba le torse et répondit :
– Je fais le tour du monde. Et voici mon valet, domestique, serviteur et transporteur : Chien.
Chien fut humilié par les propos blessants qu’il venait d’entendre. Il voulut dire un mot, mais Chat lui glissa à l’oreille :
– Si tu acceptes tout ce que je viens de dire, je multiplierais le prix par trois.
Chien, séduit par cette proposition, dit aux hommes :
– Comme l’a si bien expliqué Sa Majesté Chat, nous faisons le tour du monde et, moi, Chien, je ne suis que son valet, domestique, serviteur et transporteur.
Et les hommes rirent aux éclats. Cahin-caha, Chien poursuivit sa route, avec Chat toujours confortablement installé sur son dos.
Les deux compères arrivèrent dans un deuxième pays. Dans ce pays-là, il y avait une place publique. Sur cette place publique-là, il y avait une église. Devant cette église-là, il y avait des hommes. Ces hommes-là lisaient la Bible et étaient fort intrigués de voir un chat sur le dos d’un chien. Aussi demandèrent-ils :
– Où allez-vous ainsi, Chat et Chien ?
Chat bomba le torse et répondit :
– Je fais le tour du monde. Et voici mon valet, domestique, serviteur et transporteur : Chien.
Chien fut humilié par les propos blessants qu’il venait d’entendre. Il voulut dire un mot, mais Chat lui glissa à l’oreille :
– Si tu acceptes tout ce que je viens de dire, je multiplierais le prix par quatre.
Chien, séduit par cette proposition, dit aux hommes :
– Comme l’a si bien expliqué Sa Majesté Chat, nous faisons le tour du monde et, moi, Chien, je ne suis que son valet, domestique, serviteur et transporteur.
Et les hommes rirent aux éclats. Cahin-caha, Chien poursuivit sa route, avec Chat toujours confortablement installé sur son dos.
Les deux compères arrivèrent dans un troisième pays. Dans ce pays-là, il y avait une place publique. Sur cette place publique-là, il y avait une synagogue. Devant cette synagogue-là, il y avait des hommes. Ces hommes-là lisaient la Torah et étaient fort intrigués de voir un chat sur le dos d’un chien. Aussi demandèrent-ils :
– Où allez-vous ainsi, Chat et Chien ?
Chat bomba le torse et répondit :
– Je fais le tour du monde. Et voici mon valet, domestique, serviteur et transporteur : Chien.
Chien fut humilié par les propos blessants qu’il venait d’entendre. Il voulut dire un mot, mais Chat lui glissa à l’oreille :
– Si tu acceptes tout ce que je viens de dire, je multiplierais le prix par cinq.
Chien, séduit par cette proposition, dit aux hommes :
– Comme l’a si bien expliqué Sa Majesté Chat, nous faisons le tour du monde et, moi, Chien, je ne suis que son valet, domestique, serviteur et transporteur.
Et les hommes rirent aux éclats. Cahin-caha, Chien poursuivit sa route, avec Chat toujours confortablement installé sur son dos.
Et le tour du monde fut ainsi fait. Chien déposa alors Chat devant sa maison et lui demanda :
– Chat, paie-moi !
– Attends-moi là, j’arrive !
Chat pénétra dans sa tanière où il se barricada. Chien l’attendit longtemps, très longtemps…
Il commença à tambouriner la porte.
– Chat, paie-moi ! Chat, paie-moi !
Mais Chat resta sourd. Depuis ce jour, Chien cherche Chat. Et quand il le voit, il le poursuit en hurlant :
– Paie-moi ! Paie-moi !
Parfois, les deux compères passent devant une mosquée, trouvent des hommes qui lisent le Coran. Parfois, ils passent devant une église et trouvent des hommes qui lisent la Bible. Parfois, ils passent devant une synagogue et trouvent des hommes qui lisent la Torah.
Parfois, ils passent devant un lieu de prières où des hommes lisent le Coran, la Bible, la Torah en même temps. A chaque fois, oui, à chaque fois, on leur pose la même question :
– Chat et Chien, où courrez-vous ainsi ?
Jamais, non, jamais, ils ne répondent. Chien est occupé à réclamer son dû. Chat est occupé à sauver sa vie. Et ils courent, courent… Ils courent toujours depuis la nuit des temps, depuis la nuit des religions…
Dans un village, vivaient trois sœurs prénommées M’goma, M’trumbeni et Mwana Anziza. Leurs parents élevaient des poules et cultivaient des champs situés loin du village. Chaque matin, avant de partir, ils faisaient la leçon à leurs filles :
– Ne laissez personne s’approcher des poules !
Mais à peine avaient-ils le dos tourné qu’un diable poilu et cornu surgissait dans la cour de la maison, chantait et dansait :
Cloc ! Cloc ! Cloc !
Je suis le seigneur des forêts
Cloc ! Cloc ! Cloc !
Où sont vos parents ?
Cloc ! Cloc ! Cloc !
Ô jolies et tendres filles
Cloc ! Cloc ! Cloc !
Donnez-moi une poule !
Cette chanson amusait les trois sœurs qui à leur tour se mettaient à chanter et danser :
Cloc ! Cloc ! Cloc !
Nous sommes les princesses de la ferme
Cloc ! Cloc ! Cloc !
Nos parents sont aux champs
Cloc ! Cloc ! Cloc !
Ô grand seigneur des forêts
Cloc ! Cloc ! Cloc !
Prends la poule la plus grasse !
Alors le diable attrapait une poule, l’avalait sur-le-champ et partait en remuant son énorme derrière. Il en était ainsi tous les matins.
Un beau jour, les parents remarquèrent que le nombre de poules avait considérablement diminué.
– Que se passe-t-il ? demandèrent-ils aux trois sœurs.
– Tous les matins, raconta Mwana Anziza, un diable poilu vient ici et s’empare des poules !
Ce matin-là, les parents n’allèrent pas aux champs mais se cachèrent derrière la case familiale.
Le diable arriva et se mit à chanter et danser :
Cloc ! Cloc ! Cloc !
Je suis le seigneur des forêts
Cloc ! Cloc ! Cloc !
Où sont vos parents ?
Cloc ! Cloc ! Cloc !
Ô jolies et tendres filles
Cloc ! Cloc ! Cloc !
Donnez-moi une poule !
Sachant la présence des parents, les trois filles répondirent en rythme :
Dong ! Dong ! Dong !
Ô vilain diable poilu
Dong ! Dong ! Dong !
Tu es un voleur de poules !
Dong ! Dong ! Dong !
Va-t’en dans les entrailles de ta forêt
Dong ! Dong ! Dong !
Et ne reviens jamais ici !
Blessé et humilié, le diable sortit ses griffes et se lança à la poursuite des trois sœurs. Soudain, le père surgit de sa cachette et lui trancha la tête de son épée.
– Ha ! Ha ! Pauvre sot ! Tu as coupé ma tête mais il m’en reste encore six ! Ignorais-tu que les diables avaient plusieurs têtes ? Ha ! Ha ! Pauvre simple d’esprit ! hurla le diable en riant.
Le père coupa cette deuxième tête qui venait de pousser sur les épaules du diable, qui hurla de plus belle :
– Ha ! Ha ! Pauvre sot ! Tu as coupé ma deuxième tête mais il m’en reste encore cinq ! Ignorais-tu que les diables avaient plusieurs têtes ? Ha ! Ha ! Pauvre simple d’esprit !
Et une autre tête poussa. Le père la coupa. Puis une autre, puis une autre…
Quand le diable eut perdu ses sept têtes, il s’effondra au sol. Le père le découpa en petits morceaux qu’il déposa dans une marmite et fit cuire.
Il dit à ses filles :
– Demain, votre mère et moi irons aux champs. Ne touchez surtout pas à cette viande ! Avez-vous entendu ?
– Oui, père, répondirent en chœur les trois sœurs.
Le lendemain, les parents s’en allèrent donc. Mwana Anziza appela ses sœurs et leur montra la marmite qui contenait les morceaux du diable poilu.
– Avez-vous déjà mangé du diable ? demanda-t-elle à ses sœurs.
– Non, répondit M’trumbeni.
– Venez, on va goûter ! rétorqua Mwana Anziza.
– Père a dit qu’il ne fallait pas y toucher, précisa M’goma.
– Il n’en saura rien et s’il fallait écouter tout ce qu’il dit ! lança Mwana Anziza, en s’approchant de la marmite.
Ses sœurs la supplièrent de ne pas désobéir aux parents mais elle se moqua d’elles et les traita de pauvres idiotes. Elle ramassa un morceau de viande et l’avala.
– C’est très bon ! Très très bon ! Venez man…
Elle n’eut pas le temps de finir sa phrase qu’une corne lui poussa au beau milieu du crâne. Effrayées, les deux autres sœurs crièrent.
– Ne dites rien aux parents ! supplia Mwana Anziza.
Mais M’trumbeni courait déjà en direction des champs familiaux. Elle chantait :
Père et Mère ! Tarara !
Père et Mère ! Tarara !
Mwana Anziza a désobéi !
Tarara !
Elle a mangé le diable
Tarara !
Une corne lui est poussée
Et a percé le toit
Dong !
Les parents eurent écho de cette chanson. Ils accoururent au village. Fou de rage, le père jeta Mwana Anziza dans un pilon, l’écrasa et la lança à la mer.
Tous les jours, à l’aube, les pêcheurs, assis sur leur pirogue, entendaient cette chanson venue de nulle part :
Ma sœur l’a dit à Mère
Mère m’a insultée
Ma sœur l’a dit à Père
Père m’a mise dans un pilon
Goud ! Goud ! Comme du riz
Goud ! Goud ! Comme du maïs
Goud ! Goud ! Comme des feuilles
de manioc
Il m’a faite poussière
Et la voix se taisait.
Jadis belle, puis dotée de poils et d’une corne au beau milieu du crâne, Mwana Anziza la Désobéissante faisait désormais partie du royaume des Dimkus ! L’histoire se finirait bien là, mais on raconte que les diables eux-mêmes la transformèrent en une petite bête parce qu’elle ne les écoutait pas plus qu’elle n’avait écouté ses parents. Et cet animal-là est Hérisson.
En ces temps-là, Paha le Chat était le meilleur ami de Pouhou le Rat. Un jour, ils décidèrent d’aller pêcher. Ils prirent une pirogue et partirent. La pêche fut longue et fructueuse. Au retour, Paha le Chat, fatigué, s’endormit pendant que son presque frère Pouhou le Rat pagayait. Il pagayait vite parce qu’un cyclone se préparait.
Ils étaient loin et Pouhou le Rat avait faim et soif. Il mangea un poisson, puis deux, puis trois… Et il ne se rendit même pas compte qu’il avait tout avalé.
Lorsque son ami se réveilla, il trouva la pirogue vide et demanda :
– Où sont passés les poissons ?
Pouhou le Rat commença à pleurer et répondit :
– Mon frère, ô mon frère, pendant que tu dormais, un vautour est passé par ici et a volé tous nos poissons ! J’ai crié, mais tu n’as rien entendu et que pouvais-je faire, moi le maigrelet devant un vautour plus gros qu’une montagne ?
Paha le Chat regarda son ami et rétorqua :
– Non seulement tu es égoïste, mais tu es menteur. Sache, mon pauvre ami, qu’un chat ne dort toujours qu’à moitié. Je t’ai vu, mais je te pardonne. Va te reposer, je vais pagayer, car le cyclone ne tardera pas à venir et nous serons bien dans notre maison.
Confus, Pouhou le Rat se coucha. Il avait encore faim. Il sortit sa langue et lécha l’endroit où les poissons avaient été posés. Puis, il enfonça ses crocs et finit par transpercer la pirogue, qui commença à prendre l’eau.
Paha le Chat demanda à son ami :
– Qu’as-tu fait ?
Alors, Pouhou le Rat commença à pleurer et répondit :
– Mon frère, ô mon frère, pendant que tu pagayais, le même vautour est revenu et a troué notre pirogue ! Ne l’as-tu pas vu, ô mon frère ?
Paha le Chat s’écria :
– Tais-toi ! Sache qu’un chat a toujours un œil aux aguets.
La pirogue coula. Les vagues emportèrent les deux amis. Paha le Chat était un excellent nageur. Il regagna rapidement la côte, s’installa sur un rocher et regarda Pouhou le Rat se débattre dans l’eau. Non, le pauvre imbécile ne savait pas nager !
Pouhou le Rat cria à l’aide à Paha le Chat, qui lui lança en retour :
– Tu m’as trahi ! Ta gourmandise va te perdre ! Adieu !
Pouhou le Rat dit :
– Ecoute mon ami, sauve-moi et je te promets une énorme récompense !
– Laquelle ? demanda Paha le Chat.
– Tu te marieras avec ma fille ! dit-il désespéré.
– Tu n’as pas de fille !
– Je te donnerai toute ma fortune, promit Pouhou le Rat.
– Tu n’as pas de fortune !
– Je te donnerai ma vie !
– Ta vie ?
– Oui ! Tu me croqueras, car je préfère me savoir mangé par un ami que par un requin ! répliqua Pouhou le Rat.
Comme il avait faim, Paha le-Chat accepta cette dernière proposition. Il plongea dans l’eau et ramena le malheureux sur la terre ferme. Il ouvrit grandement la gueule pour le manger lorsque Pouhou le Rat tint ces propos :