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En novembre 2024, accablé par une mélancolie si profonde qu’elle l’entraîne aux confins du désespoir, Anatole Vespery franchit le seuil du cabinet d’une psychiatre. Celle-ci l’oriente vers une psychothérapie accompagnée d’un traitement approprié. Au fil des séances, une vérité effroyable, soigneusement ensevelie dans les replis de sa mémoire depuis douze années, surgit : l’inceste. À mesure que l’amnésie traumatique se fissure, Anatole entrevoit enfin la source véritable de son tourment. Ce dévoilement, à la fois douloureux et libérateur, trace la voie d’un bouleversant cheminement intérieur dont chaque page révèle la fragile conquête d’une renaissance.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Ethan Rihouey, vingt ans, poursuit un master de Littérature Générale et Comparée à la Sorbonne Nouvelle. Depuis l’enfance, lire et écrire nourrissent son âme. Pour lui, la poésie est un refuge, un moyen d’apprivoiser ses angoisses. Ce recueil sur l’amnésie traumatique se révèle ainsi être, à bien des égards, une thérapie silencieuse.
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Seitenzahl: 47
Veröffentlichungsjahr: 2025
Ethan Rihouey
Crépuscule
© Lys Bleu Éditions – Ethan Rihouey
ISBN : 979-10-422-8181-6
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J’ai passé hier une affreuse soirée. Il ne se manifeste plus, mais je le sens près de moi, m’épiant, me regardant, me pénétrant, me dominant et plus redoutable, en se cachant ainsi, comme s’il signalait par des phénomènes surnaturels sa présence invisible et constante.
J’ai dormi pourtant.
Maupassant, Le Horla
À toutes les victimes…
Le temps presse, je suis en retard.
Que vais-je bien pouvoir dire ?
Désolé, mon train, la gare,
Je n’ai pas cessé de courir.
Nation. Il est quinze heures,
L’université est bondée.
Je me faufile et reste figé
Face à l’ampleur d’une fresque.
Je la parcours du regard.
Viol et violence et
je me sens hagard.
Des images, des sons et des odeurs me parviennent.
Mon corps a mal et des frissons s’installent
Je n’irai pas en cours, ce n’est pas la peine.
Elle est là. Elle est là et s’installe. S’installe progressivement puis prend possession. Possession de mon corps et de mes entrailles. De mes entrailles, elle monte jusque dans ma gorge. Ma gorge est nouée, j’ai le souffle coupé. Coupé de mes poumons prisonniers. Prisonniers d’une force qui les oppresse. Qui les oppresse et qui fait trembler. Trembler mes doigts puis mes mains. Mes mains et mes bras. Mes bras et mes jambes. Mes jambes et mes pieds. Mes pieds ont le souffle coupé ? Coupé de ma gorge nouée ? De ma gorge nouée et de mes yeux aveuglés ? Aveuglé, je ne vois plus rien. Je ne vois plus rien et je n’entends plus. Plus jamais elle ne viendra mais pour le moment, elle est là.
Clic.
J’allume la lampe de chevet.
23 h, il est tard.
Shhhh.
Je fais défiler les pages
23 h 30, papa va se coucher.
Clac.
J’éteins la lumière.
23 h 31, papa monte les escaliers.
Boum boum boum.
J’entends ses pas vers ma chambre.
23 h 31 et 41 secondes, papa me demande pourquoi je suis encore réveillé.
Blablabla.
Il y a école demain.
23 h 33, papa est parti.
Clic.
Je rallume la lumière.
23 h 34, je lis.
Fffffff.
On entend le vent.
0 h, la lecture a calmé mon angoisse.
Clouc, clouc, clouc.
C’est la pluie qui prend place.
2 h 38, paupières éclatées par la blancheur du papier.
Tic, tac.
Le cliquetis de la montre me dérange.
3 h 1, lire pour s’endormir.
Rrrrrrr.
Mon ronflement sur la page.
6 h 36, premières clartés.
Bloup.
Ma bave sur le papier.
Je suis en cours et la nuit vient de s’installer. De la bibliothèque de la salle jaillit une lumière. Cette dernière m’envahit et mon regard ne s’en détache plus.
Mes yeux regardent la professeure.
– LA NUIT N’EST PAS LÀ, LA NUIT N’EST PAS LÀ –
Je dévie mon regard vers la fenêtre. Il fait nuit noire.
– LA NUIT N’EST PAS LÀ, LA NUIT N’EST PAS LÀ –
Je me tourne vers la porte, elle est fermée.
– LA NUIT N’EST PAS LÀ, LA NUIT N’EST PAS LÀ –
Je regarde ma feuille, mes yeux n’arrivent pas à lire.
– LA NUIT N’EST PAS LÀ, LA NUIT N’EST PAS LÀ –
Je fouille dans ma trousse sans rien chercher.
– LA NUIT N’EST PAS LÀ, LA NUIT N’EST PAS LÀ –
Je n’existe plus, ou pas, je ne sais pas.
Je tombe d’épuisement, envahi par la nuit. Alors, je me revois, douze ans plus tôt, dans ma chambre d’enfant. Il est tard, il n’y a pas de lumière, je suis censé dormir. J’entends qu’on monte les marches. Ma porte s’ouvre.
Personne ne peut rentrer dans ma chambre à cette heure-là de la nuit.
Personne ne peut venir dans mon lit à cette heure-là de la nuit.
JE DORS.
D’où venez-vous et où allez-vous ?
Ma vie d’avant importe peu. Je l’ai presque oubliée. Je tente de prendre mon envol malgré ma blessure. La plaie suinte, elle est pleine de pus qui ne cesse de couler. La gangrène est déjà bien installée ; je ne peux rien y faire. J’avais pourtant pris soin d’elle durant toutes ces années. La chérissant de quelques mots doux et de « ça va aller ». Mais j’aurais dû éviter les griffes de L’aigle noir qui se posait sur ma fenêtre le soir. Encore faut-il se rendre à l’évidence que la plaie ne s’est jamais refermée. Aujourd’hui, je vagabonde mais l’infection est toujours là. J’ai mal.
Que voyez-vous sur les pavés de la cour d’entrée ?
Je ne vois rien. Je ressens seulement. J’entends la pluie qui se heurte aux pavés, les gouttes d’eau se fracassant sur leur surface rêche. Je n’aime pas regarder le sol, il m’est trop brutal.
Ce dédale de couloirs, on s’y perd quand on ne connaît pas…