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Emmanuel Kant

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Beschreibung

Dans son ouvrage intitulé 'Critique de la faculté de juger', Emmanuel Kant explore de manière approfondie la philosophie de l'esthétique et de la téléologie. Il articule sa réflexion autour de la question du jugement esthétique et du sentiment de beauté, s'inscrivant ainsi dans la continuité de ses travaux antérieurs sur la raison pure et pratique. Son style littéraire est à la fois rigoureux et accessible, offrant au lecteur une analyse profonde mais claire des concepts abordés. L'œuvre de Kant s'inscrit dans le mouvement des Lumières et marque une étape essentielle dans l'histoire de la philosophie moderne. Son approche critique et rationnelle continue d'influencer de nombreux domaines de la pensée contemporaine. Recommandé aux lecteurs passionnés par la philosophie, 'Critique de la faculté de juger' est une œuvre majeure qui offre une perspective unique sur la nature de la beauté et de l'art.

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Emmanuel Kant

Critique de la faculté de juger

 
EAN 8596547766414
DigiCat, 2023 Contact: [email protected]

Table des matières

PREFACE.
INTRODUCTION.
PREMIERE PARTIE
CRITIQUE DU JUGEMENT ESTHETIQUE.
PREMIÈRE SECTION.
ANALYTIQUE DU JUGEMENT ESTHÉTIQUE.
PREMIER LIVRE
§. I.
§. II.
§. III.
§. IV.
§. V.
§. VI.
§. VII.
§. VIII.
§. IX.
§. X.
§. XI.
§. XII.
§. XIII.
§. XIV.
§. XV.
§. XVI.
§. XVII.
§. XVIII.
§. XIX.
§. XX.
§. XXI.
§. XXII.
DEUXIEME LIVRE
§ XXIII.
§. XXIV.
§. XXV.
§. XXVI.
§. XXVII.
§. XXVIII.
§. XXIX.
§. XXX.
§. XXXI.
§. XXXII.
§. XXXIII.
§. XXXIV.
§. XXXV.
§. XXXVI.
§. XXXVII.
§. XXXVIII.
§. XXXIX.
§. XL.
§. XLI
§. XLII.
§. XLIII.
§. XLIV.
§. XLV.
§. XLVI.
§. XLVII.
§. XLVIII
§. XLIX.
§. L.
§. LI.
§. LII.
§ LIII.
DEUXIÈME SECTION
§. LIV.
§. LV.
§. LVI.
§. LVII.
§. LVIII.
§. LIX

PREFACE.

Table des matières

On peut appeler raison pure la faculté de connaître par des principes a priori, et critique de la raison pure, l'examen de la possibilité et des limites de cette faculté en général, en n'entendant par raison pure que la raison considérée dans son usagethéorique, comme je l'ai fait, sous ce titre, dans mon premier ouvrage, et sans prétendre soumettre aussi à l'examen la faculté pratique que déterminent en elle sespropres principes. La critique de la raison pure ne comprend donc que notre faculté de connaître les chosesapriori: elle ne s'occupe que de la faculté deconnaître, abstraction faite du sentiment du plaisir ou de la peine et de la faculté de désirer ; et dans la faculté de connaître, elle ne considère que l'entendement dont elle recherche les principes a priori, abstraction faite du Jugement et de la raison (en tant que facultés appartenant également à la connaissance théorique), parce qu'il se trouve dans la suite qu'aucune autre faculté de connaître, que l'entendement, ne peut fournir à la connaissance des principes constitutifs a priori. Ainsi la critique qui examine toutes ces facultés, pour déterminer la part que chacune pourrait avoir par elle-même à là vraie possession de la connaissance, ne conserve rien que ce quel'entendement prescrit a priori comme une loi pour la nature où pour l'ensemble des phénomènes, (dont la forme est aussi donnée a priori ); elle renvoie tous les autres concepts purs aux idées qui sont transcendantes pour notre faculté de connaître théorique, et qui, loin d'être pour cela inutiles ou superflues, servent de principes régulateurs: en agissant ainsi, d'une part, elle écarte les dangereuses prétentions de l'entendement, qui ( parce qu'il peut fournir a priori les conditions de la possibilité de toutes les choses qu'il peut connaître) voudrait renfermer dans ses propres limites la possibilité de toute chose en général, et d'autre part, elle dirige l'entendement lui-même dans la considération de la nature à l'aide d'un principe de perfection qu'il ne peut jamais atteindre, mais qui lui est posé comme le but final de toute connaissance.

C'est donc véritablement à l'entendement, qui a son domaine propre dans la faculté de connaître, en tant qu'elle contient a priori des principes constitutifs de la connaissance, que la critique désignée en général sous le nom de critique de la raison pure, devait assurer une possession sûre, mais bornée, contre tous les autres compétiteurs. De même la critique de la raison pratique a déterminé la possession de la raison, qui ne contient des principes constitutifs que relativement à la faculté de désirer.

Maintenant le Jugement, qui forme dansl'ordre de nos facultés de connaître un moyen terme entre l'entendement et la raison, a-t-il aussi par lui-même des principes a priori; ces principes sont-ils constitutifs ou simplement régulateurs (ne supposant point par conséquent un domaine particulier); et donne-t-il apriori une règle au sentiment du plaisir ou de la peine, comme au moyen terme entre la faculté de connaître et la faculté de désirer ( de même que l'entendement prescrit a priori des lois à la première et la raison à la seconde ) ? Voilà ce dont s'occupe la présente critique du Jugement.

Une critique de la raison pure, c'est-à-dire de notre faculté de juger suivant des principes a priori, serait incomplète, si celle du Jugement qui, en tant que faculté de connaître, prétend aussi par lui-même à de tels principes, n'était traitée comme une partie spéciale de la critique ; et pourtant les principes du Jugement ne constituent pas, dans un système de la philosophie pure, une partie propre entre la partie théorique et la partie pratique ; ils peuvent être rapPRÉFACE. portés, suivant l'occasion, à chacune de ces deux parties. Mais si, sous le nom général de métaphysique, ce système (qu'il est possible d'achever et qui estd'une haute importance pour l'usage de la raison sous tous les rapports ) doit être un jour accompli, il faut d'abord que la critique ait sondé le sol de cet édifice, assez profondément pour découvrir les premiers fondements de la faculté qui nous fournit des principes indépendants de l'expérience, afin qu'aucune desparties ne vienne à chanceler, ce qui entraînerait inévitablement la ruine du tout.

Or on peut aisément conclure de la nature du Jugement (dont il est si nécessaire et si généralement utile de faire un bon usage que sousle nom desenscommun on ne désigne pasd'autre faculté que celle-là) qu'on doit rencontrer de grandes difficultés dans la recherche du principe propre de cette faculté (elle doit en effet en contenir un a priori, sinon la critique même la plus vulgaire ne la considérerait pas comme une faculté particulière de connaître). Ce principe ne peut être dérivé de concepts a priori : ceux-ci appartiennent à l'entendement et le Jugement ne concerne que leur application. Le Jugement doit donc, fournir lui-même un concept, qui ne fasse proprement rien connaître, et qui seulement lui serve de règle à lui-même, mais non pas de règle objective à laquelle il puisse s'accommoder, car alors il faudrait une autre faculté de juger, pour 'décider si c'est le cas ou non d'appliquer la règle.

Cette difficulté que présente le principe (subjectif ou objectif) de la faculté de juger se rencontre surtout dans ces jugements, appelés esthétiques, qui concernent le beau et le sublime de la nature ou de l'art. Et pourtant la recherche critique du principe de ces jugements est la partie la plus importante de la critique de cette faculté. En effet, quoique par euxmêmes ils n'apportent rien à la connaissance des choses, ils n'en appartiennent pas moins uniquement à la faculté de connaître et révèlent un rapport immédiat de cette faculté avec le sentiment de plaisir ou de peine, fondé sur quelque principe a priori, qui ne se confond pas avec les motifs de la faculté de désirer; car celle-ci trouve ses principes a priori dans des concepts de la raison. Il n'en est pas de même des jugements téléologiques sur la nature : ici, l'expérience nous montrant dans les choses une conformité à des lois qui ne peut plus être comprise ou expliquée à l'aide du concept général que l'entendement nous donne du sensible, la faculté de juger tire d'elle-même on principe du rapport de la nature avec l'inaccessible monde du supra-sensible, dont elle ne doit se servir qu'en vue d'elle-même dans la connaissance de la nature ; mais ce principe, qui doit et peut être appliqué a priori à la connaissance des choses du monde et nous ouvre en même temps des vues avantageuses pour la raison pratique, n'a point de rapport immédiat au sentiment du plaisir ou de la peine. Or c'est précisément ce rapport qui fait l'obscurité du principe du Jugement, et qui rend nécessaire pour cette faculté une division particulière de la critique ; car le jugement logique, qui se fonde sur des concepts (dont on ne peut jamais tirer de conséquence immédiate au sentiment du plaisir ou de la peine), aurait pu à la rigueur être rattaché à la partie théorique de la philosophie, avec l'examen critique des limites de ces concepts.

Comme je n'entreprends pas l'étude du goût, ou du Jugement esthétique, dans le but de le former et de;le cultiver (car cette culture peut bien continuer de se passer de ces sortes de spéculation), mais seulement à un point de vue transcendental, on sera, je l'espère, indulgent pour les lacunes de cette étude. Mais, à son point de vue, il faut qu'elle s'attende à l'examen le plus sévère; seulement la grande difficulté que présente la solution d'un problème, naturellement si embrouillé, peut servir, je l'espère aussi, à excuser quelque reste d'une obscurité qu'on ne peut éviter entièrement. Pourvu qu'il soit assez clairement- établi que le principe a été exactement exposé, on peut me pardonner, s'il est nécessaire, de n'en avoir pas dérivé le phénomène du Jugement avec toute la clarté qu'on peut justement exiger ailleurs, c'est-à-dire d'une connaissance fondée sur des concepts, et que je crois avoir rencontrée dans la seconde partie de cet ouvrage.

Je termine ici toute mon oeuvre critique. J'aborderai sans retard la doctrine, afin de mettre à profit, s'il est possible, le temps favorable encore de ma vieillesse croissante. On comprend aisément que le Jugement n'a point de partie spéciale dans la doctrine, puisque la critique lui tient lieu de théorie; mais que, d'après la division de la philosophie en théorique et pratique et de la philosophie pure en autant de parties, la métaphysique de la nature et celle des moeurs doivent constituer cette nouvelle oeuvre.

INTRODUCTION.

Table des matières

I

De la division de la philosophie.

Quand on considère la philosophie comme fournissant par des concepts les principes de la connaissance rationnelle des choses ( et non pas seulement, comme la logique, les principes de la forme de la pensée en général, abstraction faite des objets), on a tout à fait raison de la diviser, comme on le fait ordinairement, en théorique et pratique. Mais il faut alors que les concepts qui fournissent aux principes de cette connaissance rationnelle leur objet, soient spécifiquement différents; sinon ils n'autoriseraient point une division, qui suppose toujours une opposition des principes de la connaissance rationnelle propre aux diverses parties d'une science.

Or il n'y a que deux espèces de concepts, lesquelles impliquent autant de principes différents de la possibilité de leurs objets : ce sont les concepts de la nature et le concept de la liberté. Et comme les premiers rendent possible, à l'aide de principes a priori, une connaissance théorique, et que le second ne contient relativement à cette connaissance qu'un principe négatif (une simple opposition ), tandis qu'au contraire il établit pour la détermination de la volonté des principes extensifs, qui, pour cette raison, s'appellent pratiques, on a le droit de diviser la philosophie en deux parties, tout à fait différentes quant aux principes, en théorique en tant que philosophie de la nature et en pratique en tant que philosophie morale ( car on appelle ainsi la législation pratique de la raison fondée sur le concept de la liberté). Mais jusqu'ici une grave confusion dans l'emploi de ces expressions a présidé à la division des divers principes et par suite de la philosophie : on identifiait ce qui est pratique au point de vue des concepts de la nature avec ce qui est pratique au point de vue du concept de la liberté, et sous ces mêmes expressions de philosophie théorique et pratique, on établissait une division qui, dans le fait, n'en était pas une (puisque les deux parties pouvaient avoir les mêmes principes ).

La volonté, en tant que faculté de désirer, est une des diverses causes naturelles qui sont dans le monde, c'est celle qui agit d'après des concepts; et tout ce qui est représenté comme possible (ou comme nécessaire) par la volonté, on l'appelle pratiquement possible ( ou nécessaire ), pour le distinguer de la possibilité ou de la nécessité physique d'un effet dont la cause n'est pas déterminée par des concepts ( mais, comme dans la matière inanimée, par mécanisme, ou, comme chez les animaux, par instinct. — Or ici on parle de pratique d'une manière générale, sans déterminer si le concept qui fournit à la causalité de la volonté sa règle est un concept de la nature ou un concept de la liberté.

Mais cette dernière distinction est essentielle : si le concept qui détermine la causalité est un concept de la nature, les principes sont alors techniquement pratiques; si c'est un concept de la liberté, ils sont moralement pratiques; et, comme dans la division d'une science rationnelle il s'agit uniquement d'une distinction des objets dont la connaissance demande des principes différents, les premiers se rapportent à la philosophie théorique (ou à la science de la nature), tandis que les autres constituent seuls la seconde partie, à savoir la philosophie pratique (ou la morale).

Toutes les règles techniquement pratiques (c'està- dire celles de l'art ou de l'industrie en général, et même celles de la prudence, ou de cette habileté qui donne de l'influence sur les hommes et sur leur volonté ), en tant que leurs principes reposent sur des concepts, doivent être rapportées comme corollaires à la philosophie théorique. En effet elles ne concernent qu'une possibilité des choses fondée sur des concepts de la nature, et je ne parle pas seulement des moyens à trouver dans la nature, mais même de la volonté (comme faculté de désirer, et par conséquent comme faculté naturelle), en tant qu'elle peut être déterminée conformément à ces règles par des mobiles naturels. Cependant ces règles pratiques ne s'appellent pas des lois (comme les lois physiques), mais seulement des préceptes; car, comme la volonté ne tombe pas seulement sous le concept de la nature, mais aussi sous celui de la liberté, on réserve le nom de lois aux principes de la volonté relatifs à ce dernier concept, et ces principes constituent seuls, avec leurs conséquences, la seconde partie de la philosophie, à savoir la partie pratique.

De même que la solution des problèmes de la géométrie pure ne forme pas une partie spéciale de cette science, ou que l'arpentage ne mérite pas d'être appelé géométrie pratique, par opposition à la géométrie pure qui serait la seconde partie de la géométrie en général, de même et à plus forte raison ne faut-il pas regarder comme une partie pratique de la physique, l'art mécanique ou chimique des expériences, ou des observations, et rattacher à la philosophie pratique l'économie domestique, l'agriculture, la politique, l'art de vivre en société, la diététique, même la théorie générale du bonheur et l'art de dompter ses passions et de réprimer ses affections en vue du bonheur, comme si tous ces arts constituaient la seconde partie de la philosophie en général. En effet, ils ne contiennent tous que des règles, qui s'adressent à l'industrie de l'homme, qui, par conséquent ne sont que techniquement pratiques, ou destinées à produire un effet possible d'après les concepts naturels des causes et des effets, et qui, rentrant dans la philosophie théorique (ou dans la science de la nature), dont elles sont de simples corollaires, ne peuvent réclamer une place dans cette philosophie particulière qu'on appelle la philosophie pratique. Au contraire, les préceptes moralement pratiques, qui sont entièrement fondés sur le concept de la liberté et excluent toute participation de la nature dans la détermination de la volonté, constituent une espèce toute particulière de préceptes : comme ces règles auxquelles obéit la nature, ils s'appellent véritablement des lois, mais ils ne reposent pas, comme celles-ci, sur des conditions sensibles; ils ont un principe supra-sensible, et ils forment à eux seuls, à côté de la partie théorique de la philosophie, une autre partie sous le nom de philosophie pratique.

On voit par là qu'un ensemble de préceptes pratiques, donnés par la philosophie, ne constitue pas une partie spéciale et opposée à la partie théorique de cette science, par cela seul qu'ils sont pratiques ; car ils pourraient l'être encore, quand même leurs principes ( en tant que règles techniquement pratiques ) seraient tirés de la connaissance théorique de la nature : il faut encore que le principe sur lequel ils se fondent ne soit pas dérivé lui-même du concept de la nature, toujours subordonné à des conditions sensibles, et repose par conséquent sur le supra-sensible, que le concept seul de la liberté nous fait connaître par des lois formelles, et qu'ainsi les préceptes soient moralement pratiques, c'est-à-dire que ce ne soient pas seulement des préceptes ou des règles relatives à tel ou tel dessein, mais des lois qui ne supposent aucun but ou aucun dessein préalable.

II

Du domaine de la philosophie en général.

L'usage de notre faculté de connaître par des principes et la philosophie par conséquent n'ont pas d'autres bornes que celles de l'application des concepts a priori.

Mais l'ensemble de tous les objets auxquels se rapportent cesconcepts, pour en constituer, s'il est possible, une connaissance, peut être divisé selon que nos facultés suffisent ou ne suffisent pas à ce but, et selon qu'elles y suffisent de telle ou telle manière.

Si vous considérez les concepts comme se rapportant à des objets, et que vous fassiez abstraction de la question de savoir si une connaissance de ces objets est ou n'est pas possible, vous avez le champ de ces concepts: il est déterminé seulement d'après le rapport de leur objet à notre faculté de connaître en général.—La partie de ce champ, où une connaissance est possible pour nous, est le territoire (territorium) de cesconcepts et de la faculté de connaître que suppose cette connaissance. La partie du territoire, où ces concepts sont législatifs, est leur domaine (ditio) et celui des facultés de connaître qui les fournissent. Ainsi les concepts empiriques ont bien leur territoire dans la nature, considérée comme l'ensemble de tous les objets des sens, mais ils n'y ont pas de domaine; ils n'y ont qu'un domicile (domicilium), parce que ces concepts, quoique régulièrement formés, ne sont pas législatifs et que les règles qui s'y fondent sont empiriques, par conséquent contingentes.

Toute notre faculté de connaître a deux domaines, celui des concepts de la nature et celui du concept de la liberté; car, par ces deux sortes de concepts, elle est législative a priori. Or la philosophie se partage aussi, comme cette faculté, en théorique et pratique. Mais le territoire, sur lequel s'étend son domaine et s'exerce sa législation, n'est toujours que l'ensemble des objets de toute expérience possible, en tant qu'ils sont considérés comme de simples phénomènes; car autrement on ne pourrait concevoir une législation de l'entendement relative à ces objets.

La législation contenue dans les concepts de la nature est fournie par l'entendement ; elle est théorique. Celle que contient le concept de la liberté vient de la raison ; elle est purement pratique. Or c'est seulement dans le monde pratique que la raison peut être législative ; relativement à la connaissance théorique (de la nature), elle ne peut que déduire de.lois données (dont elle est instruite par l'entendement) des conséquences qui ne sortent pas des bornes de la nature. Mais, d'un autre côté;, la raison n'est pas législative partout où il y a des règles pratiques, car ces règles peuvent être techniquement pratiques.

La raison et l'entendement ont donc deux législations différentes sur un seul et même territoire, celui de l'expérience, sans que l'une puisse empiéter sur l'autre; car le concept de la nature a tout aussi peu d'influence sur la législation fournie par le concept de la liberté, que celui-ci sur la législation de la nature.—La possibilité de concevoir au moins sans contradiction la coexistence des deux législations et des facultés qui s'y rapportent a été démontrée par la critique de la raison pure, qui, en nous révélant ici une illusion dialectique, a écarté les objections.

Mais il est impossible que cesdeux domaines différents, qui se limitent perpétuellement, non pas, il est vrai, dans leurs législations, mais dans leurs effets au sein du monde sensible, n'en fassent qu'un. En effet le concept de la nature peut bien représenter ses objets dans l'intuition, mais comme de simples phénomènes et non comme des choses; en soi; au contraire, le concept de la liberté peut bien représenter par son objet une chose en soi, mais non dans l'intuition ; aucun de ces deux concepts, par conséquent, ne peut donner une connaissance théorique de son objet (et même du sujet pensant) comme chose en soi, c'est-à-dire du supra-sensible. C'est une idée qu'il faut appliquer à la possibilité de tous les objets de l'expérience, mais qu'on ne peut jamais élever et étendre jusqu'à en faire une connaissance.

Il y a donc un champ illimité, mais inaccessible aussi pour toute notre faculté de connaître, le champ du supra-sensible, où ne nous trouvons point de territoire pour nous, et où, par conséquent, nous nepouvons chercher, ni pour les concepts de l'endement, ni pour ceux de la raison, un domaine appartenant à la connaissance théorique. Ce champ, l'usage théorique aussi bien que pratique de la raison veut qu'on le remplisse d'idées, mais nous ne pouvons donner à ces idées, dans leur rapport avec les lois qui dérivent du concept de la liberté, qu'une réalité pratique, ce qui n'élève pas le moins du monde notre connaissance théorique jusqu'au supra-sensible.

Mais, quoiqu'il y ait un immense abîme entre le domaine du concept de la nature, ou le sensible, et le domaine du concept de la liberté, ou le suprasensible, de telle sorte qu'il est impossible de passer du premier au second (au moyen de la raison théorique), et qu'on dirait deux mondes différents dont l'un ne peut avoir aucune action sur l'autre, celui-ci doit avoir cependant une influence sur celui-là. En effet le concept de la liberté doit réaliser dans le monde sensible le but posé par ses lois, et il faut, par conséquent, qu'on puisse concevoir la nature de telle sorte que, dans sa conformité aux lois qui constituent sa forme, elle n'exclue pas du moins la possibilité des fins qui doivent y être atteintes d'après les lois de la liberté. —Il doit donc y avoir un principe qui rende possible l'accord du supra-sensible, servant de fondement à la nature, avec ce que le concept de la liberté contient pratiquement, un principe dont le concept insuffisant, il est vrai, au point de vue théorique et au point de vue pratique, à en donner une connaissance, et n'ayant point par conséquent de domaine qui lui soit propre, permette cependant à l'esprit de passer d'un monde à l'autre.

III

De la critique du Jugement considérée comme un lien qui réunit les deux parties de la philosophie.

La critique des facultés de connaître, considérées dans ce qu'elles peuvent fournir a priori, n'a pas proprement de domaine relativement aux objets, parce qu'elle n'est pas une doctrine, mais qu'elle a seulement à rechercher si et quand, suivant la condition de nos facultés, une doctrine peut être fournie par ces facultés. Son champ s'étend aussi loin que toutes leurs prétentions, afin de les renfermer dans les limites de leur légitimité. Mais ce qui n'entre pas dans la division de la philosophie peut cependant tomber, comme partie principale, sous la critique de la faculté pure de connaître en général, si cette faculté contient des principes qui n'ont de valeur, ni pour son usage théorique, ni pour son usage pratique.

Les concepts de la nature, qui contenaient le principe de toute connaissance théorique a priori, reposaient sur la législation de l'entendement. — Le concept de la liberté qui contenait le principe de tous les préceptes pratiques a priori et indépendants des conditions sensibles, reposait sur la législation de la raison. Ainsi, outre que ces deux facultés peuvent être appliquées logiquement à des principes, de quelque origine qu'ils soient, chacune d'elles a encore, quant àson contenu, sa législation propre, au-dessus de" laquelle il n'y en a point d'autre (a priori), et c'est ce qui justifie la division de la philosophie en théorique et pratique.

Mais dans la famille des facultés de connaître supérieures, il y a encore un moyen terme entre l'entendement et la raison : c'est le Jugement. On peut présumer, par analogie, qu'il contient aussi, sinon une législation particulière, du moins un principe qui lui est propre et qu'on doit chercher suivant des lois ; un principe qui est certainement un principe à priori purement subjectif, et qui, sans avoir pour domaine aucun champ des objets, peut cependant avoir un territoire pour lequel seulement il ait de la valeur.

Il y a d'ailleurs (à en juger par analogie) une raison de lier le Jugement avec un autre ordre de nos facultés représentatives, qui paraît plus importante encore que celle de sa parenté avec la famille des facultés de connaître. En effet, toutes les facultés ou capacités de l'âme peuvent être ramenées à ces trois qui ne peuvent plus être dérivées d'un principe commun : la faculté de connaître, le sentiment du plaisir et de la peine et la faculté de désirer. Dans le ressort de la faculté de connaître, l'entendement seul est législatif, puisque cette faculté ( comme cela doit être quand on la considère en elle-même, indépendamment de la faculté de désirer ), se rapporte comme faculté de connaissance théorique à la nature, et que c'est seulement relativement à la nature ( considérée comme phénomène ) qu'il nous est possible de trouver des lois dans les concepts a priori de la nature, c'està- dire dans les concepts purs de l'entendement. —La faculté de désirer, considérée comme faculté supérieure déterminée par le concept de la liberté, n'admet pas d'autre législation a priori que celle de la raison (dans laquelle seule réside ce concept). — Or le sentiment du plaisir se place entre la faculté de connaître et la faculté de désirer, de même qu'entre l'entendement et la raison se place le Jugement. On peut, donc supposer, du moins provisoirement, que le Jugement contient aussi par luimême un principe a priori, et que, comme le sentiment du plaisir ou de la peine est nécessairement lié avec la faculté de désirer (soit que, comme dans la faculté de désirer inférieure, il soit antérieur au principe de cette faculté, soit que, comme dans la faculté de désirer supérieure, il dérive seulement de la détermination produite dans cette faculté par la loi morale ), il opère aussi un passage entre la pure faculté de connaître, c'est-à-dire le domaine des concepts de la nature et le domaine de la liberté, de même qu'au point de vue logique, il rend possible le passage de l'entendement à la raison.

Ainsi, quoique la philosophie ne puisse être partagée qu'en deux parties principales, la théorique et la pratique; quoique tout ce que nous pourrions avoir à dire des principes propres du Jugement doive se rapporter à la partie théorique, c'est-à-dire à la connaissance rationnelle fondée sur des concepts de la nature, la critique de la raison pure, qui doit établir tout cela avant d'entreprendre l'exécution de son système, se compose de trois parties : la critique de l'entendement pur, celle du Jugement pur et celle de la raison pure, facultés qui sont appelées pures parce qu'elles sont législatives a priori.

IV

Du Jugement comme faculté législative a priori.

Le. Jugement en général est la faculté de concevoir le particulier comme contenu dans le général.

Si le général (la règle, le principe, la loi) est donné, le Jugement qui y subsume le particulier (même si, comme Jugement transcendental, il fournit a priori les conditions qui seules rendent cette subsomption possible) est déterminant. Mais si le particulier seul est donné et que le Jugement y doive trouver le général, il est simplement réfléchissant.

Le Jugement déterminant, soumis aux lois générales et transcendentales de l'entendement, n'est que subsumant ; la loi lui est prescrite a priori, et ainsi il n'a pas besoin de penser par lui-même à une loi pour pouvoir subordonner au général le particulier qu'il trouve dans la nature. — Mais autant il y a de formes diverses de la nature, autant il y a de modifications des concepts généraux et transcendentaux de la nature, que laissent indéterminés les lois fournies a priori par l'entendement pur ; car ces lois ne concernent que la possibilité d'une nature (comme objet des sens) en général. Il doit donc y avoir aussi pour ces concepts des lois qui peuvent bien, en tant qu'empiriques, être contingentes au regard de notre entendement, mais qui, puisqu'elles s'appellent lois (comme l'exige le concept d'une nature ), doivent être regardées comme nécessaires en vertu d'un principe, quoique inconnu pour nous, de l'unité du divers. — Le Jugement réfléchissant, qui est obligé de remonter du" particulier qu'il trouve dans la nature au général, a donc besoin d'un principe qui ne peut être dérivé de l'expérience, puisqu'il doit servir de fondement à l'unité de tous les principes empiriques, se rangeant sous des principes également empiriques mais supérieurs, et par là à la possibilité de la coordination systématique de ces principes. Ce principe transcendental, il faut que le Jugement réfléchissant le trouve en lui-même, pour en faire sa loi; il ne peut le tirer d'ailleurs (parce qu'il serait alors Jugement déterminant), ni le prescrire à la nature, parce que, si la réflexion sur les lois de la nature s'accommode à la nature, celle-ci ne se règle pas sur les conditions d'après lesquelles nous cherchons à nous en former un concept tout à.fait contingent ou relatif à cette réflexion.

Ce principe ne peut être que celu-ci : comme tes lois générales de la nature ont leur principe dans notre entendement qui les prescrit à la nature mais au point de vue seulement du concept (général de la nature en tant que telle), les lois particulières, empiriques relativement à ce que les premières laissent en elles d'indéterminé, doivent être considérées d'après, une unité telle que l'aurait établie un entendement ( mais autre que le nôtre), qui, en donnant ces lois, aurait eu égard à notre faculté de connaître, et voulu rendre possible un système d'expérience fondé sur des lois particulières de la nature. Ce n'est pas qu'on doive admettre, en effet, un tel entendement (car c'est le Jugement réfléchissant qui seul fait de cette idée un principe pour réfléchir et non pour déterminer), mais la faculté de juger se donne par là une loi pour ellemême et non pour la nature.

Or, comme le concept d'un objet, en tant qu'il contient aussi le principe de la réalité de cet objet, s'appelle fin, et que la concordance d'un objet avec une disposition de choses qui n'est possible que suivant des fins, s'appelle finalité de la forme de ces choses, le principe du Jugement, relativement à la forme des choses de la nature soumises à des lois empiriques en général, est la finalité de la nature dans sa diversité; ce qui veut dire qu'on se représente la nature par ce concept comme si un entendement contenait le principe de son unité dans la diversité de ses lois empiriques.

La finalité de la nature est donc un concept particulier a priori, qui a uniquement son origine dans le jugement réfléchissant, car on ne peut pas attribuer aux productions de la nature quelque chose comme un rapport de la nature même à des fins, mais seulement se servir de ce concept pour réfléchir sur la nature relativement à la liaison des phénomènes qui s'y produisent suivant des lois empiriques. Ce concept est bien différent aussi dela finalité pratique (de celle de l'industrie humaine ou de la morale), quoiqu'on le conçoive par analogie avec cette dernière espèce de finalité.

V

Le principe de la finalité formelle de la nature est un principe transcendental du Jugement.

J'appelle transcendental le principe qui représente la condition générale a priori sous laquelle seule les choses peuvent devenir des objets de notre connaissance en général. J'appelle au contraire métaphysique le principe qui représente là condition a priori sous laquelle seule des objets, dont le concept doit être donné empiriquement, peuvent; être déterminés davantage a priori. Ainsi le principe de la connaissance des corps comme substances et comme substances changeantes est transcendental, quand il signifie que leur changement doit avoir une cause; mais il est métaphysique quand il signifie que leur changement doit avoir une causé extérieure dans le premier cas, il suffit de concevoir le corps au moyen de prédicats ontologiques (ou de concepts purs de l'entendement), par exemple comme substance, pour connaître a priori la prorposition ; mais, dans le second, il faut donner pour fondement à la proposition le concept empirique d'un corps (ou le concept du corps considéré comme une chose qui se meut dans l'espace ) ; c'est à cette condition qu'on peut apercevoir tout à fait a priori que le dernier prédicat ( le mouvement produit par une cause extérieure) convient au corps.—De même, comme je le montrerai bientôt, le principe de la finalité de la nature (dans la variété de ses lois empiriques ) est un principe transcendental. Car lé concept des objets, en tant qu'on les conçoit comme soumis à ce principe, n'est que le concept pur d'objets d'une connaissance d'expérience possible en général, et ne contient rien d'empirique. Le principe de la finalité pratique, au contraire, qui suppose l'idée de la détermination d'une volonté libre, est un principe métaphysique, parce' que le concept d'une faculté de désirer, considérée comme volonté, doit être donné empiriquement (n'appartient pas aux prédicats transcendentaux). Ces deux principes ne sont pourtant pas empiriques; ce sont des principes a priori, car le sujet qui y fonde ses jugements n'a besoin d'aucune expérience ultérieure pour lier le prédicat avec le concept; empirique qu'il possède, mais il peut apercevoir; cette liaison tout à fait a priori.

Que le concept d'une finalité de la nature appartienne aux principes transcendentaux, c'est ceque montrent suffisamment les maximes du Jugement qui servent a priori de fondement à l'investigation de la nature, et qui, pourtant, ne concernent que la possibilité de l'expérience, et par conséquent de la connaissance de la nature, non pas simplement de la nature en général, mais de la nature déterminée par des lois particulières et diverses. — Ce sont comme des sentences de la sagesse métaphysique qui, à l'occasion de certaines règles dont on ne peut démontrer la nécessité par des concepts, se présentent assez souvent dans le cours de cette science, mais éparses; en voici des exemples : la nature prend le plus court chemin (lex parcimonioe) ; elle ne fait point de saut ni dans la série de ses changements, ni dans la coexistence de ses formes spécifiquement différentes ( lex continui in natura) ; dans la grande variété de ses lois empiriques il y a une unité formée par un petit nombre de principes (principia proeter necessitatem non sunt multiplicanda ); et d'autres maximes du même genre.