Curves Rock - Tome 1 - Amy Nightbird - E-Book

Curves Rock - Tome 1 E-Book

Amy Nightbird

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Beschreibung

Amis depuis toujours ou non, tous les coups sont permis pour tenter de séduire la nouvelle qui fait chavirer leur coeur. Jusqu'où seront-ils prêts à à aller pour la séduire en premier ?

Stones, fraîchement diplomée d'un master en tourisme, commence un nouveau travail de concierge dans un hôtel de luxe qui vient d'ouvrir ses portes. Au vu de ses compétences, les deux directeurs – l'un épris du meilleur ami bi de la jeune femme, Jake ; l'autre tentant ouvertement de la séduire – lui proposent un second poste à hautes responsabilités impliquant de passer la majorité de son temps avec eux. Stones, qui n'a pas l'habitude qu'on la remarque, se retrouve alors malgré elle au coeur d'un triangle amoureux : Jaxson, son boss aux talents cachés, et Dan, son collègue concierge, se lancent dans un combat de coqs pour tenter de séduire la belle. Lequel des deux mâles parviendra à lui voler son coeur ? Jaxson, grâce à sa double casquette de boss et leader d'un célèbre groupe de rock, ou Dan, riche héritier qui tente d'échapper à l'Empire technologique de son père ?

Dans ce premier roman, Amy Nightbird manie à la perfection l'art du suspense et garde les lecteurs en haleine jusqu'à la dernière ligne.

À PROPOS DE L'AUTEURE

Après avoir exploré une partie du monde, Amy Nightbird a décidé de se poser dans une petite ville de Belgique quand elle a trouvé quelqu’un d’aussi singulier et original qu’elle. Elle a fait de sa passion pour le voyage un métier. Habitante de la planète rock, elle aime passer des heures à écouter Biffy Clyro, Metallica, Fall out Boy et tant d’autres artistes, parfois avec son petit rockeur de presque trois ans. Amy prend plaisir à raconter l’histoire de personnages cultivant leurs différences et failles, toujours avec une part d’ombre et une touche d’humour.

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Chapitre 1 « Bad Day », REM

Stones

Les premières notes de Scars de Papa Roach envahissent la pièce, améliorant sensiblement mon humeur du jour. Je me regarde dans le miroir, et ce que je vois me désole au plus haut point. Stones, 1m70, cheveux longs bouclés couleur chocolat, chemise à carreaux boudinée dans mon jean slim, et le point le plus gênant : « ronde ». Cette caractéristique à elle seule parvient à m’éloigner des autres… Ou peut-être qu’elle les éloigne sans mon consentement. Ma tactique fructueuse a été testée scientifiquement pendant de nombreuses années. Je masque mon mal-être derrière une personnalité enjouée et sûre d’elle. Pourtant, je ne me voile pas la face. Je suis toujours un membre à part entière de ce club dans lequel on entre sans avoir à fournir le moindre effort, juste en se laissant aller. Cette idée m’amène à me demander comment j’ai pu en arriver là.

Assez ! Je me raisonne mentalement : Stones, tu as déjà explosé ton forfait journalier de 10 minutes de déprime autorisées. Il se trouve qu’en plus, j’ai une grosse journée devant moi. Je viens juste de terminer mon stage, et je suis parvenue à avancer ma soutenance à aujourd’hui pour en finir au plus vite, un peu comme un pansement qu’on arrache d’un coup. Et pour couronner cette journée qui s’annonce comme l’une des plus stressantes depuis longtemps, j’ai appris hier que l’éminente professeure que j’ai détestée pendant toute mon année de licence va faire partie du jury. Bon, je vais me changer parce que cet accoutrement ne m’attirera en aucun cas des points supplémentaires, bien au contraire ! Je fouille dans ma penderie, balance des fringues par-dessus mon épaule. Une robe portefeuille noire ! Pourquoi pas ? Je suis trop en retard de toute façon !

Je me change et maquille mes « magnifiques yeux bleu gris », à ce qu’il paraît… J’embarque mon mémoire et monte dans le bus, direction le jugement dernier avec mes écouteurs vissés aux oreilles. J’oubliais, mon humour noir est une autre des non-qualités constituant ma carapace en béton armé. Comme toujours, le bus est bondé… Je n’ai vraiment plus l’habitude de ces conneries !

J’arrive enfin devant ce bâtiment austère que j’ai déjà hâte de quitter ! Un coup d’œil à l’heure sur mon portable me fait dire que je devrais me remuer. L’ascenseur n’a pas l’air très réactif, l’escalier ne peut pas me faire de mal de toute façon. En pleine course, l’étourdie que je suis heurte un mur. Très classe, Stones… Je lève les yeux et me retrouve happée par un ouragan turquoise. L’ouragan est en fait un homme… Oh My God ! il est bien trop beau pour être réel ! J’en reste stupidement muette. Lui, en revanche, a l’air furax, genre Bruce Banner qui devient Hulk. Sa voix explose comme la foudre :

— Vous ne pourriez pas faire attention !

Là je devrais dire un truc du genre « si bien sûr, mais j’adore me la jouer bulldozer ! », mais je laisse juste échapper un murmure :

— Euh… oui… déso… lée.

— Oubliez ça, je n’ai pas le temps pour ces conneries ! Un conseil, mangez moins, et vous serez peut-être moins empotée !

Alors là ! C’est le top, j’avais vraiment besoin de ça pour me sentir encore mieux avant l’entretien le plus important de ma vie ! Ok, après tout, un diplôme sert juste à briller dans les soirées ! Mais qu’est-ce que je peux débiter comme conneries à la minute !

— Espèce de…

Trop tard pour répliquer, il s’enfuit déjà comme un dératé. Les larmes déferlent sur mes joues. Il faut que je passe aux toilettes pour limiter les dégâts.

Après avoir enfin repris forme humaine, enfin aussi humaine que possible… j’essaie de me ressaisir. Sois forte ! Tu ne vas pas gâcher 5 années d’efforts et ton master pour un connard !

C’est le moment de rentrer dans la cage aux fauves.

Je passe donc une heure à détailler mon expérience en Turquie en tant que directrice marketing d’un hôtel. Le PowerPoint sur lequel j’ai passé des heures est complètement raté. Sur l’écran, le jaune devient rose et le noir devient violet, merci à notre super matériel universitaire. Je vois à l’expression exaspérée de ma professeure préférée, alias le « Dragon », que j’aurais dû venir plus tôt pour vérifier le projecteur.

Bon, finalement, ce n’était pas si terrible. Après une heure et quelques pleurs à la fin de l’exposé à cause de mon émotivité face aux critiques, je sors avec un petit quinze, arraché dans la douleur à mon dragon préféré, et surtout avec mon master tourisme en poche. C’est un grand jour ! Enfin débarrassée ! Life is just beginning!1

À peine sortie, j’appelle mon meilleur ami Jake pour lui annoncer la bonne nouvelle et oublier toutes ces mésaventures :

— Oui, ma belle ! Meilleur ami et homme parfait, bonjour !

— Très modeste, Jake ! Comme d’habitude !

— La modestie est le plus exécrable des défauts !

— Selon qui ?

— Ma mère !

— Cela explique beaucoup de choses, me semble-t-il !

— Tu as l’air shootée à l’ecstasy, que se passe-t-il ? Tu viens d’apprendre que le noir est le nouveau rose ?

— Oui, tu as deviné ! Comme si c’était mon genre ! Au fait, j’ai enfin obtenu mon master !

— Yeah ! Bravo, ma belle, tu es « masterisée » et ça mérite une fiesta d’enfer avec des litres de Gin tonic !

— Tu lis dans mes pensées !

— Je pose une seule condition alors ! Non, deux en réalité !

— Ok, dis toujours !

— Primo, j’invite ma petite lauréate ! Deuxio, je m’occupe de ton look, et ça, c’est non négociable !

— Pfft, dit la fille qui va ressembler à une traînée !

— C’est surtout la fille qui cache ses jolies formes sous des sacs !

— Ok… dans une heure chez moi pour mon exécution !

1. « Ma vie commence maintenant ! »

Chapitre 2 « Born for greatness », Papa Roach

Stones

Je rentre chez moi, le cœur léger. J’habite dans un studio cosy, non loin de la gare de Bruxelles-Midi. Je lance ma playlist « Smile » et Thanks for the memories de Fall out Boy envahit la zone.

Cosy ! c’est plutôt une façon polie de dire petit. Je plaisante, j’ai de la chance ! C’est mon cadeau d’entrée en fac de la part de Mum et Daddy. Le tour du propriétaire est vite fait : une chambre noyée sous le turquoise – ma couleur préférée –, une cuisine ouverte – dans laquelle je passe le plus clair de mon temps – et un espace salon qui servait de chambre à Inès ; tout ça décoré avec un max de posters cools. Ines, ma beauté renversante/meilleure amie de colocataire, m’a quittée il y a un mois de ça pour partir étudier un semestre à la prestigieuse université de Miami. Elle me manque énormément, car elle est d’un optimisme à toute épreuve et déborde de joie de vivre, un vrai rayon de soleil ! Mon père est natif de Miami et il l’a aidée à trouver un job pour financer sa chambre qui, selon elle, ressemble à une cage. Mes parents vivent en Floride, mais j’ai grandi en France, pays d’origine de ma mère. Je leur dois ce prénom, car ma conception a eu lieu sur une chanson des Rolling Stones… Avais-je envie de connaître cette info ? Euh… La grisaille locale leur a donné le mal du pays et ils sont retournés vivre aux États-Unis. Mais quitter l’Europe n’était pas dans mes projets. Je devais terminer mes études à Bruxelles et quitter mon meilleur ami était impensable. Qu’aurait-il fait sans moi ? Il serait devenu encore plus dingue…

Mon master en poche, je vais maintenant pouvoir décrocher un poste de concierge privée dans un hôtel de luxe. Œuvrer dans l’ombre pour que tout le monde soit satisfait est l’aspect que je préfère. Ôtez-vous d’un doute, je ne passe pas ma vie à me cacher ! Pas du tout ! Le poste que je convoite se trouve dans un hôtel de luxe qui va bientôt ouvrir ses portes : le Wonderwall. La décoration et l’architecture sont des chefs-d’œuvre résolument glam rock avec des chambres aux noms de mes groupes favoris. De plus, c’est un cinq étoiles, et cela constituerait un vrai plus sur mon CV pour atteindre mon rêve ultime : diriger un hôtel. Mais je m’inquièterai de tout ça demain. Pour l’instant relax : Tonight’s the night!2

Cependant, il subsiste une ombre au tableau. La tempête turquoise n’a pas quitté mon esprit depuis l’incident – ou l’humiliation. J’hésite entre les deux qualificatifs. Cet homme est comme un sabre qui a pourfendu le peu de confiance en moi qu’il me restait. Je ne cesse de ressasser les mots prononcés par cet homme aussi beau qu’arrogant et détestable. « Un conseil, mangez moins et vous serez moins empotée ! » C’est le scoop de la décennie, je suis parfaitement au courant de cet état de fait. Je le hais, j’aurais dû trouver une de mes répliques cinglantes habituelles. Mais non ! Au lieu de ça je me suis figée sans pouvoir en placer une. J’étais tétanisée, car il a tout de suite su où frapper pour faire un maximum de dégâts avec la grâce d’un missile.

Malgré tout le mal que je pense de lui, je ne peux me soustraire à son image. C’était un brun ténébreux avec des yeux qui transpercent l’âme. Le souvenir de ses cheveux foncés savamment décoiffés et de ses yeux turquoise, comme la mer des Caraïbes, me hante. Il était excessivement grand, doté d’une carrure athlétique et me dominait de toute sa hauteur. Je ne parviendrai jamais à me sevrer de son odeur virile aux notes de citron et de cèdre. Du fond de ses prunelles émanait une lueur de danger qui a réduit à zéro mes chances de prendre l’ascendant. Son look transpirait l’argent : un jean chic délavé, un « rock shirt »3 des Biffy Clyro – un de mes groupes préférés – qui laissait apercevoir un tatouage, et pour finir, un perfecto en cuir noir. L’incarnation du « bad boy » dans toute sa splendeur, avec en prime un visage angélique. En résumé, il était inaccessible et pouvait me faire beaucoup trop mal. Malgré sa méchanceté apparente, le désir que j’avais ressenti était inédit. Peut-être ai-je au fond de moi un côté masochiste ! Heureusement pour mes facultés mentales, je ne le reverrai plus jamais. D’ailleurs, en y repensant, c’était comme un intrus dans une forteresse d’austérité. Je n’arrête pas de me repasser la scène en boucle et je n’arrive pas à comprendre ce qu’il faisait à la fac.

La sonnette interrompt soudain le fil de mes pensées. J’ouvre la porte et tombe sur ce qui semble être mon meilleur ami, caché derrière une panoplie de sacs et de housses à vêtements.

— Jake ! Tu déménages ?

— Quoi ? Ah non ! C’est juste ce qu’il me fallait pour te rendre présentable, dit-il avec un clin d’œil.

— C’est charmant !

— Sois sage ! J’ai des cupcakes, du champagne et plein de jolies choses !

— Si tu as du champagne, tu es pardonné pour cette fois.

— Sors les coupes, au lieu de débiter des conneries !

Mon Jake Leighton est un personnage à lui tout seul : bi-sexuel adulé des deux sexes, adepte de boxe thaï, exubérant, styliste et beau comme un dieu. C’est un cliché à lui tout seul, il parle sans aucun filtre, mais je l’adore. Sans lui, je resterais dans ma coquille.

Je prends deux coupes avant que Son Altesse s’impatiente. Nous trinquons « à ma réussite, à mon futur job et à mes futurs amours ». Mes chances que tout cela se réalise sont minces, n’en déplaise à Sa Majesté. Je raconte ma mésaventure de ce matin à mon meilleur ami, qui est maintenant très en colère et s’énerve :

— Mais quel con !

— Ce n’est pas un drame, et puis il n’a pas tort !

— « Personne ne peut vous diminuer sans que vous y consentiez. » Tu connais ? C’est d’Eleanor Roosevelt. Tu devrais suivre la devise de cette brave Eleanor !

— Je sais…, dis-je en regardant le sol.

— Assez parlé ! À nous deux, laisse-moi créer la nouvelle toi !

— On dirait le docteur Frankenstein, tu me fais peur !

— Si tu ne viens pas tout de suite, tu auras des raisons de me craindre !

Serrés tous deux dans ma salle de bain durant une éternité, Jake applique de nombreuses couches de poudres, crèmes, sprays et autres sur mon visage et mes cheveux en parlant de la pluie et du beau temps pour faire diversion. On se croirait dans Le Diable s’habille en Prada. Un vrai ravalement de façade ! Il sait que me faire pomponner n’est pas ma tasse de thé. Jake s’exclame :

-— Stones 2.0 est prête !

D’un geste théâtral, il m’emmène dans la chambre et me donne des vêtements qu’il a vraisemblablement dessinés pour moi : un jean noir, une chemise en jean cloutée aux épaules et un magnifique perfecto. Je me sens dans mon élément, c’est déjà ça !

2. « Ce soir est mon soir ! »

3. Tee-shirt d’un groupe de rock.

Chapitre 3 « Rock you », Queen

Stones

Je m’habille avec la tenue généreusement offerte par Jake et le remercie :

— Wow ! Jake, il ne fallait pas, c’est beaucoup trop !

— Ce n’est rien, j’ai toujours voulu créer des tenues pour toi, et c’est toi qui es magnifique : la Stones 2.0 est née !

Il me plante devant le miroir, les yeux fermés et me demande si je suis prête. J’acquiesce, on se croirait dans une émission de relooking ! J’ouvre les yeux, et là, je suis sous le choc, et mon ami est mort de rire. Mes cheveux sont lâchés et ont de jolies ondulations wavy, mes yeux arborent un joli smoky eyes et les vêtements ne me boudinent pas du tout. Ce style me ressemble, je suis une nouvelle Stones, et je me trouverais presque jolie s’il n’y avait pas ces kilos qui me gâchent la vie. Jake trépigne :

— Alors ?

— C’est très réussi !

— C’est tout !?

— Tu as fait de ton mieux avec le modèle dont tu disposais…

— Arrête ça tout de suite ! Mets un sourire sur ce joli visage et bouge tes fesses de bombe atomique ; on doit y aller ! On est invités à la soirée d’inauguration du Wonderwall !

— Ce n’est pas possible ! Comment as-tu fait ?

— J’ai accepté leur sollicitation pour dessiner les uniformes du staff. Ah oui ! J’oubliais, tu as le poste !

— Quoi ? Comment ? Jake !

— Le poste de concierge privée, évidemment ! J’ai donné ton CV au directeur lors de notre entrevue, il est canon et j’ai usé de mes charmes !

— Ça fait de moi une pistonnée ! Et comment tu as eu mon CV ?

— Tu l’avais oublié dans ma voiture ! Mais non ! Pete a dit que tu étais la personne parfaite pour ce poste, et tu commences lundi !

— Pete ?

— Tu ne veux pas savoir… et on est déjà en retard ! Mets ces merveilles ! dit-il en désignant des engins de torture à talons de dix centimètres.

— Ok, mais tu ne perds rien pour attendre.

— D’accord, ma chérie, mais je sais que tu me remercieras pour le poste !

— On ne peut rien te cacher ! dis-je pour la forme avec un air exaspéré.

Nous voilà partis dans la voiture de Jake. Notre fine équipe ne risque pas de passer inaperçue dans une Mini noire, customisée avec des strass by J. Jake est américain et il n’accorde aucune importance à ce que pensent les autres. Comme je l’envie ! Arrivés à destination, les battements de mon cœur s’accélèrent. Le Wonderwall est enfin ouvert ! Le nom de l’hôtel est écrit en lettres immenses et éclairées en rouge, stylisées comme lors d’un concert à l’Olympia.

Mon ami donne les clés de la Mini au voiturier, car nous sommes effectivement sur la liste des VIP, comme il me l’a assuré. Nous pénétrons donc dans l’hôtel par l’entrée des artistes. Les vigiles s’écartent sans exiger la moindre invitation et en lançant « Bonne soirée J ». J’ignore toujours la raison de ce traitement de faveur. J’écarquille les yeux et regarde Jake avec insistance. Il me fait taire d’un mouvement de la main. Cet homme aime faire des mystères, comme une vraie diva !

Nous pénétrons dans un hall immense orné d’un lustre Baccarat qui attire l’œil. Le bureau de la réception est tout en transparence, rehaussé de bougies et d’orchidées dans un style épuré, et posé devant un mur portant l’inscription « I LOVE ROCK ». Les murs sont immenses, peints dans un noir mat, et le sol est en béton ciré pour une touche industrielle. Des canapés en cuir et des éléments de déco rock viennent parfaire l’ambiance. Le paradis ! Ici et là sont déposés des guitares électriques, des posters de groupes, des disques et des objets signés. La soirée bat son plein, et les invités discutent un peu partout, un verre à la main, en admirant ce nouveau temple du rock.

Sur le côté, il y a un stand en métal recouvert de vinyles, avec le mot « concierge » en lettres lumineuses. Je ne réalise toujours pas que je serai à ce poste lundi. J’oublie le stress, je préfère profiter de la soirée. Le DJ passe Wonderwall d’Oasis en clin d’œil au nom de l’hôtel. Le bar est grandiose, entièrement en métal et éclairé comme une scène. Les barmen ont des allures de mannequin en jean et « rock shirt ». J’espère secrètement que ce ne soit pas une condition d’embauche, sinon je vais être virée dès le premier jour.

Je commande deux Gin tonic avec zestes de citron, et le barman tout en muscles me fait un clin d’œil. Je lui réponds en souriant. Je ne vois plus Jake. Il a dû tomber sur une de ses connaissances. Grâce à sa boutique, il connaît tout Bruxelles. Je récupère les boissons, non sans un autre clin d’œil du barman – il doit probablement recevoir une prime au nombre de clientes charmées. En parcourant le hall des yeux, je repère enfin J avec ses cheveux remontés en bun et habillé d’un tee-shirt sous une veste de blazer coordonnée à un jean noir élimé. Le styliste a une réputation à défendre !

J’accède difficilement jusqu’à lui, essayant de maîtriser ma maladresse légendaire sur des talons, qui plus est avec des verres en main. Il discute avec un beau gosse aux cheveux blonds et aux yeux couleur whisky. Trop absorbé par sa conversation, il ne m’aperçoit que quand j’effleure son épaule :

— Hey ma chérie ! Tu m’as amené du carburant !

— Oui, Gin tonic, as usual!4

— Voici Pete Smith, ton nouveau boss ! dit-il comme s’il me présentait son voisin.

Jake a vraiment un don pour se sentir partout comme chez lui. Ce qui n’est pas mon cas. Alors, je lance un timide :

— Enchantée, Monsieur Smith.

— Monsieur Smith, c’est mon père ! Pitié, juste Pete, et c’est « tu » pour toi !

— En tout cas, merci de me faire confiance pour le poste de concierge !

— De toute façon, tu avais le meilleur profil, sans compter sur la persévérance de Jake…

— Rien ne lui résiste !

— Qui voudrait y résister ? Viens avec moi, je vais te présenter le reste de l’équipe !

Je suis extrêmement mal à l’aise, car je réalise que j’ai interrompu une séance de flirt. L’homme, à l’accent britannique, me dirige vers deux canapés d’où proviennent des éclats de rire. En une seconde, mon monde s’effondre quand je reconnais la tempête turquoise de ce matin.

4. « Comme d’habitude ! »

Chapitre 4 « Let’s dance », Fall out boy

Stones

Je suis tellement déstabilisée que je me fige et vide mon Gin tonic d’un trait. Je vais en avoir besoin pour l’affronter. Pete ne tient pas compte de mon inaction et m’entraîne par la main à travers la foule pour rejoindre le staff. Il salue tout le monde et annonce :

— Hello à tous ! Je vous présente Stones, notre nouvelle Wonderwall concierge.

Tout le monde me souhaite la bienvenue, à part la tempête turquoise, qui me fusille du regard. Pete me présente les réceptionnistes, Jean, Dalia, Marc, Elia et Filip. Ensuite, il désigne un homme aux cheveux et aux yeux noirs, habillé d’un costume 3 pièces : c’est le directeur marketing. Puis, un autre homme au regard sombre, qui est le directeur financier. Il a vraiment la tête de l’emploi, celui-là. Il me présente ensuite mon collègue, Dan, le deuxième concierge, qui m’offre un grand sourire. Pour finir, son regard s’arrête sur mon cauchemar de ce matin, qui n’est autre que son associé et second propriétaire de l’hôtel. C’est bien ma veine !

Je fuis en leur souhaitant une bonne soirée, et en prétextant devoir me rendre aux toilettes. En ouvrant la porte, je me rends compte que quelqu’un me retient le bras. Je me retourne et tombe sur mon cauchemar turquoise, encore lui ! Hors de question que je me laisse insulter cette fois-ci ! En essayant de garder mon calme, car il reste encore une chance qu’il ne m’ait pas reconnue, je lui dis :

— Un problème, Monsieur ?

— On s’est déjà rencontrés.

Eh oui ! Bien sûr qu’on s’est déjà rencontrés, lors de mon inoubliable humiliation !

— Non, il ne me semble pas, Monsieur, mens-je.

— Ce n’est pas une question !

— D’accord ! Alors oui, c’est vous l’homme ignoble de ce matin !

— C’est vous la femme maladroite de ce matin !

— Nous savons dorénavant qui est qui ! Je vous prie de m’excuser ! J’ai à faire !

— Non, je vous l’interdis.

— Comment ! Dois-je ajouter séquestration à…

— Et puis merde !

Il me fait taire d’un baiser. Je n’avais jamais connu ça ; il explore ma bouche, me mord les lèvres, plaque ses mains sur mes fesses et me tient serrée contre son torse. Son excitation appuie délicieusement contre mon ventre. Il ne fait pas que m’embrasser, il me fait l’amour avec sa bouche. Un baiser torride et inoubliable ! Je sens l’excitation grandir au sud et ma culotte s’humidifier de plus en plus. Je ne suis plus qu’une poupée de chiffon quand il s’écarte brusquement :

— Bien ! On peut repartir à zéro. Jaxson Smith, enchanté.

— Stones Blake, enchantée, Monsieur Smith.

— Pas de « Monsieur » entre nous ! Tu as un don pour me mettre hors de moi !

— Je préfère être professionnelle, Monsieur Smith, et je n’ai pas oublié ce qui s’est passé ce matin. Ce n’est pas parce que je suis ronde que vous pouvez m’humilier à votre guise. C’est donc la dernière fois que vous vous permettez ce genre de familiarité.

Une étincelle de vulnérabilité passe dans ses yeux, mais trop vite pour que j’en comprenne la signification. Quel connard ! À ce moment, Pete arrive tel le messie pour me délivrer de l’influence de ce personnage néfaste :

— Stones, Jake te cherche partout, tu viens danser avec nous ?

— Je fais un tour aux toilettes et j’arrive !

— Ok, je t’attends, J m’a dit de ne pas revenir sans toi !

À ma sortie, Jaxson et Pete sont en pleine dispute, et l’ambiance est pesante. Pete m’emmène sans ménagement vers la piste de danse, elle aussi dans le pur style d’une salle de concert. Son visage est encore en proie à la colère. Je ne voudrais pas me montrer insensible, je lui demande donc :

— Un problème ?

— Juste mon connard de frère !

— Ton frère ? Ah, tu trouves aussi !

— Pourquoi ? Vous vous connaissez ?

— Pas vraiment, mais ce que je sais me suffit !

— Reste loin de lui, il te détruirait !

— C’est noté !

— Tu le connais depuis longtemps, Jake ?

— Une éternité, c’est comme un frère !

— Tu sais s’il a quelqu’un ?

— Demande-lui !

— Tu n’as aucune pitié pour un homme sous le charme !

— Tu as pourtant l’air plein de ressources, dis-je avec un clin d’œil faussement compatissant.

— Tu es impitoyable, je sens qu’on va bien s’entendre. Mais ce soir, c’est la fête !

Je lui réponds d’un sourire. Pete nous propose d’aller commander des boissons. En dansant, Jake m’interroge sur lui, et je lui dis que je le trouve sympa et canon, apparemment comme tout le monde ici. Il me dit qu’il lui a envoyé des fleurs et qu’il passe tous les jours à son atelier sous des prétextes bidons. Je sais que mon ami souffre de la phobie très fréquente que représente l’engagement, puisque c’est un homme. En tout cas, c’est ce que l’état civil dit ! Mais Pete a l’air déjà tellement mordu. C’est peut-être le début de quelque chose !

Je me déhanche sur le rythme de Are you gonna be my girl de Jet. Je me sens bien et j’oublie mes problèmes, mes rondeurs, le stress causé par la tempête turquoise, et même mon premier jour de travail ce prochain lundi. Le reste de la soirée se déroule dans la bonne humeur sur la piste, à danser et rire avec Jake et Pete.

Vers cinq heures du matin, nous décidons de rentrer. Pete est très prévenant et propose que quelqu’un nous raccompagne. C’est plus raisonnable, surtout si on en croit nos éclats de rire qui attestent de notre taux d’alcoolémie. Pour terminer la soirée en beauté, je croise une fois de plus le regard furibond de monsieur Jaxson Smith. Pourquoi est-il si sombre ? Laisse tomber, Stones, mieux vaut ne pas chercher à comprendre !

Chapitre 5 « Born to raise hell », Motorhead

Jaxson

Soirée d’inauguration du Wonderwall

Je fume une clope pour me détendre. Elle et un mec habillé genre fashion victim sortent de mon hôtel. Je suis furax, mais putain de furax ! Mes poings sont serrés, et j’ai peur de déconner ou de replonger comme à chaque fois que je suis dans un tel état. Il faut que je me détende. Cet hôtel est ma dernière chance ! Comme l’a dit mon frère, je n’en aurai pas d’autres, la famille a supporté ça trop de fois ! On est associés dans ce projet, je ne veux pas encore tout faire foirer. Je ne supporterais pas de décevoir tout le monde une fois de plus ! Investir mon énergie créative dans le Wonderwall m’a sauvé.

Ah oui ! Je parlais de « Curvy Stones », comme je la surnomme. J’avais croisé cette créature étrange aux yeux qui vous sondent plus tôt dans la journée. Enfin « croisé », c’est beaucoup dire ; elle m’a percuté, et j’ai failli tomber à la renverse. Malheureusement pour elle, je suis un mur inébranlable, et elle ne risque pas de me faire tomber avec sa force de mouche. Ce matin, j’étais en retard pour le cours de « composition » que je donne à des premières années dans la nouvelle filière musique de l’Université libre de Bruxelles, exigence de père pour me maintenir à flot. Cette tornade m’a coupé la route en courant comme si sa vie en dépendait.

Du coup, en bon connard que je suis, je l’ai humiliée en visant son complexe le plus évident : son poids. Elle m’a troublé, voilà pourquoi je me retrouve à la fixer avec toute l’énergie négative que j’ai accumulée. Et croyez-moi, ça fait un paquet d’énergie négative !

Moi, Jaxson Smith, trente ans, leader – ou ex-leader – des Black Suits, je ne m’affiche pas avec ce genre de nanas. Je sors avec des bombasses, actrices ou défilant sur le catwalk, pas avec une gamine lambda, et ronde qui plus est ! Mon groupe de rock est actuellement en stand-by, le temps de composer et d’écrire notre nouvel album. Je devrais être en train de plancher sur mes compos, mais non ! Je me laisse embrouiller l’esprit par la vision de cette femme hystérique. J’ai bien dit hystérique ! Ce n’est pas la nana de ce matin qui avait du mal à contenir ses larmes que j’ai croisée ce soir. Avec ma veine, il fallait que cette pimbêche soit la nouvelle concierge dont mon frère n’a cessé de me faire l’éloge.