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Un petit délinquant est découvert mort, au bord de l’Ariège, dans une Jaguar Type E des années 70 –, « un cercueil de luxe pour un frimeur », songe le gendarme Neveu. Peu après, une seconde victime, gisant à côté d’une Moretti 850 Sportiva, semble confirmer sa théorie d’un simple règlement de comptes entre voyous. « Laissons-les s’entretuer et on en aura fini », pense-t-il. Mais les apparences s’effondrent rapidement : un mystérieux masque africain les défie du haut du mur, le flair redoutable de Lopi se met en action, et la téméraire Daphné se retrouve piégée au cœur d’un enchevêtrement de secrets. Meurtres, non-dits enfouis et dangers imminents – qui orchestre vraiment ce ballet macabre ?
À PROPOS DE L'AUTEUR
Didier Debord a découvert la littérature à près de quarante ans et ne l’a plus quittée. Traducteur, auteur puis éditeur, il consacre sa vie au livre. Inspiré par ses expériences dans des univers sombres, il s’est tourné vers le polar. "Daphné avait vu juste" est son troisième roman noir, confirmant que l’écriture est pour lui bien plus qu’une passion tardive mais une véritable vocation.
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Seitenzahl: 160
Veröffentlichungsjahr: 2024
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Didier Debord
Daphné avait vu juste
Roman
© Lys Bleu Éditions – Didier Debord
ISBN : 979-10-422-4862-8
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L. 122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivante du Code de la propriété intellectuelle.
Avertissement
L’action de mon polar se situe à Auterive et la description de la ville est plutôt réaliste, même si je me suis permis d’inventer quelques immeubles en zone pavillonnaire. Pour autant, les personnages de ce polar sont purement fictifs et en aucun cas inspirés de personnes réelles.
« Putain, mais c’est quoi, ce truc ? »
Le pêcheur, affolé, tournait alternativement la tête vers la rive, en amont, puis vers la rivière.
Dans la rivière, une truite qui l’épuisait sans s’épuiser, tirait comme une forcenée sur la ligne qui, miraculeusement, ne cassait pas. Dix minutes qu’il bataillait contre cette maudite bestiole, qu’il montait à reculons l’Ariège dans l’espoir de l’attirer vers un endroit moins tumultueux. Une truite ? Plutôt un silure, une de ces cochonneries de poisson prédateur qui envahissait désormais les cours d’eau de la région, pouvait faire dans les un mètre cinquante pour plus de cinquante kilos et bouffait tout ce qui lui passait sous le nez.
En amont…
« Putain, mais c’est quoi, ce truc ? »
… sur la rive, une bagnole, mais pas une bagnole normale, pas une qu’on voit tous les jours. Non, une super bagnole en super état qui devait avoir dans le demi-siècle et valait une fortune. Avait valu, parce que même en super état, une Jaguar Type E des années 1970 criblée de balles, ça ne valait certainement plus grand-chose. Sans compter l’homme à l’intérieur, affalé sur le volant, la tête tournée vers la vitre, les yeux fixes, le sang coagulé sur les sièges et le tableau de bord. Ça faisait inévitablement baisser la cote.
Étourdi autant par la scène que par ses rotations de tête intempestives, le pêcheur buta sur une pierre, bascula en arrière et finit le cul dans la vase, les cuissardes remplies d’eau. C’est alors seulement qu’il réalisa la gravité de la situation. Pas l’urgence. Le conducteur était mort et bien mort, il pouvait attendre. Quant à la truite silure, elle en avait profité pour filer à l’anglaise, en emportant l’asticot, l’hameçon, la ligne et la canne à pêche, moulinet compris.
Assis dans l’eau, hébété, il plongea la main dans la poche étanche de sa veste, en extirpa son téléphone, l’alluma. Du réseau ! Pas toujours le cas dans ce coin de campagne, même si des antennes-relais hérissaient les crêtes arrondies du Lauragais au Gers, en passant par la vaste vallée de l’Ariège et sa voisine, plus étroite, de la Lèze. Il se releva, s’approcha de la voiture pour s’assurer que ce qu’il voyait était bien réel. La radio était encore allumée. De sa voix chaude et puissante, Jean Ferrat affirmait « Que c’est beau la vie ! » Un peu déplacé dans le contexte.
On s’était acharné sur la voiture et son conducteur. Le pare-brise avait volé en éclats, la portière arborait une demi-douzaine d’impacts et la tête de l’homme au volant, au minimum un. Quelque part dans sa tignasse brune et bouclée, poisseuse de sang séché.
Le pêcheur remercia son smartphone pour le numéro préenregistré de la gendarmerie.
Le maréchal des logis-chef Neveu descendit de voiture en jurant de sa voix profonde reconnaissable entre mille.
Plus accessible et moins boueux, surtout. Les gendarmes avaient d’abord galéré pour trouver l’entrée du chemin. La voiture avait ensuite patiné sur les quelques dizaines de mètres qui menaient à cette petite clairière en bordure de rivière. Ils avaient failli s’emplafonner dans quelques bouleaux, chavirer dans des fossés aussi profonds que broussailleux, rester plantés dans des ornières abyssales. Pour finir, ils s’étaient garés tout contre la voiture suspecte pour s’éviter une périlleuse traversée dans la boue.
Un dimanche, en plus !
Et ce maudit pêcheur, un de ces acharnés qui se lèvent avec le soleil, l’avait sorti du lit pile quand il rêvait d’un petit-déjeuner en famille bien au chaud, avec croissants, chocolatines et café fumant. Suite logique d’un gros câlin dominical avec son oreiller, puisque madame, justement, était partie chercher les viennoiseries. Après, ils auraient laissé leurs trois mômes aux voisins « Ils sont siiiiiii contents de jouer avec les vôtres », auraient pris la route des Pyrénées, pas la D 820, trop de monde, plutôt les chemins de traverse : Marliac, Montégut-Plantaurel, Baulou… des noms de villages synonymes de quiétude, calme, repos, sieste au bord d’un ruisseau, câlin… Il soupira.
Mouais, ça valait quand même le déplacement ! Ce n’était pas tous les jours qu’on assassinait quelqu’un à quelques kilomètres à peine de leur petite ville d’Auterive. Il se dirigea vers la voiture en levant bien haut les pieds pour les extraire de la boue.
Le pêcheur regarda autour de lui. Mis à part le maréchal des logis-chef et les deux gendarmes qui l’accompagnaient, le coin était plutôt désert. Et le macchabée, bien sûr.
Le maréchal des logis-chef fit le tour de la voiture en l’inspectant sous toutes les coutures. Coffre : fermé. Il l’ouvrit, rien à signaler. Un coup d’œil à l’arrière : banquette vide. Siège passager : cigarettes, briquet, portefeuille. Pour plus tard. Calandre : en partie arrachée, phares brisés. Pare-brise : totalement inopérant. Siège conducteur : impacts de balles, macchabée.
Pas besoin de regarder dans le portefeuille. Simon Feuillet. Il traficotait avec des bagnoles et motos volées, si possible de collection. Ça collait très bien avec la Jag’ Type E des années 70. Un peu de stups, trafic de clopes et d’alcool avec Andorre, bagarres à l’arme blanche ou à poings nus, tendance à coller les filles qui lui avait valu quelques mains courantes bien placées. La caricature du petit caïd de province qui ne savait pas comment occuper ses nuits et ses dimanches…
Le maréchal des logis-chef secoua la tête. Pas de risque que ses deux sous-fifres brouillent les pistes. Comme transformés en statue, ils fixaient le mort avec des yeux de merlan frit, à croire que toute intelligence les avait quittés.
« Ça doit être leur premier macchabée à ces pauvres petits poulets. Le métier qui rentre… »
Il toussota. Aucune réaction. Toussa. Se moucha en trompetant. Tout de même… l’un des gendarmes sursauta, réveillant l’autre de son hypnose.
Il soupira. Il était bien entouré avec des zèbres pareils, incapables de dire s’ils étaient blancs à rayures noires ou noirs à rayures blanches.
Futé, le gamin ! Il l’avait pris en flagrant délit d’amateurisme. Il n’en était pourtant pas, et de loin, à sa première scène de crime, ledit chef.
Le gendarme hocha la tête, se mit à la radio et transmit les ordres de son chef.
Constellés de boue dans leurs combinaisons blanches qui les couvraient de la tête aux pieds, les bottes qui flottaient sur les mollets, agrippés à leurs valises comme à des bouées de sauvetage, les spécialistes de la traque de traces tiraient une tête de circonstance. Plus de circonstance que le rire complètement déplacé du maréchal des logis-chef en les voyant arriver.
Les deux hommes de la scientifique se regardèrent sans comprendre. Jamais ils n’avaient vu le maréchal des logis-chef Neveu rire ainsi. Par un dimanche, frais et pluvieux, les deux pieds dans la merde. Du jamais vu…
Il se tourna vers le pêcheur.
Le maréchal des logis-chef Neveu remonta dans sa voiture, côté passager, cette fois. Certes, il appréciait la vue imprenable sur les Pyrénées et les vestiges de neige sur les plus hauts sommets, le tout encadré par de magnifiques peupliers, frênes et autres saules pleureurs sur le fond bleu parsemé de nuages du ciel matinal, mais…
… demi-tour impossible, marche arrière improbable, l’occasion idéale pour un simple gendarme de montrer tout son savoir-faire. Ou pas. D’endosser les responsabilités d’un probable enlisement.
Ça avait du bon, d’être gradé.
Le maréchal des logis-chef Neveu attendit que tout le monde soit assis. Les lundis matin étaient toujours un peu laborieux. Qui plus est après un dimanche aussi mouvementé. Il compta les têtes : Mathéo et Hugo, les deux de la scientifique, Kilian et Adrien, les deux gendarmes qui l’avaient accompagné sur place (il salua en pensée l’exploit du fameux Kilian qui les avait sortis du bourbier, avec tout de même un détour dans un fossé et un détournement de tracteur), Alexandre, le coordinateur de l’enquête qu’il avait lui-même nommé, et Michael, surnommé Lucky Luke pour ses capacités à taper à l’ordi plus vite que son ombre. Pratique pour les rapports. Et lui-même. Pardon, Soi-Même, le big boss, THE chef.
Il s’éclaircit la voix, but à petits traits une gorgée de café, ajusta son col de chemise et chaussa ses lunettes, autant de gestes qui signifiaient « Silence dans les rangs, JE va parler. »
Satisfait, il posa les coudes sur la table, le menton calé entre ses poings.
Fou rire général. Ou presque.
Il se tut, visiblement perplexe. La suggestion redoutée fusa, de la scientifique, bien sûr, dans un silence absolu.
Le maréchal des logis-chef Neveu passa le doigt entre son col de chemise et son cou, l’air un tantinet gêné. Il botta en touche.
De l’avis général, façon on ne peut plus cavalière de liquider un point sensible. Mais le chef étant le chef…
Alexandre ajusta ses lunettes d’un index précis, tapota sur ses notes pour indiquer ses sources et lut d’une voix monocorde :
La vanne tomba à plat.
La feuille passa de main en main jusqu’à Michael qui remercia d’un hochement de tête. Le maréchal des logis-chef Neveu lissa des moustaches imaginaires, se redressa sur sa chaise et toussota.
Un léger brouhaha s’éleva autour de la table. Il laissa ses hommes discuter entre eux, car, comme le dit le dicton : c’est de la concertation qu’émerge la solution. En l’occurrence et à l’unanimité, le mobile semblait clair. Alexandre exprima l’opinion générale.